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Les forêt et le progrès économique en Asie

Au moment où s'ouvrait à Singapour en décembre 1952 la seconde session de la Commission forestière de la FAO pour l'Asie et le Pacifique, une cargaison d'environ 60 tons (54,42 tonnes) composée de différents feuillus non commerciaux de Birmanie, qui, grâce à la FAO, avaient été soumis à des essais et traités en Europe par les méthodes les plus modernes, était sur le chemin du retour vers la Birmanie. C'est l'un des moyens pratiques par lesquels la FAO espère aider les pays d'Orient à résoudre leur formidable problème du logement.

L'Asie du Sud-Est, dont la population dépasse 600 millions, souffre d'une pénurie de logement bien plus grave qu'aucune autre partie du monde. Les conditions climatiques de cette région, très distinctes suivant les saisons, allant des fortes pluies au soleil accablant, exigent des abris particulièrement efficaces pour le bien-être physique et moral de la population.

L'envergure du problème, le manque d'expérience, et des conditions politiques et économiques difficiles, ne permettent pas encore une solution généralement applicable. Toutefois, plusieurs des pays de cette région essaient actuellement d'établir leur avenir sur des bases économiques et sociales nouvelles et progressives. La solution des problèmes de logement, spécialement dans les districts urbains et ruraux surpeuplés, est l'une des principales conditions préalables au progrès social ainsi qu'à la stabilité des conditions politiques.

Des matériaux de construction meilleurs et moins chers doivent être produits en quantités importantes à partir des ressources locales. Les bois durables deviennent de plus en plus chers et rares dans l'ensemble de cette région, tandis qu'on peut se procurer en abondance des feuillus non commerciaux et pour la plupart peu durables. Convertir ces essences en matériaux de construction de prix raisonnable et de haute qualification pour les murs, les planchers, les toitures, les portes, les fenêtres, les constructions industrielles et même pour le mobilier courant, est un problème fondamental de l'utilisation des forêts et de l'aménagement forestier. Cela demande des méthodes modernes de séchage, d'imprégnation ou de transformation mécanique et chimique.

Le traitement expérimental des bois de Birmanie en Europe, facilité par la FAO a prouvé, dès le premier stade, qu'une source latente de richesse réside dans les feuillus non commerciaux méconnus des Tropiques, si des programmes prévoyants de mise en valeur nationale peuvent assurer à ces produits une demande à long terme. Dans le même ordre d'idées, des progrès peuvent être réalisés en remplaçant l'acier par le bambou pour armer le béton.

LE bois de chauffage est un autre produit grâce auquel les forêts peuvent apporter une contribution importante à l'économie de la région. Les statistiques établies ne font connaître qu'un pourcentage infime de la consommation actuelle qui est couverte pour une grande partie par des sources inconnues. Des enquêtes récentes de la FAO ont montré que la consommation actuelle de bois de chauffage et de charbon de bois dépasse les chiffres des statistiques de 7 à 20 fois et que, du point de vue quantitatif, le bois de chauffage est de loin le poste le plus important dans l'utilisation du bois pour la région. Le bois restera donc longtemps le principal combustible domestique de la région parce qu'il peut être tiré de sources locales.

Mais la répartition inégale des ressources forestières, l'accroissement de la population et le prélèvement subi par des ressources épuisables exigent un programme de production à long terme afin de pouvoir répondre aux besoins croissants. Le boisement à l'aide d'essences à croissance rapide des régions situées près des centres de consommation et l'accroissement du rendement à la consommation par la création et l'adoption d'appareils de cuisson perfectionnés fournissent deux réponses à ce problème.

Une enquête a été menée conjointement par l'ECAFE et la FAO pour étudier l'utilisation du bois comme combustible sur les locomotives dans le sud-est de l'Asie. Une étude semblable serait nécessaire en vue d'une utilisation plus efficace du bois dans les industries, tant pour la chaleur que pour l'énergie. Un vaste inventaire régional de tous les aspects du problème du bois de chauffage est envisagé, et devra couvrir également les points de vue de la production et de la consommation. Des centres de formation et de démonstration régionaux pourraient être organisés afin d'encourager l'utilisation plus efficace des combustibles nationaux pour les usages domestiques, l'industrie et les moyens de transport.

LA fourniture de matériaux de construction indispensables pour les moyens de transport est la troisième contribution essentielle des forêts à l'économie des pays d'Orient. Une campagne a été commencée en vue de réduire les exigences d'une qualification exagérément élevée pour les traverses de chemins de fer, de répandre l'application de traitements chimiques et de faire adopter des essences non durables mais traitées, à la place des essences durables.

La normalisation régionale des dimensions et autres spécifications sera le but ultime. D'importantes recherches doivent encore être accomplies avant que les expériences de la zone tempérée puissent être entièrement adaptées conditions plus sévères des tropiques. L'imprégnation doit résister au délavage des fortes pluies et aux attaques des termites et de nombreux autres insectes; pendant la saison sèche, le soleil brûlant fait éclater et fendre le bois, ce qui peut, toutefois, être évité par l'utilisation de frettages peu onéreux, méthode largement employée en Europe centrale ces dernières années.

L'utilisation du bois pour la construction des wagons de chemin de fer subit également des changements fondamentaux. L'imprégnation par de nouveaux types de produits à base de résine synthétique, relativement peu coûteux, assure une durabilité plus longue, une meilleure tenue dans des conditions climatiques sévères et améliore les propriétés mécaniques. Des panneaux de grande taille assurent une meilleure isolation et une meilleure apparence.

Plusieurs pays d'Orient possèdent des milliers de miles (1 mile = 1.609 m) de cours d'eau navigables et cherchent actuellement à moderniser et mécaniser leurs moyens de navigation intérieure. La production de nouveaux matériaux de construction navale pour remplacer en partie les essences traditionnelles coûteuses par des produits ligneux améliorés est à l'étude.

Des feuillus secondaires peuvent être utilisés à la place de l'acier pour la construction des ponts et pour les lignes téléphoniques et de transport d'énergie peu importantes, à condition d'appliquer un traitement chimique soigné et une technique de construction convenable.

LE papier est une autre contribution essentielle des forêts à l'économie de la région. Sur l'ensemble du globe, la consommation de la pâte et du papier s'accroît régulièrement depuis bien des décades. La production de pâte pour tous types de papier s'est accrue depuis la guerre de plus de 7 millions de tonnes. Mais l'accroissement de consommation s'est très inégalement réparti entre les différents pays. Actuellement, dans les pays de cette région, la consommation moyenne de papier a été de moins de 1 kilogramme par personne et par an.

Parmi les matières premières existant dans cette région, les immenses ressources en bambou se classent au premier rang. En ce qui concerne la longueur des fibres (environ 3 mm), le bambou remplace en Orient les conifères de la zone tempérée et permet la production de papier à écrire et de papier d'imprimerie de qualité supérieure. Les matières premières complémentaires utilisées pour la pâte chimique sont le sabai, la paille de riz et la bagasse. Toutefois, la production de pâte mécanique et de papier journal est toujours pratiquement nulle, quoique la plupart des pays aient grand besoin de ces produits. Il faut, dans toutes les régions, commencer à rechercher les quantités suffisantes d'essences feuillues tendres, convenant à la râperie. La FAO a commencé un inventaire mondial de la pâte et du papier, envoyant dans plusieurs pays des groupes d'experts afin d'examiner les possibilités techniques et économiques de création de nouveaux centres de production. On escompte que l'on pourra d'ici peu de temps juger la situation générale, et aussitôt après cette première phase, des programmes particuliers de mise en valeur pourront être étudiés pour les différentes régions.

L'historique de la contribution des forêts au progrès économique serait incomplète si l'on ne mentionnait pas la corrélation entre les forêts et l'alimentation. L'histoire de presque toutes les nations montre que dans les premiers âges, la nourriture provient presque entièrement des forêts par le pacage, la chasse, la pêche, la récolte du miel, des fruits, des champignons et d'autres produits multiples. Cette situation est encore vraie pour beaucoup d'autres pays d'Orient. Toutefois, les techniques modernes ont permis de mettre au point différents moyens de convertir le bois lui-même en divers types de fourrage et de matières alimentaires.

La levure de bois séchée contient un pourcentage élevée de protéine (45-50 pour cent) et c'est une excellente source de vitamines du groupe B. Une ration quotidienne de quelques grammes seulement pourrait fortement enrichir l'ensemble de l'alimentation, qui est surtout déficiente en protéines et vitamines. Elle pourrait spécialement être d'un grand secours pour la nourriture des enfants dans les régions où sévit la famine.

Toutefois, ses principaux inconvénients ont, jusqu'à présent, été son goût prononcé et son prix de revient. Si l'on arrive à fabriquer une levure sans goût et à réduire son prix de revient, on pourra produire la levure de bois et la mettre en réserve pour les cas d'urgence.

Un groupe d'études pour l'alcool énergétique, réuni à Lucknow (Inde) en coopération avec la FAO, a étudié, parmi d'autres projets, la saccharification du bois. Les résultats de cette réunion peuvent aider à mettre au point la technique qui pourrait, un jour, devenir d'un grand intérêt pratique pour l'approvisionnement en protéines et en vitamines des régions du globe en proie à la famine.


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