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La sylviculture forêts à dipterocarpus des basses-terres1 en Malaisie

Extraits d'une étude préparée pour la Commission des forêts et produits forestiers pour l'Asie et la région du Pacifique

par A.B. WALTON, R.C. BARNARD et J. WYATT-SMITH, Service forestier de Malaisie

1Mannual of General Silviculture for India, Champion et Griffith, 1948. Type de forêt à dipterocarpus à feuilles persistantes de la zone tropicale humide.

L'OBJET de l'aménagement des forêts de Malaisie dans les opérations de sylviculture décrites ci-dessous est la conversion des forêts vierges contenant des arbres de tous âges et de toutes tailles (dont les plus gros sont hors d'âge et dépérissants) et un mélange d'essences de bonne qualité et d'essences actuellement inutilisables, en une forêt équienne, contenant une proportion élevée d'essences indigènes donnant un bois de qualité supérieure. Bien qu'équienne, le nouveau peuplement ne sera pas formé d'arbres de dimensions égales par suite des différences naturelles dans la vitesse de croissance des différentes essences, genres etc., et deviendra une futaie, comportant un ou plusieurs étages, avec un étage dominé d'essences qui ne se développent pas au-delà du stade du perchis et un sous-étage naturel. Des coupes intermédiaires d'arbres de dimensions exploitables seront pratiquées dans le nouveau peuplement des essences les moins longévives lorsqu'elles auront atteint l'âge de leur révolution technique, en même temps que les éclaircies commerciales dans toutes les essences. L'âge de révolution doit être de 50 à 70 ans pour les feuillus à bois tendres à croissance rapide, et de 100 à120 ans pour les principaux feuillus à bois durs, âges auxquels les arbres auront atteint une circonférence de 6 à 8 feet (1,80 m à 2,40 m) au-dessus de l'empattement.

Régénération naturelle

Le système cultural actuellement pratiqué après environ 30 ans d'expérience et de recherches peut être défini comme coupes à blanc sur régénération de semis naturels. Ce titre concis fera naître une image erronée dans l'esprit des forestiers ne possédant pas l'expérience des rain forests tropicales et une courte description de l'apparence de la forêt après l'exploitation est indispensable pour en donner une idée exacte.

La coupe proprement dite consiste en une exploitation de tous le bois d'œuvre, bois de chauffage et perches que l'adjudicataire de la coupe voudra bien prendre, ou pourra être persuadé de prendre. Le degré d'achèvement de cette opération dépend de la proportion d'arbres du peuplement utilisables comme bois d'œuvre, de l'éloignement du marché ou de la scierie, et de la demande locale en bois de chauffage, bois de mine ou perches pour la construction. Après l'exploitation subsiste toujours un certain nombre de gros arbres hors d'âge et défectueux, ou d'arbres d'essences inutilisables pour le moment à cause de la dureté de leur bois, de son contenu en´ silice, ou de leur sève Vénéneuse, il subsiste également des arbres ou des perches d'essences précieuses ou non, dont la circonférence est au-dessous du minimum exploitable (actuellement 4½ fret ou 1,40 m, environ, circonférence variant, avec la demande locale de bois) qui ne peuvent être exploités à cause de la nature de leur essence, de leur forme ou des conditions du marché. Donc, lorsque l'exploitation a été effectuée conformément aux normes malaises actuelles, la moitié ou plus des arbres qui composaient le peuplement peut encore être sur pied, avec un sous-étage d'essences ligneuses et de palmiers, et une masse enchevêtrée de houppiers et de branches.

Les arbres et perches sur pied jusqu'à 2 inches (5 cm) de diamètre (excepté les arbres bien venants et sains), sont empoisonnés, soit progressivement au fur et à mesure de l'achèvement de l'exploitation, soit dans toute la parcelle immédiatement après, avant que les pistes de débardage aient été envahies par la végétation. Un certain nombre d'arbres empoisonnés meurent dans le délai ai d'un ou deux mois, et un pourcentage élevé dans l'année, tandis qu'un certain nombre survit, soit par suite d'un traitement défectueux, soit parce que l'essence résiste à l'annélation toxique.

Un an après, il y a une régénération très dense, composée d'innombrables essences, pour la plupart des formes de futaie, avec quelques espèces de forêt secondaire n'atteignant que 15 feet (4,60 m) de hauteur, inextricablement entremêlées de plantes grimpantes ligneuses ou herbacées; et, dominant le tout, les arbres morts intoxiqués, dont les branches commencent déjà à tomber, et quelques tiges d'essences précieuses, allant de la taille d'une perche à celle d'un arbre de futaie et se développant généralement avec vigueur sous l'influence de la pleine lumière. De telle sorte que les coupes à blanc malaises sont en réalité un mélange d'abattage et d'intoxication, et le sol n'est jamais propre au cours de l'opération, excepté dans les environs immédiats d'un tronc abattu et le long des pistes de débardage.

Ce système dérive d'un prudent système de coupes progressives avec plusieurs coupes d'ensemencement successives échelonnées de quelques années, en partie à la suite du progrès des méthodes d'exploitation, passant du sciage manuel d'arbres isolés (avec débardage à l'aide d'un seul buffle) aux scieries (avec débardage à l'aide de camions, de voies ferrées étroites et de treuils), et en partie à la suite des recherches et, observations qui sont brièvement résumées dans les paragraphes suivants.

Les conditions de milieu qui règnent dans la forêt vierge sont idéales pour la germination des essences de futaie et un grand nombre de jeunes plants survivent pendant plusieurs années, bien que leur croissance soit négligeable tant que l'étage dominant n'a pas été ouvert. Les bonnes années de semences des essences les plus connues (Dipterocarpus pour la plus grande partie) sont rares, localisées et imprévisibles, mais le nombre important des essences maintenant utilisables pour le sciage a énormément accru le potentiel économique de réensemencement.

Le sous-bois, à l'exception de certains palmiers acaules, abondants en quelques points, est relativement clair sous la jungle vierge, mais, quelques mois après l'ouverture partielle ou complète du couvert, une végétation très dense d'espèces ligneuses et herbacées, et de plantes grimpantes se développe. En l'espace de trois à cinq ans, ce recru est si dense qu'il y a peu de chance qu'une graine retardataire, ayant germé, puisse survivre et il s'ensuit que les jeunes plants apparaissant dans le nouveau peuplement ne pourraient se développer sans une assistance fréquente.

Les parcelles d'expérience ont prouvé que les meranti (Shorea spp. à bois tendre) communs réagissent et se développent très vigoureusement lorsqu'ils sont exposés à la pleine lumière et d'autres essences d'intérêt économique réagissent de la même manière.

Observations

L'observation des surfaces où des coupes abusives ont été pratiquées sous l'occupation japonaise, des surfaces complètement défrichées pour la culture, mais qui n'ont jamais été brûlées ou plantées, ou des surfaces déboisées par les ouragans, où la régénération n'a jamais été aidée dans les débuts, ont montré que le stade des plantes grimpantes herbacées denses est éphémère et qu'un bon peuplement d'essences productrices de bois d'œuvre survit sans dommage, se développe rapidement et prend le dessus sans assistance, tandis que les essences économiques à croissance plus lente survivent également à l'état subordonné. Ces parcelles confirment également que cette régénération de jeunes semis devait déjà être présente sur le sol au moment où les abattages ou les ouragans se sont produits, car aucun porte-graines des essences prédominantes n'était resté à portée de dispersion des graines dans la plus grande partie de la zone régénérée.

De trois à cinq ans environ après l'ouverture complète du couvert, la régénération se développe, si elle est laissée à elle-même, en un jeune gaulis dense relativement dégagé de toute végétation en sous-étage. Pendant cette période, il est peu onéreux et facile d'améliorer la composition du peuplement et de réduire la concurrence excessive, en traitant par annélation toxique les tiges indésirables et en coupant les lianes survivantes.

Ainsi les conditions essentielles pour le succès de l'installation et le développement précoce de la régénération naturelle dans les forêts des basses-terres de Malaisie sont:

a) densité suffisante des semis d'essences de valeur économique;

b) enlèvement total de l'étage dominant en une seule opération;

c) pas de soins jusqu'à ce que la régénération ait passé le stade de la végétation dense de plantes grimpantes et que le peuplement soit relativement dégagé sous les cimes;

d) entretien d'un nouveau couvert suffisant pour prévenir le retour des lianes.

La première dans la suite des opérations de régénération consistera donc à s'assurer de la fréquence et de la répartition des semis d'essences précieuses de cette régénération naturelle par un échantillonnage au milliacre (4 m2) fournissant la valeur du pourcentage de la surface régénérée par semis, sa répartition et sa composition. En même temps, on effectue un comptage de 10 ou 20 pour cent des arbres de plus de 14 inches (36 cm) de diamètre à1,30 m du sol, afin d'évaluer le nombre de porte-graines et le volume du bois d'œuvre exploitable.

Pendant ces trois dernières années, l'échantillonnage au milliacre (4 m2) a été pratiqué sur environ 7.500 acres (3.000 ha) de parcelles, à la densité de ½ à 2 pour cent, et jusqu'à présent on a partout enregistré une régénération normale, à l'exception de quelques points dans le Kedah et le Perlis, où la forêt se rapproche du type tropical mi-persistant. Un peuplement comportant 40 pour cent d'essences admises comme précieuses bien réparties est jugé suffisant pour assurer la réussite d'une future régénération. Par essences admises comme précieuses, on entend les espèces et les genres qui peuvent être identifiés àl'état de semis et sont connus pour fournir par la suite un bois acceptable et de dimensions exploitables, et pour ne pas devenir habituellement creux lorsqu'ils atteignent ces dimensions. Les chiffres ainsi obtenus montrent sous l'aspect le plus pessimiste les perspectives de régénération, et seront toujours augmentés par le nombre des jeunes semis dont le développement futur est incertain La liste des essences admises contient, actuellement, le nom de quelque 125 espèces ou genres d'arbres répartis dans toute la Malaisie, tandis que plus du double sont utilisés comme bois d'œuvre, et que le nombre des espèces atteignant la taille exploitable dépasse 600.

Cet échantillonnage au milliacre fait également connaître la présence de toutes les essences précieuses ou localement recherchées, et auxquelles un traitement préférentiel peut être accordé dans le cadre de l'aménagement dans la région exploitée. Un tableau résumé des parcelles types qui ont été échantillonnées d'après cette méthode est donné ci-dessous:

TABLEAU 1. - RÉSUMÉ DES PARCELLES TYPES ÉCHANTILLONNÉES

Etat

Réserve et parcelle

Superficie en acres

Superficie en acres

Pourcentage échantillonné

Pourcentage de échantillon contenant des semis

N° d'essences relevées

Kedah

G. Jerai

8

275

111

½

48

19

Negri Sembilan

Sg. Menyala

10

409

166

½

65

23

Johore

G. Arong

81

223

90

1

77

14

Johore

Jemaluang

6

450

182

1

58

16

Dix-huit mois au plus avant qu'une parcelle vienne en tour d'après le règlement d'exploitation, un échantillonnage au milliacre est pratiqué, et si la densité et la répartition des semis sont satisfaisants, le permis d'exploitation est accordé dans les délais prévus. Les arbres à abattre sont marqués progressivement dans la parcelle et il est procédé à l'annelation toxique des arbres et des perches non exploités ainsi qu'il a été décrit ci-dessus, l'ensemble de l'opération tout entière étant achevé en deux ans, afin d'assurer au futur peuplement une régularité suffisante pour permettre de le traiter en bloc. Si l'exploitation s'échelonne sur plusieurs années, une partie de la parcelle pourrait être prête pour les opérations culturales, tandis que d'autres parties n'auraient même pas encore été exploitées. Les parcelles très étendues peuvent être subdivisées si nécessaire quand le rythme de l'exploitation est trop Lent.

Si la densité des semis est insuffisante, on étudie la fréquence et l'abondance des porte-graines révélée par le comptage des arbres commerciaux de taille exploitable. Si les porte-graines sont bien répartis, la parcelle devra, si possible, être gardée intacte, conformément au plan, jusqu'à la prochaine année de semences. Si les porte-graines sont peu nombreux, l'ajournement de l'exploitation n'amènera probablement aucune amélioration appréciable dans la densité ou la répartition des semis, et on effectue la suite habituelle des opérations de régénération; si la régénération est insuffisante, on peut la compléter par régénération artificielle.

Echantillonnage et traitement

Trois à cinq ans après l'exploitation, le recru dense a atteint la taille du gaulis, franchi le stade de la végétation grimpante herbacée dense et est relativement net de sous-étage. Si les dégagements, c'est-à-dire l'enlèvement des lianes et des gaules d'essences inutiles, et l'éclaircie des tiges précieuses sont pratiqués avant ce stade, ainsi qu'on le faisait dans le passé, la croissance des lianes est favorisée, les tiges éclaircies sont rapidement étouffées, et, sans de nombreuses tiges voisines pour les soutenir, se rompent ou se courbent fréquemment sous le poids des lianes. Dans ces conditions, les dégagements doivent donc être répétés plusieurs fois à courts intervalles avant que les tiges réservées forment une voûte suffisamment dense pour étouffer la croissance des plantes grimpantes et puissent croître en un peuplement satisfaisant.

La densité de la régénération qui se produit après l'exploitation, rend difficile la réunion de données sûres sur la régénération et l'assistance qu'elle requiert. Il est évident que ces renseignements devraient être obtenus avant qu'un traitement ne soit commencé, et, dans ce but, un échantillonnage linéaire de régénération a été mis au point et a été décrit en détail dans The Malayan Forester, Vol. XIII, p. 129. En résumé, il consiste à enregistrer l'espèce, la taille, la classe dominante des essences commerciales présentant le plus d'avenir dans la surface de chaque placeau échantillon, et l'importance des lianes et des arbres ou palmiers dominants et sans valeur. L'analyse des chiffres ainsi obtenus (généralement un échantillon à 5 ou 10 pour cent) fournit des données sûres sur la densité de peuplement, la répartition, la composition, la croissance et la situation de la concurrence des essences commerciales dans le nouveau peuplement, et donne une base pour les règles culturales et l'aménagement futur. Une fois encore, les essences «approuvées» sont enregistrées comme dans l'échantillonnage des semis au milliacre et les classes de dimensions prises en considération ne comportent que les tiges qui atteindront vraisemblablement le niveau général de l'étage dominant; il est difficile et coûteux de secourir les tiges dominées et la régénération préexistante qui a survécu à l'exploitation domine déjà le recru et n'a besoin d'aucune assistance immédiate.

Entre trois et cinq ans après la coupe, un échantillonnage de régénération au 1/160 acre (1/400 ha) est effectué sur les sujets de cinq fret (1,52 m) de hauteur et quatre inches (12,1 cm) de diamètre, et le premier traitement, s'il est nécessaire, est prescrit et appliqué. Dix ans environ après la coupe, un échantillonnage de régénération sur 1/140 acre (1/100 ha) est effectué en enregistrant les tiges de 2 inches (5 cm) de diamètre et plus, et l'on décide si un nouveau traitement est nécessaire, ou si la parcelle est considérée comme régénérée.

Ces traitements comportent généralement quelques-unes ou la totalité, des opérations suivantes:

a) destruction de toutes les lianes et rotan;

b) destruction de tout le sous-étage de palmiers acaules;

c) annélation toxique de tous les arbres sans valeur survivants du peuplement précédent;

d) annélation toxique de tous les mort-bois, espèces envahissantes à croissance très rapide, persistantes, à bois non utilisable, et des palmiers à stipe du nouveau peuplement;

e) annélation toxique de tous les fûts de mauvaise forme, endommagés ou malades;

f) éclaircies par annélation toxique afin de favoriser la croissance des essences précieuses lorsqu'elles sont gênées par la concurrence d'arbres de bonne forme.

Il ne faudrait jamais procéder à un recépage total du sous-étage ni à l'élimination de toutes les essences non commerciales; le but est la supression d'une concurrence gênante, tout en maintenant un couvert aussi complet que possible. Aux premiers stades de leur croissance, des essences précieuses peuvent rivaliser de hauteur avec des essences à croissance rapide et de moins bonne forme et peuvent atteindre 25 feet (7,60 m) de hauteur alors qu'elles n'ont encore que ½ à 3/4 d'inch (1,30 à 1,90 cm) de diamètre. La destruction de toute végétation environnante dans ces circonstances serait désastreuse.

Lorsque le nouveau peuplement est âgé de dix ans, il ne demandera vraisemblablement plus de soins culturaux. Des éclarcies marquées pour la vente de perches, l'exploitation (lorsqu'ils sont suffisamment gros pour donner du bois) des arbres qui n'étaient pas encore exploitables au moment de la dernière coupe et l'exploitation des essences ayant atteint leur âge d'exploitabilité technique, auront lieu 20 ou 40 ans après la première coupe.

Pour conclure, le tableau suivant résume la suite des opérations:

TABLEAU 2. - SÉRIE DES OPÉRATIONS (n = année du début de l'exploitation)

ANNÉE

OPERATIONS

n - 1 ½ à n

échantillonnage au milliacre des semis préexistants et comptage des arbres sur pied de dimension exploitable

n à (n + 1)

exploitation complète de toute la parcelle en deux ans ou moins, et annélation toxique de toutes les tiges et essences non utilisables jus qu'à 2 inches (5 cm) de diamètre

(n + 3) à (n + 5)

échantillonnage linéaire de 30 ¼ square yards (25 m2) de la régénération non suivi de traitement, ou suivi de une ou plus des opérations telles que destruction des lianes, éclaircies, etc. décrites ci-dessus, ou plantations en regarnis

(n + 10)

échantillonnage linéaire de 121 square yards (101 m2) de régénération non suivi de traitement, suivi de l'un des traitements décrits ci-dessus, de plantations en regarni, ou classement comme parcelle régénérée

(n + 20) à (n +40)

échantillonnage ou comptage suivis, si nécessaire, par une éclaircie commerciale de perches ou d'arbres de dimension exploitable

Régénération artificielle

Etant donné la facilité avec laquelle la régénération naturelle de la plupart des arbres présentant une valeur commerciale peut être réalisée et l'immense étendue de forêt vierge attendant encore sa conversion, la régénération artificielle ne jouera vraisemblablement qu'un rôle secondaire dans la sylviculture malaise. Néanmoins, on ne peut laisser passer sans les mentionner les avantages de la régénération artificielle comme moyen d'améliorer la composition des forêts déficientes en essences commerciales, de remettre en valeur des terres abandonnées, dégradées ou parcourues par des exploitations minières, d'assurer des ressources en bois de chauffage et poteaux dans les régions où l'absence d'un aménagement convenable des terres a entraîné la disparition des forêts sur une vaste étendue, et d'obtenir une production meilleure et plus importante par l'introduction d'essences exotiques.

Aux premiers temps de la foresterie malaise, avant qu'on ne se fût rendu compte des possibilités de la régénération naturelle, des plantations en lignes de feuillus de première nécessité, principalement le chengal (Balanocarpas heimii), furent effectuées en forêt sur une superficie considérable, mais faute d'avoir compris la nécessité d'ouvrir le couvert, ces plants furent dominés ou dépérirent, et la régénération artificielle tomba en discrédit. Il existe également des difficultés particulières à la Malaisie, qui s'opposent à la création de plantations, et qui sont bien moins fréquentes dans les climats tempérés ou à saisons marquées.

Les difficultés qui s'opposent à la création de plantations et spécialement à l'établissement d'un programme de plantations en Malaisie, sont nombreuses. Les années de fructification de toutes les essences, sauf quelques-unes, sont peu fréquentes et imprévisibles, la dispersion des graines peut se produire dans n'importe quel mois de l'année, et, excepté pour certaines Leguminosae, les graines de peu d'essences conservent leur viabilité si elles sont conservées pendant plus d'une semaine. En conséquence, les programmes à long terme sont nécessairement limités à quelques essences qui fructifient chaque année et produisent des graines qui peuvent être conservées pendant plusieurs années ou aux essences dont les semis naturels peuvent généralement être trouvés en quantité. En ce qui concerne d'autres essences, deux ou trois mois entre la floraison et la chute des fruits, suivis de quatre à huit mois dans les pépinières avant d'être replantés, sont les seuls délais pendant lesquels des plans peuvent être établis et le travail organisé, et une floraison générale n'est pas toujours nécessairement suivie d'une abondante récolte de graines viables. De plus, il n'y a pas de croissance saisonnière, ni de saison de repos; la croissance des semis en pépinière est rapide et ils peuvent atteindre la taille la plus favorable pour le repiquage (au point de vue des chances de survie et de manipulation) à n'importe quel moment de l'année.

Contrôle du développement

On peut arriver à influer sur le développement par repiquage et torsion, mais cela augmente le prix de revient des plants. Il peut également arriver que si les plants, grâce à des justes prévisions ou à un heureux hasard, atteignent la taille la plus propice à une époque de l'année pendant laquelle on peut généralement espérer un temps humide, il est toujours possible que les pluies ne se produisent pas, ou qu'une période de sécheresse survienne après une courte période de pluie, et soit fatale pour les sujets nouvellement replantés. On n'a pas encore non plus découvert de méthode pour prévoir l'évolution du temps, ni même ce qui pourra survenir dans les 24 heures suivantes. Sur la côte est et dans l'extrême nord de la Fédération malaise, les saisons humides sont moins incertaines.

Le semis direct a été essayé plusieurs fois, mais il n'a que rarement réussi, même passablement. Les semis naturels semblent très intéressants, et économisent le coûteux travail des pépinières. Quelques progrès ont été réalisés en ce qui touche la reproduction végétative, mais peu d'essences ligneuses semblent se reproduire facilement par boutures.

Dans la création des plantations, les conditions atmosphériques sont le principal facteur déterminant le succès ou l'échec, et sous le climat changeant de la Malaisie, l'abondance des précipitations pendant la période critique est une question de chance; n'entreprendre les plantations que lorsque le sol est détrempé, pendant la première moitié de la période moyenne la plus humide pour la station, est la seule précaution que puisse prendre le forestier pour réduire les chances d'insuccès causées par la sécheresse.

D'autres détails de la technique de plantation qui se sont montré favorables à la reprise des plants sont un arrosage très abondant des planches avant l'arrachage des plants et le soin particulier apporté à éviter la dessication de leurs racines. On a constaté que les plants tolèrent bien moins l'exposition de leurs racines à l'air que les essences des régions tempérées, aussi sont-ils mis en bottes et leurs racines enveloppées dans des sacs humides (ou empaquetées dans de la mousse humide lorsqu'il s'agit de longs trajets) immédiatement après l'arrachage, et retirés un à un au moment de la plantation. La plantation des jeunes plants en tubes de bambou a été fréquemment pratiquée dans le passé et le taux des reprises au cours des essais a été de 50 pour cent supérieur à celui des plants de pépinière à racines nues. Des essais ont également été pratiqués à l'aide de petits pots de terre (qui peuvent être récupérés pour un usage ultérieur), de tubes en feuille de placage et de mottes de terre. De tels plants sont plus coûteux à élever et à transporter sur les lieux de la plantation, mais le prix de revient n'est peut-être pas supérieur par plant repris ou par hectare de peuplement de densité minimum définitivement installé. Il reste cependant encore à étudier le prix de revient d'une plantation serrée de semis naturels et de semis, ou d'une plantation plus espacée de plants en tubes ou en pots, pour obtenir en fin de compte une même densité de peuplement.

Variation des distances

Les distances à observer dans la plantation varient avec le type de la station et le but de la plantation. S'il existe une demande locale appréciable de poteaux, une plantation serrée de 6 × 6 feet (1,80 m × 1,80 m) ou de 8 × 8 feet (2,40 m × 2,40 m) devrait permettre de couvrir les frais de la plantation par le produit de la vente des perches dans les 15 ou 20 premières années, mais ceci exige un grand nombre de plants qu'on ne peut pas toujours obtenir à cause de l'incertitude des approvisionnements en graines. Si l'on repique des plants de deux ans pour la production de bois, un espacement plus large (40 à 80 par acre, 100 à 200 par ha) devrait théoriquement suffire, car il ne manque pas d'essences de «remplissage» naturelles. Toutefois, ces dernières dépassent rapidement les plants repiqués, et risquent de les étouffer plutôt que de les protéger; s'ils sont très espacés, ces plants deviennent difficiles à repérer et l'on perd beaucoup de teints à les dégager.

Une disposition de plants espacés de 8 à 12 feet (2,40 m à 3,70 m) en rangées espacées de 33 à 66 feet (10 à 20 m) l'une de l'autre s'est révélée moins coûteuse et plus facile à réaliser, puis à soigner, mais la destruction par produits toxiques des tiges du peuplement secondaire à croissance rapide doit être régulièrement pratiquée jusqu'à une certaine distance des lignes de plantation, sinon un étage dominant se forme, et la ligne devient un tunnel. Une autre des méthodes essayées est la plantation par groupes largement espacés; 5 à 9 semis sont plantés à une distance de 4 à 6 feet (1,20 m a 1,80 m), en groupes espacés de 11 à 22 yards (10 à 20 m), donnant respectivement 40 ou 10 groupes par acre (100 ou 24 par ha). Le groupe assure une réserve en cas d'accident, et les plants réunis s'assurent une mutuelle protection et une concurrence non excessive.

Dans l'établissement de toute plantation, des soins culturaux fréquents sont essentiels pendant les cinq premières années environ, sinon les plants sont dominés par l'herbe, les lianes ou les espèces ligneuses, et, comparé à celui de la régénération naturelle, le prix de revient est très élevé.

La brève description qui suit indique quelques types de station dans lesquelles on devra avoir recours à la régénération artificielle, ou dans lesquelles elle a déjà été pratiquée.

Les terrains d'exploitations minières à ciel ouvert sont laissés très bouleversés et criblés de vastes coulées de sable ou de queues de graviers, où la végétation est extrêmement lente à se rétablir. Jusqu'à présent, on a fait peu de tentatives pour reboiser ces stations, mais il est probable que la première mesure sera l'établissement d'un couvert végétal de plantes rampantes ou d'herbe afin defournir un peu de matière organique, d'arrêter l'érosion et d'améliorer le micro-climat avant que des essences colonisatrices puissent y être introduites avec succès.

Toutefois, Casaurina equisetifolia semble intéressant dès le début. Les dépôts de draguage sont assez plats et peuvent être amendés avec des boues pour leur procurer les éléments nutritifs et améliorer la capacité de rétention du sol, et pourraient être drainés et irrigués sans grandes difficultés. Ils sont généralement colonisés par des graminées dans un délai assez court, et le pacage fait suite. Il est probable que quelques-unes des essences secondaires les moins exigeantes pourraient y être installées avec succès.

Des terrains qui ont été cultivés pendant plusieurs années successives deviennent presqu'invariablement une steppe à lalang (Imperata cylindrica) régulièrement incendiée (intentionnellement, accidentellement ou spontanément pendant les périodes de sécheresse) et les espèces ligneuses qui la colonisent sont détruites, tandis que l'Imperata reprend vigoureusement et s'étend dans toutes les forêts ou broussailles environnantes, atteintes ou affaiblies par l'incendie. Le reboisement de ces zones est en grande partie fonction des mesures de protection contre les incendies, qui sont à la fois difficiles et coûteuses, car plusieurs hersages ou labourages sont nécessaires pour détruire les rhizomes en terre. Des pulvérisations d'arséniate de sodium détruisent le lalang, mais doivent être répétées indéfiniment à intervalles réguliers. Le lalang peut être converti en pâturages, (dont l'herbe ne peut être incendiée) en un an ou deux, par fauchage mécanique et léger hersage, avec pacage intensif, le bétail broutant les jeunes pousses de lalang, et d'autres graminées s'installant rapidement sur les bouses. Toutefois, le fauchage mécanique n'est économiquement possible que sur des sols relativement plans, et qui ont été si longtemps couverts de lalang que les souches d'arbres ont pourri. Si la protection contre les incendies peut être assurée, les essences ligneuses se développeront au milieu du lalang, et plusieurs espèces colonisatrices résistantes, telles que le leban (Vitex pubescens) et le tembesu padang (Fragraea fragrans) peuvent être aisément élevées et plantées avec succès. Elles détruiront les graminées en sept ans environ, après quoi des essences plus précieuses pourront être plantées en sous-étage.

Des forêts qui ont été défrichées pour une ou deux récoltes au plus et ont ensuite été abandonnées, retournent à une végétation secondaire, qui comme une régénération qui suit une coupe à blanc, dont elle diffère parce qu'elle comporte peu d'essences d'une valeur commerciale, se débarasse rapidement de la végétation en sous-étage au bout de 3 à 5 ans, et peut être planté en sous-étage, par lignes ou par groupes, en même temps que l'étage dominant est ouvert, si cela est nécessaire, par empoisonnement. Les surfaces boisées où les essences commerciales sont rares, et les recrûs où la régénération naturelle n'a pas réussi, peuvent être enrichis par des plantations de ce type.

L'établissement de plantations en liaison avec l'agriculture, tel que le système taungya pratiqué en Birmanie, n'a eu qu'un faible succès, en grande partie par suite du défaut de méthodes agricoles convenables. Les aborigènes ne récoltent qu'une fois par an le riz des collines, le tapioca, etc., et ne pratiquent ni la culture ni le désherbage; d'autres races cultivant le riz de collines peuvent désherber deux fois leur unique récolte, et les maraîchers ou les producteurs de tapioca chinois construisent des habitations semi-permanentes, et, ou bien, cultivent en permanence les sols riches, avec fumure intense au fumier de porc, ou bien poursuivent la culture jusqu'à ce que le sol soit tellement appauvri ou infesté de lalang que toute nouvelle récolte cesse d'être rentable.

Entre ces deux extrêmes aucun agriculteur ne suit de méthodes de défrichement et de culture progressifs, en vue de l'introduction, après la seconde ou troisième année de récolte, d'arbres qui seraient l'objet de soins culturaux pendant un an ou deux avant l'abandon de la terre. Les défrichements entrepris en vue d'une seule récolte sont plus profitables s'ils sont plantés en sous-étage quelques années plus tard, comme nous l'avons expliqué ci-dessus. Quelques plantations ont été faites sur des cultures maraîchères chinoises juste avant l'abandon des terres avec un succès discutable. Si ces plantations sont trop tardives, le jardinier ne procède plus à aucune façon culturale, l'invasion des graminées et du lalang est rapide, et si elle se produit trop tôt, la plupart des semis meurent par suite, a-t-on suggéré, du «mauvais œil» que leur a jeté le maraîcher. Excepté dans les cas où une surveillance étroite a été exercée, les offres de récompenses ou de paiements, basés sur le nombre de plants survivants, n'ont pu amener de coopération fructueuse.

Essences exotiques

Parmi les essences exotiques essayées jusqu'à présent, trois seulement semblent donner quelques promesses de succès. Albizzia falcata croît dans presque toutes les stations, à l'exception du sable pur, donne un bon pourcentage de survie s'il est planté en hautes tiges de

½ à 1 ½ inches (1,20 m à 3,80 m) de distance, il améliore le sol, et est une des essences à croissance la plus rapide du monde, atteignant une hauteur de 80 feet (24 m) et une circonférence de 4½ feet (1,40 m) en cinq ans. Son bois est tendre et peu résistant, d'après les normes locales, mais est utilisé pour la fabrication, des allumettes, et offre des possibilités pour la fabrication de la pâte à papier. L'acajou du Honduras (Swietenia macrophylla) a été planté dès 1876 et s'est également bien développé sur des stations favorables ou médiocres. Les plants en sont faciles à obtenir et la reprise des plantations est généralement satisfaisante. Eucalyptus deglupta est une autre essence exotique à croissance très rapide, qui produit un bois de bonne qualité, et qui a atteint 76 inches (1,90 m) de circonférence et 105 feet (32 m) de hauteur en dix ans. Les graines en sont extrêmement petites et les semis sont très exposés à la fonte à moins qu'ils ne soient transplantés des terrines dans des coffres lorsqu'ils ont deux feuilles. On peut se procurer régulièrement les graines de toutes ces essences.


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