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Les recherches forestières en Afrique Orientale

par A. L. GRIFFITH

Silviculteur, East African Agriculture and Forestry Organisation, Muguga (Kenya)

L'AFRIQUE orientale anglaise comprend les trois -territoires continentaux de l'Ouganda, du Kenya et de Tanganyika, et le groupe d'îles du Protectoral de Zanzibar, au large de la côte de l'océan Indien. Elle s'étend sur environ 2.500 kilomètres du nord au sud et 1.500 kilomètres de l'est à l'ouest; son altitude varie du niveau de la mer à 6.000 mètres (Mont Kilimanjaro). A l'intérieur, ses principales caractéristiques sont la vallée du Rift, avec sa série de lacs (dont le plus grand est le lac Victoria), qui mesure environ 320 kilomètres de l'est à l'ouest et 400 kilomètres du nord au sud.

Un tel pays possède naturellement une végétation très variée, depuis les palétuviers de la côte, jusqu'aux lobélias géants, à la bruyère et aux seneçons des régions alpines volcaniques, qui font ensuite place à des éboulis dénudés à mesure que l'on approche de la limite des neiges éternelles. A part ces changements de la végétation avec l'altitude, les forêts, à l'intérieur, s'étendent des déserts de la frontière septentrionale aux rain forests de l'Ouganda, avec ses Khaya spp., Entandrophragma spp., et Cynometra spp. Il faut également mentionner les vastes étendues de miombo (hybride multiforme de Brachystegia isoberlinia) qui couvrent une grande partie du Tanganyka et s'étendent vers le sud assez loin dans la Rhodésie du Nord.

Un trait saillant de la foresterie de l'Afrique orientale est la culture de plantations de résineux exotiques, tels que pins et cyprès, dans les hautes terres des trois territoires continentaux. L'Afrique orientale possède seulement deux résineux spontanés, Podocarpus spp. et le genévrier à crayons, Juniperus procera. Ces deux essences ont été très exploitées, et quoiqu'elles soient relativement faciles à élever en plantations, elles croissent lentement et mettent environ 150 ans pour atteindre des dimensions convenant au sciage (60 cm de diamètre). De là l'importance donnée à la culture des pins et des cyprès exotiques, qui donnent des produits semblables, et de mêmes dimensions en quelque 30 ou 40 ans.

D'après cette description de l'Afrique orientale et de sa végétation, il est évident que la réalisation de recherches forestières dans des conditions aussi variées exige une organisation d'une grande souplesse, qualité que présente la East African Agriculture and Forest Research Organisation (EAAFRO). Elle se trouve à Muguga, à 25 kilomètres environ de Nairobi, dans le Kenya. Cette organisation, qui est encore en voie de formation, comprend 35 maîtres de recherche et assistants scientifiques, ainsi qu'un personnel administratif et de bureau. Les recherches portent sur la chimie du sol, la spectographie, l'inventaire des sols, la physiologie végétale, la botanique systématique, l'amélioration des végétaux, l'entomologie, la cytologie, la mycologie, l'écologie forestière, les statistiques, l'horticulture, etc. Le principe fondamental est que le personnel ne doit pas travailler en compartiments étanches, mais doit former une équipe et pouvoir étudier n'importe quel sujet particulier, qu'il se rattache à l'agriculture, à la foresterie ou à l'élevage. Plusieurs programmes de mise en valeur et de progrès social dans la colonie s'appuient sur la EAAFRO.

Un organisme de recherche consacré principalement à l'agriculture avait été fondé par les Allemands à Amani, dans le Tanganyika, au début du siècle. Il fut repris en 1920 sous le nom de East African Agriculture Research Organisation et, en 1948, fut réorganisé et transféré à son siège actuel. On lui attribua en outre en 1950 les recherches forestières et, en 1952, les recherches zootechniques.

La raison pour, laquelle il n'existe qu'un seul centre de recherches pour l'ensemble des territoires est que la plupart des problèmes sont interterritoriaux, et qu'il n'est donc pas nécessaire que chaque territoire assume les frais d'un personnel de recherche particulier. Les programmes concernant les résineux dans les trois territoires continentaux, les palétuviers du Kenya, du Tanganyika et de Zanzibar, le mvule (Chlorophora excelsa) et la régénération des feuillus dans les trois territoires, sont des exemples de ces problèmes interterritoriaux.

Bien des problèmes sont encore à étudier, mais les plus urgents, actuellement à l'étude, sont les suivants:

a) documentation, rassemblement et diffusion des documents;
b) normalisation des méthodes de recherche;
c) résineux;
d) dénombrements;
e) régénération des feuillus;
f) exploitations à courte révolution;
g) tables de production pour les essences les plus importantes.

De plus, les problèmes des insectes et des champignons sont actuellement étudiés par un personnel qualifié, mais ils intéressent plus particulièrement les résineux.

Documentation

On se rendit rapidement compte qu'une importante documentation technique existait dans les territoires, mais sous une forme généralement dispersée et difficile à trouver. Un Bureau des forêts a été établi au sein de l'EAAFRO; il recueille et classe tous les documents qu'il peut rassembler. Il assure parallèlement la diffusion de la documentation; un certain nombre de publications, telles qu'une bibliographie forestière de l'Afrique orientale et un ouvrage sur la sylviculture des essences d'Afrique orientale, sont en préparation. Il existe un besoin urgent de ces publications car, étant donné l'évolution des événements pendant et après la guerre, la plupart des services forestiers sont constitués par de jeunes ingénieurs, et les livres techniques de foresterie tropicale sont peu nombreux. Il est donc très difficile à ces jeunes ingénieurs d'apprendre à connaître rapidement leurs arbres et leur sylviculture.

Normalisation des méthodes de recherche

Cette normalisation était indispensable du fait que la plupart des techniciens chargés des recherches dans ces territoires n'étaient pas formés à ce travail, et afin que les travaux réalisés dans un territoire fussent immédiatement intelligibles dans un autre territoire. Ce but a pu être atteint en grande partie grâce à l'adoption du Code indien des recherches sylvicoles comme base commune, ainsi que des formules normalisées pour l'enregistrement des données expérimentales. Cette méthode tend à réduire l'enregistrement des données superflues et évite en même temps de négliger les données indispensables.

Résineux

C'est l'un des principaux sujets dont l'étude est actuellement en cours, et il comporte des problèmes relatifs aux graines, aux pépinières, aux plantations à courte révolution, aux plantations à longue révolution, à l'exploitation et aux essais de nouvelles essences exotiques. A part les problèmes normaux de la plantation, tels qu'élagage, éclaircies, etc., il existe deux grands problèmes concernant les résineux: les principaux groupes d'arbres exotiques: gommiers, cyprès, pins et acacias, s'hybrident tous entre eux; vient ensuite la question de la sensibilité aux maladies, causées tant par les insectes que par les champignons. Les problèmes concernant les pépinières sont en majeure partie ceux de la production de plants plus forts, plus vigoureux et d'une croissance plus rapide, car, si un plant doit rester deux ans en pépinière au lieu d'un an, son prix de revient augmente en conséquence. Un des problèmes concernant les pépinières est celui des sols, qui sont extrêmement variables suivant les territoires - depuis la cendre volcanique jusqu'à la lourde argile noire à cotonniers. De plus, beaucoup de ces arbres exotiques exigent également des mycorhizes et ceux-ci ne sont pas introduits avec la graine. On tente actuellement des expériences sur la modification de la structure du sol des planches, l'addition d'engrais et la culture des mycorhizes. De plus, on n'est pas encore absolument certain que les meilleures essences, ou les meilleures races des meilleures essences, aient été introduites. Afin de le vérifier, un arboretum de petites plantations (et non d'arbres isolés) est en cours de création. Il contient déjà 78 essences.

Dénombrement

Plusieurs forêts de l'Afrique orientale sont actuellement assez lourdement exploitées et, par suite, beaucoup de temps et d'argent sont dépensés en dénombrements ou en inventaires. Des recherches sont actuellement en cours afin d'essayer de trouver les méthodes les plus pratiques, les plus économiques et les plus efficaces pour évaluer le matériel de ces forêts. Les travaux de dénombrements demandent beaucoup de temps et de personnel, mais il est essentiel de connaître le matériel d'une forêt si l'on veut la cultiver et la mettre en valeur.

Régénération des feuillus

On exploite actuellement les forêts de feuillus et, en général, la régénération n'est pas satisfaisante, qu'elle soit naturelle ou artificielle. Des expériences ont été entreprises, mais, étant donné la répartition de ces forêts feuillues, le travail doit être fait en grande partie par les territoires eux-mêmes, avec les conseils et sous la direction de l'EAAFRO.

Exploitation à courte révolution

Le travail concernant les arbres exotiques consiste en grande partie en exploitations à court terme, avec des révolutions de six à douze ans, pour des essences telles que les acacias à tan et les eucalyptus pour le bois de chauffage. On estime que cette pratique épuise le sol et affaiblit progressivement la production. Des études ont été entreprises pour déterminer si la cause de cette diminution de la production est due à la mortalité des souches et à leur détérioration - ainsi qu'on a pu le constater dans le sud de l'Inde, en ce qui concerne le «blue gum» (Eucalyptus globulus) - ou à une dégradation spontanée du sol.

Tables de rendement des principales essences

On ne possède que peu ou pas de renseignements en ce qui concerne la croissance des arbres en Afrique orientale, si ce n'est au sujet de celle d'un exotique, Cupressus macrocarpa. On essaie actuellement de recueillir des données à ce sujet, mais c'est un travail à très longue échéance.

On comprendra toutefois que, bien que les recherches forestières en Afrique orientale aient eu, dès le départ, un champ d'action complet, il s'écoulera plusieurs années avant que le travail puisse dépasser les problèmes actuels, et il est hors de doute que chaque année nouvelle verra surgir de nouveaux problèmes. Une des caractéristiques les plus encourageantes du travail entrepris jusqu'à présent est la coopération complète entre les quatre territoires. La recherche forestière en Afrique orientale est réellement menée comme une opération combinée.


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