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LA DESTRUCTION DES BROUSSAILLES ET DES ARBRES SANS VALEUR

par ARTHUR W. SAMPSON, Professeur Emeritus de sylviculture, et ARNOLD M. SCHULTZ, «Associate Specialist», Ecole forestière, Université de Californie, Berkeley

Cet article représente la première partie d’un travail, préparé à la demande de la FAO, sur les moyens de destruction des broussailles et des arbres sans valeur. Les parties suivantes paraîtront dans les prochains numéros de Unasylva. L’ensemble des articles sera ensuite publié sous forme de fascicule séparé.

UNE PARTIE importante de la surface terrestre est couverte par des broussailles. Il est difficile d’estimer d’une façon précise la superficie des terrains où domine une végétation buissonnante. Parmi les principales zones à broussailles du monde, beaucoup représentent un climax, ce qui signifie que ces broussailles constituent un couvert végétal dont la composition est restée à peu près inchangée dans les conditions actuelles du climat, du sol et des incendies. D’autres associations de broussailles sont des subclimax, comme, par exemple, la végétation qui occupe depuis un temps relativement court l’emplacement d’une forêt détruite par le feu ou par une exploitation à blanc, végétation qui disparaît à son tour lorsque la forêt se réinstalle. Ailleurs, les broussailles ont pu s’installer sur des terres qui n’en avaient jamais porté auparavant. Envahissant lentement les terres de bonne qualité, y formant des îlots qui s’agrègent rapidement, souvent à la faveur de changements survenus dans les pratiques culturales ou le climat, ces types de broussailles deviennent, du point de vue économique, les plus importants, même s’ils représentent une superficie beaucoup plus faible que celle des zones broussailleuses climaciques.

Une estimation partielle des terrains embroussaillés dans le monde peut être tirée des statistiques fournies par la FAO dans Ressources forestières mondiales (17). Dans ce recensement, beaucoup parmi les 190 pays qui ont établi la liste de leurs ressources en terres n’ont pas distingué les zones embroussaillées des déserts, rochers et sables ou marécages. Cette étude fait cependant ressortir que, le plus souvent, les zones à broussailles ont été considérées comme des terres en friche, contribuant pour une part extrêmement faible à la production agricole. Trois millions de square miles (775 millions d’hectares) de terrains embroussaillés ont été recensés - à peine un peu moins que la superficie de l’Australie. Et ce total ne comprend pas les terrains embroussaillés des Etats-Unis, de l’Amérique du Sud (sauf le Venezuela), de l’U.R.S.S., de l’Australie, et de la plus grande partie du nord de l’Afrique.

Dans les seuls Etats-Unis, les broussailles dominent sur plus de 500 000 square miles (130 millions d’hectares). On y comprend la brousse à armoises («sagebrush»), la brousse à Prosopis spp. («mesquite»), la brousse des déserts salés, le «chaparral», les bois de chênes buissonnants et de «pinyons» et genévriers. De grandes superficies de forêts, montagnes et pâturages sont envahis par les broussailles, bien qu’elles n’y constituent pas la végétation dominante. Le Texas seul a 55 millions d’acres (22 millions hectares) de «mesquite», environ 18 millions d’acres (7 millions d’hectares), de bois de genévriers, et plus de 20 millions d’acres (8 millions d’hectares) de chênes buissonnants; l’Arizona et le Nouveau-Mexique ont chacun environ 10 millions d’acres (4 millions d’hectares) de «mesquite» et à peu près autant de bois de «pinyons» et genévriers. Le «sagebrush» occupe 96 millions d’acres (38 millions d’hectares) entre les montagnes Rocheuses et la Sierra Nevada. Il y a en Californie 19 millions d’acres (8 millions d’hectares) de «chaparral» et de bois rabougris, et 2,5 millions d’acres (1 million d’hectares) de forêts exploitables qui produisent à peine plus que les broussailles. Des chiffres analogues peuvent sans doute être donnés pour d’autres pays.

Les broussailles ne sont d’ailleurs pas toujours sans valeur économique. Dans beaucoup de régions, elles représentent une nourriture importante pour le bétail. Dans les zones consacrées principalement au pâturage, il faut chercher à maintenir un certain équilibre entre la broussaille et l’herbe. Semple (38) estime que dans la savane, les herbivores domestiques et le gros gibier se nourrissent au moins autant en broutant les broussailles et les arbres que l’herbe. Sont compris dans cette estimation: les brousses africaines, les maquis de la région méditerranéenne et du Proche-Orient, les landes à éricacées du nord-est de l’Europe, la brousse épineuse d’Afrique du Sud, et les broussailles et arbres divers d’Australie et de l’ouest des Etats-Unis.

Le débroussaillement et la conversion en pâturage, forêt ou terre agricole progressent lentement, surtout à cause du manque de machines bien adaptées, de la faible valeur d’une grande partie des terres, des prix de revient trop élevés par rapport au revenu qu’on pourra en attendre, et de la connaissance insuffisante de l’écologie des broussailles.

La plupart des superficies soumises au débroussaillement relèvent de l’amélioration pastorale. Les vastes étendues de terrains de parcours situés à basse et moyenne altitude se prêtent parfaitement aux opérations massives de débroussaillement avec du matériel lourd. L’enlèvement du couvert des broussailles s’accompagne de la restauration de la végétation herbacée spontanée, ou du semis artificiel de graminées et légumineuses. Beaucoup d’outils mécaniques de débroussaillement préparent en même temps le sol pour y permettre l’ensemencement en herbe. En plus de l’augmentation de la production de fourrage, le débroussaillement présente d’autres avantages: le fourrage est plus accessible aux animaux, la conduite du bétail est plus facile, le nombre des agneaux ou veaux égarés est moins élevé, les toisons restent propres, la source des graines des espèces buissonnantes nuisibles diminue, et dans beaucoup de cas l’érosion est freinée lorsque la couverture herbacée s’établit. Le feu et les produits chimiques sont faciles à employer sur les terrains de parcours parce que les plantes ligneuses sont en général sensibles à ces agents de destruction, tandis que la plupart des graminées leur résistent bien. Par conséquent, les traitements à grande échelle, ou traitements en plein, sont efficaces.

En forêt, le débroussaillement a pour but de diminuer la concurrence et de permettre ainsi une croissance plus rapide des arbres, de réduire le danger d’incendie, de favoriser la régénération naturelle et de faciliter les plantations et les semis artificiels. Cependant, l’emploi en forêt du matériel lourd, mû par tracteur, n’est pas facile, en raison des inégalités du terrain et de la présence des arbres et semis d’essences précieuses. Il existe un matériel moins encombrant pour ces conditions de travail, et souvent les outils portatifs sont les plus efficaces. Dans certaines conditions le feu peut être employé avec avantage, mais, dans l’état actuel de nos connaissances, cette méthode est dangereuse. Les produits chimiques sont eux aussi efficaces, mais ils doivent être appliqués sur chaque plante individuellement, et non par une pulvérisation générale du feuillage, afin de respecter les arbres de valeur.

Les champs de broussailles en terrain plat, les sols fertiles et les zones voisines des centres de population sont nettoyés en vue de leur utilisation par l’agriculture, en particulier pour les vergers, les cultures de céréales et de fibres textiles, les pâtures irriguées et les prairies artificielles. Pour ces cultures intensives, le nettoiement doit être total. Toutes les souches sont enlevées et les racines extirpées, car elles peuvent constituer plus tard des obstacles dangereux pour des machines agricoles plus légères.

Les débroussaillements liés au développement économique, ceux par exemple effectués pour les emprises des routes ou des lignes électriques, les fossés d’irrigation et les réseaux de drainage, les emplacements de bâtiments ou de parcs, sont effectués avec le même matériel, mais le rapport de l’amélioration obtenue et du prix de revient est tout à fait différent de ce qu’il est dans les débroussaillements agricoles.

Dans le présent article, aucune distinction n’est faite entre les buissons et les arbres sans valeur qu’on veut éliminer, puisque les mêmes principes s’appliquent aux deux, la principale différence étant surtout une question de dimensions. En conséquence, les termes broussailles et débroussaillement, à moins qu’ils ne soient autrement définis, incluront les buissons et les arbres. La lutte contre les plantes herbacées sera laissée en dehors de la discussion, car des conclusions générales sur ce sujet pourraient conduire à des erreurs. La mise au point et le perfectionnement du matériel d’arrachage des plantes cultivées ou autres plantes herbacées se poursuivent depuis longtemps. On peut trouver de nombreux ouvrages sur cette question. Le perfectionnement des herbicides et du matériel de pulvérisation, par exemple, a reçu une impulsion considérable depuis la deuxième guerre mondiale et une étude complète de ces questions à l’heure actuelle, étude certainement fort volumineuse, serait périmée en moins d’une année.

Bien que cet article soit consacré surtout aux machines, certaines techniques non mécaniques seront discutées, afin de faire le tour complet de la question du débroussaillement. Le rôle joué par le feu, les produits chimiques, l’aménagement du pâturage et certains facteurs biologiques seront traités en même temps que les techniques de débroussaillement mécanique.

FACTEURS DÉTERMINANT LE TYPE DE MATÉRIEL A EMPLOYER

La technique du débroussaillement et le matériel à employer dépendent du but poursuivi, des crédits disponibles, et du bénéfice qu’on peut retirer de l’opération. Le choix de la technique et du matériel dépend aussi de trois facteurs physiques: le type de végétation, la topographie, et le type de sol.

Buts de l’opération

On peut montrer, à l’aide de quelques exemples, comment les buts de l’opération peuvent influencer la technique et le matériel employés, indépendamment du prix de revient du type de végétation, du terrain et des autres facteurs. D’autres exemples seront donnés au cours de la description des machines.

Amélioration pastorale. Lorsque les broussailles ont une faible valeur alimentaire, on peut vouloir en premier lieu assurer une production de fourrage herbacé aussi élevée que possible, ce qui implique l’arrachage des broussailles afin de favoriser l’installation de l’herbe. La meilleure machine est celle qui assure un débroussaillement total et en même temps prépare bien le terrain pour la germination des graines des espèces herbacées (fig. 1).

FIGURE 1. Bulldozer et pulvérisateur à disques. La lame du bulldozer arrache et écrase les tiges ligneuses, que le disque déchiquette et incorpore au sol. Celui-ci est travaillé et préparé pour le semis. Sur la photo, un tracteur à chenilles Diesel D-7 de 100 traîne chevaux un pulvérisateur déporté à disques. (Caterpillar Tractor Co., Peoria, Illinois)

Aménagement des bassins versants. Lorsqu’on veut éliminer les broussailles, les tiges et les feuilles - organes qui assurent la transpiration - sont coupées, mais les racines sont intentionnellement laissées en place afin de ne pas bouleverser le sol en surface, excepté dans la mesure où l’on veut préparer le terrain pour les graines des plantes herbacées. On peut combiner le déchiquetage au bulldozer des parties aériennes des broussailles, avec l’incinération qui fournit des cendres où les graines pourront germer; on peut aussi employer un des nombreux types de déchiqueteuses qui laissent sur le sol une couche épaisse de débris.

En forêt. Le but peut être la réduction du danger d’incendie. Dans les peuplements forestiers complets, la broussaille, les arbres morts et les rémanents peuvent être débités à la hache, à la scie à chaîne, ou à la scie circulaire portative. De petits bulldozers (20 CV) peuvent être employés pour les nettoiements (fig. 2). Fréquemment des buissons peu vigoureux peuvent être enlevés à la main. Combinée avec un feu contrôlé pendant la saison humide, cette méthode permet de réduire la végétation la plus combustible, au moins dans certaines régions, sans modifier beaucoup le sol et sans dommage pour les arbres de valeur (42). Le but peut être aussi l’enlèvement des arbres dominés. Dans ce cas, l’application d’ammate ou de produits hormonés versés dans des encoches pratiquées tout autour de la base de l’arbre, ou bien l’annélation circulaire, puis l’exploitation à la scie ou à la hache, sont les méthodes les plus efficaces. Les deux premières sont les meilleures parce qu’elles suppriment la pousse de rejets et par là permettent de conserver au sol l’humidité et les éléments nutritifs.

Aménagement cynégétique. L’amélioration des couverts à gibier peut être obtenue en détruisant les broussailles seulement par places. Un débroussaillement partiel et l’enherbement des parties nettoyées sont favorables aux herbivores. La taille fréquemment répétée des pousses terminales lignifiées est nécessaire pour assumer une production continue de jeunes pousses tendres et la protection contre les incendies ou autres accidents des couverts nécessaires aux animaux (7). Il est parfois indispensable de planter des buissons là où la nourriture du gibier est rare. Les techniques suivantes ont été employées, seules ou en diverses combinaisons, pour atteindre le but recherché: travail du bulldozer, incinération, disquage, semis artificiel, pulvérisations de produits phytocides sélectifs (fig. 3).

Prix de revient de l’opération

La question de rentabilité du débroussaillement est étroitement liée au problème du type de matériel à utiliser sur un emplacement déterminé. Ce problème peut être traité sous la forme d’une liste de questions que doit se poser le propriétaire qui envisage l’aménagement de ses terrains embroussaillés.

1. La conversion de la végétation actuelle en un type de végétation plus intéressant est-elle théoriquement possible?

2. Que pourra produire le terrain quand la broussaille sera enlevée, et quelle somme devra-t-on investir pour retirer de l’opération un revenu positif et intéressant?

3. Quelle doit être l’intensité du débroussaillement pour atteindre le but primitif et pour retirer un revenu économique?

4. Quels autres emplois du terrain peuvent être envisagés? En tenant compte de ces autres emplois, et du but recherché, le débroussaillement est-il nécessaire?

5. De quel matériel, main-d’œuvre, temps et crédit dispose-t-on pour le débroussaillement?

6. Quelle technique choisira-t-on finalement, en tenant compte du but recherché et des caractéristiques du terrain?

Possibilité théorique du débroussaillement

Il est logique que la question: «Cela peut-il être fait?» soit posée avant la question: «Combien cela coûtera-t-il?». En ce qui concerne les possibilités de l’enlèvement des broussailles et de arbres, cette première question devient de jour en jour moins nécessaire. La puissance du matériel moderne augmente de plus en plus, alors que la végétation reste la même. Le problème le plus important est de savoir si l’herbe, ou les céréales, ou une forme plus intéressante de broussailles peuvent être substitués au couvert actuel. On conçoit que, dans une station donnée, la végétation actuelle, qu’il s’agisse d’arbres ou de broussailles, soit la seule qui puisse y croître, à moins qu’un changement radical ne survienne concernant le sol, le climat ou la concurrence vitale. On peut le vérifier par la recherche ou l’expérience pratique, et savoir comment modifier ces conditions. Sur une longue période de temps, la recherche revient moins cher que l’expérience, parce qu’elle découvre les principes de base et les enregistre scientifiquement.

Production, prix de revient et revenus sur un terrain nettoyé. La production d’un pâturage sur lequel on a pratiqué un débroussaillement peut s’exprimer en poids de fourrage ou en nombre de têtes de bétail qu’il peut porter, soit en valeur absolue, soit en différence par rapport à la production avant le débroussaillement. La capacité de production modifie de la même façon la valeur fixée pour les terrains nettoyés et pour les terres voisines non débroussaillées. Mais ni la valeur primitive du terrain ni le coût du débroussaillement n’intervient.

FIGURE 2. Débroussaillage en forêt (Californie). Un petit bulldozer écrase la «manzanita» (Arctostaphylos spp.) et prépare le terrain pour une incinération contrôlée sous une deuxième végétation de pins douglas (Pinus ponderosa). De petits bulldozers (jusqu’à 40 chevaux) sont assez puissants pour effectuer ce genre de travail tout en pouvant être aisément manœuvrés entre les arbres. (Université de Californie)

Le propriétaire doit connaître le prix de toutes les techniques de débroussaillement, et le bénéfice qu’il pourra tirer de tous les types de culture qu’il pourra pratiquer sur son terrain nettoyé. Connaissant la valeur actuelle du terrain et sa valeur future, il projette l’opération de débroussaillement et l’aménagement ultérieur du terrain. Si un champ de broussailles est situé près d’une zone à forte densité de population, serait-il intéressant pour le propriétaire de le nettoyer partiellement dans le but d’y faire croître des arbres et éventuellement d’en faire un lieu de tourisme? Il peut être aussi amené à décider si, après le débroussaillement, il laisse repousser l’herbe naturellement - c’est le procédé le moins cher - et élève du bétail pour la boucherie, ou s’il laboure et sème des espèces fourragères choisies, ce qui lui permet d’élever des vaches laitières. Le bois et le tourisme peuvent donner de bons revenus, mais seulement de nombreuses années après la plantation; près d’une ville, le bœuf de boucherie ne fournit pas des revenus aussi élevés que le bétail laitier. Il n’est possible de répondre à des questions telles que celles enumérées ci-dessus que lorsque l’investissement initial a été considéré.

FIGURE 3. Aménagement des terrains embroussaillés en vue de la protection de la faune. Dans le nord de la chaîne côtière de Californie. des bandes de broussailles (Adenostoma fasciculatum) ont été passées deux fois au pulvérisateur à disques et semées de plantes herbacées. La broussaille restant entre les bandes fournit un abri aux animaux sauvages; les graminées, les autres herbes et les rejets croissant sur les bandes artificiellement aménagées sont utilisés pendant l’hiver par les cerfs et toute l’année par les cailles. Ces bandes sont étroites, ce qui donne le maximum de lisière. Leur disposition selon les courbes de niveau atténue les méfaits de l’érosion. (Université de Californie)

FIGURE 4. Rapport entre la superficie couverte par le mesquite et celle du tapis de graminées vivaces (en pourcentage) sur un terrain de parcours de l’Arizona. (D’après Parker et Martin (26))

Taux de débroussaillement nécessaire pour obtenir un revenu économique. Les éleveurs qui luttent contre les broussailles sur leur terrain de parcours pensent que chaque buisson prend la place, les éléments nutritifs et l’eau qui devraient être utilisés par des plantes fourragères plus utiles. Cela implique une relation quantitative linéaire entre le nombre de buissons par unité de superficie et la quantité de fourrage produit. Cette relation apparaît dans la figure 4 (26). Lorsque les broussailles deviennent plus abondantes, la superficie occupée par l’herbe diminue.

Le graphique peut être interprété d’une autre façon: quand les broussailles sont arrachées, la superficie qui peut être occupée par l’herbe augmente. On peut déduire du graphique, par interpolation, que lorsque la superficie couverte par les broussailles est de 12 pour cent de la superficie totale, la densité de l’herbe peut être doublée par l’enlèvement des broussailles, et lorsque la broussaille couvre 25 pour cent de la superficie, la densité de l’herbe peut s’accroître de 1 000 pour cent. D’autre part, lorsque le couvert des broussailles n’est que de 1 ou 2 pour cent, l’accroissement maximum de l’herbe obtenu par l’enlèvement des quelques buissons n’est que de 3 ou 8 pour cent respectivement. Est-ce rentable? Une opération qui ramène le couvert des broussailles de 15 pour cent à 5 pour cent seulement, avec une possibilité d’augmentation de la densité de l’herbe de 11 à 22 pour cent (accroissement de 100 pour cent) coûte environ 5 dollars à l’acre (12,50 dollars à l’hectare). Une opération plus complète qui enlèverait toutes les broussailles ne donnerait que 6 pour cent de plus de densité de l’herbe (accroissement de 150 pour cent) mais coûterait environ 20 dollars à l’acre (50 dollars à l’hectare). Quelle est l’opération la plus rentable?

En fait, d’autres facteurs interviennent en plus de ceux représentés sur le graphique, mais cet exemple sert à illustrer le genre de décision qui doit être prise par les propriétaires qui désirent débroussailler leurs terres.

Un autre exemple montrera comment le prix de revient, le bénéfice, et l’efficacité du débroussaillement sont interdépendants (26). En Arizona, le débroussaillement d’un terrain couvert de «mesquite» revenait, en 1947, en employant la méthode la plus économique, à 4,04 dollars par acre (10,10 dollars par hectare). On estime que grâce à cette opération, il est possible d’obtenir un accroissement de production en bétail sur pied de 3,36 livres par acre (3,8 kg par hectare). Calculé sur la base de 17 cents par livre (prix moyen sur 10 années de 1941 à 1950), cet accroissement représente une valeur de 57 cents. Si l’investissement de 4,04 dollars est capitalisé à un intérêt de 5 pour cent, l’augmentation des bénéfices obtenus par la destruction du mesquite amortira le capital en 9 ans. Si la destruction reste efficace pendant 25 ans, on retira pendant 16 ans un bénéfice net, après amortissement du capital investi. Il n’a pas été tenu compte de certains facteurs, tels que le prix d’achat du bétail supplémentaire nécessaire pour compléter la charge du pâturage, la vente en compensation des vieilles vaches et des vieux taureaux, et l’effet de la réinstallation progressive des broussailles avant 25 ans.

Si la destruction du mesquite n’était efficace que pour une période inférieure à 9 ans, l’opération ne serait pas rentable. C’est pourquoi la lutte «extensive» par incinération, relativement peu coûteuse, peut être intéressante pour une exploitation où le bétail est conduit également de façon «extensive», tandis que le nettoyage d’un terrain effectué en combinant extirpation et incinération des tas de broussailles ne permet d’amortir le capital investi que s’il est suivi de cultures intensives.

Utilisations multiples des terres. Bien qu’une opération de: débroussaillement puisse être faite dans un seul but, habituellement cette opération a des répercussions favorables ou défavorables sur une ou plusieurs valeurs secondaires de la terre. Dans les terrains embroussaillés qui sont tels depuis des dizaines d’années ou même des siècles, il existe un équilibre relativement stable entre la végétation, vie animale, le sol et le plan d’eau. Lorsqu’on modifie la végétation, cet équilibre est bouleversé, mais ce changement peut être favorable ou défavorable à la société. Il peut être favorable pour un moment et devenir progressivement défavorable, ou au contraire devenir encore plus favorable avec le temps.

La question des rapports de la conservation des sols avec les techniques de débroussaillement est si importante que nous y consacrerons un chapitre spécial de cet article.

Le choix de certaines méthodes vise à assurer une bonne conservation du sol. Par exemple, les tracteurs à chenilles ne peuvent être employés sur des pentes de 50 pour cent ou plus; donc, ceci évite automatiquement des perturbations pour les pentes les plus fortes ou les plus pauvres lorsqu’on utilise des procédés de débroussaillement mécaniques. Avec les tracteurs à roues, le travail est limité d’une façon encore plus marquée aux bons terrains. L’incinération n’a pas ce caractère sélectif; l’appel d’air sur les pentes fortes peut, en présence d’une végétation combustible, favoriser l’action du feu, mais une érosion grave peut se manifester avant qu’un couvert végétal convenable ait le temps de s’installer.

Dans la plupart des cas où la broussaille est partiellement détruite, en vue de l’amélioration du terrain de parcours, les habitats du gibier sont également améliorés. Lorsqu’on brûle ou qu’on passe à la déchiqueteuse les espèces buissonnantes susceptibles de rejeter, les nouvelles pousses sont une bonne nourriture pour les cerfs; les tas de broussailles épars et non brûlés constituent un excellent abri pour les cailles, les pigeons et tout autre petit gibier; la réduction de la surface foliaire et, partant, de la quantité d’eau transpirée, peut faire ressurgir des sources qui avaient séché lorsque le couvert des broussailles s’était épaissi. Le résultat est un accroissement et une meilleure répartition du gibier. Il est possible que l’accroissement du gibier sur le terrain ne se traduise pas réellement par une augmentation de revenu, mais n’en détermine pas moins, pour des raisons subjectives, le type de débroussaillement employé. Dans certains cas, l’accroissement du gibier peut même être nuisible; il faudra alors choisir des techniques qui le feront régresser, tel que le débroussaillement total.

Les nombreux avantages secondaires du débroussaillement n’affectent pas seulement la parcelle soumise à cette opération, mais aussi les terrains limitrophes, et l’ensemble de la région. Outre l’augmentation du gibier, l’augmentation du débit des sources, la réduction du danger d’incendie, la suppression des hôtes d’insectes et de champignons parasites, le ralentissement de l’invasion par les espèces buissonnantes sont des valeurs qui, si elles n’apparaissent pas dans le bilan fait par le propriétaire, n’en sont pas moins des bénéfices tangibles pour ses voisins. Mais tous les effets secondaires ne se traduisent pas par des bénéfices. Les griffes d’érosion et l’alluvionnement ne s’arrêtent pas à la limite de la propriété. De plus il est regrettable que l’arrachage sur de grandes superficies de certains types de buissons élimine entièrement de nombreux oiseaux, insectes et fleurs sauvages qui - plus que les grands troupeaux de bétail - ont une valeur esthétique et sont une source d’inspiration pour beaucoup de gens.

Possibilités en matériel, main-d’œuvre, temps et argent. Il est impossible de prévoir une opération de débroussaillement efficace si l’on ne dispose pas du matériel et de la main-d’œuvre nécessaires. Aux Etats-Unis, pendant la deuxième guerre mondiale, les prix élevés de la viande de bœuf facilitaient la rentabilité des opérations de débroussaillement sur les terrains de parcours. Cependant, l’acier était rare, les usines à outils fabriquaient du matériel de guerre, et la main-d’œuvre, quand on en trouvait, était coûteuse. C’est pourquoi les opérations faites avec des moyens mécaniques furent peu nombreuses pendant ces années.

Il est impossible de s’attaquer avec une houe aux immenses champs de broussailles du monde; dans les régions où il est impossible de se procurer du matériel lourd, les opérations - à grande échelle devront être différées, même si la main-d’œuvre est bon marché.

En plus du prix de la main-d’œuvre, il faut mentionner un aspect qualitatif du problème. L’habileté d’un conducteur de bulldozer expérimenté comparée à celle d’un débutant, compense largement le salaire plus élevé qu’il reçoit. Les machines s’usent moins vite; le rendement est augmenté; le prix de revient à l’hectare est plus faible; le nettoyage est plus régulier; le sol est moins bouleversé. La possibilité d’avoir une main-d’œuvre qualifiée représente donc un facteur important dans le choix de la technique et dans le succès de l’opération.

FIGURE 5. Rejets de «chamise» (Adenostoma fasciculatum) (en haut) et de chênes buissonnants de Californie (en bas) après un incendie dans le chaparral californien. Les tiges mortes, noircies, ou «chicots», se dressant au-dessus de chaque faisceau de rejets indiquent la hauteur qu’atteignait le buisson. Plus de la moitié des espèces broussailleuses composant le chaparral rejettent. Si la broussaille n’est pas soumise à un pâturage intensif, sa densité approche à nouveau, au bout de cinq à huit ans, de la densité voulue pour une incinération. (Université de Californie)

FIGURE 5 (A)

FIGURE 5 (B)

Bien souvent, le temps dont on dispose pour mener à bien un travail déterminera la technique à employer. Par exemple, l’effet d’une pulvérisation de produits phytocides, sur certains types de broussailles, ne se fait sentir qu’après un certain temps. Si on veut que le terrain soit nettoyé en quelques semaines pour y faire une culture particulière, comme le riz ou le coton, la méthode chimique, trop lente, ne convient pas. Une année perdue dans le programme peut changer un projet heureux en échec.

L’investissement initial en matériel et en fournitures est souvent le facteur déterminant de la méthode à employer. Par exemple, la charrue débroussailleuse et le «bushwhacker», avec le tracteur nécessaire, sont des machines coûteuses, et le propriétaire de 160 acres (65 hectares) de broussailles ne peut se les payer. Il vaut mieux qu’il adapte ses propres machines, achète du matériel portatif d’occasion ou, peut-être, pratique une incinération suivie du parcours par des moutons ou des chèvres. Dans l’es régions où l’on fait beaucoup de débroussaillement, le propriétaire du terrain peut passer un contrat avec celui qui possède le matériel spécialisé. C’est l’importance du travail à faire qui détermine s’il est préférable de s’adresser à un entrepreneur ou d’acheter le matériel en assurant son entretien.

Choix définitif de la méthode. La discussion ci-dessus a permis de préciser quelques considérations qui doivent déterminer le choix du matériel de débroussaillement. De multiples facteurs, qualitatifs et quantitatifs interviennent et, de ce fait, la décision ne peut être prise sur la base d’une directive unique. Dans la partie suivante, les descriptions du matériel comprendront des indications sur l’efficacité du pouvoir destructeur, l’adaptabilité aux divers terrains, l’action sur le sol, les possibilités d’achat, et le prix de revient approximatif à l’hectare. Ces indications seront résumées dans un tableau figurant en annexe, tableau où des exemples seront donnés suivant les divers types de broussailles.

Type de végétation

Le terme «broussaille» s’applique à un végétal ligneux de dimensions inférieures à celles d’un arbre. Malheureusement, ces caractères communs aux broussailles de diverses espèces ne traduisent pas leur diversité, qui augmente la difficulté du débroussaillement d’une végétation buissonnante donnée. Des caractères tels que el mode de reproduction, la profondeur des racines, l’abondance, le port, la fragilité des tiges, la densité d’une espèce dans l’ensemble de la végétation, rendent nécessaires l’application d’une méthode d’attaque particulière pour chaque type de broussaille. De plus, la grosseur des tiges et la hauteur des buissons déterminent le type et la puissance du matériel. Il est impossible de généraliser l’application d’une méthode qui s’est révélée efficace dans une opération, sauf peut-être pour les peuplements composés d’une seule espèce. Les trois principaux facteurs concernant les broussailles elles-mêmes sont: la possibilité d’émettre des rejets, la grosseur des tiges, et la densité du couvert.

Possibilité d’émettre des rejets. De nombreuses espèces ligneuses rejettent lorsque la partie aérienne est coupée ou tuée (fig. 5). Cette propriété se retrouve dans de nombreuses familles, dispersées dans la classification, mais elle n’est caractéristique ni d’un genre ni d’une espèce. En Amérique du Nord, deux grands genres, Arctostaphylos et Ceanothus possèdent des espèces qui ne rejettent pas, certaines qui rejettent faiblement, et d’autres qui émettent des rejets vigoureux. Dans toute son aire, le «bitter brush» (Purshia tridenta) ne rejette pas, mais dans certaines petites stations, on trouve des formes qui rejettent.

La faculté d’émettre des rejets signifie que la coupe ou la destruction de la partie aérienne de la plante ne suffit pas à l’éliminer. De nouvelles pousses vigoureuses naissent sur la souche et puisque le système radiculaire est intact la plante retrouve bientôt son aspect et sa densité primitifs. Les feuilles des rejets sont souvent plus grandes que celles des rameaux normaux; les besoins en eau peuvent donc égaler ou dépasser ceux de la plante avant la coupe. La vigueur des rejets dépend de la quantité des réserves accumulées dans les parties souterraines. Cette remarque doit guider l’opération de débroussaillement: il faut couper les parties aériennes quand les réserves sont peu abondantes dans les racines et le collet. Si les rejets sont coupés de façon répétée, les réserves des racines sont transmises aux tiges utilisées plus vite qu’elles ne sont fabriquées, si bien que la vigueur de la plante diminue progressivement et qu’elle finit par mourir. Cela peut être obtenu par une surcharge du terrain en herbivores (chèvres, moutons ou cerfs) ou en répétant les incinérations, les pulvérisations de produits chimiques, ou les disquages. Il n’est pas toujours possible de brûler à plusieures reprises; les jeunes pousses tendres brûlent difficilement, sauf si elles sont disséminées dans un tapis d’herbe sèche. La pulvérisation est habituellement plus efficace quand elle est appliquée sur des plantes vigoureuses, si bien qu’elle paraît devenir moins efficace à chaque nouvelle pulvérisation, à mesure que la vigueur des plantes diminue. Le passage de bulldozers et le disquage ont aussi leurs inconvénients: les rejets sont souples et se redressent après le passage des machines.

Les bourgeons qui donnent naissance aux rejets sont situés, soit près de la surface du sol, soit jusqu’à 30 centimètres ou plus de profondeur (fig. 6). Toute méthode qui vise à tuer complètement les plantes en un seul passage doit détruire tous les bourgeons au-dessous de la surface du sol (15). On emploie dans ce but des modèles divers de machines agissant sous la surface ou en profondeur. Le soussolage au «grubber» est plus rapide, mais bouleverse le sol beaucoup plus que la technique d’«épuisement» décrite ci-dessus.

FIGURE 6. Emplacement d’yeux dormants sur les tiges de deux plantes ligneuses. A gauche, mesquite (Prosopis); à droite genièvre émettant des rejets. Sur le genièvre, les bourgeons se trouvent dans une masse compacte juste au-dessus de la surface du sol; sur Prosopis ils peuvent se trouver entre 15 et 20 cm au-dessous de la surface du sol. (Soil Conservation Service)

Figure 6 (A)

Figure 6 (B)

Les espèces qui ne rejettent pas posent un problème quelque peu différent. Par exemple, le «chaparral» et le maquis des régions à climat méditerranéen sont composés d’espèces adaptées aux incendies. Leurs graines peuvent être produites chaque année, mais elles ne germent que lorsque la végétation est parcourue par un incendie. Il est probable que la chaleur fait craquer l’enveloppe de la graine, ou d’une façon quelconque la rend perméable à l’eau. Le décapage, obtenu au bulldozer ou avec certaines autres machines, a un effet semblable à celui du feu. Cette particularité a pour conséquence un phénomène paradoxal: la destruction des broussailles par le feu ou par un moyen mécanique peut aboutir à un recrû de broussailles plus dense que le couvert primitif (fig. 7). Dans un tel cas, il est indispensable de pratiquer immédiatement une opération complémentaire: nouvelle incinération, pulvérisation, pâturage intense des jeunes broussailles, ou semis d’espèces herbacées qui les concurrencent (36).

Caractéristiques et dimensions des tiges. Plus grosses sont les plantes, plus lourd doit être le matériel nécessaire pour les détruire; mais cette règle souffre quelques exceptions. Certains arbres ont un enracinement faible et peuvent être déracinés sans grand effort en les poussant. Des pousses fragiles et des tiges cassantes peuvent être brisées plus facilement que des tiges dures ou flexibles, même si celles-ci se trouvent sur des plantes plus petites.

Deux considérations doivent être présentes à l’esprit lorsqu’on choisit le matériel de débroussaillement: le poids de la machine et la puissance nécessaire pour l’actionner. Il n’existe pas de tableau donnant la puissance du tracteur et le diamètre des disques suivant la grosseur moyenne des tiges des broussailles. Un bon conducteur de machine peut déterminer ces facteurs d’après sa propre expérience. En raison du nombre des facteurs qui entrent en jeu: but recherché, prix de revient, type de broussaille, caractéristiques du terrain, toute recommandation ne peut s’appliquer que très localement; c’est pourquoi on en trouve si peu d’exemples dans les ouvrages existants.

Dans les formations denses du «chaparral» californien, constituées surtout de petits buissons de moins de 6 feet (1,8 m) de hauteur et 3 inches (7,6 cm) de diamètre, le bulldozer le plus efficace est celui de 40 ou 50 CV (6). Quand la broussaille est dominée par des arbustes de moyenne grandeur, 6 à 12 feet (1,8 à 3,6 m) ou parfois 15 feet (4,6 m) de hauteur et 3 à 6 inches (7,6 à 15,2 cm) de diamètre, un bulldozer de 40 ou 50 CV est à la limite de sa puissance pour déchiqueter ou déraciner. Quand de nombreux sujets dépassent 15 feet de hauteur et 6 inches de diamètre, d’autres méthodes de nettoyage doivent être envisagées pour compléter le passage du bulldozer. Les tracteurs lourds (80 CV et plus) sont assez puissants pour déchiqueter des végétaux de cette dimension, mais ils sont peu maniables, alors qu’il faut souvent reculer et tourner.

Pour les arbres, les dimensions sont fonction de l’âge. Les jeunes arbres à écorce mince peuvent souvent être tués par le feu ou par l’application à la base du fût de produits phytocides; les arbres plus âgés sont plus résistants; cependant, les vieux arbres dépérissants sont aisément tués.

L’application de produits phytocides sur des entailles ou encoches pratiquées à la base de l’arbre, et l’annélation circulaire sont des méthodes dans lesquelles le travail à la hache représente la majeure partie des frais. Les plus gros arbres ont naturellement de plus grandes circonférences et, par suite, le prix de revient par arbre augmente avec sa grosseur.

Densité du couvert. Dans certains types de végétation, les plantes ligneuses sont disséminées, par exemple dans les savanes et les forêts claires. Les arbres et les arbustes n’ont pas tendance à se rassembler, même après un temps suffisant pour que les graines se soient disséminées partout. Même si les associations végétales sont stabilisées, pendant les périodes de crise - sécheresse, humidité excessive, surpâturage, absence de pâturage, absence d’incendies naturels - les espèces les plus envahissantes, les plus ombrophiles et habituellement les moins comestibles envahissent les surfaces voisines et augmentent la densité de leur peuplement. L’extension et l’augmentation du mesquite dans le sud-ouest des Etats-Unis illustre ce processus.

Le mesquite se reproduit par graines et il rejette. Il est rustique et résistant à la sécheresse grâce à son système radiculaire qui peut s’étendre latéralement à 15 mètres de la tige et à 18 mètres en profondeur. Son port et sa croissance s’adaptent aux conditions du milieu, variant pour des sujets adultes de la forme d’arbre à un seul fût haut de 15 mètres, à celle de buissons à plusieurs tiges hauts seulement de 1 mètre. Les gousses sont appréciées par le bétail et le gibier, mais la plupart des graines restent vivantes après le passage à travers l’appareil digestif. Le feuillage est rarement brouté suffisamment pour empêcher le développement de la plante. Ces caractères du mesquite lui ont permis de s’étendre rapidement mais insidieusement.

Les peuplements denses sont difficiles à détruire. Il faut plus de puissance et plus de temps pour le passage des machines et l’usure du matériel est plus forte que dans des peuplements plus clairs. Le travail est plus facile quand on peut pulvériser par avion des produits chimiques. Le traitement de toute la superficie est ici obligatoire, avec une distribution uniforme, quel que soit le degré d’envahissement. C’est pourquoi le gouvernement fédéral des Etats-Unis encourage le débroussaillement en versant aux éleveurs du Texas des subventions d’environ 12 cents par acre pour chaque 1 pour cent de terrain embroussaillé. Ainsi, la subvention pour le débroussaillement de chaque acre de mesquite avec une superficie couverte de 42 pour cent serait de 5 dollars; c’est l’allocation maximum.

Un embroussaillement inférieur à 1 pour cent de la superficie ne donne lieu à aucune subvention. Il y a ainsi une prime pour les propriétaires qui nettoient les terres largement infestées de broussailles mais il n’y en a pas pour arrêter une invasion initiale avant que la densité de 1 pour cent ne soit atteinte. Au début de ce stade d’extention, on peut faire disparaître les plantes avec efficacité et à peu de frais.

La densité des buissons influence encore d’une autre façon le choix de la méthode de débroussaillement. Sous des broussailles épaisses, en raison de l’ombre et de la concurrence, il y a peu de végétation herbacée et, par suite, peu de graines de graminées ou d’autres herbes. C’est pourquoi la méthode de débroussaillement doit permettre et favoriser un ensemencement artificiel.

Topographie

Le relief du terrain est un facteur important pour la lutte contre les broussailles à trois points de vue: accessibilité, possibilité de parcours et de travail des machines; utilisation comme terrain de parcours, terrain agricole ou périmètre de protection; intensité de l’érosion qui peut survenir après le débroussaillement.

A ce point de vue, la pente est l’aspect le plus important de la topographie. La valeur limite de la pente est cependant modifiée par la longueur des versants, la tendance du sol à l’érosion, le type de couvert et les méthodes de débroussaillement.

Les pentes inférieures à 30 pour cent sont bien adaptées au pâturage et au boisement. Pour une pente plus faible - moins de 15 à 20 pour cent - la culture n’est habituellement pas dangereuse. Il y a eu probablement peu d’érosion géologique récente sur de telles pentes faibles; c’est pourquoi les sols sont vraisemblablement profonds et fertiles. Un bon indice de fertilité est la dimension des broussailles ou le taux d’accroissement des arbres.

FIGURE 7. Jeunes pousses apparaissant après un incendie dans un chaparral sylvo-pastoral composé de nombreux buissons ne rejetant pas. Les jeunes pousses du premier plan sont des Ceanothus cunéiformes. A l’arrière plan, rejets de «yerba santa» (Eriodictyon californica) et de chênes verts de l’intérieur détruits par le feu. cannée suivant un incendie, les jeunes plants de broussailles atteignent et dépassent souvent une densité de 600 000 à l’hectare, mais beaucoup mourront au cours des deux premières années. Il faut environ de 1 200 à 2 500 pieds adultes pour constituer une densité normale. (Université de Californie)

Les pentes faibles sont favorables à presque toutes les méthodes de destruction des broussailles. Le matériel classique peut être utilisé s’il n’y a pas d’affleurements rocheux. On peut employer l’incendie surveillé, pourvu que des barrières naturelles suffisantes permettent de l’entreprendre sans danger. La lutte chimique, soit par avion, soit au sol, est réalisable. La lutte contre les broussailles par l’amélioration des pâturages est facile sur des pentes faibles puisque l’herbe luxuriante sur sol fertile réagit bien aux traitements. L’érosion a peu de chance de s’installer après une technique rationnelle de nettoiement.

Là où le terrain comporte une forte proportion de pentes raides, on doit choisir avec soin les endroits où le débroussaillement est possible et justifié. Les pentes supérieures à 50 pour cent sont trop raides pour permettre le travail avec des machines qui remuent la surface du sol. Les tracteurs à chenilles ont assez de puissance pour monter les rampes les plus raides, mais les ravines se forment dans les traces; d’autre part, si la pente est trop raide, le tracteur peut s’incliner sur le côté pour suivre les courbes de niveau. Les méthodes de débroussaillement sont limitées presque entièrement à l’incinération en plein, aux pulvérisations chimiques par avion, ou aux méthodes manuelles.

Sur de telles pentes, le problème est d’installer une couverture d’herbe ou d’arbres sur des sols superficiels, et si on peut installer de l’herbe, peu abondante, les glissements de terrain, le piétinement et les glissades des animaux, et la perte de fertilité sont toujours à craindre. En général, les réserves d’animaux sauvages et les périmètres de protection sont les meilleurs usages qu’on peut faire de ces types de terrain, usages qui n’exigent pas un traitement complet.

C’est entre ces extrêmes, à peu près pour les pentes de 20 à 50 pour cent, qu’il est nécessaire de prendre les décisions les plus importantes sur le choix des méthodes de débroussaillement. La terre n’a pas autant de valeur, le potentiel de production n’est pas aussi élevé et les frais de nettoiement seront ici plus importants que pour des pentes plus faibles. Aux limites inférieures de cet intervalle, les bulldozers, les pulvériseurs à disques et les autres machines peuvent être employés avec efficacité; aux limites supérieures, l’incinération surveillée et la pulvérisation chimique sont les meilleures méthodes. Sur des terrains accidentés, on rencontre la plus grande hétérogénéité de conditions du sol, de la couverture végétale, de types de précipitations et des possibilités d’utilisation du sol. On doit sélectionner soigneusement les terrains suivant deux points de vue: ce qu’on peut en faire et ce qui peut être rentable.

Types de sol

Il y a autant de sols différents que de combinaisons de climats, de types de végétation, de formes de relief, de roches-mères et d’histoires géologiques. Les broussailles et les arbres se trouvent sur un grand nombre de sols différents, et sur beaucoup d’entre eux ils sont considérés comme indésirables. C’est pourquoi on ne peut établir aucune règle rigide pour décider sur quels sols le débroussaillement est possible. Cependant, il est important de se souvenir des nombreux caractères généraux des sols pour décider si on débroussaille et comment.

Profondeur. L’épaisseur du sol est le caractère le plus important parce qu’il détermine ce qu’on pourra faire de la terre après le nettoiement des broussailles. Les sols profonds sont nécessaires pour la plupart des plantes cultivées. Il est plus facile de convertir les broussailles en prairies ou en forêts quand les sols sont profonds parce qu’il ont des réserves nutritives, plus grandes, retiennent l’eau en plus grande quantité et que les plantes sont plus solidement enracinées.

Tendance à l’érosion. La facilité avec laquelle un sol sera érodé est fonction de sa structure et de sa texture. Les sols ayant un horizon superficiel sableux sans structure ou un sous-sol argileux s’érodent rapidement. Il serait préférable de n’y rien faire à moins qu’une meilleure couverture végétale puisse être installée avant que l’érosion commence. Un sol nu est capable de s’éroder quelle que soit sa structure.

Fertilité. On peut rendre fertile même les sols superficiels. Les sols relativement jeunes, provenant de roches récentes, ont une proportion élevée d’éléments nutritifs. Les possibilités d’utilisation de ces sols seront variées. La fertilité est liée à la tendance à l’érosion. Des sols riches produisent un couvert plus dense et peuvent avoir une structure grumeleuse dans l’horizon supérieur. La fertilité potentielle d’un sol est presque aussi importante que sa fertilité naturelle. L’apport d’engrais dans les cultures est une pratique ancienne, mais ses possibilités sur les terrains de parcours et en forêt sont encore à l’étude. On devrait, dans un programme de débroussaillement, donner la priorité aux sols qui réagissent aux engrais par rapport à ceux qui ne le font pas.

Nature rocailleuse du terrain. Les blocs et les affleurements rocheux gênent sérieusement l’emploi des machines dans les opérations de débroussaillement et les travaux complémentaires d’aménagement du terrain. Les machines doivent être construites plus solidement; cependant la casse est fréquente et prévue. On a construit spécialement pour de tels sols certains types de machines, telle que la «pipe harrow» décrite plus loin. Là où les rochers représentent une proportion considérable de la surface du sol, les rendements des cultures sont naturellement faibles et le profit est minime.

(La suite de cet article paraîtra dans les prochains numéros de Unasylva.)

NOMS VULGAIRES ET NOMS BOTANIQUES DES ESPÈCES CITÉES

«Bitterbrush»

Purshia tridentata

Brome de la prairie

Bromus catharticus

Brome inerme

Bromus inermis

Brome mou

Bromus mollis

«Bur clover»

Medicago hispida

«Chamise»

Adenostoma fasciculatum

Chênes

Quercus spp.

Chêne buissonnant de Californie

Quercus dumosa

Chêne vert de l’intérieur

Quercus wislizeni

Chiendent

Agropyron spp.

«Coyote bush»

Baccharis pilularis

«Creosote bush»

Larrea tridentata

Fétuques

Festuca spp.

Genévriers

Juniperus spp.

«Hardinggrass»

Phalaris tuberosa

Ivraie

Lolium multiflorum

Luzerne

Medicago hirtum et M. satifa

Luzerne «ladak»

Medicago sativa ladek

«Manzanita»

Arctostaphylos spp.

«Mesquite»

Prosopis spp.

«Needlegrass»

Stipa spp.

«Ponderosa pine»

Pinus ponderosa

«Sagebrush»

Artemesia app.

Seigle

Secale cereale

«Smilo»

Oryzopis miliacea

«Wedgeleaf ceanothus»

Ceanothus cuneatus

«Yerba santa»

Eriodictyon californica

Note du traducteur: Certaines espèces particulières à l’Amérique du Nord n’ont pas de nom équivalent en français. Le nom local a été conservé, entre guillemets. Certains noms, comme «sagebrush» ou «mesquite» désignent aussi bien la formation végétale que l’espèce elle-même.

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