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Aspects économiques de l'utilisation des terres par la forêt 1


1 Communication préparée à l'intention du Cours sur l'utilisation forestière et agricole des terres organisé en 1959 par le Département forestier de l'université d'Oxford. On trouvera à la page 95 du présent numéro une note relative à ce cours.

J. J. MACGREGOR, Professeur de foresterie à l'université d'Oxford

Il est surprenant de constater qu'en dépit des importants changements survenus depuis les années 1950 dans les sciences économiques appliquées, l'utilisation des méthodes modernes d'analyse économique pour les problèmes forestiers a été quelque peu négligée. L'opinion générale étant que la production forestière est sensiblement différente des autres branches de l'activité et réclame des méthodes économiques propres, 1'«économie forestière», comme on l'a nommée, a fini par se trouver étroitement associée à des formules apparemment compliquées comportant des calculs d'intérêt. Il est très rare qu'on dispose pour elle de ce qu'on pourrait appeler une approche économique orthodoxe - comme celles qu'on trouverait dans des études sur l'agriculture, l'industrie charbonnière, ou celle des textiles.

Le présent article a pour objet:

1. De passer en revue les facteurs économiques qui déterminent le niveau de productivité des terres affectées à la forêt - en particulier d'étudier tous ceux qui semblent propres à cette forme d'activité économique. On discutera ces influences économiques, en se référant aux critères économiques orthodoxes, couramment employés.

2. De donner un aperçu très bref de l'usage fait des études économiques dans l'élaboration des politiques d'utilisation des terres par la forêt. On se référera dans cette partie aux thèmes se rattachant à l'utilisation des terres par la forêt.

Facteurs économiques déterminant le niveau de productivité des terres forestières

Les facteurs physiques susceptibles d'influer sur la productivité sont évidents: ce sont les sols, le relief et le climat. On pourrait s'attendre qu'ils agiraient en forêt comme en agriculture, mais la longueur des délais de production masque l'effet des influences saisonnières. Les arbres traversent différentes couches ou strates, et il peut arriver qu'une terre marginale pour la culture constitue pour la forêt une terre excellente et inversement. Il ne fait pas de doute, en tout cas, que la fertilité du sol a une influence capitale sur le revenu à attendre d'un investissement forestier.

Les facteurs physiques ont donc un rapport direct avec la productivité, et les études ont montré la relation étroite entre la «fertilité» et le volume produit, ainsi que le volume par unité de temps - question sur laquelle nous reviendrons ci-après.

Mais lorsqu'on étudie la productivité dans ce contexte on se réfère à un concept économique, et la grandeur à mesurer doit être la valeur produite. Si on s'intéresse à la productivité de la terre, on s'efforce d'individualiser la part de la valeur totale imputable à la terre plutôt qu'au travail et au capital. S'il n'est pas possible d'apprécier avec une exactitude totale la contribution d'un facteur isolé de la production, on peut l'évaluer de la façon suivante: on procède à une estimation de la valeur globale du bois produit, puis on retranche de la valeur globale de la production toutes les sommes payées pour les différents facteurs de production employés, à l'exception de celles payées pour la terre; le reliquat du prix représente ce qui peut être payé pour celle-ci. Mais on peut aussi considérer ce reliquat d'une autre manière. La valeur globale produite dans une entreprise équivaut à la somme des contributions des différents facteurs de production utilisés, puisque la valeur globale et les coûts totaux sont les deux membres d'une même équation. Si l'on admet l'hypothèse que les sommes payées pour le travail et le capital reflètent fidèlement leurs produits marginaux, il s'ensuit que le reste obtenu est une mesure exacte de la contribution de la terre au produit global. C'est pourquoi le but à atteindre est de calculer ce reliquat - le revenu net de la terre.

L'une des caractéristiques les plus remarquables de la production forestière est la longueur du délai d'obtention des produits, lequel dépend, bien entendu, de la qualité du sol, du climat et du choix des essences. Pour l'économiste, l'importance de cette période d'attente réside dans le rôle de l'intérêt du capital, soit pour l'affectation des crédits, soit pour permettre le choix entre les différentes possibilités d'investissement qui s'offrent au capitaliste, que celui-ci soit l'Etat ou un propriétaire particulier. En sylviculture, l'intérêt du capital s'accroît à un taux composé et joue donc un rôle considérable dans la formation des coûts, que le service gestionnaire de la forêt emprunte ou non le capital au Trésor public, car même si le capital peut être gratuit pour ce service il ne l'est pas pour l'économie, et il est essentiel de faire les investissements en se référant aux revenus respectifs qu'auraient produits différentes utilisations du capital. Cette référence aux différentes utilisations possibles est, en fait, la difficulté de l'économie, que M. Limel Robbins, dans son Essay on the Nature and Significance of Economic Science, a défini comme l'étude de l'affectation à des objectifs rivaux de ressources limitées disposant de plusieurs possibilités d'investissement. Les économistes parlent du concept de coûts d'opportunité, d'après lequel, pour la société, les «coûts réels» d'une politique donnée (d'investissement) sont mesurés par les «coûts d'opportunité» 2 de cette politique - ou la valeur des produits auxquels on renonce. Pour en revenir au temps en sylviculture, il est donc nécessaire, dans les calculs du produit net de la terre, d'établir un diagramme des investissements et un diagramme des revenus, dans lesquels les dépenses seront cumulées en portant intérêt depuis l'année d'origine jusqu'à la fin de la période de production, et de même pour les revenus qui «engendrent» l'intérêt.

2 Le «coût d'opportunité» (encore appelé «coût de substitution» ou «coût alternatif») correspond à la perte des satisfactions auxquelles on renonce en appliquant des ressources et des efforts existant en quantités limitées à une production plutôt qu'à une autre. Le coût d'un bien ainsi envisagé est représenté par l'utilité du bien alternatif que l'on a renoncé à obtenir pour le produire. (N.d.t.).

Maintenant, quels sont les principaux facteurs qui déterminent la productivité des terres affectées à la forêt? Ce sont le taux d'intérêt en vigueur et la longueur de la période de production, le montant des coûts, en particulier celui des coûts initiaux d'installation, les dimensions de l'unité de gestion forestière et l'importance des économies fonction de l'échelle à laquelle on travaille, le volume et la vitesse de production, le prix du bois enfin, y compris le prix des jeunes bois, élément important du revenu global. La question du prix pose des problèmes très complexes, car il est lui-même soumis à de nombreuses influences. Les plus importantes sont dues au coût des transports, fonction de l'emplacement de la forêt, aux taxes du pays importateur, aux tendances dans les secteurs clés du bois (demandes des industries utilisatrices), aux facilités de substitution du bois et d'autres produits, au rapport entre les prix des bois indigènes et des bois étrangers, aux monopoles relatifs dont peuvent bénéficier le producteur et l'utilisateur du bois. La question de la détermination du prix du bois est extrêmement complexe, car la demande de bois est une demande secondaire, qui dépend du niveau des besoins en produits à base de bois en tout ou en partie.

L'intérêt intervient pour une grande part dans les coûts totaux en sylviculture, en particulier lorsqu'on envisage la création d'une nouvelle unité forestière. Une élévation du taux d'intérêt de 1% seulement se répercute déjà de façon très marquée sur le coût de la production forestière; en Ecosse du nord, une élévation de 4 à 5% augmenterait les prix de revient totaux de 52% 3. Le taux d'intérêt à utiliser pour les calculs de rentabilité doit être le taux réellement payé, si le capital est effectivement emprunté, ou le taux «national» ou «taux du coût d'opportunité» si c'est le gouvernement qui fait l'investissement. Bien entendu la mesure dans laquelle on recherchera un taux d'intérêt égal au taux du coût d'opportunité sera fonction d'influences (autres que les facteurs purement économiques) s'exerçant sur la politique. Mais si la politique est essentiellement basée sur des objectifs économiques on pourra se faire une idée du taux d'intérêt national. La période de production est un facteur très important de la productivité des terres boisées, étant donné que l'intérêt s'accroît à un taux composé. Le délai nécessaire pour obtenir la production de bois d'emploi courant avec des rotations relativement courtes, c'est-à-dire pour la demande de pâtes ou de poteaux, varie d'un pays à l'autre. En cette matière, les arguments techniques et économiques peuvent entrer en conflit, les techniciens soutenant qu'il faut faire des éclaircies faibles ou produire du bois à croissance lente, et les économistes prescrivant une politique axée sur la production de bois à croissance rapide. Ces questions se trouvent réglées par les demandes du marché du bois. Une difficulté se fait jour cependant au moment d'arrêter la politique, car il est impossible de savoir ce que sera le marché dans 10 ou 15 ans, et l'offre en matière de production forestière est peu élastique.

3 K. R. Walker, thèse inédite, 1959, page 237.

Plus les dépenses de premier établissement, qui portent intérêt pendant toute la période de production, seront élevées, plus la charge sera lourde. La politique s'efforcera donc de réduire les dépenses initiales de création de la forêt. Des recherches sont poursuivies constamment pour mettre au point les méthodes propres à réaliser un abaissement de ces dépenses, et à cet égard il convient de mentionner le Groupe de travail de la «Forestry Commission» du Royaume-Uni. Parmi les nombreux problèmes que doit résoudre cet organisme, on peut citer à titre d'exemple la question des dépenses de logement. Ces dépenses si elles étaient mises à la charge de la Commission, représenteraient une proportion très élevée des dépenses totales une fois l'intérêt payé 4. Si l'on analysait les dépenses d'une entreprise forestière privée, il faudrait les inclure. Si, cependant, on admet que les «dépenses sociales» de la production forestière incombent à l'autorité gouvernementale, - et on peut montrer que les investissements faits par cette autorité pour le logement ne sont pas imputables en totalité aux ressources (puisqu'il aurait fallu loger ailleurs les ouvriers forestiers) - il ne faut pas mettre ces dépenses à la charge du budget de l'autorité.

4 Pour 100 acres, elles s'élèvent à 40% des dépenses, avec un intérêt de 5%. K. R. Walker, op. cit., page 233.

Ainsi, l'élévation des coûts par le jeu de l'intérêt composé est si importante en sylviculture que tout doit être tenté pour assurer la production la plus élevée possible par unité de chaque facteur de production apportée, à tous les stades du cycle de la forêt. Les forestiers chargés d'établir les plans et les administrateurs devront étudier constamment les proportions dans lesquelles interviennent les différents facteurs de production, et se demander si les dépenses ne pourraient être réduites (la production étant maintenue), ou si la production ne pourrait être augmentée, à égalité de dépenses, par une nouvelle fixation des proportions dans lesquelles les facteurs interviennent. Pour parler le langage économique, les facteurs de production doivent être utilisés dans des rapports tels que leurs produits marginaux soient équivalents.

Les dimensions de l'unité de gestion forestière ont aussi une incidence importante sur les coûts; par exemple, sur les dépenses de clôture, et sur l'importance des frais fixes 5. Quant à savoir jusqu'où il est possible de faire des économies dans une grande forêt grâce à l'échelle à laquelle on opère, cela demanderait une recherche empirique. Il est presque assuré que des économies peuvent être réalisées grâce aux facilités de prévisions que procurent une suite d'opérations ininterrompues et sans à coup et l'utilisation à plein de la main-d'œuvre sans perte de potentiel, avantages qui sont interdits dans une petite unité de gestion.

5 Ou «coûts constants». (N.d.t.).

De même que les dépenses doivent être diminuées, la production doit être portée à son maximum. On visera a l'obtention de volumes élevés, produits dans les délais les plus courts, à supposer toujours que cette politique s'accorde aux demandes du marché du bois. Cela est davantage l'affaire du technicien que de l'économiste, et, de fait, on travaille beaucoup à cet aspect important de la productivité forestière. Le prix du bois, sujet très vaste, ne peut qu'être évoqué ici comme élément majeur de la productivité valeur de la forêt. Plusieurs des facteurs mentionnés ci-dessus échappent au contrôle du forestier, mais, dans bien des cas, il pourrait accroître ses chances d'obtenir des prix plus élevés, par exemple en imaginant des méthodes de récolte plus efficaces et en recherchant des mesures de standardisation. Mais on ne peut agir que faiblement sur des influences telles que le coût des transports, plus élevé au Royaume-Uni qu'en Suède et dans d'autres pays où se conjuguent les avantages du flottage et de l'importance du volume disponible à proximité des scieries: les prix relativement bas des transports maritimes procurent aux expéditeurs un avantage dans nos ports, qui ne sont jamais loin des centres importants de la demande. Lorsque, cependant, des frais de transport élevés sont inévitables, on examinera avec soin jusqu'à quel point des longs trajets du bois jusqu'aux industries utilisatrices sont justifiés, et on étudiera la possibilité d'installer ces industries à proximité des régions productrices.

Pour nous résumer, l'analyse économique concentre l'attention sur les variables essentielles concourant à la productivité de la forêt, notamment la productivité physique, la longueur de la période de production, le taux d'intérêt, et, par conséquent, les revenus totaux. Citons encore, dans l'autre terme de l'équation, les variables principales que sont les besoins en capital et le temps nécessaire à la production, le taux d'intérêt et les coûts totaux de production. On voit de quelle importance vitale sont des questions telles que les coûts d'opportunité et la substitution de facteurs de production utilisés à la limite.

Utilisation des études économiques dans la formulation des politiques forestières

Après les influences économiques générales qui s'exercent sur le niveau de productivité des terres forestières, il est nécessaire de s'arrêter, très brièvement, sur quelques exemples concrets de problèmes politiques. La plupart des pays ont à affronter des problèmes tels que les natures de bois à produire, les dimensions du domaine forestier à constituer, les régions où installer les forêts. Pour d'autres, les forêts existent déjà en tant que ressources naturelles et, sans que les questions ci-dessus soient exclues, le principal problème est alors de déterminer le volume de bois à prélever, c'est-à-dire le niveau optimum ou l'intensité des exploitations.

La principale difficulté, pour répondre a la première de ces quelques questions, tient à ce qu'elle implique une prévision économique. D'un côté, l'économiste soutiendra que les catégories de bois à faire produire par le pays sont fonction des demandes du marché; mais, d'un autre côté, en raison de la longue période d'attente entre l'investissement et l'exploitation, ces demandes peuvent avoir changé dans l'intervalle, et l'on sait que l'élasticité de l'offre est faible en matière de production forestière. Les dimensions d'un domaine forestier et sa localisation dépendront de considérations telles que les avantages comparés d'une région donnée par rapport à une autre et les coûts d'opportunité entraînés par l'affectation de la terre à la forêt plutôt qu'à l'agriculture ou à une autre forme d'activité économique. Mais, là encore, les avantages comparés se modifient, et il est nécessaire de procéder à des rajustements dans l'affectation des crédits, en principe difficiles à réaliser en sylviculture. Etant donné la faveur grandissante dont jouissent les boisements artificiels, par opposition aux peuplements d'origine naturelle, il est probable que des modifications importantes interviendront dans les avantages comparés dont bénéficient les différentes régions pour la production de bois. Une grande partie de la très riche forêt vierge, longtemps considérée comme un «don gratuit de la nature», est maintenant entièrement exploitée, ou au contraire se fait plus éloignée et inaccessible. La sylviculture, comme l'agriculture, a ses modalités intensives comme ses modalités extensives, le travail intensif étant appliqué aux peuplements âgés de deuxième génération ou aux forêts créées artificiellement à proximité des centres de population et d'utilisateurs. En raison des progrès dans la technique et les connaissances concernant les besoins des industries spécialisées, comme celle des pâtes, on peut s'attendre à des changements; dans cet ordre d'idées, on peut signaler le transfert de la production de pâtes, aux Etats-Unis, de l'ouest vers le sud et l'est. Les prévisions de production de la matière première, procurée par les résineux à croissance rapide, créent un avantage très net sur les autres zones. Dans les années d'après-guerre, il est devenu clair que les bois de l'ouest africain bénéficiaient d'une suprématie indiscutable dans le commerce des bois durs. A l'heure actuelle, l'administration espère, grâce aux pratiques sylvicoles du «Tropical Shelter-wood System», maintenir cet avantage ou même l'accroître, principalement en encourageant les espèces économiquement intéressantes et en enrichissant en ces essences les forêts existantes.

Tant de facteurs concourent à déterminer les dimensions optima d'un domaine forestier dans une économie donnée qu'il est sans doute impossible de les calculer de façon exacte; au demeurant, le chiffre obtenu serait sujet à modification. Nous nous sommes référés au principe de la division du travail et de la spécialisation. Les crédits investis en forêt ne doivent pas être susceptibles de rapporter davantage à la nation s'ils étaient transférés à d'autres usages. Pour en décider, on rencontre, nous l'avons dit, de nombreuses difficultés. Cela implique des prévisions sur les prix, sur les conditions du commerce du bois et de ses matériaux de remplacement, à la fois pour la production indigène et pour l'importation. Cela conduit à se demander si la terre doit être affectée à l'agriculture plutôt qu'à la forêt, ou même si la terre doit être utilisée ou non. C'est une question de produits nets, et on pourra estimer que le domaine forestier a les dimensions optima lorsque les crédits sont utilisés de telle façon que tous les facteurs de production procurent des revenus équimarginaux dans tous les usages. C'est là un idéal économique qu'il faut avoir présent à l'esprit, même s'il ne peut pas être défini avec précision.

Lorsque les forêts existent (la question étant alors de savoir quelles quantités de bois en retirer), la théorie économique indique qu'il sera payant d'exploiter jusqu'à ce le coût marginal de l'exploitation soit équivalent; au revenu marginal obtenu 6. D'un point de vue pratique, il est vraisemblable que cela peut se déterminer plus facilement que les dimensions exactes du domaine boisé correspondant à un optimum économique.

6 Pour une discussion analytique plus poussée de cet équilibre mouvant d'une entreprise forestière, voir K. E. Boulding, Economic Analysis, Hamish Hamilton, Londres.

Il faut également faire mention des expériences en matière d'utilisation rationnelle des terres. De nombreux facteurs se conjuguent souvent pour restreindre la pleine utilisation des possibilités de production de la terre. Dans un article récent intitulé European and Near East experience of planned land use («L'expérience en matière d'utilisation rationnelle des terres en Europe et au Proche-Orient»), présenté à la septième Conférence forestière du Commonwealth britannique (1957), nous appelions l'attention sur quelques-uns de ces facteurs limitants relevés par la Commission de la FAO pour le Proche-Orient. Les principaux de ces facteurs étaient;

1. L'inadaptation de la législation existante aux problèmes d'établissement des droits de propriété sur les terres et de contrôle des forêts privées.

2. L'absence d'une politique clairement définie en matière de ségrégation de la forêt et de l'agriculture.

3. Une connaissance insuffisante de l'étendue des droits d'usage sur les produits forestiers et le pacage, au bénéfice des villages, des tribus, ou des particuliers.

4. L'insuffisance d'effectifs et de qualification du personnel des administrations forestières.

5. L'insuffisance des services de recherche.

6. Un matériel de propagande forestière inadapté.

Il est clair que les possibilités économiques des terres ne sont pas toujours inventoriées à fond, même pour décider de leur utilisation. Pour s'en justifier, on dit parfois que les données essentielles font souvent défaut pour effectuer les enquêtes économiques: mais peut-on affirmer que des efforts énergiques ont été faits en pareil cas pour remédier le plus rapidement possible aux lacunes des statistiques? Les autorités responsables de la politique d'utilisation des terres se préoccupent-elles toujours des facteurs économiques essentiels qu'elle implique? Evidemment non. C'est ce qui ressort clairement d'une étude de M. K. R. Walker 7, dont nous avons eu récemment le privilège de relire la thèse de doctorat en philosophie. Il y applique les méthodes d'approche des économistes à l'étude des procédés pratiqués par la «Forestry Commission» du Royaume-Uni pour se procurer des terrains. Après avoir discuté du problème de l'affectation des terres avec de nombreuses personnalités officielles, M. Walker est arrivé à cette conclusion que la méthode ne peut être décrite que comme «intuitive», les seuls principes qui se dégagent étant apparemment ceux du «moindre sacrifice» et du «bénéfice maximum» pour l'agriculture. En d'autres termes, il apparaît conforme à l'intérêt national de transférer la terre de l'agriculture à la forêt, dans la mesure où l'équilibre agricole ne s'en trouve pas perturbé et où les profits forestiers sont de nature à fournir certains avantages à l'agriculture (les seuls critères spécifiques utilisés sont le nombre de «brebis» par acre - donnée variable - et la possibilité d'affecter à la forêt les terres relativement pauvres). D'un autre côté, on a pu soutenir que la politique du gouvernement allait à l'encontre d'une utilisation économique des terres, et que l'aide financière britannique à l'exploitation des terres marginales gênait leur transfert à d'autres usages. Les possibilités économiques de la forêt ont été de peu de poids, bien que le Trésor compte que la «Forestry Commission» fonctionne comme une entreprise bénéficiaire, sauf lorsqu'elle a reçu spécialement mission d'agir dans un but de stabilité sociale.

7 «The Forestry Commission and the use of hill land the Government planning approach considered.» Scottish Journal of Political Economy 7, février 1960.

Les méthodes de planification consistant à laisser la «Forestry Commission» récupérer les «laissés pour compte» de l'agriculture n'ont pas été une réussite, et il n'y a peut-être pas lieu d'être surpris du changement de politique survenu en 1959, ni de constater qu'il n'est plus question d'acquérir d'ici la fin du siècle une surface déterminée de forêts. M. Walker a pose la question: qu'auraient été les possibilités d'acquisition de terrains par la «Forestry Commission», si seuls des critères économiques avaient été retenus. Pour répondre à cette question importante, il a procédé a des calculs sur la productivité relative de la terre selon qu'elle est affectée à la forêt et à l'agriculture, en se basant sur les coûts et les revenus de 1953, et en faisant des hypothèses sur les tendances de la main-d'œuvre, des salaires, des coûts de l'exploitation forestière, du taux d'intérêt, et du commerce des produits forestiers et agricoles. La conclusion est qu'à tous les taux d'intérêt modérés (4 à 5%) la forêt apparaît comme beaucoup plus productive que l'agriculture dans la plupart des zones de collines étudiées.

Quatre réformes administratives semblent nécessaires à M. Walker pour accroître les terres mises à la disposition de la «Forestry Commission» et lui permettre de mener à bien son programme sur une base économique:

1. La Commission devrait pouvoir payer un prix plus élevé par acre, de façon à obtenir des terres meilleures ou à constituer des massifs plus vastes où il sera possible de travailler à une échelle plus avantageuse.

2. La méthode actuelle, qui consiste à attribuer sans discrimination des subsides aux fermes des régions de collines, devrait faire place à une autre politique, réservant ces encouragements aux fermes où il est possible d'espérer une élévation du revenu net. 3. La «Forestry Commission» devrait être encouragée à relever ses salaires de façon à conserver et à attirer la main-d'œuvre.

4. Le gouvernement devrait adopter une attitude moins rigide en ce qui concerne la question, non résolue, des types de terres considérées comme convenant à la «Forestry Commission».

En dernier ressort, cependant, la décision doit être politique, et l'on pourra accorder moins d'importance aux considérations économiques qu'à la conservation des sols ou aux questions sociales. L'économiste peut seulement espérer mettre en lumière les conséquences économiques d'une politique donnée, sur la base de ce qui semble être les hypothèses déterminantes.


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