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Influence des prix de vente des produits forestiers sur les pratiques sylvicoles, dans une économie forestière en cours de développement 1

1 Communication présentée au cinquième Congrès forestier mondial.

ALEX R. ENTRICAN, Directeur des forêts, Service forestier néo-zélandais

La Nouvelle-Zélande nous fournit un exemple classique d'une économie forestière en cours de développement, et, par suite, de l'influence des prix sur les pratiques sylvicoles. Le gaspillage des ressources de ses forêts primitives a été la conséquence habituelle de la mise en valeur d'un territoire colonial. Mais l'effort que l'on a fait pour y remédier par la plantation en grand d'essences exotiques à croissance rapide a un caractère tout à fait exceptionnel. Au lieu d'échelonner les plantations de chaque essence de façon plus ou moins régulière compte tenu des révolutions prévues, on les a toutes effectuées en de courtes périodes ne représentant que de 5 à 20 pour cent de la durée des dites révolutions. On avait à peine fini de mettre les plants en terre qu'éclatait la seconde guerre mondiale. Elle entraînait une telle pénurie de main-d'œuvre qu'au moment même où les interventions culturales eussent été les plus utiles, aucune ne put être réalisée. Cet état de choses s'est largement prolongé pendant la période d'après-guerre.

Dès le début de la guerre, on a appliqué au bois un contrôle officiel des prix et on l'a toujours pratiqué depuis. En fait, il existe un contrôle des prix, sous une forme ou sous une autre depuis 24 ans. En 1952, on s'est aperçu que la prolongation indéfinie du contrôle allait à l'encontre des buts poursuivis par la politique forestière nationale. La question a été portée devant le Parlement, après avoir fait l'objet d'une étude appropriée dans le rapport annuel du Directeur des forêts. Le gouvernement et l'opposition tombèrent alors d'accord pour considérer que la chose la plus importante était de fournir du bois à bas prix pour la construction. La subordination de la politique forestière au contrôle des prix du bois prit le caractère d'une politique bi-partisane, et elle l'a conservé jusqu'à aujourd'hui. Quelque particulière que soit cette situation, il est néanmoins possible de tirer un grand nombre de conclusions valables sur le jeu combiné de facteurs économiques et politiques qui ont une influence sur la gestion des forêts d'un pays, qu'il s'agisse de peuplements indigènes ou d'origine exotique.

L'auteur du présent rapport a préparé une communication consacrée à «l'influence des marchés sur la sylviculture» pour la septième Conférence forestière du Commonwealth. Il y a exposé les conséquences de la «grande dépression», de la seconde guerre mondiale, et de l'économie d'après guerre sur la gestion des ressources forestières exotiques de la Nouvelle-Zélande. Il a cherché à montrer comment les situations particulières à ces périodes avaient été mises à profit par la politique forestière du pays, grâce d'une part, au contrôle par l'administration des ressources indigènes, d'autre part, au développement des industries intégrées. Il a indiqué comment il fut possible, dans ces conditions, de remédier à l'effet défavorable qu'aurait dû avoir le raccourcissement excessif de la période de création de la forêt artificielle. Ecrite pour expliquer officiellement ce qui s'était passé, cette communication avait pour but, en fait, de présenter de la façon la plus favorable, le raccourcissement de la période de création de cette ressource forestière et l'absence de pratiques sylvicoles. Le présent travail au contraire a été écrit pour mettre en évidence les problèmes techniques et administratifs posés par ce raccourcissement, qui a réduit à quelques années la naissance d'une vaste forêt artificielle et exotique, ainsi que le mauvais entretien qui en a été la conséquence.

Par conséquent, il tend à présenter la gestion des peuplements exotiques de Nouvelle-Zélande sous son jour le moins favorable.

Economies forestières très développées par comparaison avec celles qui sont en cours de développement

La décision prise par le Comité d'organisation d'établir une distinction entre économies forestières très développées d'une part, en cours de développement d'autre part, était tout à fait justifiée et d'une importance considérable pour la profession. Dans le monde entier, la plupart des ouvrages de référence et des traités classiques sont basés sur le postulat d'une économie forestière stable. Un grand nombre de théories, de pratiques, découlent d'une conception analogue, alors même que les conditions de stabilité n'existent pas et qu'en fait on est dans une économie forestière en cours de développement.

Dans le cadre de la présente communication, on considère comme économie forestière en cours de développement celle d'un pays où l'on est en train de créer un capital forestier. Elle s'oppose aux économies très développées des pays possédant déjà un capital forestier adapté à leurs besoins prévisibles, soumis à une gestion basée sur l'idée d'un rendement soutenu et ayant pour but l'approvisionnement d'industries forestières très différenciées.

Evolution de la sylviculture des exotiques en Nouvelle Zélande

L'histoire de la foresterie en Nouvelle-Zélande est probablement caractéristique de la mise en valeur coloniale du dix-neuvième siècle. La plus grande partie du pays, aussi bien montagnes que plaines, était couverte d'un épais manteau boisé, dont une grande partie pouvait fournir des produits commercialisables. Mais on était si loin des marchés mondiaux que cette forêt fut un passif plutôt qu'un actif pour les pionniers qui cherchaient des terres à mettre en valeur par l'agriculture et l'élevage. D'après une estimation très modérée, 10 pour cent au plus des forêts commercialisables qui ont été défrichées ont fourni des sciages, soit pour l'utilisation locale, soit pour l'exportation vers l'Australie - seul marché que l'on pouvait pratiquement atteindre - . Par la suite, l'exploitation est passée des plaines fertiles aux secteurs moins riches de l'intérieur, et à une allure telle que, moins d'un siècle après le début de la colonisation, il était évident que le pays ne pourrait conserver son autonomie au point de vue bois d'œuvre qu'en créant une ressource supplémentaire à base d'exotiques à croissance rapide.

En 1925, le gouvernement néo-zélandais adopta et mis en application une recommandation émise par le premier Directeur des forêts, M. L. McIntosh Ellis, visant à la création de 300 000 acres (121 400 ha) de plantations d'essences exotiques à croissance rapide au cours des dix années suivantes. On avait pour but de satisfaire, au moins en partie, les besoins en bois qui, selon les prévisions, devaient s'élever à près de 650 millions de board feet (3 millions de m³) de grumes à sciages en 1965. A cette époque, les ressources forestières indigènes ne seraient plus capables de satisfaire complètement de tels besoins sauf pour une courte période.

C'est en raison de l'expérience acquise antérieurement en matière de politique forestière que l'on a ramené à 10 ans le délai de constitution de ces peuplements artificiels, même pour une essence convenant à d'aussi courtes rotations que Pinus radiata. Préconisées pour la première fois en 1870, les plantations d'arbres exotiques n'ont été réalisées par l'Etat qu'au début du siècle. Mais malgré de nombreuses réactions du public, l'intervention d'une Commission royale et des encouragements répétés de l'administration, on n'avait planté que 40 000 acres (16 200 ha) en 1925. Fort heureusement, le premier Directeur des forêts a considéré comme son devoir, non seulement de faire comprendre au pays la gravité de la situation, mais de persuader le gouvernement de rattraper le retard des plantations qui s'était accru au cours de «la belle époque».

Doué d'une personnalité puissante, auréolé du prestige d'une expérience acquise à l'étranger, Ellis a créé un courant d'opinion dont la durée a dépassé les dix années prévues et n'a cessé depuis lors de soutenir la politique forestière nationale. En conséquence, non seulement le programme original a été rempli plus rapidement qu'on ne l'avait fixé, mais on a élaboré un programme accéléré de plantations privées qui a permis de constituer 300 000 acres (121 400 ha) de peuplements d'exotiques à croissance rapide. Au début, on envisageait aussi bien dans les programmes privés que dans ceux de l'Etat, de se concentrer sur l'utilisation de Pinus radiata. Mais ce ne fut que dans le secteur privé que l'on put disposer de stations convenables. Dans le cas des plantations d'Etat, on a planté en P. radiata d'importantes surfaces dans des stations qu'il a fallu replanter ensuite avec des essences plus appropriées.

Dès l'apparition de la grande dépression économique, au début des années trente, on a accéléré l'application du programme de l'Etat, et il s'est trouvé terminé plus tôt que prévu, car les travaux publics de toutes sortes jouaient alors un rôle essentiel pour la lutte contre le chômage. Toutefois, l'auteur de ces lignes a effectué à ce moment une mission à l'étranger qui l'a confirmé dans la conviction s'imposant de plus en plus, que l'on plantait trop de P. radiata, sensible à toute une gamme d'insectes et de champignons parasites. Pour diminuer ce risque, on a alors décidé, en fonction de la disponibilité de main-d'œuvre en chômage au niveau de salaires peu élevé, de planter le plus grand nombre possible d'espèces différentes de résineux, dans la mesure où le caractère des stations et les disponibilités en graines le permettaient. On a continué à planter P. radiata, mais seulement dans les stations les plus favorables. On avait pour but de produire, aussi rapidement que possible, un excédent annuel de 50 millions de cubic feet (1 416 000 m³) de matière première forestière susceptible d'être exportée sous forme de bois d'œuvre, de pâtes ou de papier, selon le développement éventuel des marchés d'Australie et d'Orient dans la période qui s'écoulerait entre la plantation et la récolte. Le tableau 1 indique les surfaces totales plantées par l'Etat, et la composition par espèces et en pourcentages, pour les trois périodes quinquennales 1925-29, 1930-34, 1935-39.

Avec le recul du temps on peut penser qu'il aurait été plus utile d'employer une grande partie de la main-d'œuvre bon marché, dont on disposait alors, à entretenir les plantations déjà existantes, plutôt qu'à en créer de nouvelles. En fait, le personnel d'encadrement était si peu qualifié qu'il ne pouvait même obtenir, dans bien des cas, une plantation avec espacement correct. Bien plus, le service lui-même avait si peu de connaissance et d'expérience de la sylviculture que si l'on avait transféré une bonne partie de la main-d'œuvre des travaux de plantation aux travaux d'entretien, on n'en aurait tiré que des résultats médiocres et on aurait commis beaucoup de dégâts. En fait un petit nombre de fautes de ce genre ont été commises.

Dès le début de la seconde guerre mondiale, le Directeur des forêts a pris la tête du Contrôle des bois. En cette qualité, il a eu la responsabilité du maintien de la main-d'œuvre, non seulement pour créer des peuplements et les entretenir, mais aussi pour assurer l'exploitation et le débit. Au début, avant l'intervention des Etats-Unis, la création et l'entretien des peuplements furent pratiquement supprimés, la production du bois ralentie. Au reste, la main-d'œuvre du temps de guerre était tout juste suffisante pour assurer la protection des forêts. Mais lorsque les Etats-Unis prirent en main le théâtre d'opérations du sud-ouest du Pacifique, il fallut augmenter considérablement la production de bois. On attribua donc aux exploitations et aux scieries une forte priorité pour la main-d'œuvre disponible.

L'administration du bois et des forêts eut ainsi l'occasion inattendue d'accélérer l'application de la politique forestière nationale - politique tendant à substituer rapidement les ressources ligneuses d'origine exotique aux ressources ligneuses indigènes, ce qui permettrait de contingenter et de conserver les ressources ligneuses indigènes en cours d'épuisement. En raison de cette nécessité impérieuse de conserver de la main-d'œuvre pour la production du bois, il apparut logique et possible d'intégrer la politique nationale de production de bois en temps de guerre dans la politique forestière nationale. A mesure que s'épuisèrent les ressources de bois sur pied qui alimentaient les scieries indigènes, elles durent s'arrêter et leur personnel fut transféré dans d'autres scieries du même genre, ou, de préférence, dans des scieries, anciennes ou nouvelles, qui traitaient les bois exotiques. On partait du postulat qu'il serait plus économique, non seulement en travail, mais aussi en approvisionnements et en transports, de renforcer la production plus près des centres déjà existants de main-d'œuvre ou de consommation. Aussi en est-il résulté, pendant la seconde guerre mondiale, une expansion spectaculaire de la production de bois scié d'essences exotiques, qui s'est poursuivie depuis lors presque sans interruption. Elle aurait été encore plus marquée si l'Etat avait possédé une plus grande partie des ressources indigènes en bois sur pied.

Depuis 1952 on a pu maintenir la politique du temps de guerre consistant à soustraire des ressources forestières nouvellement créées par l'Etat aux scieries qui exploitaient à blanc les forêts d'Etat d'origine ancienne. Mais on n'a pas réussi à persuader les propriétaires des ressources indigènes maories d'en faire autant. C'est pourquoi la production des forêts appartenant aux Maoris a quadruplé depuis la guerre. Mais il est significatif que d'autres propriétaires privés, possesseurs de forêts spontanées se soient refusés bien souvent à augmenter leur production afin de la faire durer le plus longtemps possible. Ils espéraient aussi que l'Etat serait ainsi plus favorablement disposé lorsqu'ils demanderaient, plus tard, des forêts d'Etat indigènes.

Tout cela ne s'est produit que parce qu'il a existé un déficit mondial de bois pendant la seconde guerre mondiale et les quelques années qui l'ont suivie. Avec des disponibilités aussi limitées en bois indigènes et d'importation, les consommateurs étaient contraints d'utiliser des exotiques ou de se passer complètement de bois. En fait, le marché est resté orienté vers la hausse pendant dix-sept ans, au cours desquels la production annuelle de bois exotique est passée de 30 à 300 millions de board feet (136 000 m³ à près de 1 360 000 m³). La production indigène est restée pratiquement stationnaire, un peu au-dessus de 300 millions de board feet (1360 000 m³) pendant toute cette période. Il est extrêmement douteux que, sans les conditions spéciales de la seconde guerre mondiale et des années qui l'ont immédiatement suivie, la production annuelle de bois exotique aurait atteint la moitié seulement de son niveau actuel.

Dans de telles conditions, caractérisées par une pénurie aiguë et par une utilisation forcée des bois, les sciages des exotiques étaient de qualité médiocre, mal classés et insuffisamment secs. Bien évidemment, non seulement les utilisateurs de bois, mais aussi les architectes, les ingénieurs, les organismes chargés de l'établissement des contrats et du financement, ont essayé de lutter contre leur substitution aux bois d'origine indigène mieux débités et de meilleure qualité.

Ce fut seulement en 1956, lorsque le marché fut à la baisse, aussi bien sur le plan intérieur qu'à l'exportation, que les fournisseurs de bois exotiques furent contraints d'améliorer leur production et sa présentation commerciale. Lorsque ceci fut fait, ces bois d'origine exotique purent, grâce à leurs plus grandes longueurs, à la facilité d'application des traitements de préservation, conquérir certains marchés réservés jusque là aux bois indigènes. En particulier, ils envahirent dans l'Île du Nord, le secteur de la construction tandis que, dans celui des débits, la qualité industrielle de Pinus radiata lui assurait de vastes débouchés tant en Nouvelle-Zélande qu'en Australie. Ayant amélioré le système de distribution, les producteurs de bois exotiques ont maintenant une position bien meilleure pour lutter avec les producteurs de bois indigènes.

FIGURE 1. - Nouvelle-Zélande: Production de sciages brute (indigènes et exotiques).

Le diagramme n° 1 montre nettement la tendance de la production des bois d'origine indigène et de celle des bois d'origine exotique pendant la période 1923-1957. Leur évolution vient à l'appui de la thèse selon laquelle la Nouvelle-Zélande constitue un exemple classique d'une économie forestière en cours de développement.

Incidence des attaques d'insectes et de champignons

La sylviculture des essences exotiques en Nouvelle-Zélande n'a pas été sans rencontrer des difficultés du fait des attaques des insectes et des champignons. Mais aucune n'a joué un rôle prépondérant. C'est sans doute à cause de son isolement géographique, et pour cela seulement, que le pays n'a subi aucune épidémie primaire.

Sur les sols de lave de l'île du Nord, la plupart des peuplements de pins, surtout de P. radiata, sont caractérisés par une forte proportion de sujets médiocres dans toutes les stations. La mauvaise forme des arbres pris individuellement augmente lorsque la densité des peuplements est faible. Ailleurs, sur les sols argileux pauvres de l'extrême nord et sur les graviers superficiels du sud, la proportion de ces arbres de forme médiocre est plus faible que sur les limons riches propres à la culture ou sur les sables purs. En général, les stations les plus pauvres, comparées aux stations les plus riches, produisent des arbres de meilleure forme, moins riches en branches quoique plus petits, avec une «mortalité naturelle» bien inférieure.

En fait, il se produit de temps en temps des gelées tardives de printemps particulièrement sévères en de nombreux secteurs de la Nouvelle-Zélande. Dans les jeunes peuplements de P. radiata beaucoup de bourgeons terminaux s'ouvrent par taches et peuvent être infectés par Diplodia ou Phomopsis. Souvent le bourgeon terminal meurt, et une double flèche se forme. Dans les dix premières années de la réalisation du programme de plantation, on plaçait très généralement les sujets à 8 x 8 ft. (2,44 x 2,44 m). Ceci correspond à une densité théorique de 680 à l'acre (1680 à l'hectare), qui s'est révélée tout à fait insuffisante pour que le terrain soit assez garni dans les stations où les jeunes peuplements subissent des pertes importantes provoquées par la sécheresse, le froid et les attaques subséquentes de champignons. Et, compte tenu des conditions sociales dans lesquelles ce programme a été réalisé, il a été rarement possible d'effectuer des regarnis pour compenser les pertes. Même l'espacement de 6 ft. x 6 ft. (1,83 x 1,83 m) soit 1 210 plants par acre (2 990 plants à l'ha) que l'on a adopté dans certains secteurs, a souvent donné à maturité des peuplements non satisfaisants n'étant pas constitués d'arbres de belle apparence.

Les périodes de sécheresse, puis d'humidité, qui durent plusieurs années, paraissent obéir à un cycle d'environ dix ans. Une série d'années sèches favorise l'apparition de populations de Sirex dans des proportions épidémiques. Fort heureusement, ces insectes n'ont attaqué jusqu'à présent que les arbres où la circulation de la sève était ralentie par une sécheresse prolongée. Il est intéressant de constater qu'un grand nombre de sujets mal conformés meurent, et, dans des peuplements non entretenus, les dégâts sont souvent spectaculaires. Ils sont habituellement plus importants dans les peuplements de P. radiata les plus denses, à 6 ft. x 6 ft. (1,83 x 1,83 m) que dans ceux dont l'espacement est de 8 ft. (2,44 m). Dans ces peuplements denses, il arrive parfois que les sujets soient décimés au point qu'il ne subsiste que 30 arbres vivants par acre (75 à l'ha) à maturité. Il en résulte que certains des arbres survivants ont des croissances extraordinaires allant jusqu'à 5 centimètres sur le diamètre, au cours des deux années suivantes.

On peut dire que les attaques épidémiques de Sirex ont tué tous les arbres qui, virtuellement, auraient du être éliminés plus tôt par des éclaircies que la guerre n'a pas permis d'exécuter.

Sur les sols de lave de l'île du Nord il ne semble pas qu'on puisse avoir un peuplement de P. radiata résistant aux attaques épidémiques de Sirex, d'une surface terrière supérieure à 200 square feet (18,6 m²). Le peuplement fournit alors, à 30 ans, pour des stations de seconde qualité, un volume sur pied [calculé jusqu'à un diamètre de 6 inch (15 cm) au fin bout] de 198 m³ à l'acre (495 m³ environ à l'ha), avec un accroissement annuel de 300 cubic feet par acre (21 m³ à l'ha).

Compte tenu de ces faits établis par expérience, il n'est pas tellement surprenant que des peuplements obtenus par semis en ligne ou par régénération naturelle après incendie, et qui ont des densités allant jusqu'à 10 000 et 500 000 par acre (24 710 et 1 235 500 sujets à l'ha) respectivement, fournissent lorsqu'on les laisse sans soin, même dans des stations médiocres, des arbres plus gros, à faible développement latéral, et de meilleure forme que ceux que l'on obtient dans tous les autres peuplements où l'on ne pratique pas d'éclaircie. Pour obtenir le même résultat, on se livre actuellement à d'importants travaux de recherche génétique pour essayer de réduire les frais importants d'éclaircie et d'élagage que l'on a dans les peuplements à l'espacement de 6 et 8 feet (1,80 et 2,40 m).

Contrôle des prix du bois en Nouvelle Zélande

A la suite de la grande dépression économique des années trente, on assista à un effondrement du marché du bois, et la coupe annuelle tomba de 300 millions à 150 millions de board feet (1359 000 à 679 500 m³ environ) dont la plus grosse partie fut vendue nettement au-dessous du coût de production. Les prix restèrent à ce niveau même après l'avènement du premier gouvernement travailliste qui, dès son arrivée au pouvoir, à la fin de 1935, rétablit les salaires au niveau officiel de 1931. Afin de maintenir le pouvoir d'achat de ces salaires, le gouvernement négocia un accord avec l'industrie du bois, aux termes duquel toute hausse de prix était strictement limitée sur justification à l'augmentation des frais entraînés par le rétablissement du niveau des salaires et la hausse des fournitures et équipements importés. On pensait que l'augmentation de la demande de bois résultant des vastes travaux de construction de logements réalisés par l'Etat rendrait les prix rémunérateurs pour l'industrie s'ils restaient au niveau de ceux de la dépression.

Ce «gentlemen's agreement» sur les prix dura jusqu'au début de la seconde guerre mondiale. Il fut alors remplacé par un contrôle officiel, résultant de la législation du temps de guerre. Ce contrôle n'a jamais été supprimé. A de rares exceptions près, on s'en est tenu aux bases précédemment définies; les augmentations ont été limitées à ce qui était nécessaire pour couvrir les frais qui échappaient à l'influence de l'industrie, c'est-à-dire à ceux qui résultaient d'une augmentation des salaires, des prix des fournitures, des installations et du matériel. A l'origine le «gentlemen's agreement» de 1936 avait adopté des prix de base, pour les bois exotiques et pour les bois indigènes qui n'avaient aucune correspondance entre eux. Les chiffres retenus reflétaient les prix de la période de dépression, qui s'étaient établis fortuitement, pour deux catégories de bois utilisés surtout, à l'époque, de façon différente et qui ne se concurrençaient guère. On utilisait alors 35 millions de board feet (158 600 m³ environ) de bois exotiques pour 260 millions de board feet (1 177 800 m³ environ) de bois indigènes.

A ce moment les bois exotiques étaient employés surtout pour la fabrication des types les plus ordinaires de caisses et de cageots. L'industrie du bâtiment s'en servait seulement sous forme de coffrages à béton. Alors, comme maintenant d'ailleurs, les bois exotiques paraissaient noueux par comparaison avec les qualités sans nœuds et ne présentant qu'exceptionnellement des défauts, des bois indigènes. Ces derniers étaient donc les plus répandus, non seulement dans les domaines des débits et de la construction, mais pratiquement dans tous les autres types d'utilisation du bois, y compris la fabrication des meilleures qualités de caisses et cageots. Pourtant les fournitures de bois indigènes dépassaient les besoins au point que, sous le coup de la grande dépression économique, leurs prix subirent une baisse relativement plus forte que les bois exotiques. Le contrôle des prix du bois a été entrepris par conséquent en officialisant les cours des bois indigènes bien trop bas, sans qu'on puisse dire que ceux des bois exotiques étaient trop élevés. Ni les uns ni les autres n'étaient rémunérateurs. Ils ne couvraient même pas les frais de production.

Comme cela se produit généralement lorsqu'on maintient le contrôle des prix alors que les achats sont insuffisants et la ressource surabondante, il est devenu de plus en plus inefficace. Mais, en outre, l'écart entre les prix des bois indigènes et ceux des bois exotiques s'est modifié progressivement. Jusqu'à une date récente, cet écart anormal à l'origine a fait que les producteurs de bois exotiques ont été obligés de les vendre, alors qu'il s'agissait tout au plus de qualités moyennes, à des prix presque aussi élevés que ceux des bois indigènes de qualité bien supérieure. On conçoit que les consommateur ait préféré acheter des bois indigènes tant qu'il a pu en trouver.

Les quelques exceptions à la règle générale consistant à limiter les hausses des cours aux augmentations de prix de revient que l'on pouvait justifier ont été provoquées par le fait que l'industrie a travaillé dans des conditions anti-économiques, en raison du décalage entre l'augmentation des prix de revient et l'approbation de la hausse des cours. L'effet cumulatif de ces retards successifs a obligé les services de contrôle à donner leur accord de temps en temps, à des hausses particulières pour améliorer de façon générale les bénéfices de l'industrie.

A cette situation d'ensemble s'est superposée, après guerre, une véritable esquive du contrôle des prix, lorsqu'on s'est aperçu qu'il ne pouvait s'appliquer légalement qu'aux prix des sciages. Dès qu'on s'est rendu compte qu'il n'y avait de contrôle des prix, ni sur la matière première, en tant que bois sur pied ou en grume, ni sur le coût du sciage, ni sur les produits finis, tels que menuiseries, maisons en bois, constructions, etc., on a assisté à une évolution révolutionnaire dans la structure des industries du bois. Non seulement les marchands de bois, mais aussi les entrepreneurs et les industriels du bâtiment, se sont mis à jouer à saute-mouton avec le contrôle des prix. Parfois ils achetaient des bois sur pied ou des grumes qu'ils faisaient abattre et scier pour aboutir, pour le produit fini, à un coût très supérieur à celui correspondant aux prix approuvés, mais qui leur permettait de se rembourser eux-mêmes en faisant entrer ces bois dans des menuiseries ou charpentes assez chères pour permettre un coquet bénéfice. Parfois les marchands de bois et les entrepreneurs achetaient des scieries et l'on aboutissait au même résultat.

En raison de la politique suivie par le service forestier qui tendait à réduire la production des forêts d'Etat le résultat immédiat de cette évolution de la structure de l'industrie a été de déclencher des ventes importantes en provenance de forêts appartenant aux Maoris, sous forme de bois sur pied et de grumes, à des prix variant de deux à trois fois leur valeur, telle qu'elle aurait résulté des prix des sciages adoptés par le service de contrôle. Il est arrivé que des quantités importantes de sciages, produits selon ce processus hors contrôle, excèdent les besoins des propriétaires utilisateurs et soient mises sur le marché à une cotation supérieure aux prix approuvés. Comme ces producteurs étaient bien décidés à défendre leur droit à se dédommager en vendant à des prix assez élevés pour assurer un bénéfice par rapport aux frais de production dont ils pouvaient justifier et qui correspondaient à des opérations techniquement valables pour l'exploitation et le sciage l'industrie bénéficiait d'une nouvelle hausse pour faire face à la situation.

Lorsqu'il s'est produit des augmentations des prix de revient normales, ou dues à des facteurs économiques, les hausses de cours approuvées par le contrôle ont toujours été plus fortes pour les bois indigènes que pour les bois exotiques. Au bout du compte, l'évolution de divers facteurs devait donc inexorablement, avec le temps, corriger l'ignorance des lois économiques qui était à la base du système de contrôle partiel des prix. A mesure que s'élargissait la disparité entre les prix des bois exotiques et des bois indigènes, le pouvoir compétitif des premiers augmentait. De même à mesure que la production des bois indigènes provenant des forêts des Maoris a augmenté, de même d'ailleurs que leurs prix de revient, et que la tendance du marché a basculé de la hausse à la baisse, il est devenu beaucoup plus difficile de vendre les bois indigènes de qualité inférieure, quelle que fût leur provenance. Bien plus, les prix des bois sur pied et des grumes provenant des forêts des Maoris ont eu tendance à baisser considérablement. En même temps les prix des bois sur pied et des grumes provenant des forêts d'Etat se sont élevés jusqu'au niveau déterminé par la nouvelle hausse admise par le contrôle.

C'est le jeu de la vieille loi de l'offre et de la demande qui était à la base de toute cette évolution. L'offre - c'est-à-dire, bois indigènes plus bois exotiques - étant devenue excédentaire, les producteurs de bois exotiques se sont vus obligés d'améliorer leur commercialisation pour détourner les consommateurs de leur préférence pour les bois indigènes. Aujourd'hui la situation est telle que, même lorsque le marché intérieur est soutenu tout en restant orienté vers la baisse, les producteurs de bois indigènes comme les producteurs de bois exotiques éprouvent les mêmes difficultés à se débarrasser des qualités inférieures. Alors qu'il existe une relation logique entre les valeurs des catégories équivalentes des bois indigènes et des bois exotiques, le contrôle des prix continue à freiner l'intégration optima de ces deux grandes classes de bois. De même, il existe des vestiges de restrictions sur l'emploi des bois exotiques, qui ont pour origine les idées préconçues et l'inertie administrative.

Par ailleurs, même cette intégration optima, dans les conditions actuelles, ne donnerait vraisemblablement pas au producteur de bois exotiques un revenu convenable. Faute de bonnes pratiques sylvicoles, la coupe de la première génération de plantations donne des grumes si noueuses qu'elles ne fournissent pas autre chose que des qualités moyennes et inférieures. Si le producteur ne peut offrir une bonne proportion de bois sans défaut ou presque, qui sont chers, il ne peut obtenir un prix sur pied rémunérateur pour les billes à sciages. Il y a lieu de remarquer cependant que, même si la guerre n'avait pas eu lieu, le raccourcissement en 10 ans de la période de création des peuplements de P. radiata, qui aurait dû s'étaler sur 40 ou 50 ans, aurait très vraisemblablement empêché de gérer de façon intensive la masse des peuplements, exception faite des meilleurs. Rétrospectivement, il ne fait guère de doute que financement, main-d'œuvre et personnel d'encadrement, auraient constitué des facteurs sérieusement limitatifs pour faire face à la compression des travaux sylvicoles dans le petit nombre d'années pendant lesquelles il est possible pratiquement de soigner les peuplements des espèces à croissance rapide comme P. radiata. Il est également fort important de se rendre compte que l'on ne possède qu'une expérience provisoire - et s'améliorant encore - des techniques sylvicoles à appliquer.

Il ne fait aucun doute que si l'on supprimait à la fois le contrôle des prix et les restrictions d'emploi, les prix des sciages de bois indigènes de bonne qualité et à peu près exempts de défauts augmenteraient quelque peu. Ceci aurait pour conséquence de réduire leur emploi à des usages indispensables, et de permettre d'utiliser davantage de bois exotiques dans des cas ne nécessitant qu'une qualité moyenne. Les producteurs de bois exotiques bénéficieraient ainsi de prix plus élevés. En fin de compte le planteur d'arbres recevrait un prix plus fort pour le bois sur pied, alors qu'à l'heure actuelle ce prix est si faible que, même si l'on vend aux usines intégrées qui font des papiers et des panneaux, et qui consentent des prix très favorables, on n'a qu'un intérêt composé à environ 3% pour l'investissement correspondant à la création de la plantation et à son entretien pendant 40 ans. Malheureusement cet investissement ne représente qu'une fraction de celui qui serait aujourd'hui nécessaire, soit pour obtenir la régénération naturelle des peuplements, soit pour les recréer complètement et les entretenir pendant la durée de la rotation nouvelle. Tel est l'essentiel du problème financier qui se pose au planteur néo-zélandais.

Le contraste est saisissant avec la situation du propriétaire australien de peuplements exotiques qui a l'avantage de profiter pour ses produits finis de prix qui sont fonction des frais élevés nécessaires pour amener les bois exotiques néo-zélandais sur ce marché voisin. Ainsi est-il assuré de bénéficier, non seulement de l'équivalent du prix néo-zélandais pour le bois sur pied, mais en outre de la totalité du coût important des transports à travers la mer de Tasman. C'est pourquoi les prix sur pied des exotiques en Australie ont tendance à être cinq fois plus forts qu'en Nouvelle-Zélande. Il en résulte que les planteurs australiens de P. radiata ont la possibilité de pratiquer une sylviculture très intensive et de faire scier leurs grumes jusqu'à un diamètre sous écorce de 3 inches (7,5 cm). En Nouvelle-Zélande, le minimum économique est au moins de 6 à 9 inches (15 à 22,5 cm). C'est seulement dans ses quelques usines intégrées que la Nouvelle-Zélande a la possibilité d'utiliser avec profit d'assez gros volumes de bois de plus faibles dimensions pour la fabrication de pâtes et de papiers. Ailleurs le marché des poteaux destinés à être injectés est si réduit qu'il n'a pas d'influence économique. De même le marché du bois de chauffage est extrêmement modeste. Aucun des deux n'est très rémunérateur

FIGURE 2. - Mouvement relatif des prix aux Etats-Unis.

On ne peut trouver de meilleur exemple de l'influence des prix sur la sylviculture que ce contraste entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie. La Nouvelle-Zélande, avec un énorme surplus temporaire de bois exotiques, non seulement autorise la vente de grumes au Japon, mais encore assure un revenu si faible au planteur que le maintien du contrôle des prix et les préventions sur l'emploi des bois constituent une menace pour le renouvellement et l'expansion de sa ressource en exotiques. Cette situation ne permet pas non plus une gestion sylvicole optimale. L'Australie, qui a un déficit énorme de résineux, nécessitant des importations de l'ordre de 400 millions de board feet (1 800 000 m³) de bois par an, a la possibilité de protéger les planteurs d'arbres exotiques de telle sorte que le prix sur pied de leurs produits d'éclaircie est cinq fois celui des coupes à blanc en Nouvelle-Zélande, ce qui leur permet de pratiquer une sylviculture excellente.

FIGURE 3. - Prix du bois d'oeuvre en Amérique du Nord corrigés en tenant compte des fluctuations de la monnaie.

Sans mettre en question l'opportunité d'une politique économique stabilisatrice en période de guerre, il semble, avec le recul du temps, que le gouvernement et le service du contrôle des prix auraient pu prendre une position plus libérale tant pour la fixation des prix de base, à l'origine, que pour les hausses de prix qui ont suivi. Les prix sur pied ayant un caractère résiduel, c'est le planteur qui en a souffert le plus. Bien que l'on admette généralement que c'est la pénurie de main-d'œuvre plutôt que l'absence de moyens financiers qui a empêché de pratiquer une bonne sylviculture pendant la guerre et les années qui l'ont suivie, il fait peu de doutes que si les revenus de la forêt avaient alors augmenté, les planteurs auraient été incités davantage à pratiquer la sylviculture dans la mesure où cela leur était possible. L'attribution d'une marge plus libérale aux industriels, scieurs ou fabricants de pâte, qui étaient en même temps propriétaires forestiers, aurait eu le même effet. En fait, dès que le contrôle s'est relâché et que les bénéfices ont augmenté, les propriétaires forestiers privés ont eu tendance à soigner davantage leurs peuplements.

FIGURE 4. - Mouvement relatif des prix en Suède.

Néanmoins, il faut bien achever ce chapitre par la conclusion inévitable que, s'il avait été possible de pratiquer une sylviculture correcte au moment et là où il le fallait, l'influence des attaques d'insectes et de champignons aurait été négligeable. D'autre part, la substitution des bois exotiques aux bois indigènes se serait produite de façon automatique, en fonction des préférences des utilisateurs pour les bois, sans défaut ou presque, tirés de peuplements bien soignés de résineux exotiques, qui ont l'avantage d'être aptes à toutes sortes d'emplois, faciles à sécher, à traiter, à travailler. Il en résulte que le planteur d'exotiques aurait bénéficié de prix sur pied bien plus élevés, ce qui l'aurait encouragé à planter davantage et à intensifier encore les soins donnés à ses peuplements.

Influence de l'évolution des prix à long terme et à court terme sur la gestion des peuplements

Pour essayer de se rendre compte des perspectives financières à long terme de la sylviculture des exotiques en Nouvelle-Zélande, considérée comme source d'approvisionnement pour le commerce international du bois, l'auteur du présent rapport a fait faire, tout au début de la guerre, une étude sur les tendances à long terme des cours du bois par rapport au mouvement général des prix. Il désirait vérifier la théorie suivant laquelle, étant donné que les réserves de résineux des peuplements naturels de haute qualité étaient de plus en plus difficilement accessibles à mesure que l'on exploitait, jusqu'à épuisement, les régions forestières les unes après les autres, les cours des bois devaient augmenter par rapport au mouvement général des prix.

FIGURE 5. - Prix du bois d'oeuvre (valeur monétaire constante).

Un rapport administratif non publié qui est l'œuvre de M. B. Grainger, économiste du Service forestier, a corroboré cette thèse comme on peut le constater en examinant les diagrammes 2, 3 et 4, qui ne nécessitent pas d'ailleurs d'explications particulières. En ce qui concerne les données de base utilisées pour ces trois graphiques, il suffit d'indiquer que dans chaque cas on disposait d'une série relativement homogène. C'est surtout parce que les prix des bois en Amérique du Nord ont, en supposant constante la valeur de la monnaie, augmenté avec des fluctuations remarquablement faibles pendant près d'un siècle, à un taux régulier voisin de 2 pour cent par an, que la Nouvelle-Zélande s'est engagée dans la voie des plantations d'exotiques pour le commerce d'exportation. L'épuisement des ressources de la région Pacifique-Nord-Ouest est prévisible, et il ne reste qu'un petit nombre d'autres réserves en peuplements résineux naturels. Il est vraisemblable que cette tendance ne fera pas que se maintenir, mais qu'elle s'accentuera peut-être.

La décision prise par la Nouvelle-Zélande postule que les améliorations sylvicoles réalisées dans les forêts d'Etat et dans d'autres encore, au cours des dernières années de la période d'après-guerre, continueront. On se rend bien compte que, si les pratiques sylvicoles ne permettent pas d'obtenir en définitive une production importante de bois de très bonne qualité, ou à peu près exempts de défauts, il sera probablement très difficile et peu rémunérateur de participer au commerce mondial. En Suède, les prix effectifs des sciages ont augmenté au taux moyen annuel de 0,8 pour cent. Bien que la forêt scandinave ne produise pas une proportion importante de bois exempts ou presque de défauts, les catégories moyennes sont de très bonne qualité si l'on fait la comparaison avec les résineux exotiques à croissance rapide de la Nouvelle-Zélande. Il est significatif de constater que la Scandinavie est très proche des marchés mondiaux pour les bois de ce genre.

L'expérience du marché d'exportation vers l'Australie confirme pleinement cette façon de voir. Il ne fait guère de doute qu'avec une proportion importante de catégories sans défaut ou presque, le commerce d'exportation pourrait être augmenté de 50 à 150 millions de board feet (225 000 à 700 000 m³) environ par an, au point d'éliminer complètement la concurrence scandinave. Mais on ne pourra y parvenir qu'en pratiquant une politique de sylviculture intensive, tâche à laquelle les professionnels doivent s'attaquer.

Mais si la tendance mondiale des prix du bois est d'heureuse augure pour les pays qui ont l'intention d'accroître leurs ressources forestières, que ce soit pour les débouchés intérieurs ou pour le commerce international, il est nécessaire de bien peser les faits relatifs à l'évolution sociale et économique en cours.

Le diagramme n° 5 est tiré d'un autre rapport non publié (1959) de M. B. Grainger, économiste du service forestier, relatif à l'influence à court terme des prix des bois sur l'économie forestière néo-zélandaise. Il compare l'évolution des prix des sciages en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis et en Suède, de 1937 à 1957. Comme le terme commun de comparaison est, dans chaque cas, le niveau général des prix de gros (représenté par l'ordonnée 100) on peut constater que les prix des bois aux Etats-Unis et en Suède se sont maintenus entre 40 et 90 pour cent au-dessus de cette ligne pendant toute la période d'après guerre.

Au contraire, le prix local pour les bois indigènes néo-zélandais de très bonne qualité dont l'approvisionnement était insuffisant, est resté en dessous du niveau général des prix pendant la plus grande partie de cette période. Il ne le dépasse aujourd'hui encore que de moins de 20 pour cent, tandis que celui des exotiques est resté, comme il l'a toujours été, en dessous. Il s'agit évidemment de l'influence du contrôle des prix. Cet exemple démontre clairement que, quelque fondées que soient les prévisions à long terme que l'on peut faire pour la mise en valeur des forêts, on risque de voir intervenir les impératifs imprévus de la guerre et des bouleversements sociaux et économiques qu'elle entraîne. Le forestier n'a qu'une consolation, celle de penser que toutes les lois économiques ont un caractère inexorable, qu'inévitablement ses espérances, contrariées à court terme, se réaliseront, permettront l'achèvement de ses plans à long terme, et que ses objectifs seront un jour atteints.

On peut dire en toute confiance que, dans le monde entier, les prix des bois ont augmenté de façon constante par rapport au niveau général des prix pendant la plus grande partie du siècle. De plus, cette tendance est tellement accentuée, l'épuisement des forêts résineuses naturelles si avancé, que l'on est assuré que cet état de choses se maintiendra dans l'avenir prévisible. Cette tendance est fondamentale pour l'avenir de la sylviculture et du traitement des forêts. Elle montre que, pour de longues périodes, il n'y a pas lieu de craindre que l'application d'une sylviculture de plus en plus perfectionnée ne paie pas en raison du jeu de facteurs économiques. Ceci donne aux forestiers une assurance qui leur permet de prévoir et de travailler pour obtenir le meilleur résultat possible.

Bien entendu, certains pensent que la désintégration mécanique ou chimique du bois pour la production de panneaux de fibres ou de particules qui se substitueraient aux dérivés naturels du bois pourrait simplifier les problèmes sylvicoles qui se posent au forestier. On a prétendu que, dans ce cas, la profession devrait logiquement suivre une politique visant à la quantité plutôt qu'à la qualité de la production, dont la principale manifestation est le dogme des plantations à très grand espacement.

L'auteur du présent rapport prétend que c'est seulement en essayant d'obtenir une production de qualité que l'on peut arriver à une production de quantité et en même temps utiliser au mieux les sols forestiers pour la satisfaction des divers besoins de l'humanité. Même si les généticiens arrivent à créer des lignées résistant aux maladies et susceptibles de donner des sujets de belle forme, il n'en reste pas moins que c'est seulement en plantant à une densité relativement forte que l'on peut tirer rapidement le meilleur parti possible du sol. A mesure que le peuplement vieillit, franchissant les divers stades de son développement, les ressources de la station ne permettent plus d'assurer la croissance de tous les sujets restés vivants. Il faut donc que certains meurent, ou que des éclaircies éliminent les plus faibles. Si l'on pousse cette idée jusqu'à ses conséquences extrêmes, logiques et illogiques, on finira par imiter les régénérations prolifiques réalisées par la nature et qui, après les coups de chablis et les incendies, sont si souvent à l'origine des forêts primitives de résineux de haute qualité que l'on trouve dans le monde.

Il est évident que la densité de la plantation doit être fixée en fonction des deux facteurs: prix de la main-d'œuvre et méthodes d'utilisation. Si l'on considère tous les peuples du monde, la situation est la plus favorable pour ceux des pays non développés où le coût de la main-d'œuvre est parfaitement compatible avec l'utilisation de tiges de très faibles dimensions pour le chauffage. De l'autre côté de l'éventail, une densité de plantation encore assez forte se justifie, car il est de plus en plus possible de combiner l'utilisation chimique des produits d'éclaircie avec la transformation en sciages des arbres obtenus en fin de rotation.

La force de l'industrie des pâtes et papiers, en particulier, et de celle des produits de désintégration du bois, en général, réside dans le fait qu'une partie assez considérable des matières premières qu'elle utilise lui arrive comme le résidu, de faible valeur, des exploitations forestières et des scieries qui, elles, supportent de beaucoup la plus grosse part des frais de plantation, d'entretien et de transformation. Si l'utilisation chimique du bois devait prendre sa part complète de ces frais, son pouvoir de compétition dans l'économie mondiale s'en trouverait sérieusement diminué. Lentement mais sûrement elle est pourtant contrainte d'en supporter une plus grande part. En même temps la plus-value des bois de haute qualité par rapport à ceux de qualité inférieure augmente. Comme les ressources en résineux de haute qualité provenant de peuplements primitifs disparaissent, cette plus-value ne fera qu'augmenter.

Etant donné que les scieries et les fabriques de contreplaqués bénéficient de frais de main-d'œuvre, d'énergie, d'amortissement d'installations, relativement faibles tandis que les dépenses correspondantes sont relativement élevées pour les industries chimiques, les produits naturels resteront toujours très compétitifs par rapport aux produits chimiques. Il ne fait guère de doute que la combinaison de ces deux catégories de production peut permettre d'obtenir l'utilisation la plus économique possible de la matière première.

Dans ces conditions, il est permis de penser que la sylviculture restera toujours le principal outil dont dispose le forestier pour aboutir à une utilisation économique, aussi bien des sols forestiers que de leurs produit.


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