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Que doit contenir une législation forestière élémentaire?

par T. FRANÇOIS
Chef de la Sous-division de politique forestière de la Division des forêts et des produits forestiers de la FAO
Ce document a été préparé à l'intention des experts et techniciens forestiers remplissant une mission au titre des programmes d'assistance technique

LA LÉGISLATION n'est que le second stade du développement des forêts nationales. Il faut d'abord que le Gouvernement du pays sache ce qu'il veut faire, c'est-à-dire qu'il ait une politique forestière. La législation sera évidemment complètement différente suivant qu'on devra mettre l'accent sur le développement de forêts vierges, sur la conservation des forêts existantes, sur le reboisement pour la conservation des sols, sur le reboisement à but économique, sur le développement de forêts de collectivité, sur la protection contre le feu, le pâturage, etc. Elle sera encore complètement différente suivant la place qu'occupent dans le pays les forêts particulières, et suivant qu'il s'agit de petits ou grands propriétaires; également suivant la politique qu'on entend mener à l'égard de ces propriétaires: assurer un strict contrôle de leurs exploitations, ou favoriser leurs initiatives en matière de mise en exploitation rationnelle de leurs forêts. Tant que ces politiques ne sont pas fixées dans leurs grandes lignes, il est impossible d'établir une législation.

La détermination de cette politique forestière implique naturellement une certaine connaissance des ressources forestières dont le pays dispose, de ses besoins en bois pour le présent et pour l'avenir, de ses besoins en forêts et boisements, existants ou à créer, pour la conservation de ses sols et le bénéfice de son agriculture, des circonstances qui s'opposent à la conservation des forêts, etc. Elle ne nécessite pas toutefois une connaissance détaillée de ces éléments. Cette connaissance détaillée comportant notamment un inventaire des ressources en bois disponibles, une détermination précise des terres qui peuvent au doivent rester occupées par la forêt, etc., deviendra indispensable lorsqu'il faudra établir des plans et programmes de développement forestier. Mais, à leur tour, ces plans et programmes resteront irréalisables tant qu'ils ne seront pas basés sur une politique bien établie et sur une ferme législation.

La législation forestière doit cadrer avec la législation générale du pays. Il est généralement impossible pour l'expert, soit en raison des difficultés de langue, soit à cause du temps réduit dont il dispose, de se mettre au courant de l'ensemble de la législation du pays où il opère. Il ne peut donc que présenter des propositions, ou plus exactement indiquer quels sont les articles qu'il sera nécessaire d'incorporer à la législation forestière pour atteindre les buts que se propose la politique forestière. Pour un premier projet, ces articles doivent être rédigés en termes très généraux et l'expert devra, pour une mise au point de son texte, réclamer résolument le concours de juristes du pays. L'idéal serait de constituer un petit comité de trois à cinq personnes comprenant l'expert lui-même, un, deux ou trois juristes, dont l'un au moins soit particulièrement compétent dans chacun des domaines du droit constitutionnel, du droit administratif, du droit civil et du droit pénal, enfin un ou deux forestiers du pays, s'il en existe et, si l'on a le choix, ayant quelques notions du droit de ce pays.

Cela n'empêchera naturellement pas l'expert de chercher à se mettre au courant des grandes lignes du droit national; sinon il lui serait difficile de discuter utilement au sein du Comité ci-dessus mentionné.

Les points qu'il devra particulièrement examiner sont:

En matière de droit constitutionnel

Quelles sont les garanties accordées par la constitution à la propriété privée, aux communautés et aux sociétés? Reconnaît-elle le droit d'expropriation? Dans quels cas? Comment est organisée la distinction des pouvoirs législatifs, administratifs et judiciaires? Ces deux derniers sont-ils nettement distincts? Si le pays constitue une Fédération, quelles sont les attributions respectives et les rapports du Gouvernement fédéral et des Etats ou Provinces fédérés?

En matière de droit administratif

Comment sont organisées les grandes Administrations du pays? Comment sont-elles décentralisées? Délégation des pouvoirs réglementaires? Quelle est la situation des employés des Administrations (stabilité, salaires, recrutement)? Comment sont organisées les communautés? Recours des communautés et des particuliers contre les décisions administratives? Bases de la législation fiscale; de l'établissement et de la répartition du budget? Séparation des recettes et des dépenses? Contrôle de l'Administration en matière commerciale (exportation, développement des industries, etc.).

En matière de droit civil

Comment est organisée la propriété foncière (propriété privée - propriété collective - propriété de l'Etat)? Distinctions entre le fonds et la superficie s'il en existe? Usufruit, servitudes et droits d'usage? Sur quels documents est basée la propriété? Comment peuvent être acquis des droits de propriété ou d'usage sur les terrains appartenant primitivement à l'Etat? Existe-t-il un cadastre? Régime des droits de pâturage? Transmission de la propriété? Régime des associations coopératives?

En matière de droit pénal

Organisation des tribunaux et, en particulier, des tribunaux de répression? Classification des infractions à la loi et tribunaux compétents? Organisation de la police? Valeur des constatations faites par les pouvoirs de police devant les tribunaux? Droits des personnes chargées de la police en matière d'arrestation, de saisie, d'enquête dans les habitations, d'interrogatoire de témoins, etc.? Organisation des appels? Le pouvoir de transiger est-il reconnu dans certains domaines à des agents administratifs ou de police?

Le projet de législation forestière à soumettre au gouvernement doit être simple.

Sans être immuable la loi est faite pour durer et servir de cadre à des décrets gouvernementaux ou à des règlements administratifs qui doivent, eux, pouvoir être modifiés et adaptés aux circonstances changeantes, tout en restant dans le cadre de la loi. Ce cadre doit donc être large.

Dans la plupart des pays intéressés, d'ailleurs, le Service forestier est réduit du point de vue du personnel professionnel, à sa plus simple expression. Les tâches d'ordre technique qu'il peut remplir sont donc très limitées. Le personnel de gardes et brigadiers sur le terrain sera un peu plus important, mais sa formation technique sera faible. On s'estimera heureux si les gardes savent lire et écrire et s'ils peuvent, dès le début, remplir des tâches très simples de police et de surveillance.

La multiplication des articles, la complication des dispositions, au début, ne peuvent donc servir à rien. Il faut essentiellement viser au développement ultérieur par voie de réglementation, c'est-à-dire fournir un cadre législatif dans lequel cette réglementation pourra s'intégrer aisément et qui lui donnera la direction que l'on veut.

En relation avec ce dernier point, on peut se demander quelles sont les dispositions essentielles qui doivent être comprises dans une loi forestière. C'est la question à laquelle on va maintenant s'efforcer de répondre.

A. Qui sera responsable de l'exécution de la loi?

Dès ses premiers articles, la loi doit nettement spécifier qui sera responsable de l'exécution de la loi.

Comme la gestion directe des forêts de l'Etat ou le contrôle de la gestion des autres forêts présente un caractère essentiellement technique, on pourrait songer à la constitution d'une «commission forestière» ou d'un organisme indépendant de tout ministère, ayant ses règles propres de comptabilité, ou même, en certains cas, à une organisation parastatale jouissant d'une large autonomie. Cette solution ne paraît pas recommandable dans les pays où l'intérêt des cercles politiques pour la forêt est encore à peine éveillé, et où un large soutien de ces milieux doit être assuré au développement forestier si l'on veut qu'il se produise jamais. Par contre, si le bois et la forêt sont appelés à jouer un rôle important dans la vie économique et sociale du pays, un ministère spécial peut être créé. Des ministères spéciaux des forêts existent, en fait, dans d'assez nombreux pays. D'une façon plus générale, l'Administration gouvernementale chargée de l'application de la loi sera rattachée à un ministère existant (nous supposerons dans ce qui suit que ce sera le ministère de l'Agriculture), et c'est ce ministère qui sera mentionné dans la loi comme étant responsable de son application.

Dans un pays où le Service forestier est déjà fortement organisé (même s'il manque de moyens) et solidement rattaché au ministère (de l'Agriculture), il n'est même pas nécessaire que la loi mentionne à quel organisme du ministère de l'Agriculture certains pouvoirs de décision et d'exécution, ou certaines responsabilités spéciales, seront confiés. Il y a lieu d'éviter toute mention du genre: «Le Ministre de l'Agriculture pourra (ou devra), sur rapport du Directeur général des Forêts...». En effet, c'est au Ministre qu'il appartiendra d'organiser le Service forestier, de lui confier les attributions nécessaires pour assurer son fonctionnement ou même, s'il y a lieu, de lui déléguer certaines de ses attributions. C'est une tâche essentielle du pouvoir exécutif, et un texte législatif n'a pas à entrer dans ses détails. Bien entendu, si certaines décisions, en premier ou en dernier ressort, doivent être réservées à un organisme supérieur au ministre de l'Agriculture, par exemple le Conseil des Ministres ou le Chef de l'Exécutif, la loi doit le mentionner dans chaque cas.

Il n'y a pas lieu de mentionner non plus spécialement dans la loi d'autres organismes (que le Service forestier) qui dépendraient, comme lui, du ministère de l'Agriculture. Si ces services ont à intervenir pour la mise en œuvre d'un des articles de cette loi, c'est encore, en effet, au Ministre responsable d'organiser cette intervention.

D'autre part, si le ministère de l'Agriculture doit être chargé de l'application de l'ensemble de la loi forestière, il est presque inévitable que, pour l'application de certains articles, d'autres ministères aient à intervenir. Non seulement ces ministères doivent alors, bien entendu, être mentionnés dans la loi, mais encore les relations entre ce ministère et le ministère de l'Agriculture pour l'application de l'article en question, c'est-à-dire les procédures de coordination entre les deux ministères, doivent être indiquées dans leurs grandes lignes.

Un ministère sera pratiquement toujours impliqué. C'est le ministère de la Justice, puisqu'il aura à appliquer les sanctions prévues par la loi forestière. C'est pourquoi les grandes lignes de la procédure de constatation des infractions et de la transmission des rapports les constatant aux autorités judiciaires doivent être spécifiées dans la loi forestière, à moins que ces questions ne se trouvent automatiquement réglées du fait que la qualité d'officiers de police judiciaire serait attribuée aux agents du Service forestier (mais ceci doit être alors expressément mentionné dans la loi). Certaines particularités, applicables à la loi forestière pourront toutefois avoir à être spécifiées (voir plus loin).

Tandis que, si le Service forestier est déjà bien organisé et constitue un organisme stable au sein du ministère, il n'y a pas lieu pour la loi d'en faire spécialement mention, il peut y avoir grand avantage à le faire dans le cas contraire. Un article de loi instituant un Service forestier pourra, en ce cas, donner au ministre auquel il sera attaché des facilités plus grandes pour obtenir le personnel et les crédits nécessaires à la bonne marche de ce Service. Même en ce cas, cependant, il n'est pas à conseiller que la loi s'appesantisse exagérément sur les tâches qui seront confiées à ce Service, ni sur son organisation interne. Insister sur son organisation-pourrait gêner le pouvoir exécutif. Quant aux tâches qui lui seront confiées, il pourra être mentionné qu'il s'agira de tâches techniques, y compris les responsabilités de la recherche et de la formation du personnel subalterne (éventuellement même de l'éducation technique du personnel supérieur), mais surtout, sous le contrôle du ministre, de la prise en charge des responsabilités que la loi forestière elle-même impose à ce ministre et de celles que d'autres lois ont pu ou pourront lui confier et dont il chargera à son tour son Service forestier.

On vient de mentionner «d'autres lois». Il convient en effet d'attirer l'attention sur le fait qu'une «loi forestière»n'a pas nécessairement objet de régler tout ce qui se rapporte au bois et à la forêt. La forêt n'est qu'une partie de l'utilisation des terres et le bois qu'une partie des produits de consommation et d'échange qui circulent dans le pays. Bien au contraire, il est préférable de limiter strictement le sujet de la loi forestière. Dans le cas contraire, on s'expose à traiter de sujets si divers et touchant à tant d'intérêts variés qu'on risque de ne jamais obtenir l'adoption de cette loi. Le critère sur lequel on peut se baser est de n'y traiter précisément que les sujets où le Service forestier aura la responsabilité principale et essentielle. Sans doute une loi est-elle toujours une loi et ses prescriptions sont applicables à tous les sujets qu'elle traite, mais il serait ridicule de vouloir, par exemple, modifier une loi constitutionnelle dans une «loi forestière». Un certain discernement est indispensable pour savoir à quoi se limiter ou jusqu'où aller dans cette «loi forestière». Par exemple, si l'on veut accorder pour des plantations nouvelles, effectuées par des propriétaires particuliers, des exemptions ou allégements aux impôts grevant les terrains intéressés, cette disposition peut assurément figurer dans la loi forestière. Mais elle peut tout aussi bien figurer dans une loi fiscale, et il peut y avoir intérêt à ce qu'elle figure dans cette dernière. Si elle figure dans la loi forestière, elle intéresse évidemment aussi le ministère chargé de l'établissement et du recouvrement des impôts. Ainsi qu'on l'a dit ci-dessus, la loi forestière devra alors fixer, dans ses très grandes lignes (les détails étant laissés à un règlement d'application interministériel), la nature des relations entre ce ministère et le ministère de l'Agriculture. On indiquera, par exemple, que l'existence de la plantation et sa bonne exécution seront constatées par le ministère de l'Agriculture par un rapport à transmettre au ministère chargé du recouvrement des impôts. On peut de même incorporer à la loi forestière, ou laisser à d'autres législations le soin d'édicter des prescriptions, par exemple, sur le commerce des bois, les privilèges ou restrictions à accorder à leur importation ou à leur exportation, l'organisation des établissements industriels forestiers, l'organisation du travail dans ces établissements ou sur les chantiers forestiers, etc.

Si, enfin, on a l'intention de créer un service ou un organisme forestier entièrement nouveau, qu'il constitue par lui-même un nouveau ministère, ou qu'il soit une organisation statale ou parastatale plus ou moins indépendante de tout ministère, il est clair que la loi forestière doit renfermer des détails très circonstanciés sur son organisation, sur les tâches qui lui seront confiées et leurs limites, sur les pouvoirs qui lui seront donnés, sur ses relations avec les ministères existants ou les divers organes des pouvoirs exécutifs et judiciaires, sur la façon dont son personnel sera recruté et son budget alimenté, enfin sur le contrôle qui sera exercé sur cet organisme nouveau par les organismes supérieurs du pouvoir exécutif.

L'incorporation dans la loi de telles précisions est encore bien plus nécessaire si les attributions habituelles du Service forestier sont scindées entre plusieurs organismes ne dépendant pas tous du même ministère, ou dont les uns dépendent de ministères réguliers, tandis que les autres sont plus ou moins indépendants. De telles combinaisons peuvent être utiles, et parfois même indispensables, mais elles ne sauraient être efficaces que si les relations entre les divers organismes intéressés sont, tout au moins dans leurs grandes lignes, très nettement établies par la loi. De toutes façons, on ne devra pas oublier que la politique forestière, partie intégrante de la politique économique, sociale et d'utilisation des terres d'un pays, doit rester sous le contrôle du Gouvernement. Un organisme de pure gestion de biens gouvernementaux peut avoir une autonomie aussi grande qu'on le désire, dès que les principes et le contrôle de cette gestion ont été fixés. Mais un organisme indépendant du gouvernement ne saurait imposer à celui-ci une politique forestière.

B. A quoi s'appliquera la loi?

Ainsi qu'on l'a déjà dit, une loi forestière doit borner étroitement son objet. Certaines de ses prescriptions pourront ou devront sans doute s'appliquer à tout l'ensemble du pays. Ce sera le cas si elle renferme des prescriptions, par exemple, sur le commerce des bois, les droits d'exportation ou d'importation sur les bois, les taxes et impôts sur les propriétés boisées, etc. Mais on a vu que des dispositions de ce genre peuvent être incluses, et qu'il peut être souvent préférable de les inclure dans d'autres lois, tant que ce n'est pas le Service forestier qui doit être le principal responsable de l'application des prescriptions correspondantes. D'autres dispositions, d'une application générale pour l'ensemble du pays et qui seront nécessairement incluses dans la loi, précisément parce que le Service forestier sera généralement le principal responsable de leur application, pourront viser, par exemple: le transport des bois, la lutte contre les incendies de forêt et les maladies des arbres fruitiers, l'interdiction de couper certaines espèces d'arbres dont on veut assurer la conservation, l'installation de scieries ou autres industries du bois, etc. (voir plus loin).

Mais la caractéristique essentielle d'une loi forestière est que les plus nombreuses et les plus importantes de ses dispositions s'appliquent à certaines surfaces bien déterminées du pays, appelées «forêts»: le Service forestier est responsable soit de la gestion, soit du contrôle (ou des deux à la fois) de ces surfaces. Il en résulte que la loi doit déterminer très clairement quelles sont ces surfaces. Si cette détermination n'est pas contenue dans la loi, celle-ci est inopérante et inutile.

Malheureusement, la définition juridique d'une «forêt»par de simples mots indiquant ses caractères est impossible. Chacune sait que, pour des motifs divers, des futaies pleines et étendues devront être laissées en dehors de l'application de la loi, tandis que des terrains parfaitement nus devront être considérés comme forêts. Bien plus, la distinction entre la forêt, le pâturage boisé et le pâturage vrai, est souvent, dans la nature, difficilement perceptible. Il n'y a donc pas d'alternative: les premiers articles d'une loi forestière devront déterminer les surfaces auxquelles cette loi s'appliquera, et cela veut dire qu'ils doivent prévoir la délimitation sur le terrain, avec des bornes, fossés, marques matérielles, etc., de ces surfaces. Ce sont les articles essentiels d'une loi forestière.

Il convient de bien comprendre ce qui précède. Cela signifie que toute surface qui sera délimitée conformément à la procédure dont les grandes lignes seront fixées par ces articles, tombera automatiquement (et sans qu'il soit nécessaire qu'une nouvelle loi intervienne pour chaque surface) dans le domaine d'application de la loi. D'autre part, d'autres prescriptions, qu'elles soient contenues dans la loi forestière ou dans d'autres lois, pourront s'appliquer à des surfaces non délimitées: par exemple, il peut y avoir intérêt à ce que le Service forestier soit appelé à donner son avis ou son autorisation pour toute exploitation d'arbres par des propriétaires particuliers ou des services d'Etat sur des surfaces qui ne sont pas encore délimitées, ou ne le seront peut-être jamais. Mais il ne serait pas besoin pour cela d'une «loi forestière». L'essence de cette dernière est de s'appliquer principalement à des surfaces strictement définies et clairement délimitées (voir à ce sujet la résolution n° 26 sur les «Principes de politique forestière», adoptée en 1951 par les Etats Membres de la FAO)*.

* Rapport de la sixième session de la Conférence de la FAO, Rome, 19 novembre-6 décembre 1951.

Dans les pays où il existe des cadastres bien faits, fréquemment révisés, et indiquant pour chaque parcelle de terrain, la nature de l'utilisation du sol, il est à la rigueur possible de considérer légalement comme «forêts» toutes les parcelles qui figurent sous ce titre au cadastre. Encore l'absence d'une limite précise sur le terrain présente-t-elle, même en ce cas, de graves inconvénients. Mais de tels cadastres n'existent encore que dans de rares pays ou dans de rares régions (qui ne sont pas des régions forestières) de chaque pays. Il n'en existe pas dans les pays où la foresterie n'en est qu'à ses débuts et où, fréquemment du reste, la ligne de partage entre les terrains qui resteront affectés à la forêt et ceux qui sont ou seront affectés à l'agriculture ou au pâturage, est encore disputée et susceptible de varier considérablement avec le temps.

En conséquence, les articles les plus importants d'une loi forestière sont ceux qui imposent la délimitation des terres auxquelles cette loi s'appliquera et qui fixent, du moins dans ses grandes lignes, la procédure qui devra être suivie pour cette délimitation et pour le bornage subséquent.

Il faut ajouter que, si la loi distingue plusieurs catégories de forêts (forêts de protection, forêts de production, etc.) comme à chacune de ces catégories s'appliqueront des prescriptions ou restrictions différentes (sans quoi il serait inutile de distinguer plusieurs catégories), ces différentes «forêts», en supposant qu'elles soient contiguës les unes avec les autres, doivent faire l'objet d'une délimitation et d'un bornage distincts.

Il y aura presque toujours, en tous cas, deux catégories de forêts: celles qui appartiennent à l'Etat et celles qui ne lui appartiennent pas (forêts privées ou de collectivités publiques).

Si la loi n'impose aucun contrôle, ne prévoit aucune restriction, sur les forêts qui n'appartiennent pas à l'Etat il n'y a évidemment lieu ni de les définir, ni de les délimiter, ni de les borner. Même si certains avantages sont accordés, par exemple, à des propriétaires forestiers privés, mais qu'aucun contrôle ou restriction ne soit établi en contrepartie, de telles opérations sont inutiles. Par contre, dès que la loi prévoit un contrôle ou une restriction quelconque (l'interdiction de défrichement en vue de modifier la nature de l'utilisation du sol est déjà une restriction), délimitation et bornage doivent être exécutés, puisque, sans cela, la loi serait inopérante. Suivant la nature de la restriction imposée, cette délimitation pourra être plus ou moins sommaire ou détaillée. Si une restriction ou une obligation bien définie, par exemple, est imposée à toutes les forêts particulières d'une certaine zone, il peut suffire de délimiter l'ensemble des forêts particulières de cette zone, sans qu'il soit indispensable que chaque forêt privée soit délimitée d'avec la forêt privée voisine. Si la loi impose un contrôle complet, analogue à celui qui s'exerce sur les forêts de l'Etat à toutes les forêts privées, chacune de celles-ci doit être entièrement délimitée d'avec les terrains, quels qu'ils soient, non considérés comme forêts, et d'avec les forêts, privées ou publiques, qui la bordent.

La délimitation et le bornage des forêts privées devront généralement être mis à la charge du service public qui exercera le contrôle prévu par la loi. Cependant, si des avantages sont consentis par la loi au propriétaire privé, en échange ou non de ce contrôle, les frais de la délimitation et du bornage, et même son exécution matérielle peuvent être exigés du propriétaire en contrepartie de ces avantages. La loi devra fixer ces points ou tout au moins les grandes lignes des disposition concernant ces délimitations et bornages. :

Dans tous les cas, pour un grand pays forestier, les opérations matérielles de délimitation et bornage exigeront naturellement beaucoup de temps, quelle que soit l'aide que pourront leur apporter les techniques modernes (photographie aérienne notamment) qui, en aucun cas, ne peuvent se substituer aux reconnaissances et délimitations sur le terrain. Admettant même que le pays dispose d'un personnel technique forestier assez important et que ces délimitations doivent être considérées comme sa tâche la plus urgente, il faudra donc fixer des ordres de priorité.

Ce n'est évidemment pas à la loi d'entrer dans ces détails. Mais il faut considérer comme inévitable que, pendant un temps qui sera peut-être très long, de vastes surfaces boisées restent sans aucun contrôle. On peut se demander s'il n'y a pas lieu de prévoir, en conséquence, des dispositions transitoires.

En principe, cela ne paraît pas désirable. Sans doute la loi peut-elle prévoir, en supposant qu'on dispose d'un Service suffisant pour les appliquer, quelques dispositions très générales, telles que celles qui ont été mentionnées ci-dessus: interdiction d'exploiter certaines essences, contrôle des transports de bois brut, obligation de déclaration d'installation des soieries, etc. La loi peut même charger le Service forestier de donner son avis sur les concessions d'exploitations forestières qui seraient accordées sur ces terrains et de les contrôler. Mais alors si de telles opérations sont envisagées, c'est ou bien dans le cadre d'un projet de colonisation, ou bien parce que l'on estime que ces forêts sont devenues accessibles et susceptibles d'exploitation régulière. Dans les deux cas, une délimitation des zones qui devront rester de façon permanente sous le contrôle de la loi forestière s'impose nécessairement. On ne saurait aller au-delà de prescriptions de ce genre: exiger d'un Service qu'il fasse observer des dispositions légales sur des terrains forestiers non délimités, ce serait lui imposer des responsabilités sans lui donner les moyens de les décharger.

Du reste, les terrains qui n'auront pas - ou pas encore - été délimités en application de la loi forestière ne sont pas, pour cela, dépourvus de statut légal. Ou bien ce sont des terrains privés et ils sont alors soumis aux mêmes règles que toute propriété privée, ou bien ce sont des terrains appartenant à l'Etat des «terres fiscales» suivant l'expression de l'Amérique latine.

Or, ces terres fiscales sont généralement administrées par des services spéciaux, souvent indépendants du ministère de l'Agriculture et dépendant d'un autre ministère (par ex. Terres et Colonisation), mais dont l'objet est également de faire observer des lois s'appliquant précisément à ces terrains. Si ces lois (lois agraires, lois de colonisation, etc.), qui ont généralement pour but de déterminer les procédures à suivre pour l'aliénation des terres fiscales en vue de leur développement agricole ou industriel, prévoient que le ministère de l'Agriculture (et le Service forestier) est appelé à donner son avis dans le courant de ces procédures, cette disposition est le signe de lois prudentes, soucieuses de la sauvegarde des forêts nationales, et désireuses d'organiser une étroite coordination entre tous les services du pays responsables d'une utilisation rationnelle des terres. Mais, si elles ne contiennent pas de dispositions de cette nature, ce n'est pas nécessairement à la loi forestière de les introduire dans la législation générale du pays. Le progrès doit être plutôt recherché par l'introduction de dispositions adéquates dans la législation relative aux terres fiscales dans leur ensemble.

L'absence de telles dispositions dans ces lois n'empêchera nullement la rédaction et l'application d'une bonne loi forestière. Puisque cette loi forestière imposera en premier lieu la délimitation des forêts et puisque, comme on l'a vu, il conviendra de fixer un ordre de priorité pour l'exécution matérielle des délimitations et bornages, il est clair que ces opérations devront porter d'abord, et en première priorité, sur les forêts se trouvant dans les zones où se poursuit un processus d'occupation (légale ou illégale) des terres fiscales, ou bien dans les zones où ce processus est déjà arrivé à son terme. Il importe, en effet, fort peu que des forêts, éloignées des centres d'habitation et de toute zone de développement agricole (ou pastoral), vierges, inaccessibles et qui ne seront peut-être pas ouvertes aux exploitations, régulières ou irrégulières, avant de nombreuses décennies, ne soient pas délimitées et soumises à la loi forestière. Seule, dans certains cas, la protection contre le feu peut y présenter une certaine importance, mais c'est, en ces cas, un problème beaucoup plus technique que législatif. Les efforts de délimitation devront donc se concentrer sur les terrains boisés, à boiser ou à reboiser, aux abords desquels la compétition entre terres agricoles, pastorales et forestières est un problème déjà existant ou qui va se poser incessamment.

Le choix des priorités appartiendra au Service chargé de l'application de la loi forestière. Quant à cette loi, elle devra, comme on l'a dit, fixer les grandes lignes de la procédure de délimitation et c'est là un point très important dans les pays dont la colonisation agricole se poursuit.

Normalement, cette procédure doit permettre l'examen des droits de propriété des propriétaires et occupants riverains de la forêt à délimiter, et la détermination de l'extension de ces droits en surface. La loi doit donc prévoir la participation à cette procédure de ces propriétaires et occupants riverains et organiser la garantie de leurs droits. Mais que faire s'il n'existe pas de propriétaire où d'occupant apparent, ou bien si l'occupant apparent est incapable de démontrer ses droits? On ne doit pas perdre de vue que la forêt à délimiter est prélevée, en vertu d'une loi (la loi forestière) sur des «terres fiscales», administrées, en vertu d'une autre loi (la loi agraire, de colonisation, etc.), par un organisme ou un ministère spécial. La loi doit donc prévoir et organiser la participation de cet organisme ou de ce ministère à la procédure de délimitation et de bornage. C'est ainsi qu'on évitera les difficultés que pourrait faire surgir, dans un avenir plus ou moins lointain, l'utilisation d'une procédure unilatérale.

Pour tenir compte de l'état encore mouvant, dans beaucoup de pays, de la limite entre terres agricoles et terres forestières, la loi forestière ne devra pas déclarer que les terrains incorporés par la délimitation ci-dessus dans les «forêts» soumises à la loi forestière sont inaliénables. Elle devra, au contraire, renfermer les grandes lignes d'une procédure d'abandon, dans laquelle l'organisme en charge de l'administration des terres fiscales aura également à intervenir, dans des conditions qui seront fixées par la loi (forestière). Mais pour que cette procédure ne soit pas engagée dans des conditions abusives - ce qui compromettrait la stabilité que doit avoir la «forêt» pour qu'une exploitation rationnelle en soit possible - il conviendra que cette procédure:; soit assez stricte et se termine par un acte du pouvoir exécutif supérieur, par exemple un décret ministériel ou interministériel.

La loi forestière, comme on l'a dit, ne peut définir par l'énumération de caractères descriptifs, les terrains auxquels elle s'appliquera. Elle ne peut que prescrire leur détermination sur le terrain. Toutefois, pour aider les agents qui seront chargés de cette délimitation sur le terrain, elle peut avec avantage renfermer des critères qui leur permettront de choisir les fractions du territoire national à inclure dans cette délimitation. De tels critères pourraient, par exemple, être opposés à des réclamations contre la délimitation proposée par ces agents, basées sur le fait qu'ils auraient outrepassé les dispositions de la loi. Mais il ne faut pas confondre ces critères avec une définition légale de la forêt. La loi peut dire, par exemple, qu'on devra, en principe, inclure dans la détermination légale des forêts sur le terrain, toute surface portant plus de 50 arbres à l'hectare: c'est là un critère possible. Il serait inadmissible qu'elle dise que toute surface portant plus de 50 arbres à l'hectare sera légalement considérée comme une forêt: ce serait un essai de définition légale de la forêt sur le papier fatalement voué à l'échec pour des raisons faciles à comprendre et qui rendrait toute la législation forestière sans objet.

Ces critères peuvent être très différents suivant les pays, et leur choix sera en grande partie déterminé par la politique forestière qu'on entend suivre. Parmi ceux que l'on peut être amené à choisir on peut citer, sans que cette liste ait la prétention d'être complète:

1. les surfaces portant des peuplements d'arbres plus ou moins denses;

2. ces mêmes surfaces, mais seulement lorsqu'on peut prévoir qu'elles ne seront pas utilisées par l'agriculture avant un délai plus ou moins long, ou lorsqu'elles sont définitivement inutilisables par elle;

3. les surfaces portant des peuplements d'arbustes plus ou moins denses;

4. les surfaces susceptibles d'être aménagées pour la production continue et permanente de bois (de chauffage - ou d'œuvre et d'industrie);

5. les surfaces susceptibles d'utilisations multiples (pâturage notamment) parmi lesquelles la production de bois joue un certain rôle;

6. les surfaces dont le peuplement d'arbres, d'arbustes ou la végétation herbacée qu'elles portent est indispensable à la protection des sols - à la protection des eaux - à la protection contre les avalanches, etc.;

7. les surfaces nues ou ne portant que des peuplements clairs ou très clairs mais qui doivent être reboisées totalement ou partiellement dans des buts de protection;

8. les mêmes surfaces, lorsque le reboisement doit viser un but économique ou social - ou un but d'hygiène - ou de récréation1.

1 A titre d'exemple, voici les critères que les autorités suisses désireraient voir incorporer dans les lois forestières cantonales:

a) Toute surface aménagée principalement pour la production du bois,
b) Toute surface sur laquelle poussent des arbres, bien qu'elle soit soumise à des utilisations multiples, telles que les pâturages boisés et les châtaigneraies;
c) Toute surface jouant un rôle de protection, y compris les pré-bois avec aulnes de montagne et pins mugho.

«Ne sont pas inclus, au sens de la loi, les arbres isolés sauf les châtaigniers de 20 cm et plus de diamètre à hauteur d'homme, les petits bouquets d'arbres et arbustes sur terrains agricoles, les allées et les jardins et parcs plantés.».

Ces critères, qui peuvent convenir à un pays où l'étendue des forêts est déjà fixée (une loi fédérale exigeant le maintien de la surface boisée à sa valeur actuelle), qui est entièrement cadastré et où l'esprit forestier est très développé ne sauraient naturellement convenir à des pays neufs. Ils ne sont donnés ici qu'à titre d'exemple.

Si l'incorporation de tels critères dans la loi peut être utile, elle n'est cependant pas indispensable. Ce qui est indispensable, c'est la procédure de délimitation et de bornage. C'est qu'en effet l'extension et la nature des terrains à englober dans la délimitation de la «forêt» est une question qui doit être tranchée par la politique forestière du pays intéressé. Beaucoup de législations cherchent à définir le terrain forestier comme «terrain impropre à l'agriculture». Cette expression est évidemment beaucoup trop vague pour définir la politique forestière sur ce point capital et pour permettre sa mise en œuvre (ce qui est justement l'objet de la législation).

D'une part, en effet, elle ne spécifie pas si les terrains soumis à l'agriculture nomade, c'est-à-dire occupés, au cours d'un cycle de 15 à 30 ans, pendant 2 ou 3 ans ou plus par des cultures agricoles et, pendant 12 à 27 ans au moins par des formations forestières, doivent être incorporés aux «forêts», quelle que soit d'ailleurs la nature de propriété de ces terrains.

D'autre part, le terme «agriculture» est très vague et ne permet pas de déterminer si les terrains consacrés à l'élevage extensif, c'est-à-dire les terrains de parcours naturels, doivent être, ou non, considérés comme «forêts». Cette indétermination est d'autant plus grave que de nombreux types de végétation, naturels ou induits par l'homme, comportent à la fois des arbres, dont certains ont du reste une grande valeur fourragère, et des pelouses de graminées et autres plantes fourragères, dont certaines peuvent avoir une utilisation industrielle. En d'autres termes, il n'y a souvent pas de limite précise entre la forêt et le terrain de parcours naturel. Par suite de cette indétermination la forêt est trop souvent livrée à l'exercice d'un parcours abusif, entraînant sa dégradation, comme celle des terrains de parcours voisins.

Enfin, il est évident que les grandes forêts encore vierges ou éloignées des centres de développement agricoles renferment fréquemment des terrains qui peuvent parfaitement se prêter à l'établissement d'une agriculture stable, mais que de longues années s'écouleront encore avant qu'ils puissent être utilisés de cette façon, précisément à cause de cet éloignement, tandis qu'ils peuvent cependant produire, en attendant mieux, d'importantes quantités de bois. Devra-t-on, en exécution de prescriptions législatives, éliminer ces terrains des «forêts» à délimiter?

Tout ce qu'on vient de dire montre plus clairement encore l'impossibilité de définir une «forêt» et la nécessité, pour obtenir une définition légale, que la loi forestière prescrive d'abord la délimitation et le bornage des terrains auxquels elle s'appliquera. Il y a lieu, en particulier, d'éviter, dans la loi, toute référence à des «terrains inutilisables pour l'agriculture» et plus encore à des «terrains inutilisables pour le pâturage». Il est de beaucoup préférable qu'elle ne dise rien à ce sujet, laissant ainsi toute latitude à la politique d'utilisation des terres de se développer au mieux des intérêts du pays. La meilleure formule paraît être d'indiquer dans le préambule de la loi ou dans l'un des premiers articles, que le but de cette loi est «d'assurer la conservation, l'utilisation rationnelle et le développement des ressources naturelles renouvelables du pays» ou bien «des ressources ligneuses du pays et des autres richesses naturelles liées à ces ressources», ou toute autre formule du même genre.

Du point de vue de la politique à suivre par le Gouvernement, il est très clair que, si les terrains appartenant à l'Etat ou à des collectivités et soumis au pâturage extensif (terrains de parcours) ou à l'agriculture nomade ne sont pas incorporés aux «forêts» (c'est-à-dire au sens de la loi forestière, inclus dans les limites des «forêts»), ils seront généralement laissés sans aucune supervision technique, car les pays qui ne possèdent encore que des administrations forestières peu développées ont encore bien moins des administrations capables de s'intéresser à leurs terrains de parcours naturels et aux zones boisées soumises à l'agriculture nomade. En attendant des solutions qui seraient peut-être meilleures, l'extension des responsabilités du Service forestier à ces terrains est sans doute la seule possibilité d'éviter les abus et dommages, parfois irréparables, auxquels donne fréquemment lieu leur utilisation incontrôlée. Toutefois, ainsi qu'on l'a déjà indiqué, la décision sur ce point appartient à la politique qui doit être fixée par le Gouvernement. Il est évident que si celui-ci ne veut imposer aucune restriction à l'utilisation de ces terrains, il n'y a pas lieu de les incorporer aux «forêts» et il n'y a pas lieu, pour la loi forestière, de s'en préoccuper plus avant.

Un grand nombre de textes de lois forestières débutent par un article reconnaissant l'«intérêt général» ou l'«intérêt public» de la conservation ou du développement de l'utilisation des ressources naturelles et des forêts. Il peut arriver que le choix de cette expression soit extrêmement important si les organismes législatifs désirent autoriser le ministère intéressé à recourir à la procédure d'expropriation pour assurer le maintien de la forêt sur certains sites ou pour en permettre le boisement ou le reboisement. Il peut arriver que, suivant l'expression qu'on la possibilité d'expropriation soit ou ne soit pas fondée en droit, compte tenu des dispositions générales du droit civil, administratif ou constitutionnel du pays.

Si la politique à laquelle on s'est arrêté vise à obtenir du pouvoir législatif l'autorisation, par le ministère, d'exproprier, le texte de loi proposé doit évidemment chercher à définir les cas où ce droit d'expropriation pourra être exercé. La loi n'aurait, en général, aucune chance d'être adoptée, si l'énumération des cas permettait une interprétation trop large.

Quant à la procédure d'expropriation elle-même, elle n'a pas à figurer dans la loi forestière, qui se contentera de renvoyer aux textes législatifs plus généraux existant sans doute à ce sujet. Ce n'est qu'au cas où l'on voudrait apporter des restrictions à cette loi plus générale, ou au contraire en faciliter l'application par certaines dispositions spéciales, que ces altérations à la législation générale devraient figurer dans la loi forestière.

C. Dispositions relatives a l'utilisation de la forêt

Dans bien des cas, lorsque l'agent du Service forestier chargé d'une délimitation examinera le terrain qu'il doit définir comme forêt, il constatera que, bien loin d'être resté jusqu'ici inutilisé, ou utilisé seulement par son propriétaire légal (à supposer que cette propriété légale soit nettement établie), des bois y sont plus ou moins régulièrement exploités par des individus ou des communautés vivant au voisinage de ce terrain. Ils peuvent l'utiliser aussi pour y procéder à des cueillettes ou à l'exploitation de produits divers, pour y faire paître leur bétail, ou encore pour cultiver temporairement certaines parties du terrain (agriculture nomade).

Pour permettre d'utiliser aux buts que se propose la politique forestière les surfaces qui vont être délimitées sur le terrain, il est indispensable, à moins que la loi ne prévoie la suppression pure et simple de tous les «droits d'usage»sur les forêts délimitées en exécution de la loi forestière - une mesure radicale que l'on devra et que l'on pourra bien rarement envisager - que la nature, l'importance et les modialités d'exercice de ces droits d'usage soient parfaitement connus. Il y a, certes, intérêt à débarrasser la «forêt» nouvellement délimitée de tous les droits d'usage qui la grèvent, mais les méthodes qui peuvent permettre leur élimination, en principe contre compensations de natures diverses, sont longues et difficiles à mettre en œuvre, et il sera en général préférable de remettre à plus tard une législation qui établira les grandes lignes de la procédure

à employer pour cette élimination. On visera simplement pour le proche avenir, à leur réglementation et à leur maintien dans des limites telles que la pratique de ces droits d'usage ne compromette pas la stabilité ou la fertilité des terrains où ils s'exercent, et n'entraîne pas, en conséquence, par là même, l'impossibilité d'exercer ce droit dans un avenir plus ou moins lointain.

La loi forestière doit donc prescrire, en même temps que la délimitation des «forêts» sur le terrain, le recensement des droits d'usage (i.e., comme il est dit plus haut, la détermination de la nature, de l'importance quantitative, des modalités et de l'identité des personnes qui en jouissent).

Compte tenu de la nécessité de satisfaire, s'il y a lieu, les droits d'usage tout en les réglementant, la politique forestière de tout pays doit viser au rendement soutenu sur les terrains délimités comme forêts. Quelles dispositions élémentaires la loi doit-elle renfermer pour obtenir autant que possible ce résultat par les moyens les plus simples?

Dans les forêts de l'Etat

Il n'y a pas de difficulté théorique. La loi doit contenir un article faisant obligation au Service forestier de soumettre chaque forêt à un aménagement officiellement approuvé.

La difficulté pratique est que toute étude sérieuse d'aménagement est longue. Pour y remédier, la loi, qui contiendra les dispositions nécessaires pour la vente des produits de la forêt (ventes proprement dites et concessions de longue durée), renfermera les garanties nécessaires pour que les ventes et concessions accordées avant l'approbation de l'aménagement, ne mettent pas en danger l'avenir de la forêt. L'octroi de concessions de longue durée peut être subordonné, par exemple, à la présentation par le bénéficiaire d'un plan d'aménagement rationnel pour l'étendue de sa concession. On peut même lui imposer éventuellement la délimitation matérielle de la forêt concédée, ce qui simplifie d'autant le travail du Service forestier qui devra, néanmoins, assurer le contrôle tant du plan d'aménagement que de la délimitation.

Il est inutile, dans ce chapitre, d'introduire dans la loi des dispositions sur les prix de vente des produits, les obligations des bénéficiaires de concessions, etc. Tout cela est matière à réglementation. Tout au plus peut-on poser des principes quant à la forme de l'autorisation des concessions de longue durée et de la mise en vente (par adjudications publiques, par exemple).

Dans les forêts des collectivités

On a le choix entre soumettre ces forêts, du point de vue de leur utilisation, à un régime analogue à celui des forêts de l'Etat (contrôle complet par le Service forestier), au même régime que celui des forêts particulières (voir ci-dessous) ou à un régime intermédiaire. De toutes façons, s'il y a contrôle, il ne faut pas oublier que ces forêts doivent être délimitées, et si l'on décide en faveur d'un régime différent de celui des forêts particulières, il faudra une délimitation spéciale, vraisemblablement pour chaque forêt de communauté prise individuellement. Si l'on décide en faveur d'un régime analogue à celui des forêts de l'Etat le plan d'aménagement devra tenir compte de la satisfaction des divers besoins en nature de la communauté propriétaire

Dans les forêts particulières

1. Si ces forêts sont superficiellement importantes et réparties entre un grand nombre de propriétaires, toute mesure de contrôle entraîne pour un Service forestier, peut-être encore en enfance, un surcroît de travail qui peut être insupportable;

2. toute mesure de contrôle trop stricte, assortie de sanctions trop sévères, risque d'étouffer dans l'œuf toute initiative de la part du propriétaire et de le conduire à se désintéresser entièrement de sa forêt, ce qu'il n'est que trop souvent porté à faire.

Dans ces conditions, ce sont seulement les obligations les plus simples, n'obligeant pas le Service forestier à des contrôles trop rigoureux, qui pourront être contenues dans la loi. Les déclarations de coupe, les autorisations à donner par le Service forestier, la marque des coupes et les inspections par les agents de ce Service sont absolument utopiques. On suggère que la loi pose seulement en principe pour le propriétaire qui exploite ou fait exploiter (et non pour l'exploitant) l'obligation d'assurer, naturellement ou artificiellement, la régénération de la surface exploitée en essences de valeur économique similaire. La seule sanction à prévoir est la faculté pour le Service forestier d'exiger la régénération artificielle ou d'y procéder aux frais du propriétaire, si la régénération naturelle apparaît comme impossible à obtenir. Il sera bon que l'article de loi renferme les grandes lignes d'une procédure concernant l'action exercée par le Service forestier dans ce cas, cette procédure comportant peut-être la possibilité d'appel administratif, et étant destinée à protéger le propriétaire contre des exigences excessives, ou mal fondées, ou exprimées trop tardivement.

Les forêts classées «de protection» pourront être soumises à des restrictions et contrôles plus sévères, mais on se souviendra encore de ce qui est dit sous 1 et 2 ci-dessus.

C'est également sous cette division de la loi que devront être contenues les dispositions relatives à l'obligation de boiser ou reboiser et aux possibilités d'expropriation dans des cas nettement déterminés. Ces articles devront être rédigés en tenant très sérieusement compte de la législation locale en matière d'expropriation, et en s'y référant au besoin dans la loi forestière elle-même.

Une autre division devra renfermer les dispositions législatives relatives à l'aide éventuelle de l'Etat aux propriétaires désireux de boiser, reboiser, améliorer leurs forêts, construire des routes, etc., soit à l'intérieur de la zone des «forêts», soit à l'extérieur. Dans le cas de plantations hors de la zone des «forêts», si une aide est accordée, il faut évidemment la subordonner à la délimitation de la forêt constituée ou améliorée et à son incorporation dans la zone des «forêts», à moins qu'il ne s'agisse simplement de plantations d'alignement, haies, etc.

Les avantages d'ordre fiscal qui pourront être accordés (avec discernement) aux propriétaires désireux de boiser ou d'exécuter dans leurs forêts certains travaux d'amélioration, pourront également être incorporés dans cette division, à moins qu'il ne semble plus conforme aux habitudes locales de les incorporer dans la législation fiscale du pays.

Enfin, si le pays intéressé a à faire face à un problème de petites forêts morcelées sous propriété particulière, une autre division encore du même chapitre traitera des coopératives forestières. La rédaction des articles correspondants nécessitera une étude sérieuse par l'expert de la législation des coopératives existant dans d'autres domaines de l'économie, et surtout des coopératives agricoles.

Il faut bien reconnaître que, dans bien des pays l'existence de lignes de démarcation et de bornes, si indispensable et nécessaire qu'elle soit, n'est pas encore suffisante pour imposer aux populations locales le respect de la propriété soit de l'Etat soit des collectivités publiques ou des particuliers. C'est, bien souvent, l'utilisation effective des terrains compris dans ces limites qui crée aux yeux de ces populations, le véritable droit de propriété. Cette conception trouve même un fondement précis dans les antiques usages de certains pays.

C'est pourquoi il a été indiqué que, tout au moins pour les forêts de l'Etat et celles que la loi soumet à son contrôle, cette loi doit contenir un article faisant obligation au Service forestier de soumettre chaque «forêt» à un aménagement officiellement approuvé.

Si les terrains délimités sont à peu près entièrement couverts d'une véritable végétation forestière, cet aménagement sera naturellement un aménagement forestier. Même en ce cas, cependant, il arrivera fréquemment que les terrains en question soient utilisés sur une échelle plus ou moins large, pour le pâturage des animaux domestiques ou sauvages. Si l'on veut, ou si l'on doit, pour des raisons techniques, économiques ou sociales, maintenir ou même développer ces activités (bien entendu, sous la condition du rendement soutenu), l'aménagement forestier pourra devenir un aménagement sylvo-pastoral ou un aménagement sylvo-pastoral et de la vie sauvage. La loi pourra alors avantageusement mentionner cette possibilité. Elle devra également mentionner la possibilité d'aménagements sylvo-agricoles si, à l'intérieur des forêts délimitées, se trouvent des zones soumises à l'agriculture nomade.

La loi peut même aller plus loin et distinguer, suivant leur utilisation, ou du moins leur utilisation principale diverses catégories ou classes de forêts. Cette distinction, du moins pour les forêts de l'Etat serait également plus utile que la distinction, qu'on rencontre assez fréquemment dans les législations, entre «forêts de protection» et «forêts de production». Il peut n'être pas indispensable que les «forêts» à utilisation essentiellement pastorale soient distinguées, au point de vue légal, des forêts essentiellement forestières, puisque les différences entre les deux catégories porteront surtout sur les modalités de leur aménagement. C'est ainsi qu'en Inde les «forêts» englobent souvent de vastes zones pastorales, et qu'on se contente de distinguer dans l'aménagement de ces forêts des sections ou des séries (working circles) pastorales. Par contre, lorsque des parties de la «forêt» seront consacrées essentiellement à des utilisations agricoles (agriculture nomade), il sera, en principe, nécessaire, de distinguer effectivement deux catégories de «forêts», parce que les dispositions législatives concernant ces deux catégories seront généralement différentes. C'est d'ailleurs la solution à laquelle on s'est arrêté dans de nombreux pays africains en distinguant les forêts «réservées» strictement protégées en vue de la production de bois ou de la conservation des sols et des eaux, et les «autres» forêts (sous des dénominations diverses) auxquelles ne s'appliquent que des restrictions beaucoup plus lâches et générales. Trop souvent, malheureusement, les restrictions édictées en ce dernier cas par la loi, manquent d'efficacité, précisément parce que la délimitation et le bornage de ces «autres»forêts ont été négligés, tous les efforts à ce sujet s'étant portés sur les seules «forêts réservées».

Le problème qu'on examine ici est lié à celui des droits d'usage. On a dit plus haut que la loi forestière devra prévoir, le cas échéant, leur réglementation. C'est dans les chapitres concernant l'utilisation des forêts que cette réglementation trouvera sa place normale, qu'il s'agisse de droits d'usage au bois, au pâturage, ou à l'utilisation des terres pour l'agriculture nomade. Dans les pays où de tels usages existent, en droit ou en fait, il est inutile, s'il n'entre pas dans la politique du Gouvernement d'en réglementer l'exercice et l'étendue, de chercher à délimiter comme «forêts» les surfaces qui en sont l'objet. Et même, s'ils s'exercent partout, il est alors parfaitement inutile d'édicter une loi forestière.

La réglementation de ces «usages» doit respecter autant que possible (sauf la restriction ci-dessus mentionnée relative à l'autodestruction de l'usage) les droits acquis. Cela est généralement possible. Il arrive souvent qu'une sage réglementation permette non seulement de satisfaire l'exercice du droit sans danger pour la «forêt» mais même d'en tirer des bénéfices d'ordre sylvicole. Des droits d'usage à l'agriculture nomade, par exemple, peuvent être utilisés pour des plantations (taungya), des droits au pâturage pour l'élimination des risques d'incendie, Encore est-il nécessaire que la loi pose les bases d'une réglementation de ces droits.

Afin d'éviter que, avant que les délimitations prescrites par la loi puissent être effectuées, les droits d'usage puissent s'étendre indéfiniment en intensité ou en surface, une précaution peut être prise dans cette loi elle-même. Un article peut spécifier que seuls les droits existants du moins sur les terrains de l'Etat au moment de la promulgation de la loi seront reconnus valables. Cette spécification peut être étendue éventuellement aux droits de propriété eux-mêmes, si, comme c'est généralement le cas, l'occupation continue pendant un certain temps peut créer ce droit. Cependant, c'est là une prescription qui intéresse plutôt les services chargés de l'administration des «terres fiscales» en général, et ce n'est donc pas dans la loi forestière qu'elle devrait, en principe, trouver sa place.

Les articles de loi prescrivant l'aménagement de la «forêt» délimitée et l'exécution des travaux impliqués par cet aménagement n'ont pas seulement pour but de mieux affirmer les droits de propriété sur cette «forêt». Il importe, en effet, de bien faire ressortir, autant que possible dans la rédaction même de la loi, que les restrictions imposées par cette loi à l'utilisation incontrôlée de la forêt sont compensés par les avantages que l'application de celle-ci assurera non seulement à l'ensemble du pays, mais aussi aux collectivités locales vivant à proximité de la forêt, et qui seront naturellement les plus sensibles à ces restrictions. C'est ainsi que la loi pourra avantageusement prescrire que les besoins en bois de ces collectivités qui peuvent être satisfaits par la «forêt» recevront priorité sur la satisfaction de tous les autres besoins, que les travaux qui y seront effectués devront employer en priorité la main-d'œuvre locale, etc. Elle peut même prévoir une procédure permettant d'abandonner à la collectivité, en toute propriété, une partie de la forêt, tout en la maintenant sous un contrôle suffisant du Service forestier, disposition qui permettra souvent d'apporter une importante contribution au développement économique et social de cette communauté.

D. Dispositions relatives a la protection de la forêt

Ici encore, il convient d'être réaliste. Il est parfaitement inutile, par exemple, d'imposer à des propriétaires des mesures contre les invasions d'insectes, alors qu'on sait parfaitement qu'elles ne pourront être exécutées, ni contrôlées. Les procédés de lutte contre ces invasions sont d'ailleurs, généralement, d'ordre purement technique et la législation a peu de chose à faire avec eux. Là où les forêts appartiennent presque entièrement à l'Etat la question ne se pose même pas: c'est au Service forestier qu'il appartient, s'il le peut, de prendre toutes les mesures techniques nécessaires et il n'a pas besoin de loi pour cela.

On devra aussi se rappeler, là où la forêt particulière est importante, que la protection forestière doit être organisée par la loi non seulement au bénéfice des forêts de l'Etat mais aussi au bénéfice des forêts des autres propriétaires. Si peu d'intérêt que porte un propriétaire à sa forêt, il est tout de même tout aussi intéressé que l'Etat à ce qu'on ne s'y installe pas sans son autorisation, à ce qu'on ne lui vole pas d'arbres, à ce qu'on ne mette pas le feu à ses peuplements, volontairement ou par imprudence, à ce qu'on n'y pâture pas sans son autorisation. Si la sécurité de sa propriété, à ces divers points de vue, est assurée, on peut espérer qu'il commencera à s'intéresser à sa forêt.

Comment arriver à ce résultat?

Certaines législations prévoient que des contrats pourront être passés entre un propriétaire et le Service forestier disposant que ce dernier assurera, moyennant une rémunération déterminée, la gestion de la forêt du propriétaire. Cette disposition risque de n'avoir que peu d'effets, car les propriétaires seront généralement peu disposés à introduire le Service forestier dans leurs propres affaires.

On peut suggérer ici que la loi forestière prévoit seulement (sauf pour les quelques points relatifs à l'emploi du feu en forêt et à l'incendie de forêt, qui seront mentionnés ci-après et, éventuellement, si on les juge possibles, pour ceux relatifs à la lutte contre les insectes et maladies) la protection des forêts de l'Etat Un article prévoira ensuite l'extension de cette législation de protection à tout propriétaire forestier qui en fera la demande, sous des conditions très simples, par exemple, que ce propriétaire effectue la délimitation sur le terrain de la forêt qui lui appartient et en remette le plan au Service forestier (on ne voit du reste pas comment la législation de protection pourrait être appliquée à cette forêt si cette condition n'était pas remplie).

Pour que cette suggestion présente un certain intérêt pour les propriétaires particuliers, il faut évidemment que les dispositions prévues pour sanctionner les infractions à la loi forestière ou pour les constater et en soumettre la preuve aux autorités judiciaires présentent des avantages certains. Toutes les législations nationales punissent le vol, et le vol de bois en forêt est un vol comme les autres: toutes sanctionnent l'utilisation du sol d'autrui sans l'autorisation du propriétaire, toutes sanctionnent l'incendie, volontaire ou non. Les sanctions prévues par la législation forestière devront donc être plus sévères et plus rigides, ce qui se justifie en de nombreux cas du fait qu'une infraction en forêt porte un préjudice physique ou économique à l'ensemble de la collectivité nationale. Ou bien les procédures de constatation, d'enquête, de saisie, etc., devront être plus simples, ou bien la procédure judiciaire elle-même devra être plus expéditive, ou bien enfin toutes ces conditions devront être réalisées à la fois, ce qui sera mieux encore. On devra donc, avant de faire des propositions pour l'organisation de la protection des forêts, étudier de près les dispositions légales courantes se rapportant à ces divers points, notamment la classification des infractions aux lois en général, les conditions de l'administration des preuves pour les différentes catégories, et les formes correspondantes de procédure judiciaire, y compris les procédures d'appel.

Ceci dit, la loi doit, en général, prévoir la protection de la forêt relativement aux points suivants, dont l'importance variera du reste considérablement suivant les pays.

Protection contre l'occupation non autorisée du sol forestier, pour mise en culture ou tout outre usage

Dans certains pays, où les «squatters» sont très nombreux, les articles correspondants de la loi devront être soigneusement étudiés. L'occupation devra être interdite même s'il n'y a pas coupe ou mutilation d'arbres ou arbustes.

A ce chapitre de la loi, mais d'un caractère tout à fait différent, puisqu'ils viseront essentiellement les propriétaires forestiers, pourront être rattachés les articles visant le défrichement, c'est-à-dire l'exploitation des arbres, en vue de changer l'utilisation du sol, par le propriétaire privé ou avec son autorisation.

Si l'on a suivi les suggestions ci-dessus en matière de délimitation, les articles sur le défrichement ne doivent naturellement viser que les terrains compris à l'intérieur de la limite des forêts particulières. Suivant la politique forestière qu'en entendra suivre, les conditions prévues pour accorder les autorisations de défrichement devront être plus ou moins sévères, et les sanctions plus ou moins strictes. Parmi ces conditions, on devra, en tous cas, prévoir la délimitation par le propriétaire intéressé du terrain à défricher, délimitation qui formera en même temps les nouvelles limites de la zone des «forêts».

Protection contre l'abattage et l'enlèvement non autorisé de bois ou de produits forestiers

Il n'y a rien à dire de particulier à ce sujet, si ce n'est que la loi pourra peut-être utilement enlever le caractère d'infraction à l'abattage d'arbres non autorisés par le concessionnaire de coupes de bonne foi, afin d'éviter des difficultés constantes du fait que des arbres se trouveront fatalement abattus ou mutilés au cours des opérations normales d'exploitation. Les indemnités à verser à l'Etat (ou au propriétaire) pour l'abattage ou la mutilation de ces arbres peuvent être fixées, en effet, dans le contrat de concession ou de vente.

Il peut être utile d'énumérer clairement les produits forestiers auxquels s'applique la protection de la loi, de façon à éviter des contestations au sujet de produits qui ont évidemment une valeur économique générale (gommes ou résines par exemple) et à ne pas gêner, d'autre part, la récolte de produits qui n'ont d'intérêt que pour la population locale et qui, sans elle, ne seraient pas utilisés (fruits sauvages, bois mort, etc.).

Protection contre le pâturage non autorisé

Il n'y a rien de particulier non plus à dire à ce sujet, sinon qu'il conviendra, en principe, de prévoir des pénalités différentes pour les diverses catégories de bétail et des pénalités aggravées pour le pâturage sur les plantations artificielles.

Protection contre le feu

C'est, là où le feu est un facteur important de destruction de la forêt, un chapitre très difficile et qui devra être étudié avec le plus grand soin, si l'on veut rester dans la limite des dispositions réellement applicables.

On doit remarquer tout d'abord qu'il est inutile que la loi vise les mesures techniques à prendre contre le feu, sa détection ou sa prévention. Ces mesures techniques sont uniquement du ressort du Service forestier pour les forêts de l'Etat et des propriétaires pour les forêts privées. La seule mesure de prévention qui pourrait faire l'objet d'une législation serait l'obligation imposée aux propriétaires d'établir et maintenir des pare-feu. Cela paraît utopique dans des pays peu développés au point de vue forestier. Tout ce qui peut être fait est, semble-t-il, de prévoir dans les articles mentionnés en a ci-dessus, une aide de l'Etat aux propriétaires désireux d'établir ces pare-feu ou de prendre d'autres mesures utiles contre le feu, notamment de s'associer en vue de l'achat d'équipement, de l'organisation de la surveillance, etc. Ce sont des cas qui se produiront bien rarement, en général, dans ces pays.

La loi doit donc se borner:

1. A attribuer la responsabilité de tout dégât entraîné par un incendie sur une forêt de l'Etat à la personne qui sera reconnue être la cause de cet incendie. Outre les sanctions qui peuvent être prévues par les lois nationales contre l'auteur d'un incendie volontaire ou involontaire, cette personne sera passible des sanctions prévues par la loi forestière pour abattage ou mutilation d'arbres, et celles-ci peuvent être aggravées si les dommages ont été causés par un incendie.

2. A fixer les restrictions jugées nécessaires à l'allumage et au transport du feu en forêt, ou à une certaine distance des limites de la forêt de l'Etat Ces restrictions peuvent être plus ou moins sévères suivant les saisons et les périodes et peuvent même s'étendre jusqu'à l'interdiction de la circulation en forêt, lorsque les conditions climatiques entraînent des risques graves d'incendié. Dans ce cas, la loi devra spécifier qui a qualité pour prendre les décisions d'interdiction. Il sera avantageux de décentraliser autant que possible cette responsabilité. Elle ne sera pas attribuée nécessairement à un membre du Service forestier, mais le Service forestier sera consulté et pourra éventuellement demander que ces mesures soient prises.

3. A fixer les responsabilités des autorités en cas d'incendie déclaré. Ces responsabilités sont de deux sortes: d'une part, les responsabilités techniques qui devraient être du ressort d'un membre du Service forestier, d'autre part la responsabilité de l'organisation des secours qu'il y a intérêt à confier à un fonctionnaire ou à un représentant du Gouvernement ayant autorité sur les divers services civils ou militaires peuvent être appelés à concourir à ces secours, notamment armée, transports, poste et télégraphes. D'un autre côté, il importe que ces deux ordres de responsabilités soient décentralisés dans toute la mesure possible. Aussi pourra-t-on juger opportun de les rassembler sur la même tête, d'autant plus que les agents du Service forestier seront peu nombreux au début. L'autorité responsable de l'organisation des secours devra recevoir de la loi qualité pour mobiliser les hommes et moyens de transport qui peuvent être utiles à la lutte contre le feu.

Tandis que les articles relatifs à 1 ci-dessus doivent s'appliquer uniquement aux forêts de l'Etat (sauf extension aux forêts particulières, dans les conditions indiquées au début du chapitre D), les articles relatifs à 2 peuvent, suivant qu'on le jugera plus opportun, s'appliquer aussi à ces seules forêts, ou bien s'étendre à toutes les «forêts», tant particulières que de l'Etat Ceux qui s'appliquent à 3 doivent obligatoirement s'étendre à toutes les «forêts».

Enfin, si l'on estime que les mesures prévues en 2 sont insuffisantes, on peut introduire des articles destinés à soumettre à un contrôle les mises à feu qui sont pratiquées dans des buts divers, renouvellement des pâturages, chasse, culture nomade, etc. Il est naturellement tout à fait illusoire de vouloir contrôler dans un pays tous les feux de cette espèce. Mais on peut peut-être imposer ce contrôle à ceux qui sont allumés près des limites des forêts, tant privées que de l'Etat ou qui risquent d'atteindre les distances limites fixées en 2. L'autorité pour délivrer les autorisations de mise à feux doit, ici encore, être décentralisée. Elle pourra être, par exemple, la même que l'autorité chargée de l'organisation des secours en cas d'incendié déclaré. L'autorisation accordée pourra imposer des conditions, par exemple la présence d'un représentant de l'autorité responsable sur les lieux. De toutes façons, le fait d'être en possession d'une autorisation devra décharger le bénéficiaire de toute responsabilité au cas où le feu s'étendrait à la «forêt», sauf non observation des conditions imposées. Dans le cas contraire, en effet, personne ne demanderait cette autorisation.

E. Dispositions visant le contrôle des entreprises d'exploitation forestière, des industries primaires du bois et du commerce du bois

La loi forestière n'a pas à contenir des dispositions détaillées sur les entreprises particulières d'exploitation, de transformation ou de commerce du bois. La plupart des matières susceptibles d'être soumises à un contrôle légal, intéressant ces entreprises, tombent sous d'autres législations, plus générales que la législation forestière, et ce sont donc d'autres services gouverne mentaux, ou même d'autres ministères qui ont la charge d'assurer la mise en œuvre de ces législations.

Il en est ainsi, par exemple, de la législation réglant les rapports des employeurs et des employés de ces entreprises, de la législation fiscale à laquelle elles sont soumises, de la législation relative aux importations de machines ou de produits qui leur sont nécessaires et aux exportations des produits de ces entreprises. Il est assurément tentant, dans un pays où l'outillage des scieries est désuet, par suite de l'impossibilité d'importer des machines convenables, de chercher à introduire dans une loi forestière des dispositions destinées à faciliter cette importation. Mais ce n'est pas leur place. Cela ne signifie pas que l'expert qui conseille le Gouvernement ne doive pas attirer son attention sur cette question, et chercher à obtenir, par les voies législatives ou réglementaires normales, une amélioration de cette situation.

La loi forestière contiendra donc peu de dispositions relatives à ces entreprises, mais elles sont importantes. Avant de les mentionner, il convient de dire que cette loi doit éviter de contenir des dispositions qui gênent l'activité normale ou le développement de ces entreprises, seules capables de valoriser la forêt.

Des dispositions de ce genre sont malheureusement fréquentes. Le contrôle des transports de bois sur les routes peut faciliter la surveillance des exploitations. Les taxes exigées pour la délivrance des permis de transport sont peut-être actuellement, dans certains pays, le seul revenu que le Gouvernement tire des forêts nationales. Mais on ne saurait trop dire que ce n'est pas de cette façon que les forêts doivent enrichir l'Etat Celui-ci doit vendre à un prix normal les bois qui se trouvent sur ses forêts, et ceux qui sont abattus sur les forêts privées sont à l'origine de transactions qui doivent donner lieu à impôts. Mais ce serait gêner les exploitants que de lier au transport du bois la perception de ces impôts ou des prix de vente. D'autre part, si le personnel forestier est peu nombreux, ce contrôle sur les routes absorbe toutes ses forces, et l'empêche de remplir en forêt ses tâches tant techniques que de police. Le contrôle des transports sur les routes est donc une arme dont il ne faut user qu'avec prudence. En cas de doute, pour cette mesure comme pour toutes celles dont les effets peuvent être nuisibles, il est généralement possible pour la législation de poser le principe que le Gouvernement a la faculté d'appliquer cette mesure sur l'ensemble du pays ou partiellement, et de laisser à des décrets et règlements basés sur la loi son application effective et ses détails d'exécution.

Les tâches essentielles du Service forestier par rapport aux entreprises forestières sont:

1. D'assurer autant que possible un approvisionnement convenable en matière première ligneuse à toute entreprise existante ou désireuse de s'installer, sans risquer la destruction ou l'appauvrissement de la forêt, étant entendu que ces entreprises doivent, de leur côté, utiliser au mieux cette matière première avec le minimum de déchets.

2. De contrôler la production de ces entreprises mais dans un but purement statistique, en vue de s'assurer qu'il n'existe pas de déséquilibre entre la production ligneuse du pays et l'exploitation des ressources forestières.

Si donc, le pays intéressé, la création de nouvelles entreprises industrielles ou l'extension des anciennes sont subordonnées à une autorisation gouvernementale, la législation forestière devra spécifier que cette autorisation ne pourra être donnée qu'après enquête du Service forestier, portant à la fois sur les forêts dont cette entreprise disposera pour son ravitaillement et sur l'équipement et le personnel qu'elle entend employer. Même dans le cas où l'installation et l'extension de ces entreprises sont libres, la législation forestière prévoira utilement cette enquête dont les conclusions seront soumises tant au Gouvernement qu'aux intéressés.

La loi devra d'ailleurs aussi imposer l'enregistrement auprès du Service forestier des entreprises à créer ou déjà existantes, de caractère tant industriel que commercial et prévoir la remise périodique à ce Service de données statistiques uniquement destinées à celui-ci.

F. Organisation de la constatation et de la répression des infractions a la loi forestière sanctions

Il est vraisemblable que la législation pénale générale du pays distingue des catégories diverses d'infractions aux lois, et que, pour chacune de ces catégories, la procédure d'instruction, de saisie, de jugement, de recouvrement des amendes, etc., se trouve dès maintenant fixée, aussi bien que la compétence des divers tribunaux, les procédures d'appel, etc.

Il est indispensable que la loi forestière indique dans quelle catégorie se trouveront placées les infractions à cette loi.

Par cette simple indication se trouveront probablement fixées toutes sortes de détails relatifs à la constatation et à la répression des infractions à la loi forestière. Seuls certains de ces détails qui ne s'appliqueront pas ou s'appliqueront mal à des infractions commises en forêt, c'est-à-dire dans des endroits généralement solitaires et mal pourvus en moyens de communication, devront être adaptés, et, en conséquence, un certain nombre d'articles de la loi forestière devront mentionner ces détails et indiquer les modalités légales applicables en ce cas. Cela peut être particulièrement le cas en matière de saisie du bétail pour les infractions relatives au pâturage, ou des outils d'abattage pour les infractions relatives à la coupe des arbres, également en matière de circonstances aggravantes, de récidive ou de complicité.

On ne perdra pas de vue, en étudiant ces modifications possibles (et, éventuellement, ces additions) à la législation pénale générale, ce qui a été dit au début du chapitre D, sur l'intérêt qu'il y a à ce que les procédures de constatation, d'enquête, de saisie, etc., soient aussi simples et expéditives que possible, tout en respectant naturellement les grandes règles de la législation nationale.

La loi forestière doit indiquer explicitement à qui appartient le pouvoir de constatation des infractions à cette loi, ou plus exactement, puisque tout le personnel de l'Etat ayant des attributions de police doit être, en principe, chargé de constater les infractions à toutes les lois, elle doit dire si le personnel du Service forestier disposera ou non de pouvoirs de police. On peut, à la rigueur, admettre que ce personnel ne soit chargé que de responsabilités techniques et que, lors qu'il se trouve en présence d'une infraction commise à la loi forestière, il se contente d'en aviser un membre de la police qui procède aux constatations et aux enquêtes. Cela pourrait être suffisant pour certaines des infractions à la loi forestière, mais rendrait trop difficile la constatation de la plupart d'entre elles, en particulier de celles qui intéressent la protection de la forêt.

Il y a donc lieu d'insister pour que les membres du Service forestier soient dotés de pouvoirs de police.

L'attribution de ces pouvoirs de police entraînera probablement d'elle-même diverses conséquences relativement aux droits dont pourra disposer le personnel du Service forestier en matière d'enquête (entrée dans les habitations privées, par exemple), aussi bien qu'en ce qui concerne la valeur des rapports de ce personnel ou de son témoignage devant les tribunaux, enfin, en matière d'arrestation ou de saisie.

Il est important, par contre, que le projet de loi n'attribue aucun pouvoir judiciaire au personnel du Service forestier. Non seulement une telle disposition serait tout à fait contraire à l'esprit des législations constitutionnelles modernes, mais elle surchargerait le Service de fonctions auxquelles il n'a rien à voir.

Il est vrai que la législation forestière dans quelques pays donne à certains fonctionnaires du Service forestier le droit de transaction (compounding offence) mais ce pouvoir n'est nullement une attribution judiciaire, puisque l'auteur présumé de l'infraction peut toujours refuser la transaction qui lui est proposée. Ce droit de transaction est d'ailleurs soumis à des règles très strictes. Il peut être recommandé de le faire figurer dans la législation forestière proposée, mais à condition que son exercice soit entouré de toutes les garanties indispensables.

Si, comme il a été suggéré ci-dessus, les propriétaires privés peuvent être admis, sous certaines conditions, à bénéficier des dispositions de la loi forestière, en ce qui concerne la protection de leurs forêts, il sera important que la loi précise qui pourra constater les infractions à la loi commises sur ces forêts. Cette police pourra peut-être être assurée par les agents du Service forestier, mais, comme ceux-ci ne seront peut-être pas très nombreux dans les régions où la propriété forestière sera très développée, on pourra peut-être envisager l'institution de gardes particuliers, dépendant du ou des propriétaires, mais agréés par le Service forestier, et à qui seraient confiés des pouvoirs de police analogues à ceux des membres du Service forestier.

Un chapitre de la loi doit enfin être consacré aux sanctions, bien que, pour certains des articles donnant lieu à des sanctions, et pour certaines natures de sanction, il puisse y avoir intérêt à ne pas séparer la sanction de l'article faisant mention de l'infraction.

La question des sanctions devra être étudiée de près, en tenant compte du fait qu'un grand nombre d'infractions à la loi sont des actions qui, outre leur caractère d'infraction, auront causé une perte actuelle au propriétaire de la forêt (Etat ou propriétaire privé) et aussi des dommages pour l'avenir. Les trois éléments: amende (ou emprisonnement) pour infraction à la loi - restitution des produits enlevés ou de leur valeur - dommages et intérêts, ne sont pas toujours présents tous à la fois, mais cela se produit fréquemment.

Le premier élément est le seul qui doive figurer dans la loi forestière, l'amende ou la durée de l'emprisonnement devant varier avec la nature de l'infraction (par exemple qualité et âge des bois coupés en infraction de la loi - nature du bétail introduit en forêt - circonstances aggravantes - récidive). Les deux autres éléments sont variables par nature: ils ne peuvent être fixés par un texte et doivent être appréciés par le tribunal. Il y a le plus grand intérêt, si l'on veut rendre la loi forestière attractive pour les propriétaires privés, intéressés essentiellement par la restitution et les dommages-intérêts, à ce que ces deux éléments soient fixés par le même tribunal que celui qui prononce l'amende ou l'emprisonnement, et en même temps. Il est possible que la législation pénale générale des pays soit conçue de telle sorte que cette condition soit remplie. Mais si elle ne l'est pas, il faut, autant que possible, l'introduire dans la loi forestière.

G. Budget et ressources de l'administration forestière

Du moment que la loi crée une Administration forestière et la charge de responsabilités définies, le budget annuel de l'Etat doit, ainsi qu'on l'a dit, comprendre les ressources nécessaires pour assurer le salaire régulier de ce personnel et lui permettre de faire face à ses obligations courantes.

Toutefois, une certaine tendance se marque à rendre les Services forestiers autonomes par rapport au budget général du pays, ses dépenses étant financées par ses recettes et les surplus allant seuls dans les caisses générales de l'Etat.

Ce système a des avantages évidents. La grande difficulté des pays neufs est de recruter des fonctionnaires forestiers, dont le salaire soit suffisant par rapport à la formation technique qui leur est nécessaire et au genre de vie qu'ils devront mener si l'on doit exiger d'eux un service bien fait. L'autonomie du budget permet de leur assurer des salaires et des avantages matériels convenables. Elle permet encore de consacrer aux travaux d'amélioration et de régénération, parfois indispensables après le passage des coupes, les crédits nécessaires. Elle permet même d'investir tout ou partie des surplus en travaux forestiers de développement.

D'un autre côté, il y a lieu de remarquer qu'une autonomie de cette nature présente des inconvénients. Non seulement elle prive le Gouvernement d'une partie au moins de son pouvoir de contrôle sur les autorités du Service, mais ce n'est évidemment pas le meilleur moyen de l'intéresser à ses forêts que de lui laisser prévoir qu'il n'en retirera peut-être rien ou que les revenus qu'elles apporteront ne pourront être employés dans des buts plus généraux que ceux qui intéressent la forêt. C'est une solution qui peut aussi présenter un certain danger si le Service forestier minimise les dangers d'une surexploitation plus ou moins temporaire. Enfin, c'est aussi une solution qui n'est pas toujours applicable. Si le pays a peu de forêts, si une faible surface seulement des forêts qu'il possède appartiennent à l'Etat, s'il en a beaucoup, mais qu'elles soient encore vierges ou peu exploitées, le Service forestier aura essentiellement pour rôle soit de diriger des travaux d'investissement, soit de veiller à l'amélioration et à la conservation de forêts de faible rendement, mais importantes au point de vue de la protection des sols et des eaux. Ses revenus, pendant de longues années du moins, seront donc nuls.

Quel que soit le système adopté, dans les pays neufs (du point de vue forestier), la mise en valeur des forêts ou la création de forêts et de boisement exige des investissements considérables. Il ne s'agit plus là de dépenses budgétaires proprement dites. Les ressources dont doit disposer le Service forestier à cet effet doivent être non seulement importantes, mais suffisamment stables pour que des travaux à long terme puissent être entrepris.

La loi forestière peut chercher à créer les ressources correspondantes, en d'autres termes, à constituer un Fonds forestier d'investissements. Ce Fonds devra être, en général, alimenté par un ou plusieurs impôts spéciaux et il est logique de penser à des impôts frappant les ventes de bois sur pied ou la vente, à l'intérieur ou à l'exportation, des produits des scieries ou des industries utilisant le bois comme matière première. Il faut cependant prendre garde que ces impôts puissent être recouvrés sans trop grande difficulté et qu'ils ne gênent pas le développement des industries ou du commerce du bois.

Si un Fonds forestier national est institué par la loi, celle-ci doit non seulement énumérer les opérations d'investissement auxquelles il devra être consacré, mais aussi fixer les grandes lignes de la procédure du recouvrement des sommes destinées à alimenter le Fonds, et de la procédure du contrôle par l'Etat, des dépenses effectuées au titre des investissements.

H. Plan général d'une loi forestière

En résumé, on peut, semble-t-il, recommander pour une loi forestière destinée à un pays peu développé du point de vue forestier le schéma suivant:


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