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Partie I
ACTION DU FROID SUR LE LAIT

1. ASPECTS MICROBIOLOGIQUES

11. L'ensemencement du lait

Le lait recueilli après la traite contient toujours des microorganismes dont le nombre et les espèces auxquels ils appartiennent sont très variables.

La présence inévitable de ces germes est due à des contaminations d'origine intra-mammaire et extra-mammaire qu'il est nécessaire de limiter le plus possible en raison du rôle néfaste qu'elles peuvent avoir sur la conservation du lait et sur la qualité et le rendement des produits fabriqués.

Contamination intra-mammaire

A la sortie de la mamelle, même lorsque celle-ci est saine et que la traite est effectuée dans des conditions rigoureuses d'hygiène, le lait contient habituellement une centaine à quelques milliers de bactéries par ml.

Il s'agit de germes banaux appartenant le plus souvent aux genres Corynebacterium et Micrococcus et parfois de germes pathogènes. Ils proviennent du milieu extérieur d'où ils pénétrent dans la mamelle par le canal du trayon. Ils sont entraînés avec le lait au moment de la mulsion.

A cette contamination par voie ascendante peut s'ajouter une contamination par voie endogène. Elle est constituée par des germes pathogènes infectant l'animal. Ils parviennent dans la mamelle par la circulation sanguine. C'est, par exemple, le cas pour les agents de la brucellose et de la tuberculose.

Contamination extra-mammaire

Au cours des opérations de traite le lait reçoit un second apport de microorganismes d'espèces variées dont le nombre est habituellement très supérieur à celui dû à la contamination d'origine intra-mammaire. L'importance de cet apport varie considérablement en fonction des conditions d'hygiène de la traite et de l'étable.

Elle est notamment liée à la propriété du trayeur et de l'animal (notamment de la peau de la mamelle), à l'état du milieu ambiant (poussières diverses, détritus alimentaires, poils, insectes, etc…), à la propreté du matériel de traite et de récolte du lait et à la qualité bactériologique de l'eau utilisée pour son nettoyage et son rinçage. Les ustensiles en contact avec le lait et la machine à traire mal nettoyée sont notamment à l'origine de la très forte charge microbienne des laits.

Le tableau l donne une approximation de l'importance relative des sources de contamination du lait et montre la nécessité d'un nettoyage correct du matériel.

Tableau 1 - Importance relative des contaminations du lait
(D'après CHATELIN, 1973)
Sources de contaminationNombre relatif de bactéries
Intérieur de la mamelle1 à 5
Animal (mamelle surtout)20 à 200
Etable1 à 10
Matériel de traite manuelle.50 à 500
Matériel de traite mécanique1000 à 10000

Selon les soins apportés à l'hygiène des conditions de récolte du lait, le nombre de microorganismes varie beaucoup : de quelques milliers à plusieurs centaines de mille par ml, parfois davantage. En considérant que dans du lait laissé à température de la traite, une seule bactérie peut en donner deux toutes les vingt minutes, on imagine la rapidité avec laquelle croît le nombre de germes.

Les tableaux 2 et 3 illustrent l'importance du nettoyage. Les résultats constituent la moyenne d'examens répétitifs effectués sur un même troupeau placé dans des conditions successives différentes.

Tableau 2 - Influence de la propreté des vaches et du sol sur la contamination du lait (D'après ALAIS, 1975)
Traite manuelle avec seau stériliséNombre de bactéries aérobies mésophiles par ml de lait
Vaches et sol sales Mamelle non lavéeVaches et sol propres Mamelle lavée
à ouverture large86.2005.000
à ouverture étroite24.5002.700

Tableau 3 - Influence de la stérilisation des ustensiles sur la contamination du lait (D'après ALAIS, 1975)
FermeNombre de bactéries aérobies mésophiles par ml de lait
Ustensibles nettoyés non stérilisésUstensibles nettoyés et stérilisés
A116.40010.700
B15.0004.700
C187.0003.600
D77.1002.000
E35.0002.100
F49.2003.000

12. Température et développement microbien

On connaît depuis longtemps l'influence considérable de la température sur le développement et l'activité des microorganismes et, en conséquence, son action utile ou nuisible sur la conservation des aliments.

Températures limites

Les limites de température entre lesquelles les microorganismes peuvent croître sont approximativement comprises entre -5°C et +80°C. La limite inférieure de leur développement est déterminée par la température de congélation de l'eau. Toutefois, celle-ci est un peu inférieure à 0°C à cause de la présence de composés organiques et de substances minérales dissoutes. La limite supérieure est fixée par la destruction entre 50°C et 90°C de constituants chimiques de la matière vivante (protéines et acides nucléiques) sauf dans le cas des spores thermorésistantes.

L'exposition des microorganismes à une température inférieure à celle de leur température minimum de croissance n'entraîne généralement pas leur mort. De nombreux microbes peuvent survivre pendant longtemps à l'état congelé à la température de l'azote liquide (-196°C) bien que toutes leurs activités métaboliques soient alors suspendues.

Les limites de température de croissance indiquées ci-dessus (-5°C à +80°C) ne s'appliquent pas indifféremment à toutes les bactéries. Pour chaque espèce, voire chaque souche, ces limites sont beaucoup plus étroites.

Figure 1

Figure 1 - Influence de la température sur le taux de croissance d'une souche bactérienne mésophile. Taux exprimé en % du taux maximum (D'après RIVIERE, 1975)

Figure 2

Figure 2 - Courbe de croissance généralisée d'une culture bactérienne (D'après STANIER, DOUDOROFF, ADELBERG, 1966)

D'une manière générale une bactérie donnée exige pour sa croissance optimum une température déterminée au-dessus et endessous de laquelle sa multiplication est ralentie puis s'arrête. Ces limites sont appelées températures maximum et minimum de croissance ; elles varient de faç plus ou moins étroites. La température maximum est généralement proche de la température optimum. Un exemple est donné à la figure 1. On observe que la température minimum se situe vers 6°C, la température maximum vers 38°C et la température optimum vers 30°C. A partir d'environ 10°C une légère élévation de la température entraîne une très forte augmentation du taux de croissance. Mais, plus on approche de la température optimum, plus l'augmentation du taux de croissance devient faible pour une élévation donnée de température. Au-dessus de la température optimum, une légère augmentation de chaleur provoque une rapide diminution du temps de croissance qui tend à devenir nul.

En fonction des limites de température entre lesquelles prolifèrent les microorganismes on en distingue trois groupes (tableau 4).

Tableau 4 - Classification des microorganismes en fonction de leur température de développement
MicroorganismesTempérature de développement en °C
MinimumOptimumMaximum
Psychrophiles- 5+ 5 à + 10+ 20
Mésophiles+ 10+ 30 à + 40+ 45
Thermophiles+ 40+ 50 à + 60+ 75

Ces valeurs n'ont qu'un caractère général ; les températures indiquées peuvent, selon les espèces et les souches, subir des décalages. Dans chaque groupe il existe des espèces ou des souches pour lesquels le caractère psychrophile, mésophile ou thermophile est strict alors qu'il est facultatif pour d'autres. La raison pour laquelle les bactéries ont des températures de culture différentes paraît être due, au moins en partie, à la stabilité thermique spécifique de leurs enzymes.

Lorsque l'on applique un chauffage de quelques minutes, la plupart des bactéries banales du lait, non sporulées, sont détruites. Toutefois un certain nombre d'entre elles peuvent subsister et se développer quand les conditions sont redevenues favorables. Par convention, on appelle bactéries thermorésistantes celles qui résistent à un chauffage de 72°C pendant 15 secondes ou à 63°C pendant 30 minutes. Toutes les espèces et toutes les souches ne présentent pas le même caractère de thermorésistance. Alors que certaines sont détruites par un traitement classique de pasteurisation (chauffage à 72°C pendant 20 secondes), d'autres résistent encore à 88°C pendant 20 secondes. Les bactéries thermorésistantes n'étant pas détruites par la pasteurisation habituelle, leur présence dans le lait cru peut avoir des conséquences graves pour la qualité des produits. C'est ainsi que des Streptocoques et des Lactobacilles peuvent persister dans le lait pasteurisé et provoquer son acidification et la coagulation de la caséine.

Certaines bactéries (Bacillus, Clostridium) forment des spores dont la résistance à la chaleur est supérieure à 100°C. Elles proviennent le plus souvent du sol et des aliments ensilés. Leur présence dans le lait stérilisé, dans les laits concentrés et certains fromages (fondus, pâtes, pressées) peut être responsable d'altérations graves.

13. Croissance des bactéries

La multiplication des bactéries peut être cnsidérable. Elle dépend de différentes conditions dont la température.

La croissance d'une bactérie placée dans des conditions idéales peut être définie par deux constantes :

-  le temps de génération, c'est-à-dire l'intervalle de temps entre deux divisions successives ou celui nécessaire au doublement de la population. En partant d'une cellule bactérienne unique, ce dernier se fait selon une progression géométrique. Dans une population bactérienne toutes les cellules ne se développent pas au même rythme. Le temps de génération varie avec l'espèce considérée et les conditions de culture :

-  le taux de croissance est le nombre de division par unité de temps. Autrement dit il est l'inverse du temps de génération.

Si par exemple le temps de génération est de 20 minutes, en une heure le taux de croissance est de 3/1 = 3.

Le développement d'une culture microbienne est habituellement représenté à l'aide d'un graphique donnant le nombre de bactéries ou mieux le logarithme de ce nombre en fonction du temps. C'est la courbe de croissance. Elle rend compte du cours de développement de la culture considérée. Celui-ci reflète l'intéraction de la population bactérienne en voie de croissance et du milieu.

Après inoculation du milieu, quatre phases principales se distinguent dans toute courbe de croissance (fig. 2) :

-   phase de latence. Pendant cette période le taux de croissance est nul puis augmente légèrement. Elle traduit l'adaptation des bactéries au milieu. Elle est sous l'influence de plusieurs facteurs :

Selon ces facteurs, la phase de latence peut être plus ou moins longue : de deux à trois heures à plusieurs jours.

- phase exponentielle ou logarithmique. Ici, les bactéries se multiplient sans entrave ; le taux de croissance est maximum et constant, c'est-à-dire que le taux de génération est minimum. Ce taux est caractéristique d'un microorganisme donné qui est lui-même sous la dépendance des conditions d'environnement comme la nature et la concentration des nutriments, le pH et la température. Ces facteurs ont une grande influence. C'est ainsi que pour Escherichia coli le taux de croissance est de 0,5 à 18°C et de 3, 3 à 40°C. Dans le cas des bactéries thermophiles la pente de la droite représentant la phase exponentielle est habituellement plus forte que pour les mésophiles et plus faible pour les psychrophiles et les psychrotrophes.

La croissance exponentielle est d'assez courte durée (quelques heures). Elle est limitée par l'apaisement du milieu en nutriments ou par l'accumulation de produits du métabolisme devenant toxiques au-delà d'une certaine concentration.

Il est évident que la phase exponentielle de croissance d'une cellule ne peut être maintenue de façon continuelle. Si tel était le cas, une seule bactérie ayant un temps de génération de vingt minutes donnerait en quarante huit heures une descendance dont la masse totale serait approximativement quatre mille fois plus grande que celle de la terre !

- phase stationnaire maximale. Le milieu devenant de moins en moins favorable à la croissance, le nombre de cellules viables reste constant à sa valeur maximale, généralement pendant quelques heures ou même quelques jours. Ce phénomène traduit un équilibre entre le nombre de bactéries provenant de la multiplication et le nombre de celles qui meurent. Il peut aussi indiquer la persistance de bactéries vivantes en l'absence de toute multiplication. Il peut avoir plusieurs causes : épuisement en nutriments, accumulation de déchets toxiques, conditions d'environnement devenant défavorables (pH, température…).

-   phase de déclin ou de décroissance. Pendant cette dernière phase les bactéries ne se reproduisent plus. Beaucoup d'entre elles meurent et sont décomposées plus ou moins rapidement par les enzymes libérées au moment de leur mort. Ce processus d'autodigestion constitue l'autolyse. Le taux de mortalité peut être constant comme le taux de croissance. Il est alors représenté par une droite, le nombre de cellules étant proportionnel au temps. La pente de cette droite dépend de l'espàce bactérienne ainsi que des conditions de l'environnement.

Cependant, il peut se produire assez fréquemment des déviations de l'ordre exponentiel de déclin en raison de divers degrés de résistance des cellules. Dans certains cas aussi des bactéries peuvent survivre et se multiplier aux dépens des nutriments libérés par la décomposition des autres cellules.

14. Evolution spontanée de la flore bactérienne du lait

On a dit précédemment que la traite, même réalisée dans des conditions d'hygiène satisfaisantes, s'accompagne toujours de contaminations par des microorganismes variés. Ceux-ci constituent une flore complexe qui se dissémine facilement et rapidement dans le lait du fait de son état liquide. En raison de la température du lait (37°C), de sa teneur élevée en eau (87, 5%), de ses éléments nutritifs et de son pH proche de la neutralité (6, 6–6, 8) de nombreuses bactéries y trouvent des conditions favorables à leur développement.

Celui-ci n'est généralemt pas immédiat. Le plus souvent il ne commence que dans les 3 ou 4 heures qui suivent la traite lorsque le lait est maintenu à température ambiante. Ce comportement désigné improprement sous le terme phase “bactéricide” ou phase “d'adaptation” est dû à la présence dans le lait fraîchement trait de substances antibactériennes connues sous la désignation générale de lacténines.

Ce délai passé, les bactéries entrent en phase de multiplication. Toutefois ce ne sont pas les mêmes espàces qui prédominent en raison du rôle sélectif de la température. Lorsque le lait est maintenu entre 20°C et 40°C, ce qui correspond souvent aux conditions ambiantes, ce sont habituellement les bactéries mésophiles qui se multiplient. Parmi celles-ci les bactéries lactiques, en particulier celles du genre Streptococcus, constituent habituellement la flore naturelle majeure du lait. Elles se développent rapidement provoquant l'acidification du lait et sa coagulation à température ambiante lorsque son acidité est voisine de 60° Dornic 1.

Les courbes de croissance et d'acidification d'une bactérie lactique mésophile sont données à la figure 3. On remarque qu'il y a un décalage entre les deux courbes. Il est à signaler que depuis quelques années, du moins dans les régions où se sont développées des conditions modernes de production et de récolte du lait (hygiéne de la traite, traite à la machine à l'abri de l'air, nettoyage et désinfection poussés, etc…) la flore lactique n'est généralement plus dominante. Que celle-ci soit en nombre faible ou important elle est accompagnée de germes saprophytes de pollution Gram négatif et Gram positif. Parmi les premiers on trouve notamment des bactéries coliformes et des Pseudomonas. Parmi les seconds non sporulés, des Microcoques et des Staphylocoques et parmi les sporulés des Bacillus et des Clostridium. Ces divers microorganismes parmi lesquels il peut exister des dominances, des associations ou des antagonismes, constituent une flore variée susceptible d'altérer, souvent de façon grave, la qualité hygiénique, technologique et organoleptique du lait et, par suite, celle des produits avec lesquels ils seront fabriqués malgré les traitements d'assainissement qui seront appliqués après réception du lait à l'usine.

(1) degré Dornic = 0.1 gramme d'acide lactique par litre.

Figure 3

Figure 3 - Courbes de croissance et d'acidification d'une bactérie lactique (D'après ALAIS, 1975)

(1) Phase de latence ou d'adaption. (2) Phase logarithimique (croissance active). (3) Phase du maximum ou stationnaire. (4) Phase du déclin.

Figure 4

Figure 4 - Influence de la température sur l'évolution des germes aérobies mésophiles dans un lait cru. (D'après MOLLERMADSEN, cité par MARION et MOREL, 1964)

Pour ralentir et limiter la prolifération bactérienee, il faut recourir à des agents bactériostatiques dont le meilleur est le froid mais dont l'application doit être soigneusement choisie et rigoureusement contrôlée. En outre, son efficacité est d'autant plus grande que la teneur en germes est faible. En aucun cas il ne peut remplacer ou compenser une hygiène défectueuse de la traite et des matériels de récolte et de conservation du lait à la ferme. Il constitue seulement un moyen de maintenir le lait pendant un temps limité, dans sa qualité microbiologique initiale.

15. Action du froid sur les microorganismes

Le maintien du lait au froid a essentiellement pour but d'arrêter le développement des microrganismes. Il constitue un traitement de stabilisation. Il ne peut ni améliorer la qualité initiale du lait ni entraîner la mort des bactéries.

On a vu précédemment l'influence de la température sur le développement microbien.

Dans les limites courantes de température auxquelles, en pratique, le lait peut être soumis (entre 40°C et 3°C) on observe que la prolifération microbienne diminue avec l'abaissement de la température, ainsi que le montre la figure 4.

Dès que la température est abaissée au voisinage de 10°C la croissance de certains microorganismes est fortement ralentie. A la température de 4°C elle est arrêtée. C'est le cas des bactéries lactiques, responsables de l'acidification.

Par contre, d'autres espèces sont encore capables de se multiplier à ces températures. Il s'ensuit que faute des précautions qui seront précisées plus loin, le stockage au froid peut être responsable d'une sélection microbienne et du développement de germes appelés “psychrotrophes” provoquant ainsi une modification de l'équilibre et de la nature de la flore microbienne du lait. La conséquence, contrairement à l'effect attendu, est une diminution de la qualité du lait et des produits laitiers pouvant aller jusqu'à l'apparition de défauts graves rendant les produits inconsommables.

Figure 4a

Figure 4a - Evolution de la flore bactérienne d'un lait réfrigéré (D' après AUCLAIR, 1979)

16. Microorganismes psychrotrophes

161. Définition

On rassemble sous le nom de “psychrotrophes” des microorganismes capables de se développer à une température égale ou inférieure à 7°C, quelle que soit leur température optimum de croissance.

Autrement dit, ils se caractérisent par leur aptitude à se développer dans un intervalle de température très large. On les dénombre de façon classique par ensemencement sur milieu gélosé après incubation de 10 jours à 7°C.

Ils peuvent appartenir à des espèces microbiennes mésophiles ou psychrotrophiles. Dans le lait, les psychrotrophes mésophiles dont la température optimum de croissance se situe entre 20 et 30°C sont les plus nombreux. Leur température minimum de développement peut. être inférieure à 0°C tandis que leur température maximum peut atteindre 40°C.

Parmi les microorganismes psychrotrophes, on trouve des Moisissures, des Levures et des Bactéries appartenant à des genres et à des espèces variées. Ce sont les Bactéries qui offrent le plus d'importance du point de vue technologique car elles constituent la flore dominante du lait et sont les plus aptes à s'y développer et à y provoquer des altérations.

La plupart des bactéries psychrotrophes sont aérobies, Gram négatif et non sporulées. Les plus fréquemment rencontrées appartiennent au genre Pseudomonas, notamment P. fluorescens. Celui-ci peut constituer 60 à 75 % parfois plus, de la flore psychrotrophe du lait.

On trouve aussi des espèces appartenant aux genres Achromobacter, Flavobacterium, Alcaligenes, Aeromonas, Enterobacter, Escherichia

On rencontre d'autre part des souches d'espèces bactériennes Gram positif habituellement non psychrotrophes parmi lesquelles des Microcoques et des Streptocoques.

162. Propriétés

La multiplication des bactéries psychrotrophes s'accompagne d'une activité métabolique notable. Parmi celles-ci, de nombreuses, notamment des Pseudomonas produisent des enzymes lipolytiques ou protéolytiques. Certaines possèdent les deux caractères.

Lorsque leur développement est important, ces enzymes peuvent être responsables de défauts et d'altérations du lait et des produits laitiers, notamment de flaveurs désagréables.

A l'exception de quelques espèces thermorésistantes, les psychrotrophes sont détruits par la pasteurisation à 74°C pendant 15 secondes, voire à la thermisation (65°C pendant 20 secondes). Mais certaines produisent des enzymes qui résistent à des traitements thermiques élevés : 90° à 100°C pendant plusieurs minutes. C'est ainsi que Pseudomonas fragi secrète une lipase dont l'activité est encore notable après chauffage à 72°C pendant 30 minutes ; son inactivation complète exige l'application d'une température de 100°C pendant 30 minutes. Achromobacter lipolyticum nécessite un traitement de 99°C pendant 40 minutes.

On verra ultérieurement l'incidence de ces enzymes sur la qualité des produits.

163. Origine

La contamination du lait par les bactéries psychrotrophes est essentiellement un problème d'hygiène.

Ces germes sont largement disséminés dans la nature. Ils sont les hôtes habituels du sol, des plantes, des eaux et du fumier. Les eaux d'alimentation des fermes sont souvent très contaminées. Ils peuvent aussi être véhiculés par un air chargé de poussière de fourrage ou autres aliments.

Leur présence dans le lait cru est due à des pollutions dont l'importance dépend des conditions de propreté de la traite et des matériels de récolte, de transfert et de conservation du lait, de la qualité des eaux de nettoyage et de rinçage, ou mode d'alimentation de bétail.

Il faut souligner que le contact du lait avec des surfaces mal nettoyées, mal désinfectées ou rincées avec des eaux polluées constitue souvent la source majeure de contamination. D'où la nécessité d'un lavage correct de la mamelle et d'une technique efficace de nettoyage. L'utilisation de matériels présentant un état de surface défectueux par suit de corrosion, fissuration, entartrage, etc. rend impossible l'obtention de la propreté bactériologique.

Lorsque l'on procède à la désinfection, il faut savoir que certains produits comme les ammoniums quaternaires n'ont que peu ou pas d'effet d'inhibition sur les psychrotrophes ; cerains sont capables de favoriser des sélections microbiennes dangereuses. Les meilleurs désinfectants sont les hypochlorites et les composés iodés.

Le tableau 5 illustre le rôle de la corrosion par piqûres de pots-trayeurs en almasilium sur la pollution du lait. Les essais ont été réalisés sur les mêmes pots à un an d'intervalle, période pendant laquelle la corrosion s'était aggravée.

Tableau 5 - Influence de la corrosion du matériel sur la contamination du lait (D'après CHATELAIN et RICHARD, 1981)
Traitements
Nombre de bactéries aérobies mésophiles par ml
au ler moisau 12e mois
Pot-broyeurPot-trayeur
lissecorrodélissecorrodé
137.00018.0006.500250.000
220.00044.00014.000230.000
38.000200.00015.000240.000
422.00018.00016.000640.000
511.00084.00010.000630.000
614.00050.0006.500210.000
Moyenne19.00069.00011.000370.000

Le tableau 6 montre l'influence de la contamination du matériel de traite sur la contamination du lait à l'origine et après trois jours de conservation.

Tableau 6 - Effect de la contamination du matériel de traite par des psychrotrophes sur du lait réfrigéré conservé 72 h entre 3 et 5°C (D'après THOMAS, 1960)
FermeNombre de bactéries psychrotrophes par ml
Avant réfrigérationAprès conservation 72 h entre 3 et 5°C
Matériel utilisé  
10400
27104
3143.400
42811.000
5707.000
62045.600
Moyenne544.584
Matériel non stérilisé  
75804.640.000
81.3401.500.000
91.5007.300.000
106.40014.700.000
119.60029.000.000
1212.7001.400.000
Moyenne5.3539.756.666

Il est évident que le nombre et la nature de la flore peuvent être très différents d'un lait à l'autre selon l'origine et l'importance des contaminations.

164. Développement

Le refroidissement à l'eau naturelle a pendant longtemps été la seule méthode dont disposaient les producteurs pour ralentir la prolifération microbienne. Elle est encore practiquée aujourd'hui.

A l'exception des fermes ayant de l'eau très froide, elle ne permet guère d'abaisser la température du lait en-desous de 12°C à 16°C. Dans ces conditions, il est souvent indispensable de ramasser le lait deux fois par jour et de l'utiliser rapidement.

Malgré ces précautions, le lait a souvent une charge très élevée en bactéries aérobies psychrotrophiles et mésophiles (bactéries lactiques, coliformes…) pouvant provoquer des altération et défauts variés tels que l'acidification et la coagulation du lait ou le gonflement précoce des fromages. On a donc cherché à réduire le développement bactérien dt à prolonger ainsi la durée de conservation par l'application de la réfrigé ration mécanique permettant l'obtention de températures plus basses.

Le tableau 7 donne une indication sur trois facteurs importants qui influent sur la croissance de la flore microbienne, à savoir :

Tableau 7 - Multiplication de la flore aérobie mésophile d'un lait refroidi
Température de conser-
°C
Nombre de bactéries /mlFacteur de multiplication
24 h48 h72h96h
4,54.200
137.000
1
2
1.1
3,9
2
5,5
4.7
6,2
104.200
137.000
3,3
8, 5
30
98
136
182
9.400
300
15,54.200
137.000
380
175
7.860
4.600
77.800
17.500
229.000
38.600

Si l'on admet qu'un lait de qualité moyenne ne doit pas avoir plus de 1.000.000 de germes par ml au moment de son traitement à la laiterie, on voit que lorsque sa population initiale est faible, il peut se conserver 4 jours à 4,5°C, 2 jours à 10°C mais qu'en 24 h à 15,5°C il n'est déjà plus conforme à cette norme. Dans le cas où la contamination est importante, en 24 heures il dépasse celle-ci même à la température de 4,5°C.

Or, dans la pratique la charge bactérienne pouvant être plus forte et les normes choisies plus sévères, on voit qu'à la température de 4,5°C le refroidissement est insuffisant.

La figure 4 schématise ce que l'on constate en moyenne dans un lait contenant environ 100.000 germes aérobies mésophiles par ml. A 0°C la population microbienne n'évolue pas jusqu'au 5e jour, après quoi elle se développe lentement.

A 4°C le nombre de germes reste stable pendant 48 heures. Ensuite il progresse rapidement pour atteindre 1.000.000 en trois jours.

A 6°C le taux de croissance de la population reste stable pendant environ 36 heures puis augmente très rapidement, atteignant un million de germes en 48 heures.

Ces résultats devraient permettre de situer les valeurs de température et de temps à adopter pour conserver le lait.

Or, à l'examen de la flore qui s'est développée dans le lait réfrigéré (courbes en traits pleins), on constate qu'elle est, pour l'essentiel, constituée de bactéries psychrotrophes. Dans cet exemple, avant refroidissement, le lait avait une population microbienne faible ; celle-ci approximativement de 3.000 bactéries aérobies mésophiles/ml dont environ le tiers de psychrotrophes.

Ces microorganismes se sont multipliés (selon les courbes indiquées en pointillé) jusqu'au moment où la température est devenue suffisamment basse pour arrêter la croissance de certains d'entre eux. A partir de ce moment, seules les bactéries psychrotrophes poursuivent leur développement devenant progressivement plus nombreuses que les bactéries non psychrotrophes.

La numération de la flore aérobie mésophile “totale” se faisant habituellement à 30°C ne permet pas de différencier ces germes et ne permet donc pas d'observer la sélection par le froid. Ainsi, ce n'est qu'à partir du moment où le nombre de psychrotrophes atteint et dépasse le nombre de germes “totaux” initialement contenu dans le lait que leur croissance devient apparente, comme le montrent les courbes en traits pleins. Les figures 5 et 6 montrent bien ce phénomène. On y observe qu'après un certain temps de refroidissement les bactéries aérobies mésophiles “totales” ne sont plus que des psychrotrophes.

Figure 5

Figure 5 - Evolution de la flore microbienne du lait réfrigéré conservé à 5°C (D'après RICHARD et AUCLAIR, 1984)

Figure 6

Figure 6 - Evolution de la flore aérobie mésophile O et de la flore psychrotrophe&209;dans des laits conservés à 4°C, 7°C, 12°C (D'après VEILLETPONCET, 1981)

Les courbes de la figure 5 tracées à la suite de nombreux examens, représentent de façon schématique l'évolution microbienne pouvant être observée dans un lait contenant aussitôt après la traite 100.000 bactéries aérobies mésophiles par ml, dont 10.000 psychrotrophes parmi lesquels 1.000 Pseudomones.

La figure 6 montre la moyenne des résultats obtenus à partir de plusieurs laits conservés à 4°C, 7°C et 12°C, dont la flore aérobie mésophile était, au départ, supérieure à 10.000/ml dont 1.000 psychrotrophes. Sur cette même figure est également indiquée l'évolution de ces deux flores dans des laits paucimicrobiens (peu contaminés) à l'origine et conservés à 4°C. On constate que dans les laits dont la teneur en germes est supérieure à 10.000/ml il se produit, à la température de 12°C, une prolifération microbienne immédiate. Cette croissance devient importante après 24 h à 7°C et significative après 48 h à 4°C pour les psychrotrophes.

Par contre, les laits paucimicrobiens au départ peuvent être conservés à 4°C pendant 72 h sans croissance bactérienne significative. Il est évident que ces résultats doivent être modulés en fonction des espèces dominantes dans le lait au moment où commence son refroidissement.

La figure 7 montre que des bactéries coliformes sont capables de se développer dans le lait refroidi. Dans l'exemple choisi leur nombre, au départ, était inférieur à 100/ml.

Les examens effectués par de nombreux laboratoires montrent que la température de conservation doit être le plus près possible de O°C et jamais supérieure à 4°C (en pratique 2°C à 4°C). Mais le temps de conservation reste étroitement lié à la charge microbienne du lait mis en refroidissement.

Pour ces raisons, il convient de respecter le barème ciaprès :

Figure 7

Figure 7 - Evolution de la flore coliforme dans un lait refroidi (D'après VEILLET-PONCET, 1981)

Nombre maximum de bactéries “totales” dans le lait à l'origine NDurée maximale de con- servation du lait re- froidi entre 2°C et 4°C
N <10.0004 jours
N <100.0003 jours
N <500.0002 jours
N >500.0001 jours ou moins

Ces temps comprennent la durée totale de conservation, c'està-dire à la ferme et à la laiterie quand elle a lieu.

Lorsque la qualité moyenne du lait fourni par les producteurs est médiocre, ce qui est encore le cas dans diverses régions, il est dangereux de dépasser 48 heures à 60 heures de conservation.

A la limite, avec les laits fortement contaminés, le stockage au froid devient sans objet.

La charge microbienne, la température et le temps ne sont pas les seuls facteurs qui interviennent sur la qualité du laitreçu à l'usine. Il faut aussi tenir compte d'éléments complémentaires tels que la vitesse de réfrigération, la remontée de température due aux apports successifs de lait chaud dans le lait refroidi et les conditions de la collecte qui seront étudiées ultérieurement…

2. ASPECTS BIOCHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DE LA REFRIGERATION

La conservation du lait à une température inférieure à 10°C provoque des modifications qui intéressent essentiellement les deux phases dispersées du lait : la phase grasse et la phase colloïdale (caséines). Ces modifications peuvent être fortement aggravées par les diverses manipulations qui interviennent avant, pendant et après la réfrigération.

21. Action sur la matière grasse

La matière grasse du lait à l'état d'émulsion est constituée de particules sphériques : les globules gras quisontentourés d'une enveloppe lipoprotéique, la membrane, qui forme une couche protectrice et assure la stabilité de l'émulsion. Cette membrane est fragile. Elle peut notamment être endommagée par certains agents physiques, en particulier par les traitements mécaniques et le froid, ce qui rend sensible la matière grasse à l'action d'agents extérieurs : enzymes lipolytiques et oxygène de l'air.

211. Rôle des traitements mécaniques

Dès la mulsion, le lait subit des manipulations successives et variées : transfert, pompage, chocs, turbulence, brassage, agitation. Lorsque ces traitements sont excessifs, réalisés dans de mauvaises conditions, provoquant des éclaboussures et la formation de mousse, elles produisent une certaine destructuration de la membrane du globule gras parmi laquelle une désorption des particules de lipoprotéines et une migration des phospholipides dans le lait écrémé.

A la ferme, ce sont surtout les installations de traite mécanique, les agitateurs des cuves de conservation du lait et les dispositifs de vidange de ces réservoirs qui sont responsables de la désorganisation de la membrane. Certaines installations de traite come celles en ligne basse portent moins atteinte que d'autres à l'intégrité de la membrane. Dans tous les cas, pour limiter ces altérations physico-chimiques, il faut éviter les turbulences fortes, les entrées d'air, les chutes de lait importantes, la formation de mousse dont peuvent être responsables les installations de traite en mauvais état mécanique, mal montées et mal réglées de même que les dispositifs d'amenée de lait et de brassage dans les tanks de stockage.

212. Rôle du froid

Sous l'action de la réfrigération il se produit une cristallisation fractionnée de la matière grasse avec rétraction du globule ce qui altère la membrane et permet de libérer de la graisse liquide. Celle-ci se répand à la surface du globule sous forme de matière grasse dite “libre”. La graisse exsudée fait perdre aux globules leur affinité pour l'huile : ils deviennent hydrophobes et tendent alors à s'agglomérer en granules et à se séparer rapidement de la phase aqueuse. Ce phénomène explique la formation accélérée de la couche de crème dans les maintenus au froid.

Ainsi, on peut dire que tous les traitements mécaniques et le froid, bien qu'inévitables, risquent par une mauvaise application d'avoir de sérieuses conséquences telles que la formation de grumeaux de beurre qui flottent à la surface des laits contenus dans les réservoirs de ferme, les citernes de ramassage ou les tanks de garde à l'usine.

Mais la conséquence la plus grave de l'altération des globules gras est de permettre l'action des lipases dont l'activité est encore notable au voisinage de 0°C.

213. Conséquences technologiques : la lipolyse

L'altération de la membrane protectrice du globule permet le contact entre la matière grasse et les lipases. Ces dernières hydrolysent les glycérides insolubles en glycérol et acides gras. La libération de ces derniers provoque des défauts de goût et d'odeur de rance très désagréables qui apparaissent déjà avec de faibles quantités d'acide butyrique. C'est la lipolyse ou rancissement hydrolytique.

La lipolyse peut apparaître dans tous les produits contenant de la matière grasse. Dans ceux de longue conservation comme le beurre, la poudre de lait et certains fromages dans lesquels les lipases ont tout le temps d'agir, elle peut provoquer de redoutables défauts de saveur.

L'action de la lipolyse ne se limite pas à la matière grasse. Elle peut ralentir aussi la vitesse de coagulation du lait par la présure et même empêcher celle-ci de se produire. La présence d'acides gras libres peut entraver la croissance des bactéries lactiques.

Enzymes lipolytiques

On distingue deux types de lipases : celles d'origine naturelle qui se trouvent normalement dans le lait et celles libérées par les bactéries psychrotrophes au cours de leur développement.

Lipases naturelles

L'intervention de ces lipases sur la matière grasse se fait selon deux mécanismes différents.

•Premier mécanisme

Sous l'action du refroidissement à une température inférieure à 10°C, et plus particulièrement quand il est effectué rapidement entre 0 et 5°C, les lipases sont adsorbées sur le globule gras de façon irréversible. On parle alors de lipase membranaire.

Il suffit que celle-ci se trouve au contact de matière grasse exsudée à la surface du globule pour provoquer une lipolyse souvent qualifiée de spontanée. L'importance de la dégradation est conditionnée à la fois par l'activité de la lipase et par l'importance de l'altération de la membrane. Dans les laits normaux, le risque de lipolyse est limité car le taux de lipase est faible. Par contre, avec les laits de certains animaux, les laits de vaches mal nourries ou soumises à un régime alimentaire riche en concentrés, les laits de fin de lactation ou encore ceux provenant d'animaux présentant une mammite ou des troubles ovariens, l'activité lipasique est élevée et la réfrigération peut conduire à une lipolyse marquée.

L'importance de cette dernière est aussi sous l'influence des conditions du refroidissement. C'est ainsi que lorsque celui-ci est pratiqué immédiatement après la traite, la lipolyse est plus accentuée que s'il est appliqué une heure plus tard. Le degré de lipolyse est très bas lorsque la réfrigération est rapide (15 secondes) ; il est élevé avec un temps moyen (25 minutes) et plus faible avec un temps long (2 heures). La température elle-même intervient. La lipolyse est plus accentuée à 1 ou 2°C qu'à 3 ou 4°C. Pour cette raison il est préférable de choisir ces températures bien qu'elles soient moins satisfaisantes du point de vue du développement microbien. On observe aussi que les apports successifs de lait chaud dans le lait déjà refroidi, ainsi qu'il est pratiqué lors du mélange de lait de plusieurs traites, sont favorables à la lipolyse.

Second mécanisme

Quand sous l'action des traitements mécaniques et de la réfrigération de la matière grasse s'échappe du globule, une partie se réémulsionne dans la phase aqueuse avec formation d'une nouvelle membrane protéique dans laquelle sont inclues des micelles de caséine. Ces micelles constituent le support de la lipase dite plasmatique qui vient ainsi au contact de la graisse provoquant sa lipolyse.

En outre, l'augmentation de la surface des globules due à l'effect d'homogénéisation de l'agitation favorise l'action lipasique. Cette derniere est accentuée lorsqu'il y a inclusion d'air dans le lait et formation de mousse.

Les lipases naturelles sont thermosensibles. Elles sont détruites en 30 secondes par chauffage à 80°C. Une pasteurisation moins sévère leur permet donc d'avoir une certaine activité.

• Enzymes microbiennes

Au cours de leur développement, les bactéries psychrotrophes élaborent et libèrent des lipases très actives. Leur action sur la matière grasse est d'autant plus marquée que la membrane globulaire a été plus endommagée. Selon les souches bactériennes, l'élaboration de ces lipases peut se faire dès le début de la phase exponentielle de croissance ou plus tardivement.

Généralement, l'indice de lipolyse dans un lait cru n'augmente pas sauf si les psychrotrophes sont en grand nombre (plus de 5 millions par ml). Mais, à partir de un million de germes, elles peuvent agir dans les produits laitiers de longue conservation (fromage, lait, beurre, lait stérilisé, poudre de lait), y provoquant des défauts caractéristiques (goût de rance, de savon…).

Comme il a été dit précédemment, ces lipases ne sont pas inactivées par la pasteurisation.

Les lipases élaborées par les psychrotrophes ont généralement une activité maximale lorsque le pH est voisin de la neutralité (celui du lait frais est de 6,6–6,8) et la température proche de 37°C. Toutefois, aux températures de réfrigération, elles conservent une part notable de leur activité. La quantité de lipases produites, variable avec les souches est fréquemment plus importante à basse température qu'aux températures optimum de croissance des bactéries qui les élaborent. Il s'ensuit que dans un lait réfrigéré, fortement contaminé, il peut y avoir une appréciable lipolyse.

22. Action sur les protéines

L'activité protéolytique élevée de nombreuses bactéries psychrotrophes se manifeste encore à basse température. En outre la production des protéases est particulièrement forte au froid. C'est ainsi que pour Pseudomonas fluorescens, hôte fréquent des laits réfrigérés, elle est six fois plus importante à 3°C qu'à 30°C.

D'autre part, elles sont pour la plupart thermorésistantes de sorte que leur activité peut se manifester dans le lait après pasteurisation et même après traitement U.H.T. ce qui risque d'entraîner la gélification de ce dernier. Différents défauts de saveur comme l'amertume peuvent se développer dans le lait et les produits laitiers et les déprécier fortement, voire les rendre inconsommables. Lorsque la protéolyse s'accompagne d'une dégradation des acides aminés, elle peut provoquer un goût putride.

Il faut observer qu'une action très discrète des protéases peut avoir un effect favorable sur le développement des bactéries lactiques en leur fournissant des peptides et des acides aminés qui leur sont nécessaires. Le lait contenant des protéases naturelles thermorésistantes, son action peut interférer avec celles des bactéries psychrotrophes.

3. ACTION SUR LA PHASE COLLOIDALE

La phase colloïdale du lait est constituée par des micelles au sein desquelles les caséines sont associées à des constituants salins, notamment du calcium et du phosphate de calcium.

Sous l'action du froid, cette phase subit des modifications portant à la fois sur les caséines, les micelles et les équilibres salins, dont les conséquences essentielles sont une diminution de la valeur fromagère du lait.

31. Modification des caséines

Le maintien du lait à basse température provoque la solubilistion d'une partie des caséines. A 2–4°C le taux de caséines solubles atteint environ 15 à 25 % alors qu'il n'est que de 4 à 6 % à 20–25°C. Cette solubilisation atteint principalement la caséineβ Après conservation du lait 48 h à 4°C elle est approximativement 3, 5 fois plus forte que pour la caséine αS et pour la caséine κ.

32. Modification des équilibres salins et des micelles

Au froid une partie du phosphate de calcium associée aux caséines se solubilise. Il s'ensuit une augmentation des teneurs en calcium et en phosphate inorganique contenues dans la phase aqueuse du lait au détriment de la phase colloïdale. Après maintien du lait à 3–4°C pendant 48 h, cette augmentation peut atteindre 10 à 20 % pour le calcium et 8 à 10 % pour le phosphate.

La solubilisation du phosphate de calcium et de la caséine βont pour conséquence une réduction de la taille des micelles et leur plus grande dispersion dans le lait.

Dans le même temps, toujours sous l'action du froid, il se produit une augmentation de l'hydratation des micelles. Après 24 à 48 h à 3–4°C, cette hydratation atteint 35 % de celle observée à 20°C.

33. Conséquences technologiques

Ces modifications d'ordre physico-chimique ne sont pas sans conséquences technologiques en fromagerie. On observe :


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