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Améliorer l'accès à la radio rurale pour les auditrices "difficiles à atteindre"

Par Jennifer Sibanda - Directrice régionale de la Fédération africaine des femmes journalistes (FAMW), Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), Harare, Zimbabwe

Biographie

Jennifer Sibanda est diplômée en Economie (BA de l'Université du Punjab, Inde), en Gestion (MBA de l'Université du Zimbabwe), Gestion et Recherche Marketing (Post-Diplôme de Institute of Management Services à Delhi en Inde) et en Journalisme (Centre de littérature africaine, Kitwe, Zambie). Jennifer Sibanda a suivi un programme de formation des formateurs sur la question de la parité, pour le Réseau et Centre de ressources et des femmes du Zimbabwe. Elle a commencé sa carrière en tant que reporter en 1976. En 1990, elle a rejoint l'Organisme de diffusion du Zimbabwe (ZBC), en tant que responsable de la production TV, des relations publiques et de la recherche, avant d'être promue sous-directrice, puis contrôleur de la ZBC. Depuis 1997, Jennifer Sibanda est Directrice régionale de la Fédération africaine des femmes journalistes, Communauté de développement de l'Afrique australe. Le projet, financé par l'UNESCO, couvre 12 pays.

Jennifer Sibanda a obtenu un grand nombre de nominations professionnelles :

1987 Nommée membre du Comité Permanent pour l'information et la communication au sein de la commission nationale pour l'UNESCO du Zimbabwe.
1987-1997 Présidente de ce comité permanent spécialisé. Suivi de tous les projets de communication urbains et ruraux financés par l'UNESCO et conseillère de la Commission nationale du Zimbabwe pour l'UNESCO, chaque fois que possible.
1987- 1991 Déléguée du Zimbabwe au conseil du Programme international de développement de la communication (PIDC), UNESCO
1989-1992 Nommée au Comité du Système régional d'information (Région Afrique)
1990-1994 Membre de la Direction, Fédération africaine des femmes journalistes du Zimbabwe (FAMWZ).
1992-1997 Coordonnatrice régionale de la Fédération africaine des femmes journalistes, Communauté de développement de l'Afrique australe, Zimbabwe (FAMW-SADC).
1993-1996 Présidente du sous-comité des médias au sein du Comité parlementaire et des médias sur la survie et le développement de l'enfant
1998-2000 Nommée à la Commission mondiale informatique de l'UNESCO

Résumé de la communication

La mondialisation des systèmes de communication ainsi que les nouvelles technologies de l'information et de la communication qui submergent la planète sont en train de bouleverser rapidement le paysage médiatique mondial. Malgré cela, en Afrique, la radio reste le moyen de communication le plus approprié, le plus accessible, pour la majorité des Africains, en particulier pour les communautés rurales les plus dépourvues, les femmes et les jeunes.

La radio et les questions de genre en Afrique

La plus pauvre des plus pauvres dans le monde est la femme africaine.

Pourtant en Afrique, selon des statistiques récentes, 80 % du travail agricole est assuré par des femmes.

Cette communication examine la problématique de l'accès des femmes à la radio. Quand bien même les questions relatives aux femmes ont été intégrées aux programmes des radios, est-ce que pour autant, ces femmes y ont la parole ? Et quelle portée leur voix a-t-elle ?

La présentation porte également sur les structures des médias existants (comme la radio) : Comment les médias rendent-ils compte des questions de genre ? Sont-ils en mesure de traiter les questions qui intéressent les femmes ? Doit-il y avoir un nombre critique de femmes dans ces organismes, en particulier au sein de la Direction ?

Qui possède une radio et qui l'écoute ?

Au cours de cette présentation, sont communiqués les résultats d'une étude d'auditoire qui a été organisée par le FAMW-SADC. Cette étude a analysé les points suivants :

L'accès des femmes à la radio rurale - Les contraintes

Les résultats de l'étude mentionnée ci-dessus ont également permis de mesurer l'accès des femmes à la radio rurale. Les résultats de la recherche permettent de souligner cette question. Les contraintes sont analysées, notamment les questions liées à la pauvreté, aux traditions et à la culture, aux rôles multiples des femmes, à l'approvisionnement en piles et en batteries, aux pannes des postes récepteurs.

Les propositions et mécanismes pour atteindre le public des femmes

La présentation examine les tentatives des médias communautaires pour aborder les questions relatives aux femmes à travers des initiatives comme les stations de radio communautaires, le projet Développement Par la Radio (DTR) et les projets qui utilisent le théâtre au service du développement.

La présentation souligne les résultats positifs obtenus dans ces domaines par la FAMW-SADC.

AMÉLIORER L'ACCÈS À LA RADIO RURALE POUR LES AUDITRICES "DIFFICILES À ATTEINDRE"

Par Jennifer Sibanda - Directrice régionale de la Fédération africaine des femmes journalistes (FAMW), Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), Harare, Zimbabwe

Je voudrais exprimer ma gratitude pour le privilège qui m'est offert de présenter une communication à l'atelier international sur la radio rurale : "les technologies de l'information et de la communication au service de la radio rurale : nouveaux contenus, nouveaux partenariats". Permettez-moi de saisir cette occasion pour remercier les organisateurs qui ont travaillé sous la compétente direction de Jean Pierre Ilboudo et de Carine Rouah, sans oublier tous ceux qui ont _uvré dans les coulisses pour nous permettre de nous retrouver ici tous ensemble.

D'abord et avant tout, je voudrais souligner que la convergence des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) a aujourd'hui mis en évidence l'émergence d'un phénomène de divergence créative - qui positionne le savoir comme ressource principale de la nouvelle économie mondiale.

En second lieu, il faut relever cette tendance des pays en transition vers une économie du savoir (« knowledge economy ») orientée vers une forme de développement axée sur la satisfaction des besoins de l'homme - c'est à dire un développement centré sur les besoins et sur la population , ce qui constitue une condition nécessaire du développement.

Une autre condition essentielle pour la transition vers une économie du savoir est, pour les pays en développement comme pour les autres d'ailleurs, l'impérieuse nécessité de disposer d'une infrastructure nationale d'information (INI) au sein de l'infrastructure mondiale de l'information (IMI)

Pour faire partie de l'IMI, les INI doivent présenter les caractéristiques suivantes :

Il est évident, cependant, que presque toutes ces caractéristiques représentent en elles-mêmes autant d'impasses pour la plupart des pays en développement, pour lesquels il s'agit d'une tâche très ardue, dans le contexte d'économies généralement très fragiles.

Les nations deviennent des états "branchés". Les économies deviennent des économies du "savoir" et les sociétés sont désormais "numériques. Avec ces nouvelles technologies, les individus ont de plus en plus une prise directe sur les choses. Mais malheureusement, ce développement continue à être inégal et ses bénéfices vont surtout aux pays développés.

La télévision et les nouveaux médias font tous partie de la nouvelle révolution numérique. Je suis convaincue que cet atelier international sur la radio rurale, intitulé "les NTIC au service de la radio rurale : nouveaux contenus, nouveaux partenaires", apportera sa modeste contribution au besoin de mobiliser et de partager les valeurs, les savoirs et les expériences, sur toute la planète.

Le potentiel dont la radio a fait montre dans ses jeunes années est et sera toujours aussi important à l'heure de la société d'information numérique et dans les années à venir.

Honorables participants, nous avons souvent entendu l'oracle de Marshal McCluhan sur le monde transformé en "village planétaire". Je me suis toujours demandé ce que l'on entend par "village". En Afrique, notre définition et notre acception du village sont sous-tendues par la notion d'échange : échange de ressources, de valeurs, échange d'information et de savoirs, échange d'expériences et d'approches. Toutefois, je constate avec amertume que dans ce village mondial dont il est question, il existe de gigantesques disparités à l'autre bout de cette ère numérique.

La question du fossé numérique est une question majeure et un sujet réel de préoccupation pour les pays en développement, particulièrement en Afrique. Le fossé numérique adopte des formes diverses mais qui tournent toujours autour de l'insuffisance, de l'absence ou de l'inadéquation d'un développement axé sur la population et d'une structure nationale d'information, et notamment :

Le fossé numérique se traduit en chiffres de la façon suivante.

Voilà en réalité, le triste état des lieux.

La population rurale, les urbains pauvres, les illettrés et les marginaux courent le plus grand risque d'être laissés sur le bord du chemin par la révolution du savoir et de l'information.

En d'autres termes, ces technologies de la communication ne sont pas accessibles aux communautés rurales, ce qui place la radio au centre du débat. En Afrique, la radio est - et continuera d'être longtemps encore - la technologie disponible la plus appropriée pour la majorité de la population, particulièrement pour les communautés les plus défavorisées, les femmes, les enfants et les jeunes

Radio et questions de genre en Afrique

Comme vous le savez sans doute, les femmes constituent la population la plus pauvre. Mais, les plus pauvres des pauvres sont les femmes africaines. Les statistiques les plus connues des Nations unies formulées il y a plus de dix ans restent encore vraies aujourd'hui.

Pour les réseaux mondiaux, ces femmes n'existent pas car leur situation et leur condition ne sont pas médiatiquement intéressantes.

Les politiques de développement qui ne cherchent pas à résoudre les questions des femmes sont vouées à l'échec. Les stéréotypes enracinés dans notre culture et nos structures patriarcales, en termes de rôles, valeurs, coutumes et institutions continuent à empiéter sur la participation des femmes au processus du développement. L'éducation et la formation des femmes et des jeunes filles sur l'utilisation des nouvelles technologies de la communication, entre autres sujets, devraient constituer des priorités dans les programmes des agences de développement. Le coût social des politiques d'ajustement structurel a lourdement pénalisé les femmes et les jeunes filles.

Une étude sur les productions de radios rurales montre clairement que les programmes sont conçus sur l'hypothèse que le public est uniforme et réagit de façon univoque. Dans de nombreux cas, la production est influencée par la culture dominante ou par les valeurs culturelles traditionnelles des producteurs. Et quand on analyse les résultats de ces stations, on se rend compte qu'elles renforceront ces valeurs culturelles aussi longtemps que la voix des femmes y sera marginalisée. Les productions médiatiques continuent à renforcer les stéréotypes qui prévalent dans nos pays : les femmes sont des cuisinières, des ménagères, des objets sexuels, caractérisées par l'indécision, la dépendance, la faiblesse émotionnelle et l'incapacité à diriger.

Qui possède des radios et qui les écoute?

Une enquête par questionnaire a été entreprise auprès de nombreuses femmes de communautés et pays différents, pour connaître :

Compte tenu de l'importance de la radio pour le développement communautaire, l'étude a également essayé de savoir :

L'échantillon était de 3000 personnes et couvrait quatre pays.

Possession de récepteurs

Il a été établi que 67,8% des femmes possèdent un récepteur radio alors que 28,9% n'en ont pas. Le graphique ci-après montre la répartition des possesseurs de radios.

Ecoute de la radio

La majorité des enquêtés (84,4%) déclare écouter la radio contre une minorité de 8,9% qui ne l'écoute pas et 6,7% qui l'écoute de temps en temps. Le tableau ci-dessous illustre cette répartition.

Catégorie

Nombre de réponses

Pourcentage

Ecoute

2 448

84,4

N'écoute pas

258

8,9

Ecoute quelquefois

195

6,7

Total

2 901

100

Possession

Un tri croisé de l'écoute et de la possession montre les résultats suivants :

 

Ecoute

N'écoute pas

Ecoute quelquefois

Total

Possède une radio

1 900

93,4%

34

1,7%

100

4,9%

2 034

100%

Ne possède pas de radio

600

69,2%

166

19,2%

101

11,6%

867

100%

Le tableau montre que les enquêtées qui possèdent une radio sont 93,4% à l'écouter contre 1,7% qui ne l'écoutent pas et 4,9% qui l'écoutent quelquefois. Parmi les répondants qui ne possèdent pas de radios, 69,2% l'écoutent, contre 19,2% qui ne l'écoutent pas et 11,6% qui l'écoutent de temps en temps. Les résultats montrent donc clairement que la majorité des gens trouvent le temps d'écouter la radio, même s'ils ne possèdent pas leurs propres récepteurs.

Choix de la station

Le tableau ci-dessous montre la répartition du choix de la station.

Environ 57,8% des enquêtées choisissent leur station préférée de façon autonome, contre 16,7% qui suivent le choix de leur mari, et seulement 13.3% qui choisissent en concertation avec leur mari. Toutefois, 12.2% des enquêtées indiquent ne pas choisir ; ce groupe est surtout constitué de personnes ne disposant pas d'un récepteur de radio.

Projet de radios communautaires

La question relative à l'intérêt des enquêtées d'établir leur propre station de radio communautaire est essentielle. Les réponses montrent qu'une grande majorité (95.6%) manifeste un énorme enthousiasme pour cette idée. Les enquêtées indiquent que ce serait pour elles une façon d'exprimer leurs préoccupations et de valoriser leurs activités publiquement. Elles pensent aussi qu'une radio communautaire serait à l'évidence un moyen d'éducation et conduirait la communauté vers le développement. Celles qui ne souhaitent pas monter une radio communautaire représentent 4,4% des enquêtées et pensent que leurs communautés ne seraient pas en mesure d'écouter la radio car trop occupées par les travaux des champs.

Au sein de mon organisation, qui travaille dans dix des quatorze pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe, nous avons entrepris de renforcer le pouvoir des femmes rurales marginalisées en leur donnant un accès à la radio (et par la radio) à travers un projet appelé Développement Par la Radio (DTR). Nous avons formé les femmes à la production de leurs propres programmes radiophoniques pour une diffusion sur les stations nationales. Le projet a démarré au Zimbabwe puis s'est étendu en Zambie, au Malawi, en Afrique du sud, en Angola, au Kenya, en Ouganda et cette extension se poursuit aujourd'hui au Mozambique et au Nigeria et se continuera en Sierra Leone dans quelques mois.

Nous avons également lancé deux stations de radio communautaire au Malawi et au Mozambique. Elles s'avèrent constituer des structures très importantes dans les communautés où elles sont implantées. Les associations nationales affiliées à notre organisation au Malawi (Malawi Media Women's Association, MAMWA) et au Mozambique (Mozambique Media Women's Association, MOMWA) travaillent dur pour s'assurer que la voix des femmes est relayée par ces radios communautaires.

Les nouvelles possibilités pour renouveler les contenus radiophoniques en reliant radio et Internet sont très utiles pour améliorer les programme des radios. Il y a maintenant plusieurs exemples de radios communautaires qui, en plus de leur auditoire communautaire, s'ouvrent également à un "net-auditoire", ce qui est un premier pas pour abattre le fossé numérique.

Pour dépasser ou réduire le fossé numérique, il est indispensable que les technologies de l'information et de la communication soient plus présentes dans les programmes politiques des pays ainsi que dans l'organisation des forums mondiaux les plus pertinents dans ce domaine. Ces questions ont été abordées dans un certain nombre de forums mondiaux, notamment :

Honorables participants, disons-le clairement : tant que les disparités technologiques et les autres, bien sûr ne seront pas réduites, l'Afrique et l'ensemble du monde en développement continueront à rester en dehors des questions technologiques d'importance, les économies continueront à régresser et les pays continueront à dépendre du soutien du reste du monde.

Les femmes et les enfants, qui sont déjà marginalisés, se trouveront dans une situation pire encore et le cycle de la pauvreté continuera à se renforcer dans ces groupes.

Dans nos délibérations sur ces questions, gardons à l'esprit que notre but, dans le développement de l'ère numérique doit être centré sur la population, avec la radio et les femmes au c_ur de ce dispositif.

Jennifer Sibanda, FAMW-CDC
P O Box BE 793
Belvedere
Harare
Zimbabwe
102 Samora Machel Avenue West
Belvedere
Harare
Zimbabwe
[email protected]

 

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