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Chapitre 8

COMMERCE DE L'EUROPE AVEC LES AUTRES REGIONS

8.1 Introduction

Le commerce international est un élément d'importance vitale dans le secteur de la foresterie et des produits forestiers. Au début des années 90, le commerce mondial de ces produits s'élevait à quelque 100 milliards de dollars, les échanges internationaux absorbant aujourd'hui à peu près un quart de la production mondiale. En outre, comme pour la plupart des autres produits, le commerce des produits forestiers augmente à un rythme plus rapide que la production ou la consommation.

L'Europe est un gros importateur de bois ronds et de produits forestiers d'autres régions : vers 1990, ses importations comptaient pour 10 % environ de l'offre de bois et de fibres. Il est donc essentiel que la cinquième Etude examine les perspectives d'avenir du commerce européen dans ce secteur particulier.

Le présent chapitre porte sur le commerce européen avec les autres régions et, en particulier, sur ce que seront les besoins de l'Europe et les moyens permettant d'y répondre, compte tenu de ce que l'on sait concernant la demande future en dehors d'Europe et la capacité dont disposent les principaux fournisseurs mondiaux de produits forestiers pour satisfaire cette demande.

Après une vue d'ensemble qui replace l'Europe dans le contexte du commerce mondial des produits forestiers et présente un bilan sommaire des ressources forestières mondiales, le chapitre analysera le potentiel d'expansion de l'offre à partir des principales régions exportatrices extérieures à l'Europe. Les scénarios concernant les échanges nets qui se dégagent des projections de l'offre et de la demande au chapitre 6 sont ensuite évalués à la lumière de ce que l'on sait concernant le potentiel des autres régions; enfin, des conclusions sont formulées touchant l'équilibre futur de l'offre et de la demande sur les marchés mondiaux des produits forestiers.

Les données relatives au commerce international proviennent de plusieurs sources différentes et ne sont pas toujours concordantes. Comme il est pratiquement impossible de concilier toutes les séries, il subsiste certaines contradictions entre les chiffres présentés dans les différentes parties de ce chapitre; la situation d'ensemble n'en est toutefois pas affectée.

La cinquième Etude porte essentiellement sur l'Europe. Pour les autres régions examinées, elle s'appuie sur des sources extérieures, officielles et internationales chaque fois que cela est possible. Le lecteur pourra se reporter à ces sources pour de plus amples informations concernant les méthodes, les problèmes de données, etc.

Ce chapitre se fonde sur des travaux effectués pour la cinquième Etude par deux experts mis à la disposition du secrétariat par leur pays : MM. Bruno Cinotti (France) et Adrian Whiteman (Royaume-Uni). Le secrétariat tient à exprimer sa reconnaissance aux experts et aux deux pays pour la contribution qu'ils ont apportée à cette étude.

8.2 Structure du commerce mondial des produits forestiers vers le milieu des années 90

Plus de 60 % du commerce mondial des produits forestiers (en valeur) sont intrarégionaux, c'est-à-dire se font entre pays situés sur le même continent, ce qui n'exclut pas toutefois quelques courants d'échanges très importants entre les continents. Si l'on ne considère que le commerce interrégional, une région exportatrice et deux régions importatrices occupent manifestement une position dominante.

Le plus gros fournisseur mondial de produits forestiers aux autres régions est l'Amérique du Nord, dont les exportations comptent pour 50 % du commerce interrégional total (17 milliards de dollars en 1993).

La moitié de ces échanges entre régions intéresse la région Asie/Pacifique (principalement le Japon), bien que d'autres pays asiatiques progressent rapidement en tant qu'importateurs. Le fournisseur de loin le plus important de la région Asie/Pacifique est aussi l'Amérique du Nord, qui y exporte de la pâte à papier, du papier, des sciages, du contreplaqué et des plaquettes pour pâte à papier - le volume des échanges allant d'Amérique du Nord vers cette région compte pour 29 % du commerce interrégional - ce qui n'empêche pas d'autres régions (Europe, Russie et Amérique latine) d'y expédier aussi des volumes considérables de produits forestiers.

La deuxième destination la plus importante pour le commerce interrégional est l'Europe, dont les importations en provenance d'autres régions s'élèvent à 27 % du commerce interrégional. Le principal fournisseur est dans ce cas encore l'Amérique du Nord (pâte à papier, papier, sciages, contre-plaqués).

TABLEAU 8.2.1

Commerce mondial des produits forestiers, 1993
(millions de dollars)
Destination:Origine:
EuropeAmérique du NordEx-URSSAmérique latineAsie/PacifiqueAfriquen.c.a.Total mondial
Europe33 719   4 5571 0471 046  1 2011 24123743 048
Amérique du Nord  1 56815 417     24   901  1 012    69  1319 004
Ex-URSS               0
Amérique latine   500  2 214      2   713      58    33  13  3 533
Asie-Pacifique 3 78010 190   8901 12214 621  569  1531 187
Afrique 1 103     225     11     97    112    67  12  1 627
n.c.a.    412         1     18      4    421       856
Total mondial41 08232 6041 9923 88317 4251 97929099 255


TABLEAU 8.2.2

Importations européennes de produits forestiers d'autres régions, 1993
 Total
(milliards de dollars)
Bois rondsSciagesPanneauxPâte à papierPapier.
(millions de m3)(millions de tonnes)
Amérique du Nord4,60,82,71,44,52,2
Ex-URSS1,03,45,10,50,50,2
Amérique latine1,00,50,50,41,70,3
Asie/Pacifique1,20,11,10,80,00,2
Afrique1,22,00,90,20,30,1
n.c.a.0,20,00,00,00,30,0
Total9,36,810,43,47,23,1


TABLEAU 8.2.3

Solde du commerce de produits forestiers (y compris les matières premières bois), 1990
 Millions de m3 EQEn pourcentage des quantités enlevées
Pays nordiques +76,5+ 69,9
Union européenne (12 pays)-138,7  -97,2
Europe centrale   +6,7+ 30,0
Europe orientale   +2,1   +4,2
Europe du Sud-Est   -3,0    -7,3
Pays baltes + 1,4+ 12,5
Europe -55,0  -14,1

Note: + = exportations nettes, - = importations nettes.

FIGURE 8.2.1FIGURE 8.2.2
Solde des échanges en Europe, 1992Europe : solde du commerce de bois brut, de sciages et de panneaux
FIGURE 8.2.1FIGURE 8.2.2

FIGURE 8.2.3

Europe : solde du commerce de pâte à papier et de papier

FIGURE 8.2.3

L'Europe dans son ensemble est un importateur net pour toutes les catégories de produits forestiers sauf le papier et le carton. Exprimées en m3 EQ, les importations de pâte à papier représentent la moitié environ de ses importations d'autres régions, suivies de celles de sciages et de matières premières bois (moins d'un tiers chaque). L'on enregistre un petit volume d'importations nettes de panneaux et un gros chiffre d'exportations nettes de papier et de carton, qui compensent en partie les importations nettes d'autres groupes de produits. Toutes ces importations s'entendent nettes (c'est-à-dire déduction faite des exportations) pour l'ensemble de l'Europe.

Le volume et la destination des courants d'échanges varient assez fortement selon les conditions du marché (volume de la demande, restrictions à l'offre, taux de change, structure tarifaire, etc.), mais l'on observe une certaine stabilité en ce qui concerne les principaux fournisseurs de produits forestiers exportant vers l'Europe à partir d'autres régions (non par ordre de grandeur, puisque les parts de marché peuvent évoluer assez rapidement) : sciages résineux (Canada, Russie, Etats-Unis); sciages non résineux (Indonésie, Malaisie, Etats-Unis); contre-plaqués (Indonésie, Etats-Unis); pâte à papier (Brésil, Canada, Etats-Unis); papier et carton (Brésil, Canada, Etats-Unis); bois comme matière première (Côte d'Ivoire, Gabon, Russie, Amérique latine (Argentine, Chili)).

Les exportations européennes de papier et de carton (et de panneaux de fibres à densité moyenne vers le milieu des années 90) sont destinées à tout un ensemble de pays situés partout dans le monde.

Peut-on dire que le solde du commerce de l'Europe avec d'autres régions est à peu près stable dans le temps ou existe-t-il d'autres tendances structurelles? Dans l'affirmative, quelles sont-elles et quelles en sont les causes ? Il est malheureusement impossible dans cette cinquième Etude d'analyser ces importantes questions en détail, mais certaines indications se dégagent des graphiques.

Le solde du commerce de bois brut est sujet à de fortes fluctuations conjoncturelles. Lorsque la demande de produits forestiers est forte, les importations nettes européennes de bois brut (grumes et bois de trituration) augmentent rapidement à mesure qu'arrivent de l'extérieur de la région des volumes d'appoint qui ne sont pas nécessaires en temps “normal”. Il existe toutefois un volume structurel d'importations de bois ronds, d'environ 15 millions de m3, composées essentiellement de bois de trituration d'origine russe et de grumes tropicales. Il ne semble pas y avoir de tendance à la hausse ou à la baisse pour le volume des matières premières importées.

Pendant toute la période des années 60 et 70, les importations européennes nettes de sciages sont restées à peu près constantes en volume, mais ont diminué de près de moitié entre 1979 et 1984, probablement à cause de la faiblesse des marchés des sciages. Elles ont toutefois plus que doublé entre 1984 et 1980, période marquée par une assez forte demande de sciages et par la pénétration des marchés par les fournisseurs canadiens et ceux du Sud-Est asiatique. Cette tendance s'est fortement inversée entre 1990 et 1993, les importations nettes de sciages de l'Europe étant revenues à leur niveau minimum précédent, en raison d'une très faible consommation de ce produit et de sa disponibilité réduite pour l'exportation tant au Canada qu'en Russie.

Depuis le début des années 60 jusqu'en 1989, les importations nettes de panneaux ont augmenté à un rythme très régulier, en dépit des fluctuations du marché, pour atteindre près de 5 millions de m3. Cette tendance à la hausse est attribuable à la pénétration des marchés par les contre-plaqués indonésiens et canadiens. Elle s'est toutefois fortement inversée en 1989 : en l'espace de cinq ans, les importations européennes nettes de panneaux sont tombées de moitié en raison de l'intérêt porté par l'Indonésie et le Canada à d'autres marchés (Japon et Etats-Unis), des exportations européennes de panneaux de fibres de densité moyenne et de panneaux de particules vers d'autres régions, et du faible niveau de la demande de panneaux en Europe.

La tendance à la hausse des importations nettes de pâte à papier est très évidente et ne laisse prévoir aucun changement de direction. Ces importations représentent désormais 15 % environ de la consommation de pâte à papier, contre 3 % environ en 1965. Cette progression s'est poursuivie malgré la stagnation de la consommation de pâte à papier depuis 1990 environ en Europe et peut être attribuée à la position très compétitive des grandes usines de pâte hors d'Europe, notamment en Amérique du Nord et du Sud.

Le seul secteur où l'Europe enregistre un excédent commercial net est celui du papier et du carton. Ses exportations nettes sont passées de quantités marginales vers 1975 à plus de 5 millions de tonnes en 1994, évolution attribuable au succès avec lequel certaines entreprises ont créé et exploité des “créneaux” spécialisés pour certaines qualités supérieures de papier, où les désavantages du côté européen - coût relativement élevé du bois (et de la main-d'oeuvre) - peuvent être compensés par des compétences techniques et une bonne commercialisation. Cette production de papier dépend de plus en plus de pâtes importées d'autres régions, ainsi que du recyclage de vieux papiers.

Entre les pays et groupes de pays il existe naturellement de nettes différences dans le degré auquel ils dépendent des importations, comme le montre clairement le tableau 8.2.3. En fait, les importations nettes ne sont considérables que dans le plus grand groupe de pays, l'Union européenne (12 pays), où elles se situent presque au même niveau que les quantités enlevées sur le marché intérieur. Toutefois, le groupe des pays nordiques et l'Europe centrale (principalement l'Autriche) sont tous deux fortement orientés vers les exportations, dont la plus grande partie est destinée à l'Union européenne (12 pays). Si l'on considère l'Union européenne de 1995 (c'est-à-dire y compris les trois principaux exportateurs européens de produits forestiers), on voit que les importations nettes sont très légèrement inférieures à 60 millions de m3 EQ (22 % des quantités enlevées). Le commerce avec d'autres groupes de pays est beaucoup moins important en valeur relative dans l'Europe orientale et celle du Sud-Est et assez peu important encore dans les pays baltes (bien que ce groupe ait de bonnes chances de pouvoir s'orienter vers l'exportation).

8.3 Vue d'ensemble des ressources forestières mondiales 1

Vers 1990, il existait dans le monde environ 3,4 milliards d'hectares de forêts (non compris les “autres terres boisées”). Un quart de cette superficie se trouvait en Amérique latine et un cinquième en Russie, l'Afrique, la région Asie-Pacifique et l'Amérique du Nord comptant pour 15 % chacune. Le chiffre pour l'Europe est de 149 millions d'hectares, soit légèrement plus de 4 % des ressources forestières mondiales. Quatre pays (Russie, Brésil, Canada et Etats-Unis) ont chacun des forêts plus étendues que celles de l'ensemble de l'Europe et trois autres (Chine, Indonésie et Zaïre) comptent plus de 100 millions d'hectares de forêts.

Quelque 27 % de la surface terrestre du globe sont couverts de forêts et 13 % par d'“autres terres boisées”. La couverture forestière diffère sensiblement à l'intérieur des régions et entre elles. L'Amérique latine détient 48 % de cette couverture et l'ex-URSS 35 %. En revanche, les “pays développés d'Asie/Océanie” (Japon, Australie et Nouvelle-Zélande) ne comptent que pour 9 % de la superficie forestière dans le monde (66 % au Japon contre 5 % seulement en Australie).

Les forêts et les autres terres boisées du monde diminuent au rythme d'environ 10 millions d'hectares par an, les plus grosses pertes étant signalées en Amérique latine (6 millions d'hectares, soit 0,5 % des forêts et autres terres boisées), en Afrique (2,8 millions d'hectares, soit 0,26 %)et dans la région Asie-Pacifique (1 million d'hectares, soit 0,6 %). Les ressources forestières diminuent également en Amérique du Nord, mais beaucoup plus lentement. En Europe, elles augmentent, à raison de 0,19 million d'hectares par an (0,13 %).

A l'échelle mondiale, on compte en moyenne 0,6 hectare de forêts par habitant, mais seulement 0,3 pour chaque Européen, 0,2 pour chaque ressortissant d'un pays asiatique en développement et 0,5 par habitant des “pays développés d'Asie/Océanie” (0,2 hectare par Japonais, malgré l'abondante couverture forestière de ce pays). En revanche, sur les continents moins peuplés, la population exerce moins de pression sur les forêts : 1,7 hectare par personne en Amérique du Nord et 2,2 en Amérique latine et dans l'ex-URSS. Il n'est pas surprenant que l'attitude vis-à-vis des forêts dans les régions où l'on compte 2 hectares de forêts par personne soit différente de celle observée dans les régions où ce chiffre est dix fois moins élevé.

Les forêts du monde renferment environ 380 milliards de m3 de bois. Comme le matériel sur pied à l'hectare est en moyenne à peu près le même dans les différentes régions (entre 93 et 130 m3 à l'hectare, avec 110 m3 environ dans la plupart des régions), la répartition de ce volume par région est analogue à celle de la superficie forestière : l'Amérique latine compte pour plus de 28 % du matériel sur pied du monde, et l'Europe pour environ 5 %.

TABLEAU 8.3.1

Ressources forestières mondiales
 Superficie forestièreVariations 1980-90Matériel sur pied (milliards de m3 sur écorce)Quantités enlevées (millions de m3 sous écorce)Population (millions)
(millions d'hectares)
Europe149 1,919,3 283  565
Amérique du Nord 457-3,253,4 559  276
Ex-URSS 755  0,584,2 275  350
Pays développés d'Asie/Océanie  71  0,0 6,6  59  144
Afrique  545-28,3 55,7  59  642
Asie/Pacifique  497-10,0 55,2 2302 921
Amérique latine et Caraïbes  967-60,5109,4  124  448
Total mondial3 441-99,6383,81 5895 346
Proportions :
 Couverture forestière (pourcentage)Hectares de forêt par habitantMatériel sur pied par hectare (m3 par ha)PIB par habitant (milliers de dollars)Quantités enlevées/matériel sur pied (en pourcentage)
Europe270,313012,721,47
Amérique du Nord251,711721,671,05
Ex-URSS352,2112  3,280,33
Pays développés d'Asie/Océanie 90,5  9324,430,89
Afrique180,9102  0,470,11
Asie/Pacifique190,2111  0,600,42
Amérique latine et Caraïbes482,2113  2,160,11
Total mondial270,6112  4,060,41

Source : FAO, Analyse des ressources forestières, 1990 : Synthèse globale et Annuaire des produits forestiers.

Note : Les quantités enlevées ne concernent que le bois industriel.

FIGURE 8.3.1FIGURE 8.3.2
Superficie forestière mondiale
(Total : 3,44 milliards d'hectares)
Superficie forestière par habitant
FIGURE 8.3.1FIGURE 8.3.2

FIGURE 8.3.3

Superficie forestière par région

FIGURE 8.3.3

Des différences notables sont à signaler dans l'intensité avec laquelle les forêts sont exploitées pour la production de bois, que l'on peut mesurer approximativement d'après le pourcentage du matériel sur pied abattu chaque année. Les forêts qui sont de loin les plus intensivement exploitées se trouvent en Europe, où les quantités enlevées représentent 1,47 % du matériel sur pied, soit plus de trois fois la moyenne mondiale, suivies de l'Amérique du Nord (1, 05 %). En Amérique latine et en Afrique, 0,11 % seulement du matériel sur pied est abattu tous les ans.

8.4 Perspectives de l'offre de bois d'autres régions

La plus grande partie des forêts du monde ne produisent aucun bois qui pourrait influencer d'une façon quelconque l'offre en Europe. La présente section examine de manière assez approfondie la situation de la sylviculture ainsi que les questions et perspectives concernant l'offre de bois dans les régions qui fournissent à l'Europe du bois ou des produits forestiers : Amérique du Nord, Russie, forêts tropicales naturelles et plantations à régime d'exploitation intensive hors d'Europe.

TABLEAU 8.4.1

Resources forestières de l'Amérique du Nord au début des années 90
 Unité (106)CanadaEtats-UnisAmérique du Nord
Superficie boisée 1, dont :(hectares) 217,6 198,1  415,7
Domaine public  195,2   53,2  248,4
Domaine privé    22,3 144,9  167,2
Matériel sur pied, dont:(m3)24 70022 20046 900
Résineux 19 30012 70032 000
Quantités enlevées en 1991(m3)  161,5  461,5  623,0

1 Comprend uniquement les terres boisées, productives et disponibles.

Source : NATTS II (Etude sur les tendances du secteur du bois en Amérique du Nord).

i) Amérique du Nord

En 1993, les exportations nord-américaines vers l'Europe s'élevaient en valeur à 4,6 milliards de dollars environ, dont 2,7 millions de m3 de sciages, 4,5 millions de tonnes de pâte à papier et 2,2 millions de tonnes de papier et de carton. Toujours en valeur, les importations européennes en provenance d'Amérique du Nord étaient environ quatre fois plus importantes que celles provenant de tout autre continent. Il est donc indispensable de comprendre d'une manière concrète le potentiel dont dispose l'Amérique du Nord pour fournir à l'Europe des produits forestiers.

Les deux pays de l'Amérique du Nord ont d'immenses ressources forestières, mais présentent à cet égard quelques différences notables :

Au cours des dix dernières années ou plus, les deux pays ont engagé un débat national très animé sur la politique forestière, en particulier sur les régimes d'abattage et sur la proportion de forêts climax qui devraient être soustraites à la production de bois. Ce débat est loin d'être terminé, bien qu'un certain consensus semble se dégager, notamment aux Etats-Unis. Une grande part d'incertitude entoure encore ce qui constitue un niveau d'exploitation durable dans l'un et l'autre pays. Il est toutefois probable :

Bien que les deux pays soient de grands exportateurs vers les marchés d'“outre-mer” (c'est-à-dire extérieurs à l'Amérique du Nord), le volume de leurs exportations est assez faible comparé à celui des marchés intérieurs et du commerce entre les deux pays (les livraisons de produits forestiers du Canada aux Etats-Unis constituent le courant commercial international de produits forestiers le plus important du monde).

Les principaux facteurs déterminant la disponibilité probable des produits forestiers exportés par l'Amérique du Nord vers d'autres régions sont :

Il est naturellement impossible aux auteurs de la cinquième Etude d'entreprendre eux-mêmes cette analyse, qui, si elle était suffisamment détaillée, serait l'équivalent d'une autre étude sur les tendances du secteur du bois. Les Gouvernements du Canada et des Etats-Unis disposent cependant tous deux de systèmes d'analyse efficaces leur permettant de déterminer les perspectives du secteur des produits forestiers et, parallèlement à la cinquième Etude, ont réalisé une étude sur les tendances du secteur du bois en Amérique du Nord 2 qui fait la synthèse des renseignements disponibles et des résultats des projections, y compris celles concernant les exportations extrarégionales (mais abstraction faite des échanges entre le Canada et les Etats-Unis). Les résultats de cette étude, qui fait autorité, sont résumés ci-après.

La consommation devrait croître lentement, avec quelques effets de substitution, notamment le remplacement des contre-plaqués résineux par des panneaux de particules orientées. Les exportations hors de la région vont probablement aussi augmenter, mais plus lentement, avec des augmentations très rapides pour les sciages non résineux, les contre-plaqués résineux et, notamment, le papier et le carton (augmentation de 4,6 millions de tonnes en 20 ans), évolution à laquelle fait contrepoids un déclin des sciages résineux et, surtout, des grumes. Les exportations de ce dernier produit devraient décroître de 8 millions de m3 environ à mesure que diminue la disponibilité des grumes résineuses de qualité exportation le long de la côte du Pacifique. Il n'existe pas de prévisions distinctes pour l'exportation de plaquettes et de pâte.

L'étude signale que ce sont les conditions sur le marché nord-américain, non celles des marchés extérieurs, qui détermineront l'équilibre entre l'offre et la demande sur ce qui constitue de loin le marché des produits forestiers le plus influent à l'échelle mondiale. Les auteurs prévoient une hausse du prix des bois ronds jusqu'en 2010, en raison d'un accroissement de la demande de produits forestiers en Amérique du Nord, conjugué avec une contraction de l'offre sur la côte Pacifique, jusqu'à ce qu'apparaissent les premiers résultats d'une exploitation plus intensive des forêts, prévisible en raison de conditions favorables à la croissance dans le sud des Etats-Unis (entretenues par la hausse escomptée des prix). Ils précisent toutefois que d'autres facteurs pourraient bien atténuer cette hausse, en particulier la technologie (produits nouveaux, procédés plus économiques en bois) et l'exploitation des ressources nord-américaines en feuillus, qui sont considérables et jusqu' à présent sous-utilisées. Les prix plus élevés prévus jusqu'en 2010 auront pour effet non seulement d'inciter davantage l'industrie forestière à établir des programmes de plantation, mais aussi d'encourager les propriétaires privés à investir dans la sylviculture et à accroître le volume des abattages; ces prix rendront aussi économiquement accessibles des zones étendues du Canada, qui ont jusqu'à présent été considérées comme trop éloginées ou trop peu productives pour permettre leur exploitation commerciale.

TABLEAU 8.4.2

Amérique du Nord : perspectives de la consommation et des exportations
(millions de m3)
 19902010Variation de la consommation (pourcentage annuel)Exportations (hors de la région)Variation (pourcentage annuel)
19902010
Sciages résineux122,2143,00,816,115,8-0,1
Sciages non résineux  25,1  30,81,0  1,4  1,81,3
Total sciages147,3173,80,817,517,60,0
Contre-plaqués résineux  18,7  15,2-1,0  1,6  1,90,9
Contre-plaqués non résineux    2,4  4,12,7   
Panneaux de particules orientées/panneaux gaufrés    6,8 19,75,5   
Panneaux de particules 11,0 14,11,2   
Panneaux dérivés du bois 38,9 53,11,6  1,6  1,90,9
Papier et carton dérivés du bois (tonnes) 90,4109,00,9  7,211,82,5
Grumes résineuses   17,3  9,8-2,8
Grumes non résineuses     0,7  0,5-1,7
Total grumes   18,010,3-2,8

Note : Pour la plupart de ces produits, les importations sont négligeables, et quand tel n'est pas le cas, on ne s'attend pas à de fortes variations.

A très long terme (c'est-à-dire au-delà de l'horizon de la cinquième Etude), il y a de fortes chances d'accroître l'offre de bois ronds de l'Amérique du Nord, à condition de répondre à certains impératifs sociaux et économiques. Dans une grande partie de cette région, l'exploitation des forêts, comparée aux pratiques européennes, est très extensive, en raison de la faible densité des peuplements, de l'existence de stocks naturels ou quasi naturels considérables (pouvant fournir du bois à un coût à la livraison relativement faible qui en rend peu rentable l'exploitation intensive) et des traditions et techniques forestières locales. Lorsque le reste des forêts naturelles sera soit exploité, soit transformé en réserves permanentes et que les nouveaux codes de pratiques étendront aux forêts exploitées des mesures de protection écologique plus strictes, augmentant ainsi le coût global du bois, l'on sera beaucoup plus incité à exploiter les terres forestières productives de façon plus intensive en consacrant des investissements plus importants à la gestion forestière (coupes d'éclaircie, amélioration génétique, etc.), à condition, naturellement, que les marchés acceptent en dernier ressort la hausse inévitable des coûts sans chercher à remplacer massivement les produits forestiers par d'autres matériaux.

ii) Russie 3

La Russie possède le stock de bois résineux le plus important du monde. L'ex-Union soviétique comptait 755 millions d'hectares de terres forestières, s'étendant de Saint-Pétersbourg à Vladivostok et représentant 84 milliards de m3 de matériel sur pied. Jusqu'en 1990 environ, les quantités enlevées en URSS dépassaient de loin 300 millions de m3 par an, c'est-à-dire moins de 0,4 m3 à l'hectare, soit 0,35 % du volume sur pied. Vers le milieu des années 90, en raison des perturbations subies par l'économie russe, ces quantités sont tombées de plus de moitié, à moins de 150 millions de m3. Il existe donc, manifestement, un potentiel réel permettant à l'ensemble du pays d'accroître sensiblement les quantités enlevées, même en tenant compte du fait que des zones très étendues seront mises en réserve ou demeureront en permanence inaccessibles à l'exploitation commerciale en raison de leur éloignement ou de conditions climatiques très difficiles.

Quelles sont les chances que ce potentiel soit exploité et que les exportations russes vers les marchés mondiaux amorcent d'abord une reprise puis une période d'expansion ? Pour répondre à cette question, plusieurs facteurs sont à prendre en considération.

Il existe, comme on peut le supposer, d'énormes différences entre les régions. Dans de nombreuses zones de la Russie d'Europe, les abattages au cours des 50 dernières années ont dépassé les coupes autorisées, de sorte que les forêts les plus accessibles, situées sur les sols les plus productifs, sont souvent jeunes et d'un faible rendement, avec très peu de possibilités d'amélioration à court terme.

La demande de produits forestiers en tous genres est largement insatisfaite sur les marchés intérieurs, qui connaissent encore les pénuries et le rationnement. Toutefois, si l'on examine la situation d'un point de vue international, la demande sur les marchés d'exportation l'emportera probablement sur la demande intérieure, surtout du fait que les prix abordables sur les marchés mondiaux resteront probablement plus élevés que les prix intérieurs en Russie, du moins dans l'avenir prévisible.

Enfin, le facteur le plus important est l'incertitude empêchant de prévoir dans quelle mesure il sera possible, matériellement et économiquement, d'atteindre et d'exploiter les volumes énormes de bois de la Sibérie, dont l'infrastructure est encore très insuffisante. A l'heure actuelle, outre le problème sous-jacent des distances et du coût réel, il faut mentionner la confusion sociale et économique résultant du processus de transition, qui fait lui-même suite à une longue période de distorsions fondamentales des coûts. Ces distorsions trouvent leur illustration typique dans les subventions aux transports qui ont eu pour conséquence que de nombreuses industries de transformation ont été établies loin de leur base de matières premières, nécessitant dans certains cas le transport de grumes sur des milliers de kilomètres dans un sens, suivi du transport des sciages en sens inverse, sur les mêmes itinéraires. Pour résoudre ces problèmes, il faut non seulement que l'économie russe, dans son ensemble, se redresse mais que l'on consacre de gros investissements aux inventaires forestiers, aux routes et aux chemins de fer, au matériel d'abattage, aux camions, aux usines de transformation de toutes sortes, etc. A l'heure actuelle, il ne semble pas que cela soit possible sans un apport massif de capitaux étrangers.

TABLEAU 8.4.3

Plantations et forêts naturelles des pays en développement
(Millions d'hectares)
 1990Variation annuelle moyenne, 1980–90
Forêts naturellesPlantationsForêts naturellesPlantations
Afrique   541  4,4- 4,2+ 0,2
Asie/Pacifique   44156,3- 4,4+ 2,7
Amérique latine   960  7,8- 7,7+ 0,3
Total pays en développement :1 94168,4- 16,3+ 3,2
tropicaux1 76130,8- 15,4+ 1,8
non tropicaux  18037,6- 0,9+ 1,4

Source: FAO, Etat des forêts dans le monde, 1995.

Note: La superficie des “plantations” est nette (déduction faite des plantations non réussies); l'Amérique latine comprend les Caraïbes.

En outre, si l'on veut exploiter les ressources des forêts sibériennes bien au-delà du niveau de la fin des années 80, il faudra que cette action soit non seulement durable à long terme, mais aussi qu'elle soit perçue comme durable (par les observateurs extérieurs). Si l'on a le sentiment que les produits forestiers de Sibérie, ou de l'ensemble de la Russie, proviennent de régimes d'exploitation non durables appliqués à ce qui constitue la plus vaste zone de forêts boréales naturelles du monde, opinion exprimée de plus en plus souvent par certaines ONG, il est tout à fait possible que les consommateurs européens réagissent comme ils l'ont fait vis-à-vis des problèmes analogues qui se posent pour les forêts tropicales, en réduisant leurs achats de produits forestiers originaires de Sibérie.

Le futur volume de produits forestiers russes disponibles pour l'exportation dépend d'une conjugaison complexe de facteurs liés à la technique, à l'économie et aux décisions de politique générale. Le degré d'incertitude dans ce domaine est toutefois beaucoup plus grand pour la Russie que pour l'Amérique du Nord, étant donné la transformation radicale des institutions, les étendues immenses de forêts naturelles et la qualité généralement inférieure des données de ce pays. Le potentiel de la Russie ne doit toutefois pas être examiné isolément de la demande sur les marchés mondiaux. Si l'équilibre mondial entre l'offre et la demande reste à peu près ce qu'il était vers le milieu des années 90 (c'est-à-dire caractérisé par une vive concurrence et de fortes pressions à la baisse s'exerçant sur les prix d'un grand nombre de catégories de produits), la Russie ne pourra exploiter ses ressources forestières qu'en se montrant très compétitive par rapport aux fournisseurs d'autres matières premières. Si, en revanche, l'offre présente des signes d'insuffisance et que les prix augmentent sensiblement, il est à peu près certain que la Russie accroîtra sa capacité de produire et d'exporter de gros volumes de matières premières et de produits, en mettant à profit ses propres capitaux et connaissances techniques et ceux de l'étranger.

En fait, en ce milieu des années 90, certains indices portent à croire que les pays étrangers s'intéressent vivement au secteur des forêts et des produits forestiers russes et y consacrent des investissements considérables: des coentreprises ont été créées pour la production et l'exportation de bois ronds destinés à la fois aux pays nordiques et à l'Asie (notamment le Japon), tandis que des entreprises étrangères (entreprises spécialisées dans les produits forestiers et sociétés d'investissement proprement dites qui apportent des capitaux mais non des compétences particulières) ont acheté des actions émises par les principales entreprises russes de produits forestiers, à savoir celles qui ont des usines de pâte relativement modernes. Il est possible que d'autres décisions d'investissement soient retardées par l'incertitude entourant les conditions juridiques qu'il faudra remplir pour accéder aux ressources.

Il faut aussi se rappeler que la Russie, comme l'Amérique du Nord, est géographiquement située entre les deux grandes zones importatrices du monde, l'Europe et le Japon, et peut diriger ses exportations tantôt vers l'une, tantôt vers l'autre. La demande future au Japon et dans les économies asiatiques en développement rapidement influera donc très directement sur les volumes de produits forestiers disponibles pour l'Europe.

iii) Forêts tropicales naturelles

Traditionnellement, une grande part des importations européennes de produits forestiers est constituée de grumes, de sciages et de contreplaqué provenant des forêts tropicales naturelles d'Amérique latine, d'Afrique et, de plus en plus souvent d'Asie du Sud-Est. En 1993, un volume estimé à 2,6 millions de m3 de grumes et en volume évalué à 2,5 millions de m3 de sciages ont été exportés vers l'Europe par ces régions, et des volumes encore beaucoup plus importants vers le Japon et d'autres pays d'Asie. Or on peut supposer que la quasi-totalité de ces volumes provient actuellement de forêts naturelles.

Divers pays ont épuisé leurs ressources forestières naturelles et la volonté d'exploiter les forêts de manière durable a incité plusieurs grands pays producteurs, notamment les deux plus importants, la Malaisie et l'Indonésie, à réduire sensiblement le volume des abattages autorisés. Il faut toutefois se rappeler qu'il reste des stocks énormes de bois dans les forêts tropicales naturelles, en particulier au Brésil (65 milliards de m3) et au zaïre (23 milliards de m3). Ces chiffres peuvent être comparés aux quantités enlevées de bois ronds (environ 3,4 milliards de m3 en 1993).

Les pays producteurs ont cherché à accroître la part des produits transformés dans leurs exportations, en créant des industries de transformation et en décourageant ou en interdisant l'exportation de bois brut, qui comprenait des grumes, mais englobe aussi à l'heure actuelle des sciages. L'Asie notamment a créé des industries à forte valeur ajoutée qui fabriquent des articles de menuiserie, des fenêtres, des portes et du mobilier et exportent aussi vers l'Europe. Les exportations accrues de biens à valeur ajoutée ont pour effet statistique de réduire les exportations de sciages et de grumes.

Les préoccupations des consommateurs concernant la déforestation tropicale a réduit la demande de bois tropicaux dans de nombreux pays du nord-ouest de l'Europe. La consommation de sciages non résineux en Europe a reculé de 4 millions de m3 (environ 18 %) entre 1990 et 1993. La plus grande partie de cette réduction concernait les sciages tropicaux plutôt que les sciages des zones tempérées, et résultait en partie de l'attitude négative des consommateurs à l'égard des bois tropicaux, mais aussi du faible niveau général de la demande.

D'une manière générale, il est donc prévisible, pour des raisons liées à la fois à l'offre et à la demande, que les livraisons à l'Europe de produits provenant de forêts tropicales naturelles n'augmenteront pas et, à terme, pourraient même diminuer.

iv) Plantations de bois d'industrie à croissance rapide

Les plantations de bois d'industrie à croissance rapide dans les pays tropicaux et tempérés jouent un rôle de plus en plus important dans l'approvisionnement des marchés mondiaux de produits forestiers. Malgré la très grande diversité des conditions climatiques, économiques et sociales, ces plantations peuvent produire de gros volumes de bois d'industrie, de qualité moyenne et acceptable, en quantité suffisante et à des prix suffisamment bas pour justifier la création de capacités industrielles d'envergure mondiale (généralement des usines de pâte ou des scieries travaillant pour l'exportation, mais aussi, désormais, des fabriques de panneaux de fibres de densité moyenne, de panneaux de fibres orientées, etc.) ou des exportations à grande échelle de matières premières bois. On peut citer comme exemples bien connus la Nouvelle-Zélande, le chili et certaines régions du Brésil, où des millions d'hectares produisent le Pinus radiata, l'Eucalyptus spp et d'autres essences commerciales à croissance rapide.

Les facteurs qui ont encouragé ces plantations sont la réduction des coûts de transport pour les chargements en vrac de produits forestiers, la mondialisation des marchés des produits forestiers et la disponibilité des capitaux et des compétences en gestion, qui sont essentiels pour projeter et exécuter des opérations spéculatives à long terme sur une pareille échelle. D'autres facteurs comprennent la capacité d'accroître les rendements par des améliorations génétiques (sylviculture selon des méthodes classiques et propagation par clonage de certaines essences) et les progrès accomplis dans l'expansion des marchés et la création des produits, qui ont permis de fabriquer une bien plus large gamme d'articles à partir d'une base en matières premières relativement simple.

Il est peu aisé ne serait-ce que de mesurer l'ampleur actuelle de cette catégorie de plantations, à plus forte raison d'en quantifier le potentiel d'approvisionnement à long terme, étant donné la difficulté de séparer statistiquement les plantations qui sont ou pourraient devenir compétitives à l'échelle mondiale de celles qui ne le sont pas. Une plantation pourrait ne pas devenir compétitive pour différentes raisons, dont les défaillances physiques, en raison d'une gestion non soutenue, de maladies, etc., ou parce qu'il s'agit d'une plantation à petite échelle ou dont les objectifs ne sont pas ceux de la production à grande échelle de bois d'industrie (par exemple la production de bois de chauffage, la lutte contre l'érosion, etc.). Une récente étude de la FAO sur les plantations tropicales a conclu que la planification est généralement insuffisante, notamment pour certaines questions fondamentales telles que la concordance entre les essences et les sites.

Selon les données disponibles 4 sur la superficie des plantations, il y aurait 69 millions d'hectares dans les pays en développement, non compris 14 millions environ de plantations de caoutchouc, de cocotiers et de palmiers à huile, qui fournissent des volumes croissants de bois en plus de leurs produits primaires. Quelque 50 % des plantations signalées ont été créées dans les années 80. Selon les estimations, leur superficie a augmenté de 3,2 millions d'hectares par an au cours de la même décennie, alors que celle des forêts naturelles a diminué de 16 millions d'hectares par an. Six pays représentent 85 % de la superficie des plantations dans les pays en développement: la Chine (32 millions d'hectares), l'Inde (13 millions), l'Indonésie (6 millions), le Brésil (5 millions) et le Viet Nam et la Corée du Nord (1,5 million chacun). La plupart de ces plantations ne sont pas orientées vers les marchés mondiaux, mais plutôt vers les marchés locaux.

Bien que dans les pays en développement la plupart des plantations ne soient pas à vocation exportatrice, certains, notamment le Brésil, le Chili et la Nouvelle-Zélande, sont déjà devenus d'importants acteurs sur les marchés mondiaux de produits forestiers grâce à la forte compétitivité de leurs plantations et exportent de grandes quantités de bois, notamment des matières premières bois, de la pâte à papier, mais aussi des sciages. D'autres, tels que l'Indonésie et l'Argentine, disposent du potentiel nécessaire pour rejoindre ce groupe.

En Nouvelle-Zélande 5, les nouvelles plantations de pin Radiata (c'est-à-dire sur des superficies non encore occupées par cette essence) se sont élevées à 30 000 hectares au cours des années 30 pour tomber ensuite à des niveaux négligeables, mais avec une forte reprise de la croissance au cours des années 70 et 80, dépassant même 50 000 hectares par an pendant une courte période. Il existe aujourd'hui en Nouvelle-Zélande 1,26 million d'hectares de forêts de plantation, presque exclusivement de Radiata, soumises à un cycle de 30 ans et produisant près de 14 millions de m3 par an, dont plus d'un million proviennent fréquemment d'arbres élagués (fournissant ainsi du bois sans noeuds). Selon le scénario de base officiel de la Nouvelle-zélande, cette production devrait passer à 23,6 millions de m3 d'ici 2020 (dont 3,8 millions provenant d'élagages) et jusqu'à 35 millions dans le cas où l'on planterait chaque année 100 000 hectares de plus. En Nouvelle-Zélande, les forêts naturelles restantes sont aujourd'hui complètement protégées et ne sont pas exploitées pour la production de bois.

Au Chili, les ressources commerciales dépendent aussi pour la plupart du pin Radiata. Ce pays compte 1,57 million d'hectares de plantations, dont 1,31 million de pin Radiata et 0,17 million d'Eucalyptus. Les rendements se situent autour de 30 m3 par hectare et par an. Le principal produit d'exportation est la pâte chimique (1,48 million de tonnes exportées en 1993, soit en valeur plus de la moitié des exportations de produits forestiers). En 1995, il est prévu que les exportations chiliennes de ces produits dépasseront 2,1 milliards de dollars, contre 0,9 milliard en 1991. L'offre de bois devrait augmenter fortement et peut-être doubler grâce à une exploitation plus intensive des forêts.

Au Brésil, l'exploitation a donné des résultats inégaux. Au cours des années 70 et 80 l'on a largement abusé de la politique d'aide de l'Etat à la création de plantations, dont un grand nombre ont été abandonnées. Un très grand projet d'avant-garde comprenant des plantations et une usine de pâte, lancé avec des capitaux américains, a échoué financièrement à cause de coûts excessifs et de problèmes techniques; le projet a été repris par des intérêts brésiliens. Par contre, une autre opération à grande échelle, portant sur des centaines de milliers d'hectares consacrés à la plantation intensive de variétés génétiquement améliorées, la plupart du temps sur d'anciennes terres forestières dégradées, et comprenant une usine de pâte d'envergure mondiale (qui a par la suite doublé sa capacité) s'est révélée très rentable et assure une production de pâte généralement considérée comme parmi les moins coûteuses du monde. Ce dernier projet, dont l'exemple a été suivi ailleurs, est le principal facteur responsable de l'expansion des exportations brésiliennes de pâte à papier.

En Indonésie, dont l'industrie de transformation a été jusqu'à maintenant largement tributaire de produits des forêts naturelles, notamment pour le contreplaqué, la politique s'est au contraire orientée, en raison de la réduction des abattages autorisés dans le cadre du programme d'exploitation forestière durable, vers la création de plantations industrielles à grande échelle soumises à un régime d'exploitation intensive. En 1995, l'on a annoncé séparément plusieurs grands projets de plantation, dont un de 300 000 hectares et un autre de 100 000 hectares, chacun devant disposer d'une usine de pâte à papier au moment où la viabilité des plantations serait démontrée, et pouvant selon les estimations produire un total de pâte dépassant un million de tonnes par an. Les essences utilisées seraient l'Eucalyptus, l'Albizzia et l'Acacia.

Pourquoi y a-t-il lieu de penser que les plantations intensives occuperont à l'avenir une place importante dans l'offre mondiale de bois ? La réponse à cette question est liée à leur capacité de rendement très élevé (et donc leur rentabilité, surtout avec des économies d'échelle) et au délai de leur mise en exploitation qui est relativement bref.

Avec des conditions climatiques et topographiques favorables, notamment si l'on utilise des variétés génétiquement améliorées, les plantations intensives à grande échelle peuvent atteindre des rendements qui sont impensables dans le cas des forêts européennes exploitées selon des méthodes classiques: 20 à 30 m3 par hectare et par an sont réalisés sur de grandes superficies dans les trois premiers pays mentionnés ci-dessus et certaines parcelles, par exemple d'Eucalyptus, sont arrivées à 60–70 m3 par hectare et par an, contre un accroissement moyen de 3 m3 en Europe. En outre, lorsque les améliorations génétiques visent aussi la qualité du bois (notamment la densité, qui est très importante pour les bois de trituration), l'on en retire des avantages supplémentaires. Lorsque ces rendements sont conjugués avec des méthodes de sylviculture économiquement optimales à grande échelle (comportant notamment des cycles de croissance courts), les coûts de l'abattage, de la transformation et de la commercialisation du bois (prix à la livraison) sont très faibles, ce qui compense d'autres facteurs, par exemple la distance par rapport aux marchés.

Les grandes plantations intensives sont toutefois des entreprises à coefficient de capital élevé comportant des risques assez considérables (par exemple, les dommages pouvant être causés par les insectes et les champignons), de sorte que le délai entre la création de la plantation (qui est parfois postérieure de plusieurs années à la première exploration, à l'acquisition des terres, à la planification, etc.) et l'encaissement des premières recettes doit être aussi bref que possible selon des critères forestiers, bien qu'il soit fort long par rapport aux possibilités d'investissement plus ordinaires qui existent dans d'autres domaines.

Certaines de ces plantations, notamment si elles comportent une usine de transformation telle qu'une usine de pâte d'envergure mondiale, jouent déjà un rôle économique majeur sur les marchés mondiaux en tant que producteurs aux plus faibles coûts, dont les stratégies de prix déterminent les conditions de viabilité économique de leurs concurrents.

Ce dernier point est très important pour le long terme : l'offre de bois provenant de plantations à exploitation intensive ne dépend pas de “pénuries” effectives ou perçues des matières premières bois, mais des possibilités commerciales offertes par les marchés actuels. Si l'investisseur s'intéresse à ce type de plantations, c'est parce qu'il pense pouvoir produire du bois moins cher que les producteurs existants, à condition qu'il puisse réunir tous les différents éléments nécessaires au succès, à savoir l'emplacement, l'infrastructure, la stabilité du régime de propriété et de la politique officielle, le choix judicieux des essences et des méthodes de sylviculture, etc. En conséquence, si l'opération se révèle viable, elle représentera moins un facteur d'expansion de plus pour l'offre dans une situation de rareté qu'un facteur de pression à la baisse sur les prix mondiaux du bois en tant que matière première. L'expérience acquise avec les plantations de pin Radiata en Nouvelle-Zélande et au Chili et, de manière plus spectaculaire, avec certaines plantations d'Eucalyptus et de Gmelina au Brésil, a démontré la viabilité de cette démarche dans certaines circonstances.

Ces plantations ont un potentiel de production de bois considérable : 25–30 millions de m3 pourraient être produits à partir d'un million d'hectares si la terre est de bonne qualité. Cette superficie ne représente que 2,5 fois celle des deux projets indonésiens susmentionnés. Même en tenant compte des déceptions et échecs probables qui empêcheront d'atteindre certains objectifs, et du fait que la plus grande partie de la production supplémentaire sera inévitablement expédiée vers l'Asie, non vers l'Europe, le potentiel physique de forte croissance de l'offre semble exister, notamment parce que les terres paraissent être suffisamment abondantes (généralement d'anciennes terres agricoles ou des terres dégradées par une mauvaise exploitation), avec un délai de mise en exploitation d'au moins dix ans.

8.5 Scénarios concernant le solde des échanges de l'Europe

Le chapitre 6 a présenté des projections économétriques concernant la consommation et la production de sciages, de panneaux et de papier, fondées sur certaines hypothèses précises relatives à la croissance du PIB, aux coûts et aux prix. Comme, par définition, la différence entre la consommation et la production constitue le solde des échanges, on peut tirer certaines conclusions des projections du chapitre 6 concernant l'évolution éventuelle de la balance commerciale européenne avec le reste du monde pour les sciages, les panneaux et le papier. Les projections ne fournissent pas de renseignements sur la destination des échanges, mais plutôt une indication sur la quantité de chaque produit qu'il faudrait importer d'autres régions si la production et la consommation se situaient aux niveaux projetés. En outre, comme les autres scénarios de la cinquième Etude, elles ne tiennent pas compte des variations conjoncturelles, qui ne peuvent être projetées pour le long terme.

Par ailleurs, le modèle d'analyse de cohérence (décrit de manière plus détaillée au chapitre 11 et dans un document de travail) donne des scénarios concernant le solde pour la pâte de bois, d'après les projections pour la production de papier et les hypothèses concernant la récupération et la consommation de vieux papiers.

Les scénarios de l'analyse de cohérence pour le commerce des matières premières bois, présentés au chapitre 11, sont en fait un résidu du processus de modélisation et ne doivent pas être étudiés séparément de la structure générale du modèle; ils doivent en particulier être comparés avec les scénarios des quantités enlevées en Europe et ne figurent donc pas dans le présent chapitre.

Les scénarios font apparaître des importations nettes assez stables pour les sciages et la pâte à papier, une augmentation régulière des importations nettes de panneaux et, dans le cas du papier, le passage d'exportations nettes de 2 millions de tonnes à des importations nettes de 10–18 millions de tonnes, essentiellement parce qu'au sein de l'Union européenne (12 pays) l'augmentation projetée de la production est sensiblement inférieure à celle de la consommation. La structure commerciale globale par groupe de pays ne devrait pas beaucoup évoluer. La progression projetée pour les produits que l'Europe devra obtenir dans le reste du monde entre 1990 et 2020 est la suivante : sciages : 2–3 millions de m3; panneaux : 6–7 millions de m3; pâte : néant; papier : 12–20 millions de tonnes. L'on pourrait très grossièrement estimer ces volumes à 50–80 millions de m3 EQ, qui devraient être livrés à l'Europe par d'autres régions, en plus de ce qui est importé à l'heure actuelle, dans le cas où les hypothèses et les méthodes des scénarios de base seraient retenues.

TABLEAU 8.5.1

Scénarios pour le solde des échanges par groupe de pays
(Unités × 106)
 19902020
Variante basseVariante haute
Sciages (m3) :   
Pays nordiques+ 11,4+ 15,7+ 16,9
Union européenne (12 pays)- 22,7- 33,6- 34,5
Europe centrale+ 2,9+ 3,2+ 3,0
Europe orientale+ 0,7+ 0,5+ 0,9
Europe du Sud-Est+ 0,3+ 0,3+ 0,3
Pays baltes+ 0,4- 0,4- 0,4
Europe- 11,5- 14,3- 13,7
Panneaux (m3) :   
Pays nordiques+ 0,5+ 0,8+ 0,8
Union européenne (12 pays)- 6,0- 12,9- 14,6
Europe centrale+ 1,0+ 1,9+ 2,2
Europe orientale+ 0,3+ 0,5+ 0,5
Europe du Sud-Est   0,0    0,0   0,0
Pays baltes+ 0,3+ 0,2+ 0,2
Europe- 3,8- 9,6- 10,9
Pâte à papier (tonnes) :   
Pays nordiques+ 4,4+ 5,2+ 5,7
Union européenne (12 pays)- 9,1- 8,0- 8,6
Europe centrale- 0,5- 1,5- 1,6
Europe orientale- 0,2- 0,4- 0,4
Europe du Sud-Est- 0,4- 0,6- 0,6
Pays baltes- 0,1- 0,1- 0,1
Europe- 6,0- 5,3- 5,7
Papier (tonnes) :   
Pays nordiques+ 14,8+ 20,5+ 21,7
Union européenne (12 pays)- 13,6- 32,5- 41,7
Europe centrale+ 1,5+ 3,4+ 4,1
Europe orientale+ 0,1   0,0   0,0
Europe du Sud-Est- 0,3- 1,5- 1,6
Pays baltes   0,0   0,0   0,0
Europe+ 2,5- 10,1- 17,6

FIGURE 8.5.1

Europe : solde du commerce de bois et de produits forestiers

FIGURE 8.5.1

Il faut signaler que les scénarios pour le solde des échanges, qui, dans ce cas, est la différence, parfois très faible, entre deux chiffres élevés, sont très sensibles aux taux de croissance projetés de la consommation et de la production. Par exemple, le passage d'exportations nettes de papier à des importations nettes est dû essentiellement aux scénarios concernant l'Union européenne (12 pays) : pourtant, si, entre 1990 et 2020 la consommation de papier devait croître au sein de l'Union au rythme de 1,8 % par an plutôt que de 2,2 % selon la projection, ou si la production de papier augmentait de 2,4 % par an au lieu de 1,9 %, l'Europe resterait un petit exportateur net de papier. Ces faibles différences de taux de croissance sont clairement comprises dans la marge d'incertitude inhérente aux méthodes appliquées ou pourraient être engendrées par les variations des prix et des coûts. L'effet sur les scénarios des différentes hypothèses pour les prix et les coûts est étudié au chapitre 12.

8.6 Perspectives de la demande mondiale de produits forestiers

La capacité des autres régions d'exporter vers l'Europe dépend non seulement du niveau de l'offre que peuvent satisfaire leurs ressources forestières, mais aussi de la demande de produits forestiers au sein même de la région productrice et dans d'autres régions importatrices. Avant d'examiner les perspectives de l'équilibre entre l'offre et la demande au niveau mondial, il faut donc, dans la présente section, étudier les projections de la demande mondiale de produits forestiers.

Comme il ressort clairement du chapitre 6, l'établissement de projections pour le long terme, globales et scientifiquement fondées, de la demande de produits forestiers en Europe, est une opération complexe qui exige de nombreuses données tout en restant entachée de grandes incertitudes. Au niveau mondial la tâche est encore plus difficile puisque la base de données est bien moins abondante, le rythme de variation plus rapide et les pays étudiés très peu homogènes, sans parler de la marge d'incertitude énorme liée aux conflits intérieurs et internationaux, à l'instabilité politique et administrative, à l'évolution sociale et culturelle, etc. La FAO est la seule organisation qui ait établi des projections économétriques mondiales officielles pour la demande de produits forestiers.

A supposer que la croissance du PIB mondial au cours des 20 prochaines années soit de 3,4 % par an (mais de 5,8 % en Asie et de 1,9 % en Europe), la consommation de sciages devrait augmenter de 2,6 % par an, les panneaux de 5 % et le papier et le carton de 3,2 %. D'après une estimation approximative, ce chiffre représente une croissance de 3,2 % par an en m3 EQ. La consommation de panneaux devrait croître beaucoup plus rapidement que le PIB, le papier à peu près au même rythme et les sciages plus lentement. L'on s'attend d'une manière générale à ce que, dans les décennies à venir, la croissance économique soit plus rapide dans les pays en développement que dans les pays développés. La consommation de produits forestiers devrait donc s'accroître beaucoup plus rapidement que la moyenne en Amérique du Sud et en Asie, la progression étant la plus lente en Europe et dans les autres régions développées.

Ces projections ont d'importantes conséquences pour le secteur forestier mondial : à ne considérer que les trois grands groupes de produits forestiers (c'est-à-dire en écartant l'utilisation principale du bois, soit comme bois de chauffage, qui devrait aussi progresser rapidement), la demande de produits forestiers en 2010 dépasserait d'environ 1,4 milliard de m3 EQ le niveau de 1991. Ce chiffre est à peu près équivalent au total des quantités enlevées de bois d'industrie dans le monde entier en 1991. Le doublement des abattages de bois dans le monde en 20 ans 6 se révèle une tâche difficile. De toute façon, ces projections sont-elles conformes aux réalités?

TABLEAU 8.6.1

Projections de la FAO concernant le PIB mondial et la consommation de produits forestiers
 Unité19912010Variation 1991-2010Variation annuelle (pourcentage)
PIB1012 US$15,529,1+13,7+3,4
Sciages106 m3456743+287+2,6
Panneaux106 m3122310+188+5,0
Papier106 t242441+198+3,2

Source : FAO, Forêts - Statistiques aujourd'hui pour demain, Rome, 1993.

TABLEAU 8.6.2

PIB et consommation de produits forestiers : comparaison des taux de croissance projetés, 1990–2010
(Pourcentage annuel)
 EuropeAmérique du Nord
FAO5ème Etude
Variante basseVariante hauteFAONATTS II
PIB1,91,62,02,62,7
Sciages2,00,81,01,50,8
Panneaux4,11,51,95,81,6
Papier2,62,22,82,10,9

NATTS II : Etude sur les tendances du secteur du bois en Amérique du Nord.

Dans le tableau 8.6.2 les projections de la FAO sont comparées aux projections indépendantes données pour deux régions : l'Europe (d'après la cinquième Etude) et l'Amérique du Nord (d'après la deuxième Etude sur les tendances du secteur du bois en Amérique du Nord, NATTS II, résumée ci-dessus). On constate que si les hypothèses concernant le PIB dans les trois études se ressemblent beaucoup, les projections de la FAO relatives à la consommation sont dans presque tous les cas très supérieures à celles de la cinquième Etude et de l'étude NATTS II. A quoi sont dus des écarts aussi marqués?

Les méthodes ayant servi aux projections de la FAO ont été mises au point vers 1986–87 et leur application a été gravement entravée par le manque de ressources analytiques, en particulier les données 7. La méthode des séries chronologiques transversales, bien qu'elle fût la seule méthode de rechange applicable à l'époque (et peut-être encore aujourd'hui), souffre de plusieurs insuffisances importantes :

Le premier de ces points est peut-être le plus important. Etant donné les rigidités et les retards (à court et à moyen terme) du système mondial de l'offre de produits forestiers, une tendance vers des niveaux de consommation analogues à ceux des projections de la FAO entraînerait inévitablement de fortes hausses de prix sur les marchés mondiaux. Ces augmentations stimuleraient certainement de nouvelles sources d'approvisionnement (avec un certain décalage dans le temps), mais auraient aussi sans aucun doute pour effet d'inciter à remplacer les produits et de ralentir la croissance de la consommation, ou même de faire perdre complètement aux produits forestiers certains segments importants du marché. Le système du modèle de la FAO, fondé sur des élasticités-prix négligeables, ne tient pas compte de ce facteur.

Il semblerait donc que les projections de la FAO doivent être considérées comme un point de départ pour l'analyse et peut-être comme un niveau maximum plutôt que comme un résultat définitif, et être réévaluées dans le cadre d'une analyse plus récente et plus complète de l'équilibre mondial entre l'offre et la demande de produits forestiers. La FAO a commencé à appliquer ce genre d'analyse, mais il n'a malheureusement pas été possible d'en prendre connaissance pour la cinquième Etude.

8.7 Disponibilité des produits forestiers pour l'exportation vers l'Europe

La section 8.5 a montré que les scénarios de la cinquième Etude prévoient pour 2020 des importations européennes nettes de sciages, de panneaux, de pâte et de papier supérieures de 50–80 millions de m3 EQ à celles de 1990, bien que l'on ait aussi signalé que ces estimations étaient très sensibles aux projections des taux de croissance de la consommation et de la production.

Est-il raisonnable de s'attendre à ce que le reste du monde puisse fournir un pareil volume ? Pour répondre à la question, il faut examiner le potentiel à la fois physique et biologique des régions productrices, la demande probable d'importations en provenance d'autres régions (notamment l'Asie) et l'interaction entre les deux, par le truchement du mécanisme des prix.

Les données et les arguments présentés dans ce chapitre permettent de formuler les observations suivantes:

TABLEAU 8.7.1

Europe : autre scénario pour le solde des échanges
 Unité (106)19902020
Variante basseVariante hauteImportations minimales
Sciages(m3)- 11,5- 14,3- 13,7- 5,5
Panneaux(m3)- 3,8- 9,6- 10,9- 3,3
Pâte(t)- 6,0- 5,3- 5,7- 2,2
Papier(t)+ 2,5- 10,1- 17,6- 3,6

Note : Sur l'origine des scénarios de rechange et pour des explications détaillées, voir chap. 12.

Ce serait toutefois une démarche trompeuse que d'examiner chacun de ces aspects isolément ou sous un angle purement physique, puisque l'interaction est dynamique et se produit en grande partie à travers le mécanisme des prix. Par exemple, si la consommation de produits forestiers augmentait rapidement en Asie et que les fournisseurs traditionnels ne réussissaient pas à accroître sensiblement leurs exportations dans un temps assez court, les prix monteraient partout dans le monde. Cette hausse réduirait les taux de croissance de la consommation (en Europe et ailleurs), stimulerait la production (y compris celle de l'Europe), notamment dans les pays les plus actifs sur les marchés internationaux (l'Autriche, la Finlande et la Suède), et encouragerait la substitution dans les secteurs vulnérables du marché. Un scénario de rechange (qui sera présenté au chapitre 12) suppose une forte hausse des prix en Europe (de 2 % par an en valeur réelle) et des coûts constants : il en résulterait pour 2020 une baisse des importations nettes de sciages et de pâte (par rapport à 1990), des importations nettes de panneaux à peu près constantes et des importations nettes de papier sensiblement plus faibles que dans les scénarios de base. C'est ainsi qu'avec des niveaux de croissance du PIB, de la construction et du recyclage identiques à ceux de la variante basse du scénario, mais avec des prix réels plus élevés pour les produits forestiers, les besoins d'importations de l'Europe en provenance du reste du monde resteraient au total à peu près constants, plutôt que d'augmenter de 50–80 millions de m3.

Dans ce contexte, bien qu'il faille se garder de déduire de tendances à long terme les fluctuations du marché à court terme, les événements de 1993–94 sont instructifs. Les marchés mondiaux de produits forestiers, qui étaient dynamiques à l'époque, ont été fortement secoués par l'annonce assez subite de réductions de l'offre dans certaines grandes régions productrices (dans le nord-ouest du Pacifique à cause de la controverse autour de la chouette tachetée, et en Asie du Sud-Est à cause de l'interdiction d'exporter des grumes), qui fait craindre que les marchés ne seront pas en mesure de limiter cette perturbation. Dans la réalité, toutefois, l'ajustement a été beaucoup plus rapide et beaucoup plus facile que prévu. Non seulement la hausse des prix a entraîné une substitution assez rapide (par exemple le remplacement du bois par de l'acier sur le marché capital des poteaux de cloison en Amérique du Nord), mais l'offre a aussi réagi rapidement avec une augmentation de la production et des exportations du Chili, de la Nouvelle-Zélande, de l'Europe orientale, des pays nordiques (qui ont commencé à exporter vers le Japon) et, surtout, du Canada (notamment de la Colombie britannique) qui a fortement augmenté sa part du marché aux Etats-Unis. En un an, les prix des sciages ont commencé à baisser.

Les événements de 1993–94 prouvent que les marchés de produits forestiers qui tendent de plus en plus vers la mondialisation sont capables de réagir très rapidement à des signaux clairs venant du marché, sans entraîner de pénuries perturbatrices, ce qui devrait mettre en garde les analystes contre l'acceptation trop rapide de scénarios fondés sur une éventuelle rareté du bois à l'échelle mondiale.

Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de modèle qui permettrait une exploration quantitative de ces interactions au niveau mondial et indiquerait, par exemple, si le secteur mondial des produits forestiers est capable de fournir à l'Europe 50 à 80 millions de m3 EQ de produits forestiers de plus qu'en 1990 à des niveaux de prix constants. L'on peut toutefois proposer, en partant des considérations énoncées dans le présent chapitre ou ailleurs dans l'étude, deux scénarios descriptifs pour l'évolution du commerce et des prix des produits forestiers à l'échelle mondiale.

Le premier, un scénario à prix constants, suppose que la croissance de la consommation de produits forestiers sera très inférieure aux projections de la FAO, malgré une forte croissance économique en Asie du Sud-Est et ailleurs (à mesure que les économies naissantes atteignent des niveaux élevés de prospérité matérielle, sans augmentation correspondante de la consommation de produits forestiers). Il suppose aussi que l'Amérique du Nord, qui s'intéresse essentiellement aux marchés intérieurs, accroîtra modérément ses exportations en dehors de la région, mais que les entreprises russes et les grandes plantations à régime intensif des pays en développement seront capables de produire de grandes quantités de bois à des prix qui n'entraîneront pas une hausse de ceux des produits dérivés. Dans ce scénario, l'offre des forêts tropicales naturelles va progressivement diminuer et les niveaux de consommation et de production en Europe seront ceux des scénarios de base, les importations européennes en provenance d'autres régions marquant une forte progression.

Dans le deuxième scénario, l'on observe des prix plus élevés sur les marchés mondiaux de produits forestiers, étant donné la forte demande de ces produits dans les économies naissantes. Les exportations de l'Amérique du Nord et à partir des forêts tropicales naturelles évoluent comme dans le premier scénario. Toutefois, bien que la Russie et les plantations intensives augmentent fortement leur production et leur part du marché, la progression n'est pas suffisante pour empêcher une hausse à l'échelle mondiale des prix des bois ronds et des produits forestiers. En pareilles circonstances, la consommation en Europe sera plus faible que dans les scénarios de base et les importations en provenance d'autres régions ne dépasseront pas de beaucoup le niveau de 1990.

Ces scénarios de rechange, entre autres, sont analysés et comparés de manière plus approfondie au chapitre 12.

Notes du chapitre 8

1 Cette section est fondée sur des données de la FAO, extraites en particulier de l'Analyse des ressources forestières, 1990 : Synthèse globale (document No 124 de la FAO sur la sylviculture), qui est la source récente faisant le plus autorité pour les données concernant les ressources forestières mondiales. Comme la cinquième Etude porte sur l'offre de bois, les données concernent les “forêts” à l'exclusion des “autres terres boisées”, dont la contribution à l'offre mondiale de bois d'industrie est minime. Les données indiquant les variations s'appliquent toutefois aux deux catégories.

2 Etude sur les tendances du bois en Amérique du Nord, David Boulter et David Darr, Nations Unies, New York, 1996 (ECE/TIM/SP/9).

3 Bien qu'une grande partie des statistiques disponibles se rapportent à l'ex-Union soviétique, les ressources forestières se trouvent pour l'essentiel sur le territoire de la Fédération de Russie.

4 FAO, Etat des forêts dans le monde, Rome, 1995.

5 Voir Turland, J., Wakelin, S. et Lane, P. (1993), National Exotic Forest Description: 1992, National and Regional Wood Supply Forecasts, Ministère néo-zélandais de la sylviculture.

6 En fait en 15 ans, puisqu'il n'y a pas eu de très forte hausse depuis 1991.

7 Pour la plupart des pays en développement, les seules séries disponibles sont le PIB, la production et le commerce des principaux produits forestiers, qui sont elles-mêmes souvent incomplètes ou d'une fiabilité douteuse. Il faut donc recourir à la méthode du “plus petit dénominateur commun”.

8 La formation brute de capital fixe est incluse, mais dépend, au moins pour les projections, du PIB.


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