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Résumé exécutif

Ce document présente les résultats d’enquêtes réalisées en 1994 sur les pratiques d’approvisionnement alimentaire des consommateurs de Ouagadougou en céréales, viandes et poissons et soumbala. L’enquête a été initiée par le CIRAD-SAR et réalisée avec l’appui de partenaires burkinabès. Un échantillon de 129 ménages répartis dans sept secteurs de Ouagadougou et un échantillon de commerçants sur huit marchés ont été enquêtés.

La majorité des céréales est acquise en demi-gros sous forme de grains non décortiqués pour les mil, maïs et sorgho, et de grains décortiqués pour le riz. Les viandes et les poissons sont plus souvent achetés au détail. L’unité d’achat des produits (micro-détail, détail ou demi-gros) est liée aux capacités financières des ménages, à leurs capacités de stockage, elles-mêmes liées à l’utilisation plus ou moins fréquente du produit, et au souci d’une utilisation rationnée du produit.

L’approvisionnement alimentaire des ménages est essentiellement marchand. Toutefois, la pratique du maraîchage domestique a été observée dans près du tiers des ménages enquêtés.

C’est le plus souvent le chef de ménage qui assure le financement des dépenses alimentaires. Mais la participation de la femme à ces dépenses est fréquente (50 pour cent des cas), surtout en ce qui concerne l’achat de condiments. Cette contribution est rendue possible par les activités rémunératrices des femmes: petit commerce ou préparations alimentaires pour la vente.

Ouagadougou compte plus de cinquante marchés répartis dans tous les secteurs. Tous les marchés sont bien approvisionnés, exceptés certains marchés périphériques où la diversité de la nature et de l’origine des produits est moins grande. La majorité des achats du jour est effectuée sur le marché de secteur proche du lieu de résidence par la ménagère ou une aide (employé, parente, etc.).

Pour les achats de demi-gros, les ménages préfèrent s’approvisionner dans des lieux spécialisés (poissonnerie, marché au poisson, achat direct au producteur ou au domicile du transformateur, abattoir, zones rurales...), quitte à effectuer un trajet plus long. Ils évitent d’en laisser la charge aux aides ménagères. La préoccupation d’obtenir un produit à moindre coût et de bonne qualité semble à l’origine de ces achats de demi-gros hors des marchés de secteur. Les populations défavorisées n’ont cependant pas souvent accès à ces lieux spécialisés. Elles résident souvent en zones périphériques et n’ont pas toujours accès aux moyens de transport.

La fidélisation des clientes auprès d’un vendeur est fréquente concernant les achats de viande et de produits locaux transformés (soumbala, farines). Outre les avantages économiques (crédits accordés, rabais ajoutés, etc.), c’est aussi la recherche de garantie sur la qualité qui en est la cause. Le «commerce de proximité» est à même d’y répondre.

En effet, dans de nombreuses situations, les consommateurs sont en situation d’incertitude sur la qualité des produits lors de leur acquisition. Cette incertitude est particulièrement marquée en ville où le marché s’agrandit et les règles du commerce se modifient. Les consommateurs sont amenés à suspecter une partie des commerçants et préparateurs sous prétexte que leur seul objectif est de faire du profit, et que tous ne sont pas «qualifiés». Le cas du soumbala, mais aussi des farines de céréales, révèle que pour les produits traditionnellement consommés, les exigences en matière de respect du savoir-faire sont très fortes. La qualité hygiénique et sanitaire devient une préoccupation pour certains consommateurs, mais n’exclue pas le besoin de garantie sur le savoir-faire dans la transformation.

Pour se garantir une certaine confiance sur la qualité, les ménagères établissent des relations de proximité avec certaines vendeuses (ou vendeurs), notamment à travers la fidélisation, mais aussi par le contact direct, et éventuellement la vérification des conditions de préparation ou de transformation des produits sur le lieu de production.

Les pratiques et moyens de garantie recherchés doivent être replacés dans un contexte d’usage des produits: dans quels plats s’insèrent-ils, à quelle occasion les consomme-t-on? En effet, les préoccupations ne sont pas les mêmes selon que la ménagère s’approvisionne en demi-gros ou au détail, selon qu’elle prépare un repas ordinaire ou un repas pour la réception d’amis, etc.

Les trois aspects que nous soulevons dans la perspective de programmes d’action concernent: l’amélioration des conditions sanitaires de préparation et de distribution, l’accès des urbains aux produits animaux, et le développement du secteur de transformation agro-alimentaire des produits locaux en ville.

- la réhabilitation des marchés: constructions en dur (notamment sols cimentés, toitures et murs). De telles installations n’existent que pour le grand marché et pour les hangars de vente de viande dans certains marchés. Elles permettraient de parer aux vents de poussière (fréquents en période d’harmattan), et d’éviter que les produits, parfois exposés par terre sur des sacs, soient mêlés à la poussière. Il serait d’ailleurs souhaitable de généraliser la mise en place de bennes à ordures en différents points des marchés pour éviter la dégradation des produits frais «périmés» à même le sol;

- la proposition de services de conseils en matière d’hygiène sur les conditions de vente et de préparation des produits (y compris pour les vendeuses qui préparent à domicile). Il faudrait envisager que les intéressés par ces programmes bénéficient en retour, avec un contrôle régulier quant au respect de certaines règles, d’un signe de reconnaissance légal, visible par les consommateurs. Ce signe jouerait le rôle d’assurance sur le respect de normes d’hygiène.

L’amélioration des conditions d’accès à la viande est essentiellement dépendante d’une baisse des prix. Une étude approfondie sur l’organisation de la filière viande en ville devrait permettre de déterminer si des actions telles que le crédit aux bouchers abattants ou aux bouchers détaillants serait source de diminution des prix aux consommateurs. Les bouchers abattants et détaillants sont conscients de certains problèmes d’organisation et sont dans une situation délicate où réglementation juridique et réglementation informelle se contredisent parfois. De plus, le contexte de dévaluation a sensiblement modifié les flux de bétail (exportations vers les pays côtiers) et les prix (augmentation du prix au consommateur).

Le poisson est beaucoup plus accessible que la viande en terme de prix, s’il est utilisé en condiment de sauce. Mais dès que l’on souhaite augmenter les quantités, notamment consommer du poisson entier (frais ou fumé), il devient moins accessible.

Une étude de la filière poisson serait, comme pour la viande, souhaitable afin de déterminer l’organisation qui permettrait au mieux de réduire les coûts.

Les poissons de mer et poissons d’eau douce n’apparaissent pas comme deux filières concurrentes, au regard de leurs utilisations dans les plats. Il ne semblerait donc pas contradictoire de réduire la taxation sur les poissons de mer importés, tout en favorisant la production locale de poisson d’eau douce. Concernant ce dernier, le développement de la production et de la transformation (séchage et fumage) des poissons pourrait être souhaitable.

Différents axes de développement peuvent être menés ou appuyés:

- faciliter l’équipement des pêcheurs en matériel de pêche (ouverture d’un magasin de vente de matériel à crédit);

- former des pêcheurs (la pêche n’est pas une activité traditionnelle au Burkina et a été initiée par des migrants maliens);

- former des femmes qui interviennent dans le séchage et fumage. L’introduction de fumoirs améliorés a été initiée;

- rechercher des moyens de lutte contre les insectes ichtyophages;

- développer des moyens de réfrigération ou congélation plus accessibles en terme de manutention et de coût (initié par l’IBE).

De nombreux aliments locaux, riches en protéines végétales, sont disponibles sur les marchés. Les consommateurs ne sont cependant pas toujours conscients des apports nutritionnels de ces produits locaux. Des stratégies commerciales, publicitaires, ou informationnelles peuvent aider à revaloriser ces produits, notamment auprès des jeunes qui sont les premiers à les déprécier. La diffusion d’informations sur la valeur nutritionnelle de ces produits peut paraître intéressante, mais n’est pas forcément une condition suffisante pour rehausser l’image de ces produits auprès des consommateurs, qui ont aussi d’autres attentes que celles nutritionnelles. Les stratégies de valorisation des produits locaux qui passent par la création de nouveaux produits, de nouvelles gammes, de nouvelles utilisations ou de nouvelles présentations, peuvent constituer des moyens d’encourager leur consommation.

Le thème de la valorisation des produits locaux est particulièrement pertinent dans la mesure où l’on constate en ville une tendance à la diversification des produits et plats consommés. Cette tendance n’est pas essentiellement d’ordre mimétique par rapport à des modèles de consommation occidentaux. De plus, le potentiel agricole du pays devrait être à même de répondre à la demande des villes, au moins en produits bruts.

Les orientations proposées sont:

- l’appui au développement d’un secteur artisanal professionnel de transformation des produits locaux de qualité qui réponde aux nouvelles exigences de certains consommateurs urbains;

- l’appui d’un secteur industriel ou semi-industriel de transformation qui puisse valoriser de nouveaux produits transformés à partir de produits locaux.

Dans les deux cas, et plus particulièrement le deuxième, des tests d’acceptabilité sont nécessaires pour bien positionner les produits par rapport à la demande.


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