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Conservation et gestion des mangroves en Inde,
notamment dans l'État de Goa
et les Îles Andaman du Milieu

R. Kumar

Rajiv Kumar est forestier divisionnaire
auprès du Service forestier indien, Rangat,
Îles Andaman et Nicobar (Inde).

Mesures prises pour conserver et gérer les mangroves, les problèmes qui persistent et quelques indications quant à des solutions permettant de les surmonter.

En Inde, les mangroves se rencon-trent sur la côte ouest et la côte est et dans les Îles Andaman et Nicobar (voir carte et tableau), mais en de nombreux endroits elles font l'objet d'une importante dégradation. D'après le Gouvernement indien (1987), l'Inde a perdu 40 pour cent de ses mangroves au cours du siècle dernier. L'Agence nationale de télédétection a enregistré une perte de 7 000 ha de mangroves en Inde au cours de la période de six ans allant de 1975 à 1981. Dans les Îles Andaman et Nicobar, environ 22 400 ha de mangroves ont disparu entre 1987 et 1997 (voir tableau).

La reconnaissance croissante des fonctions de protection, de production et sociales des écosystèmes de mangrove tropicaux a imposé dans les pays qui en sont dotés la mise au point de politiques visant à les conserver et à les aménager de façon durable (FAO, 1994). Le présent article analyse les mesures prises par le Gouvernement indien à cet égard, les problèmes persistant malgré ces mesures et quelques solutions proposées pour y remédier. L'article se fonde en partie sur les activités de terrain réalisées par l'auteur depuis 1992 dans l'État de Goa et les Îles Andaman du Milieu.

L'IMPORTANCE DE CONSERVER ET DE GÉRER LES MANGROVES

La pression exercée sur les écosystèmes de mangrove de nombreux pays s'est intensifiée avec l'accroissement de la population humaine le long des côtes et sa demande grandissante de bois d'œuvre, de bois de feu, de fourrage et d'autres produits non ligneux (Saenger, Hegerl et Davie, 1983). Il est donc indispensable de soumettre ces formations à une gestion appropriée pour assurer leur conservation et exploiter leurs avantages écologiques, ainsi que pour garantir un approvisionnement durable en produits forestiers et autres qui sont nécessaires pour satisfaire les besoins quotidiens des collectivités locales. Un bonne gestion peut également offrir de nouvelles occasions d'emploi autonome comme l'écotourisme, la pêche, l'apiculture et les industries artisanales basées sur les produits tirés des palétuviers et contribuer par là à améliorer les conditions socioéconomiques de ces collectivités.

Répartition des mangroves en Inde (milliers d'hectares)

Ëtat/Territoire de l'Union

Gouvernement indien, 1987

Gouvernement indien, 1997

Bengale occidental (Sundarbans)

420

212,3

Îles Andaman et Nicobar

119

96,6

Maharashtra

33

12,4

Gujarat

26

99,1

Andhra Pradesh

20

38,3

Tamil Nadu

15

2,1

Orissa

15

21,1

Karnataka

6

0,3

Goa

20

0,5

Kerala

Clairsemées

Absentes

Total

674

482,7

LA GESTION DES MANGROVES EN INDE

La gestion des mangroves en Inde a une longue histoire. Celles des Sundarbans, situées dans le golfe du Bengale (dont une partie se trouve en Inde et l'autre au Bangladesh), ont été les premières du monde a être soumises à une gestion scientifique. Le premier plan de gestion de la zone a été mis en œuvre en 1892 (Chaudhuri et Choudhury, 1994).

Plus récemment, dans le souci de conserver les forêts, la faune et la flore sauvages, le Gouvernement indien a modifié en 1976 la Constitution par un amendement au titre duquel tous les citoyens de l'Inde ont le devoir de protéger et d'améliorer l'environnement naturel, y compris les forêts, les lacs et la faune et la flore sauvages.

Mangroves en Inde

Conscient de l'importance des mangroves, le Gouvernement indien a établi en 1976, au sein du Ministère de l'environnement et des forêts, le Comité national des mangroves, qui avait pour mandat de fournir au gouvernement des avis concernant la conservation et le développement des palétuviers. Lors de sa première réunion, le groupe de travail, qui consistait en scientifiques, chercheurs et spécialistes des mangroves, a recommandé l'établissement d'un inventaire des ressources en mangrove existant dans le pays. Par la suite, le gouvernement a élaboré un plan pour leur conservation et leur protection comprenant les mesures suivantes:

En 1979, le Comité national des mangroves a recommandé certains domaines de recherche-dévelopement et de gestion, notamment:

Sur la base des recommandations du Comité national des mangroves, 15 zones de palétuviers à mettre en réserve ont été identifiées. Le Gouvernement indien a fourni une orientation et une assistance financière aux États et territoires de l'Union pour la préparation et l'exécution de plans de gestion visant la conservation et le développement de ces écosystèmes. La plupart de ces plans sont en cours de réalisation et prévoient, d'une manière générale, la préparation d'inventaires et la délimitation des zones de palétuviers, la régénération naturelle dans certaines forêts, le reboisement, des mesures de protection, l'établissement de clôtures et des programmes de sensibilisation.

Le gouvernement fournit aussi un appui aux institutions universitaires qui mènent des recherches sur le développement respectueux de l'environnement des forêts de palétuviers. La politique forestière nationale de 1988 classe la conservation et la gestion efficaces des écosystèmes forestiers naturels (y compris les mangroves) parmi les domaines prioritaires de la recherche forestière.

Cadre législatif

En Inde, un cadre législatif pour la conservation et la gestion des mangroves existe déjà. L'Acte forestier indien, 1927, et l'Acte sur la protection de la faune et de la flore sauvages, 1972, prévoient la préservation de ces ressources naturelles. Bien qu'ils ne mentionnent pas spécifiquement les mangroves, ces actes concernent aussi implicitement la conservation de la faune et de la flore sauvages. Depuis 1927, l'Acte forestier indien a été appliqué aux forêts de mangrove des Sundarbans qui ont été mises en réserve (Naskar et Mandal, 1999).

L'Acte relatif à la conservation des forêts, 1980, stipule qu'aucune superficie boisée ne sera soumise à des utilisations non forestières sans l'approbation préalable du Gouvernement indien. Cet acte a servi de façon très efficace à interdire la conversion des mangroves à des formes d'utilisation autres que forestières.

L'Acte relatif à la protection de l'environnement, 1986, a joué un rôle crucial dans la conservation et la gestion des écosystèmes de mangrove. Il institue une zone côtière réglementée dans laquelle les activités industrielles et autres, telles que le déversement des eaux non traitées et le rejet des effluents, la mise en décharge des déchets, la bonification des terres et la construction de quais, sont limitées afin de protéger l'environnement côtier. Les côtes sont regroupées en quatre catégories et les palétuviers font partie de celles considérées comme les plus sensibles au plan écologique (voir encadré p. 52 de l'article de L. Hein).

La mise en vigueur des mandats législatifs revêt une importance primordiale (Untawale, 1992).

Peuplement bas d'essences de Rhizophora dans la forêt de mangrove des Sundarbans

- FAO/19883/G. GREPIN

LA SITUATION À GOA

Par rapport à la superficie totale des terres émergées qui couvre 370 000 ha à Goa, celle occupée par les mangroves ne s'élève qu'à 500 ha, chiffre très inférieur aux 20 000 ha enregistrés en 1987 (voir tableau).

Quelque 178 ha de la plus belle zone de mangrove de Chorao à Goa ont été mis en réserve en vertu de l'Acte forestier indien de 1927, afin de protéger et de conserver ces forêts. Par la suite, en 1988, la zone a été déclarée refuge d'oiseaux au titre de l'Acte relatif à la protection de la faune et de la flore sauvages, 1972.

Les travaux de reboisement entrepris pour remettre en état les mangroves dégradées ont démarré à Goa en 1985-1986; à la fin de 1996-1997, le programme avait intéressé 876 ha (statistiques du Département des forêts de Goa).

En 1988, le Gouvernement de Goa a établi un Comité étatique de direction pour surveiller la développement de la forêt de mangrove. En 1990, le gouvernement étatique a nommé une équipe multidisciplinaire de formulation de projets pour faciliter la préparation d'un plan d'action global pour le développement de l'écosystème de mangrove. La même année, le gouvernement a établi qu'aucune construction ou urbanisation n'était consentie dans la zone réservée par le département des forêts à la conservation des mangroves, et déclaré que 15 espèces de palétuviers seraient soumises à une protection intégrale pendant une période de 10 ans.

Un plan quinquennal de gestion des mangroves a été préparé pour Goa en 1991-1992 et mis en œuvre grâce à l'assistance financière du Gouvernement indien, et 100 ha de mangrove ont été plantés chaque année comme prévu. Un deuxième plan quinquennal de gestion est actuellement en cours d'exécution.

LA SITUATION DANS LES ÎLES ANDAMAN ET NICOBAR

Les archipels d'Andaman et de Nicobar comprennent 572 îles situées dans le golfe du Bengale et couvrant une superficie totale d'environ 825 000 ha. Le littoral a près de 1 962 km de longueur. La zone occupée par les mangroves s'élève à 96 600 ha (Gouvernement indien, 1997). Les îles Andaman du Milieu ont une superficie de 99 800 ha dont 23 400 ha (23,4 pour cent) sont couverts de mangroves (registres du Département de l'environnement et des forêts).

Dans le passé, l'extraction de bois de feu et de poteaux des mangroves se faisait à une petite échelle pour répondre à la demande locale qui comprenait, outre les besoins familiaux, l'alimentation en combustible d'une centrale électrique à Port Blair, de trois grandes usines de contre-plaqué et des bateaux à vapeur du gouvernement. Ces prélèvements limités ne causaient pas de dommages aux forêts publiques de mangrove, mais dans les zones exploitées à des fins commerciales (gérées de manière à permettre aux populations locales de bénéficier de l'extraction des produits forestiers), la destruction des palétuviers est manifeste. Certaines superficies ont été bonifiées à des fins agricoles ou ont servi à la création d'agglomérations (Département de l'environnement et des forêts des Îles Andaman et Nicobar, 1997).

Depuis 1987, reconnaissant le rôle important des mangroves et la nécessité de les conserver, l'administration des Îles Andaman et Nicobar a interdit l'extraction de bois dans ces forêts. Les industries de contreplaqué, la centrale électrique et les bateaux à vapeur du gouvernement sont désormais alimentés au gazole.

La stratégie adoptée dans ces îles pour la conservation et la gestion des forêts de mangrove est la suivante:

PROBLÈMES RELATIFS À LA CONSERVATION ET À LA GESTION DES MANGROVES

La plupart des problèmes auxquels se heurtent les forêts de mangrove et que l'on observe à Goa et dans les Îles Andaman du Milieu se rencontrent aussi dans d'autres parties de l'Inde. Ils comprennent à la fois les risques naturels et les activités destructrices de l'homme. Cependant, les problèmes n'ont pas la même gravité dans toutes les régions.

Risques naturels

Les menaces naturelles qui pèsent sur les mangroves à Goa et dans les Îles Andaman du Milieu sont les suivantes:

Pour réduire l'infestation des patelles, il ne faudrait établir que des plantules de haute taille cultivées en pépinière et dont la pousse principale dépasse la surface de l'eau. Les plantes plus mûres sont aussi moins vulnérables aux attaques des huîtres, des crabes et des gastéropodes.

L'infestation due aux insectes est plus intense dans les plantations monospécifiques, mais peut être combattue en accroissant le nombre de plantations mixtes (Siddiqi et al., 1992).

Problèmes dues à l'action de l'homme

Certaines activités de l'homme ayant provoqué des dommages aux mangroves de Goa et des Îles Andaman du Milieu sont citées ci-dessous:

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Un grand nombre des problèmes observés pendant l'étude de terrain réalisée à Goa et dans les Îles Andaman du Milieu, notamment ceux dus à l'intervention de l'homme, ont des causes qui devront être affrontées avec décision si l'on veut conserver les mangroves de façon durable. Ces causes sont les suivantes:

Les efforts de conservation et de développement des mangroves entrepris par la Gouvernement de l'Inde, le Gouvernement de Goa et l'administration des Îles Andaman et Nicobar ont réussi jusqu'à présent à atténuer ces problèmes, mais beaucoup reste encore à faire.

Parmi les actions à entreprendre à cet égard on peut citer les suivantes:

Si des programmes de restauration et de remise en état d'une grande envergure ont été réalisés à Goa, le long des estuaires des fleuves Mandovi, Zuari et Chapora et du canal de Cumbarjua, dans les Îles Andaman et Nicobar, aucun travail à grande échelle n'a été entrepris ces trois dernières années. Néanmoins les programmes de conservation et de reboisement réalisés sur la côte centre ouest de l'Inde ont eu d'importants résultats: sensibilisation accrue du grand public à l'importance des mangroves; protection des bancs de boue intertidaux; création de nouvelles activités forestières et de foresterie sociale; accroissement de la biomasse le long des estuaires qui a favorisé la productivité biologique; et augmentation du nombre d'oiseaux et d'animaux (Untawale, 1996). 

Bibliographie

Distribution mondiale des mangroves

On trouve souvent des mangroves en bordure des côtes dans les régions tropicales et subtropicales, mais on ne sait pas au juste quelle est la superficie totale qu'occupent ces formations dans le monde. Les récentes estimations varient de 16,5 millions d'hectares (FAO, 1994, d'après des chiffres du début et du milieu des années 80) 16,9 millions d'hectares (UICN, 1983), 18,1 millions d'hectares (Spalding et al., 1997) et 19,9 millions d'hectares (Fisher et Spalding, 1993, cité dans Spalding et al., 1997). Dans nombre de ces études, il n'a pas été tenu compte des pays ayant un couvert de mangrove limité.

Une nouvelle étude lancée par la FAO vise à fournir des informations à jour, fiables et complètes sur la distribution des mangroves dans le monde.

Dans le cadre de l'Évaluation des ressources forestières mondiales 2000 (FRA 2000), conduite par la FAO en collaboration avec ses États Membres, des donateurs et d'autres partenaires, tous les pays ont été priés de ventiler leur superficie de forêts dans les diverses catégories existant dans leur propre système de classification. Étant donné que la mangrove constitue une catégorie de forêt à part dont la définition est à peu près la même dans tous les pays, la majorité des pays qui possèdent des mangroves ont envoyé des informations spécifiques sur ces formations végétales dans les rapports qu'ils ont établis pour l'étude FRA 2000. Ces données seront analysées dans une étude spéciale sur la situation des forêts de mangrove du monde qui fait partie de FRA 2000. Les pays qui n'ont pas fourni d'informations à ce sujet, mais où l'on sait qu'il existe des mangroves, seront à nouveau contactés pour garantir une couverture complète de l'évaluation.

Outre le fait qu'elle fournira des informations sur la situation actuelle des mangroves, cette étude permettra aussi de comparer ces données avec les informations provenant des évaluations antérieures ou d'autres sources pour analyser les tendances récentes en matière de pertes et de gains de superficie (à travers les efforts de plantation).

Les lecteurs sont invités à contribuer à cette étude par des informations supplémentaires sur les évaluations présentes ou passées des superficies de mangrove, de préférence à l'échelon national, mais aussi sous-national, s'ils disposent de ce type d'informations. Leur courrier peut être adressé à Mette Løyche Wilkie, Service du développement des ressources forestières, Département des forêts de la FAO, Viale delle Terme di Caracalla, Rome 00100, Italie

(Mél: [email protected]).

Une base de données et des informations spécifiques par pays seront introduites sur le site web de la FAO au fur et à mesure de leur réception. La base de données sera mise à jour régulièrement. À long terme, il est prévu de compléter ce site par des liens renvoyant à des cartes et d'autres bases de données sur différentes questions liées aux mangroves. Le but est de fournir des données uniquement sur des aspects non couverts par d'autres organisations et de combler d'importantes lacunes de l'information relevant du mandat de la FAO.

Mangroves dans la province d'Aurora (Philippines)

- M. WILKIE

Bibliographie

FAO. 1994. Mangrove forest management guidelines. FAO Forestry Paper 117, Rome. 319 p.

Fisher, P. et Spalding, M.D. 1993. Protected areas with mangrove habitat. World Conservation Monitoring Centre, Cambridge, Royaume-Uni. (projet de rapport)

UICN. 1983. Global status of mangrove ecosystems. Commission on Ecology Papers No. 3. Saenger, P., Hegerl, E.J. et Davie, J.D.S, éds. Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources. Gland, Suisse.

Spalding, M.D., Blasco, F. et Field, C.D. éds. 1997. World Mangrove Atlas. The International Society for Mangrove Ecosystems, Okinawa, Japon.


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