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IV. Aménagement des pêcheries et sécurité


On s'est souvent demandé si, et de quelle manière, les différents systèmes d'aménagement des pêcheries pouvaient avoir une incidence sur la sécurité en mer. La cogestion du processus de réglementation, grâce à laquelle les parties prenantes/groupes d'usagers ont officiellement la possibilité et le pouvoir de participer à la conception et à la mise en application des règlements en matière de pêche, est particulièrement importante compte tenu de l'impact que les réglementations concernant la gestion des pêches ont sur la réduction ou l'aggravation des risques courus en mer. Ce n'est pas un concept nouveau, mais malheureusement, il ne fait pas partie de ceux qui ont été largement étudiés[40].

En raison du libre accès aux pêcheries, la concurrence est à l'ordre du jour. Se diriger vers les lieux de pêche et en revenir aussi vite que possible en rapportant la prise la plus grosse possible, nécessite d'augmenter la puissance des moteurs, la taille des navires et l'efficacité des engins de pêche. Même si les conditions de travail et l'efficacité se sont améliorées à bien des égards avec le développement de la mécanisation, de nouveaux risques ont été introduits et l'équipage est toujours mis à rude épreuve, surtout en raison de la réduction des effectifs due à la compression des dépenses. Les règlements en matière de sécurité acceptés par la flotte de commerce sont mal accueillis dans le secteur des pêches, où les gens n'apprécient guère toute intervention qui pourrait porter atteinte à leur revenu.

Systèmes d'aménagement des pêcheries

L'accès aux pêcheries étant libre, il était inévitable que tôt ou tard, la capacité des flottes dépasse le rendement des stocks exploitables. Dans de nombreux pays, cette situation a plus ou moins coïncidé avec l'adoption de la Convention des Nations Unies de 1982, qui a divisé l'ancienne «haute mer» en zones économiques exclusives des Etats côtiers, permettant à chaque nation de contrôler les pêcheries jusqu'à 200 milles marins de ses côtes. Différents systèmes d'aménagement ont été ensuite mis au point pour contrôler les pêcheries. Ils sont exposés ci-dessous.

Accès limité selon la taille (et le type d'engin de pêche)

Ce type de contrôle est conçu pour empêcher les navires dépassant une taille donnée de pénétrer dans une certaine zone, afin généralement de la réserver à des bateaux côtiers plus petits. Ce système a souvent eu pour conséquence involontaire la modification de la construction de leurs navires par les propriétaires afin de remplir les critères. Ces modifications peuvent compromettre sérieusement la stabilité et l'état de navigabilité des navires, qui ont acquis la réputation d'«intouchables» ou de «monstres des mers». Il a été difficile de s'y opposer, car les mesures permettant d'intervenir au nom des autorités font souvent défaut.

Cependant, du point de vue de la sécurité, il est également important de ne pas perdre de vue que, lorsque des grands navires et des petits pêchent sur les mêmes lieux, il y a risque d'abordage et d'endommagement des engins. De même, si les fonds de pêche proches de la côte sont épuisés, les petits navires sont contraints d'aller plus loin que ne le permettent leur capacité et leur construction. Ceci est un véritable problème, qui se pose très fréquemment tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.

Volume admissible des captures (VAC)

Fixer un plafond pour le VAC, sans autres réglementations, aboutit invariablement à une ruée sur le poisson, entraînant une concurrence encore plus acharnée que dans le cas des pêcheries d'accès libre. Ces pêcheries sont nommées avec justesse pêcheries «Derby» ou «Olympiques» et ont inévitablement pour effet d'accroître la pression exercée sur le capitaine, l'équipage et le navire jusqu'à ce que le VAC soit atteint.

VAC avec limitation du nombre de jours en mer

Afin d'atténuer l'effet «pêcheries olympiques», le nombre de jours en mer permis est stipulé en même temps que le VAC. Dans certains cas, les autorités fixent au préalable les jours de la campagne pendant lesquels les pêcheries seront ouvertes. C'est un mauvais système du point de vue de la sécurité, car il ne prend pas en compte des facteurs importants comme le temps.

En revanche, le fait que les jours à terre soient prévus, en particulier si un salaire minimum est également garanti, permet aux autorités de programmer à l'avance les inspections des navires et les activités éducatives telles que les cours de formation à la sécurité.

Quotas individuels

Le principe sous-tendant le système des quotas individuels est de répartir au préalable le VAC entre un nombre donné de navires ou de parties. La concurrence, en vue de s'assurer la plus grande part possible du volume admissible, devrait être ainsi éliminée, et avec elle les contraintes de temps pendant la pêche et le voyage. Ce système ne peut évidemment fonctionner que dans la mesure où les VAC sont fixés de manière réaliste. Si les pêcheurs pensent que le VAC est exagéré, ils se mettront en route pour pêcher leur part le plus vite possible. En revanche, s'ils estiment que le VAC est raisonnable, la pêche peut être planifiée pour toute la campagne sans tensions excessives. Mais elle reste soumise aux contraintes liées à la fluctuation des prix du marché, comme l'ensemble du secteur en règle générale.

Quotas individuels transférables

Du point de vue de la gestion des pêches, le dispositif des quotas individuels devrait permettre d'éviter le développement ultérieur des flottes de pêche nationales, mais il n'incite pas à réduire la surcapacité actuelle de la flotte.

Cependant, si les quotas deviennent transférables, il existe alors une incitation à réduire la flotte en les concentrant sur un nombre plus petit de navires et en se débarrassant des autres. Mais cette démarche réintroduit la pression liée à la recherche de la performance et de la productivité maximales pour chaque navire, comme dans le cas des pêcheries d'accès libre. Le fait de devoir payer un droit de pêche, qui auparavant était gratuit, accroît à la fois la pression financière sur les propriétaires et la pression liée à la performance sur le navire et l'équipage, avec évidemment des effets préjudiciables sur la sécurité.

Il ressort de ces exemples que, même si les systèmes d'aménagement des pêcheries ne sont pas censés réglementer la sécurité en mer, ils ont inévitablement une incidence à cet égard. Il est important de garder la sécurité en mer à l'esprit lorsque l'on évalue les régimes d'aménagement des pêcheries; là où ces systèmes ont un impact direct sur les opérations de pêche, il faudrait laisser aux pêcheurs une marge de manœuvre suffisante pour leur permettre de choisir l'option ne présentant pas de risques. De préférence, la sécurité devrait dès le début faire partie intégrante du système d'aménagement.

Incidence de la rémunération et des structures de commandement

Outre les facteurs mentionnés ci-dessus, on s'est demandé si le système de rémunération pouvait avoir une incidence sur la sécurité en mer. Les principaux types de rémunération en vigueur dans l'industrie des pêches sont le système des parts et le système du salaire augmenté d'une prime selon la prise. Le premier, le plus répandu, est souvent associé à la garantie d'un salaire minimum, tandis que le second est limité aux navires dépassant une certaine taille, gérés par des sociétés structurées, et comporte souvent des accords stipulant entre autres la durée du travail.

Dans le premier cas, le pêcheur est en règle générale un entrepreneur ou un coentrepreneur et le rapport normal employeur-employé, sur lequel le système de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le secteur industriel est généralement fondé, est dans une large mesure absent. Dans de nombreux pays, ceci signifie que les pêcheurs n'ont pas les mêmes avantages en matière de protection sociale que les employés travaillant à terre.

Comme tout système de paiement, le système des parts présente à la fois des avantages et des inconvénients. Ceux qui y sont favorables disent qu'il accroît la motivation, crée un esprit d'équipe et fait que chaque homme est intéressé aux résultats obtenus. Par ailleurs, le risque est réparti entre le propriétaire et l'équipage pendant les périodes creuses et, lorsque les choses vont bien, l'équipage en tire directement profit. L' «esprit Klondike» engendré par ce système fait partie intégrante de l'environnement de travail et des mesures d'incitation propres aux pêches non industrielles. Il ne fait aucun doute que le système des parts incite les pêcheurs à travailler plus dur et plus longtemps, ce qui en soi accroît les risques dus à la fatigue. Il les incite également à sortir par mauvais temps, à prendre des risques en continuant à pêcher dans l'espoir d'augmenter la prise, et à surcharger le navire quand la pêche est bonne.

C'est là que la responsabilité du patron entre en ligne de compte. Il décide où, quand, comment et pendant combien de temps ont lieu les opérations de pêche. La façon dont il s'y prend pour contrôler le travail à bord dépend de son caractère et de son tempérament, de ses obligations (par exemple prêts), de son âge, de son expérience, etc. Dans une enquête sur la sécurité menée parmi des pêcheurs islandais, le facteur de sécurité signalé comme le plus important était le caractère du patron[41]. Le patron n'échappe pas toujours aux incitations et aux pressions liées au système des parts. Au contraire, non seulement son salaire, mais aussi ceux de tous les autres sont fonction des résultats qu'il obtient.

A cet égard, il est intéressant de noter que, même si les pêcheurs ont officiellement le droit de refuser un travail présentant un risque, ce qui est censé leur donner les mêmes droits que les travailleurs à terre, la réalité est très différente et il est improbable qu'ils exercent ce droit. Tout d'abord, selon une règle traditionnelle et fondamentale, en mer, c'est le capitaine qui commande, et l'insubordination peut entraîner une punition de sa part ou de la part de l'équipage, peut-être la perte du salaire correspondant à la sortie ou même la perte du poste à bord. Deuxièmement, l'idée que les risques matériels font partie du travail est très répandue. Troisièmement, les membres de l'équipage se considèrent comme des coentrepreneurs qui partagent à la fois les risques et les bénéfices, d'où la pression exercée par les pairs sur chaque marin pour qu'il ne laisse pas tomber les autres. Enfin et surtout, il n'y a pas à bord du navire d'inspecteur, auquel le marin pourrait s'adresser et qui défendrait ses droits. À terre, il est possible de faire venir un inspecteur et, conformément aux règlements en matière de sécurité, cela peut conduire à la fermeture de l'usine.

On peut donc avancer que le système des parts comporte certains éléments de risque. Cependant, il est tellement enraciné dans la tradition de la pêche que toute tentative visant à le remplacer par un autre système, en abandonnant le statut de travailleur recevant des primes et partageant les risques au profit d'un véritable statut de salarié, est quasiment vouée à l'échec[42]. Il n'en reste pas moins que les autorités, les propriétaires des navires et les pêcheurs peuvent étudier attentivement ce système, afin de réduire les éléments contribuant à la prise de risques.

Caractère inévitable de l'aménagement des pêches

Peu à peu, on prend davantage conscience que les océans et leurs ressources vivantes constituent un biosystème mondial interactif. Aucune nation ne peut éviter d'avoir une influence sur les autres du fait des mesures qu'elle prend pour aménager ses pêcheries ou qu'elle ne prend pas. La pêche excessive risque non seulement de détruire un stock mais aussi d'entraîner la disparition des autres espèces qui s'en nourrissaient. Détruire les lieux de ponte dans une zone peut porter atteinte aux pêcheries dans des eaux totalement différentes. Interrompre les routes migratoires en haute mer peut avoir des effets à grande échelle dans les zones côtières, etc. La mer, qui était considérée jusqu'à une date récente comme une corne d'abondance pouvant nourrir toute la planète, apparaît comme une ressource vulnérable et limitée, qui doit être soigneusement gérée par tous ceux qui l'exploitent.

C'est un concept tellement révolutionnaire qu'il faudra énormément de temps pour que ses conséquences soient totalement admises: le libre accès aux pêcheries est condamné à disparaître, que ce soit en haute mer ou dans les eaux nationales. Toutes les nations devront trouver le moyen d'aménager leurs pêcheries, de recueillir des données sur la taille et la composition de leurs flottes et de les adapter à la capacité des stocks de poisson relevant de leur juridiction. Pour ce faire, même les pêcheries artisanales des pays en développement devront être maîtrisées et contrôlées d'une manière ou d'une autre. En raison de la petite taille des navires et de l'inefficacité relative des engins de pêche, on a tendance à sous-estimer l'importance du contrôle qui doit être exercé sur les pêches artisanales. Pourtant, à l'échelle mondiale, les embarcations artisanales sont probablement plus de 2,5 millions et on a estimé qu'elles réalisent la moitié des pêches annuelles de capture destinées à la consommation humaine, ce qui représente environ 30 millions de tonnes[43]. Ainsi, du simple fait de leur nombre, les navires de pêche artisanale sont les principaux acteurs des pêcheries mondiales et, en tant que tels, ils ne peuvent pas être exclus du régime réglementaire.

Sinon, le facteur biologique décidera du sort des pêcheries, avec la destruction des stocks, ce qui aurait évidemment des conséquences désastreuses pour ceux qui vivent de la pêche.

A divers degrés, la plupart des nations côtières industrialisées, ainsi que certains pays en développement, exercent déjà un contrôle sur leurs pêcheries, d'une façon ou d'une autre. Dans certains pays, les régimes d'aménagement sont systématiques et efficaces, tandis que dans d'autres, le contrôle est seulement fragmentaire et les infrastructures nécessaires pour le mettre en œuvre sont pratiquement inexistantes. Dans plusieurs régions, ainsi qu'il est mentionné ci-dessus, les pays ont conclu avec succès des alliances afin de résoudre en coopération des problèmes d'aménagement tels que le suivi, le contrôle et la surveillance.

On peut citer en exemple la coopération entre les petits Etats insulaires des Caraïbes, qui s'emploient à harmoniser leurs législations en matière de pêcheries. La législation de chaque pays contiendra des normes minimales concernant les inspections et l'équipement de sécurité dont devront être dotés les navires de pêche de TOUTES les tailles. La situation est tout à fait différente dans la plupart des nations industrialisées ayant des activités halieutiques où, ainsi qu'il est indiqué plus haut, la législation ne s'applique qu'aux navires dépassant une taille donnée.

Ce type de coopération a souvent été suscité et appuyé par des institutions internationales, principalement la FAO, qui a également fourni à divers pays, sur demande, une aide pour l'élaboration de dispositifs d'aménagement des pêches.

Il faudra beaucoup de temps pour que les ajustements structurels nécessaires dans de nombreuses pêcheries donnent des résultats. La gestion des pêches est un processus qui se met en place au cours du temps, en fonction de l'évolution de la situation. Il est clair que, dans de nombreux pays en développement, on est encore loin de pouvoir soumettre les pêcheries à un contrôle officiel. L'accès aux pêcheries est resté libre et la flotte, insuffisamment contrôlée, est souvent exploitée directement de la côte, les ports qui pourraient servir de postes de surveillance étant rares, voire inexistants. Étant donné que les pêches sont souvent le seul emploi possible, pour se procurer un salaire ou tout au moins pour nourrir la famille, limiter l'accès aux fonds pourrait s'avérer une tâche insurmontable, sur le plan politique et pratique. Néanmoins, l'aménagement de toutes les pêcheries devra être accepté comme étant inévitable, et on a constaté à l'usage que les avantages d'un tel système peuvent en fait compenser les coûts.

La Namibie est un exemple de passage réussi de pêcheries non réglementées à des pêcheries bien aménagées. Au cours des décennies précédant l'indépendance du pays en 1990, les stocks de colin ont été sérieusement surexploités dans les eaux namibiennes et leur biomasse a été réduite de plus de 80 pour cent.

«Cinq ans après avoir pris en main ses ressources halieutiques au moment de l'indépendance, la Namibie a créé 6 000 nouveaux emplois, doublé l'emploi salarié dans le secteur des pêches, triplé les recettes en devises, dégagé des rentrées fiscales égales à trois fois le budget du Ministère de la pêche, et favorisé l'intégration du secteur halieutique dans l'ensemble de l'économie namibienne. Ce résultat a été atteint avec en toile de fond une situation difficile sur le plan environnemental (en raison du «Benguela Nino» de 1993-94 qui a frappé le secteur des pêches), une importante réduction du volume admissible de capture (pour favoriser la reconstitution des stocks) et une diminution de 30 pour cent des quantités de poisson débarquées.»[44]

On peut objecter que les pêcheries namibiennes, qui sont modernes et industrialisées et comptent un nombre relativement limité d'artisans-pêcheurs, sont différentes de celles de la plupart des pays en développement. Il ressort néanmoins de l'exemple namibien que les pêcheries peuvent être aménagées de manière à récupérer les coûts de l'aménagement et de sa mise en application.

Alors que la Namibie a adopté avec succès un système de pêcheries fondé sur des droits, la République populaire de Chine a remplacé dans une large mesure le contrôle exercé par l'Etat sur la flotte côtière par la propriété privée, dans le cadre de sa politique de libre embauche. Cette transition, qui n'a pas été accompagnée des mesures d'aménagement nécessaires, s'est traduite par l'afflux de milliers de nouveaux arrivants dans le secteur des pêches en mer, dont un grand nombre sans brevet. Des bateaux de plus en plus petits remplacent les grands navires sur les fonds de pêche chinois, ce qui exerce une énorme pression sur les organes chargés de faire respecter le règlement, conçus essentiellement pour des activités halieutiques pratiquées avec de grands navires. Les autorités ont également des difficultés à maîtriser l'expansion inconsidérée de la flotte et à obtenir des statistiques fiables sur les opérations de pêche. On réduit la pression sur les fonds des eaux chinoises en déplaçant les grands navires vers des eaux plus lointaines et en pêchant dans les zones économiques exclusives d'autres nations avec leur accord, tandis que les pêches dans les eaux côtières sont aménagées principalement selon un système de campagnes de deux ou trois mois par an. Cependant, cette méthode n'incite pas à réduire la flotte et ne permet d'exercer aucun contrôle sur les conditions de travail à bord. Un moratoire sur la construction des navires neufs, à l'exception de ceux destinés à remplacer les vieux, est censé enrayer l'accroissement de la flotte, mais il est difficile à mettre en application, en partie à cause du manque de coordination entre l'Etat et les autorités locales. Un régime général d'aménagement portant tant sur la capacité de la flotte que sur les conditions de travail à bord doit être adopté si l'on veut éviter que les pêches chinoises ne traversent une grave crise dans un proche avenir[45].

La sécurité, élément essentiel de la gestion des pêches

D'après ce qui précède, il est clair que la situation mondiale des pêches a radicalement changé ces dernières années. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui est entrée en vigueur en 1994, énonce non seulement les droits, mais aussi les obligations des Etats côtiers concernant l'aménagement de leurs zones économiques exclusives (ZEE) (jusqu'à 200 milles marins). On peut donc espérer que toutes les nations côtières prendront des mesures en conséquence au cours des prochaines années.

Ces initiatives ouvriront la voie aux réglementations garantissant la sécurité et la protection des pêcheurs, qui sont fondamentalement compatibles avec celles favorisant l'utilisation durable des stocks ichtyologiques. Cela fait des décennies que les pays industrialisés s'efforcent d'améliorer la sécurité en mer sans aucune obligation. Les promoteurs de la sécurité s'accordent tous maintenant à reconnaître qu'une formation obligatoire à la sécurité est la condition préalable pour obtenir des résultats. Subordonner les autorisations de pêche aux prescriptions de sécurité est un moyen concret de surmonter l'absence de motivation qui a empêché pendant si longtemps d'améliorer la sécurité des pêcheurs en mer. La sécurité en mer doit être intégrée à l'aménagement général des pêcheries dans tous les Etats côtiers, si l'on veut que les conditions de travail des pêcheurs deviennent réellement moins dangereuses.

Les pays en développement sont tout autant concernés que les pays développés. Dans nombre de ces derniers, les infrastructures nécessaires pour un tel projet, à savoir un cadre juridique et institutionnel, existent déjà, même si elles appartiennent parfois à différents secteurs administratifs. Cependant, dans la plupart des pays en développement, elles n'existent pas. Dans certains pays, pour intégrer la sécurité à l'aménagement général des pêches, il faudra donc réviser les règlements existants, tandis que dans les pays qui commencent à aménager leurs ressources, les normes de sécurité devront être intégrées dès le début.

Par la suite, une bonne administration des pêcheries fera intervenir directement les intéressés, accordant des droits d'utilisation accompagnés d'obligations. Le régime d'aménagement devrait non seulement viser à établir une corrélation entre la flotte de pêche et le rendement potentiel de la ressource, mais également à contrôler l'état de navigabilité des navires et les conditions de travail à bord, et à veiller à ce que les membres de l'équipage aient la formation et le savoir-faire nécessaires, ce qui est entièrement conforme au Code de conduite pour une pêche responsable:

«Les Etats devraient, par des programmes d'éducation et de formation, renforcer la préparation et les compétences des pêcheurs et, le cas échéant, leurs qualifications professionnelles. Ces programmes devraient tenir compte des normes et directives internationales convenues.»

«Les Etats devraient, lorsqu'il y a lieu, tenir des registres des pêcheurs et ceux-ci devraient, dans la mesure du possible, contenir des informations sur leurs états de service et leurs qualifications, y compris des certificats d'aptitude, conformément à leur législation nationale.»[46]


[40] Kaplan, M.et Kite-Powell, H.L. Safety at Sea and fisheries management: fishermen’s attitudes and the need for co-management. Marine Policy, November, 2000.
[41] Le point de vue des pêcheurs sur la sécurité (en islandais) ÖryggismAl sjómanna. Institut de recherche halieutique, Université d’Islande, 1995.
[42] Binkley, M. Department of Sociology and Social Anthropology, Dalhousie Unviersity, Halifax Nova Scotia, Canada. International Symposium on Safety and Working Conditions Aboard Fishing Vessels, Université de Québec, Rimouski 1989.
[43] Ben-Yami, M. Safety at sea, the tragedy of official default. Samudra 23:24-28, Sept 1999.
[44] Brandt, H. Namibianisation, An example to follow? Samudra Report, 23: 41 Sept 1999.
[45] Mathew, S. Marine Fisheries, Chinese puzzle. Samudra 24: 45-49, Dec 1999.
[46] Code de conduite pour une pêche responsable, paragraphes 8.1.7 et 8.1.8.

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