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CHAPITRE 3 - Planifier et concevoir un plan de ciblage


La grande variété de contextes sociaux dans lesquels se déroulent les activités conduira souvent à de grandes différences dans le choix final de la méthode de ciblage.

FAO/6724/F. Botts

Concevoir un plan de ciblage

Les orientations générales et les objectifs opérationnels plus spécifiques d'une intervention alimentaire et nutritionnelle doivent être au cœur du processus de planification et d'élaboration. La sélection d'un plan de ciblage fait partie intégrante de la phase de planification du programme: le ciblage est ainsi directement lié aux objectifs opérationnels et aux orientations du programme. Ces orientations définiront habituellement les groupes cibles comme par exemple des enfants de moins de 5 ans, des femmes enceintes et/ou allaitantes, des populations déplacées à l'intérieur d'un pays dans des zones spécifiques, des ménages victimes d'insécurité alimentaire dans des zones urbaines défavorisées, ou encore des pauvres sans terre en milieu rural. Ces groupes cibles devront être définis par des moyens opérationnels qui permettront de les identifier et de les localiser.

En pratique, des contraintes importantes d'ordre politique, culturel, logistique, technique et/ou financier imposent souvent des limites concernant les choix et la mise en œuvre du plan de ciblage. Un plan de ciblage ne peut être conçu uniquement sur des bases théoriques et le plan qui servirait le mieux les objectifs spécifiques d'un programme donné pourra, en pratique, être très difficile ou coûteux à mettre en œuvre.

Le succès d'un programme ciblé, comme d'ailleurs de tout programme, dépend d'une planification détaillée, d'une gestion efficace ainsi que d'un contrôle et d'une évaluation continus. Les résultats de l'évaluation doivent ensuite être utilisés pour améliorer la planification et la mise en œuvre du programme. Un certain nombre de grands programmes nutritionnels ciblés ont été critiqués pour leur mauvaise planification, le manque de rigueur de leur gestion ou encore l'inefficacité de leurs systèmes de contrôle et d'évaluation. Un autre élément important du succès est l'établissement d'un partenariat solide avec d'autres institutions ainsi que l'implication directe des communautés ciblées (personnes, ménages) aux tous premiers stades du processus de planification (examens des besoins) et de gestion du programme.

La clôture d'un programme ciblé devra être anticipée et planifiée au moment de l'élaboration du programme. Elle aura généralement lieu lorsque les orientations et objectifs auront été réalisés. Néanmoins, d'autres raisons, telles que des limitations budgétaires, peuvent conduire à la clôture d'un programme, que les objectifs aient été atteints ou non Par exemple les donateurs préfèrent souvent indiquer dès le départ quand leur engagement s'arrêtera. Il est important que la clôture d'un programme de nutrition s'effectue graduellement, particulièrement dans les cas où le programme apporte une contribution substantielle à la protection sociale et à l'alimentation des pauvres. Au cours des étapes d'élaboration et de mise en œuvre, on devra aussi prêter une attention toute particulière à la continuité du programme et à ses conséquences sur les plans financier, institutionnel, politique et social. En d'autres termes, les activités du programme doivent être planifiées et conçues pour renforcer la durabilité des effets du programme après sa clôture officielle.

Au moment de concevoir un plan de ciblage pour atteindre les objectifs d'un programme donné, il faudra considérer et définir dès le départ trois caractéristiques fondamentales du processus de ciblage:

1 Qui est responsable de la conception, de la mise en œuvre et de la surveillance du plan de ciblage? En règle générale, les planificateurs du programme définiront le plan de ciblage au moment de l'élaboration de la proposition de programme. Ainsi, dans le cas d'un programme public, le personnel et les décideurs de l'institution gouvernementale responsable du programme définiront aussi le plan de ciblage. Les donateurs peuvent participer à ce processus au cours de l'examen et de la discussion de la proposition de programme. Si le programme doit être mis en œuvre en partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG), celles-ci participeront également au processus de développement du programme et par conséquent à la conception du plan de ciblage. Dans un programme alimentaire ou nutritionnel basé sur la communauté, les chefs de communauté et les décideurs politiques locaux pourront participer aux décisions pour savoir qui, dans la communauté, bénéficiera des biens et/ou des services du programme. Le personnel du programme mettra en œuvre le plan de ciblage parallèlement aux autres activités du programme. Des agents de supervision du programme devront surveiller la mise en œuvre du plan de ciblage pour s'assurer que les critères de ciblage sont correctement appliqués et pour concevoir et mettre en œuvre des mesures correctives en temps opportun.

2 Qui doit être ciblé? La ou les populations cibles envisagées sont définies par les objectifs du programme. Cependant, il faudra décider comment la population cible sera identifiée et comment les critères d'éligibilité et de sortie seront établis. Il est nécessaire que ces critères soient bien compris non seulement par les populations ciblées et non ciblées mais également par le personnel du programme qui devra les appliquer de manière correcte et uniforme. Les indicateurs de ciblage doivent être identifiés et si possible validés avant leur application. Ces indicateurs pourront porter soit sur un certain groupe d'âge, un sexe, une situation nutritionnelle et sanitaire, une base socio-économique, un lieu géographique, un groupe victime de catastrophes ou souffrant de carences spécifiques en micronutriments, ou encore sur une population tout entière. Les critères sélectionnés doivent être bien compris et correctement appliqués par le personnel du programme ou par les personnes responsables de cette tâche.

3 Comment sera effectué le ciblage? On devra peut-être envisager plusieurs plans de ciblage et choisir le plan le mieux adapté en évaluant les facteurs techniques, sociaux, financiers et institutionnels propres à chacun des plans étudiés. On devra vraisemblablement considérer les avantages réciproques de ces facteurs. Le ciblage sera-t-il effectué sur la base d'indicateurs liés à la nutrition, comme des mesures anthropométriques ou des indices de laboratoire, ou sur la base d'indicateurs non nutritionnels comme ceux utilisés dans le cadre de ciblages géographiques ou basés sur le marché, ou de l'auto-ciblage? Les critères sélectionnés devront être bien compris et bien appliqués par le personnel du programme.

Le recueil et l'analyse de données sont des phases importantes de la planification détaillée d'un plan de ciblage. Ces activités fournissent aussi les bases de référence pour l'évaluation future. La nature des renseignements nécessaires dépendra du type de programme à mettre en œuvre et de ses objectifs principaux. En règle générale, la phase de planification de la plupart des programmes alimentaires et nutritionnels devra évaluer:

Un concept important dans l'évaluation des plans de ciblage est que toute stratégie excluera certaines personnes nécessiteuses et en inclura d'autres qui pourraient vivre correctement sans le soutien du programme. De nombreuses stratégies de ciblage qui présentent une faible erreur d'exclusion accusent une grande erreur d'inclusion et vice versa. Il faudra donc trouver un compromis entre ces deux types d'erreur. En règle générale, si l'objectif principal est de réduire l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, il est plus important de réduire les taux de non-participation que d'abaisser les taux de pertes. Si l'aspect le plus important est la limitation du budget du programme, on s'attachera davantage à réduire les pertes.

Evaluation des ressources

L'étape la plus importante dans le processus de sélection d'une stratégie de ciblage est peut-être l'évaluation des coûts et des bénéfices marginaux des différents plans de ciblage. La plupart des types de programmes ne se prêtent qu'à deux ou trois dispositifs possibles. Des programmes d'alimentation subventionnée peuvent être conçus en association à l'auto-ciblage ou au ciblage basé sur le marché, seuls ou avec un ciblage géographique. Les programmes de subventions alimentaires peuvent se concevoir dans un plan de ciblage administratif basé sur la communauté ou, de nouveau, dans le cadre d'un plan mixte où les communautés seront sélectionnées administrativement et établiront ensuite leurs propres critères pour la sélection des ménages.

Il est particulièrement difficile d'évaluer l'ensemble des coûts de chaque plan de ciblage. Mis à part les coûts directs comme le temps de travail et le transport du personnel, il y a également d'importants coûts non monétaires, particulièrement la perte de prestations lorsque des services sont refusés à une personne qui pourrait en avoir besoin, ou le manque de soutien de la communauté lorsque des prestations sont refusées à certains membres que la communauté estime, à juste titre ou non, devoir faire partie des bénéficiaires. Les coûts marginaux du ciblage doivent être comparés aux économies possibles, sans perdre de vue les objectifs du programme. La question que l'on doit se poser est la suivante: pour atteindre les mêmes résultats, quelles sont les économies nettes que l'on pourra réaliser par le ciblage et par chacun des différents plans de ciblage? Ceci implique de prendre en compte les erreurs d'inclusion et d'exclusion, ou encore les taux de non-participation ou de perte. De grandes erreurs d'inclusion et d'exclusion augmenteront les coûts du ciblage mais elles pourront malgré tout entraîner des coûts moindres par rapport aux coûts de programmes non ciblés visant les mêmes objectifs. Comme il en a déjà été question, différents programmes alimentaires et nutritionnels ciblés contiennent des risques différents concernant les pertes de prestations destinées à la population cible.

Comparatif de coûts entre les différents dispositifs de ciblage

Les coûts directs du ciblage ont trait à l'aspect administratif et au recueil d'information. Les coûts administratifs comprennent les coûts associés à la conception, la vérification, la mise en œuvre (le tri sélectif et le suivi des participants au programme), la supervision (s'assurer que les critères d'éligibilité sont appliqués correctement) et l'évaluation du bon rapport coût/efficacité du plan de ciblage. Les coûts d'information sont liés au relevé et à l'analyse des données et informations nécessaires à la mise au point des critères qui permettront de définir les groupes cibles et des indicateurs qui serviront à les identifier et les caractériser. Ces données et informations pourront également servir à d'autres fins, comme par exemple au contrôle et à l'évaluation du programme, et leur coût ne devra pas nécessairement être imputé au ciblage. Les coûts de ciblage directs varient selon le plan de ciblage du programme:

Les programmes ciblés administrativement nécessitent le recueil d'informations précises pour décider du choix des participants. Ils entraînent généralement des coûts élevés de collecte d'informations et d'administration.

Les mécanismes auto-ciblés qui visent à diriger les prestations du programme vers une population cible spécifique (par exemple vers les personnes prêtes à fournir de la main d'œuvre dans des projets «vivres contre travail») entraînent généralement des coûts administratifs inférieurs à ceux du ciblage administratif parce qu'aucun critère d'éligibilité n'a besoin d'être établi et que le tri sélectif ou le contrôle liés à ces critères n'ont pas lieu d'être. Néanmoins, des informations et des données détaillées sont nécessaires pour comprendre les habitudes de consommation des groupes à bas revenus ou des groupes vulnérables. Les coûts administratifs sont relativement bas et consistent principalement à contrôler les taux de participation au du programme.

Le ciblage basé sur le marché nécessite un grand nombre d'informations sur les schémas de l'offre et de la demande, leurs causes et les changements des conditions du marché sur une période donnée. Les coûts d'information d'un tel programme sont donc modérément élevés et les coûts administratifs ont trait principalement au contrôle des produits alimentaires subventionnés pour s'assurer que les réductions de prix sont bien répercutées sur les consommateurs des groupes cibles.

Le ciblage basé sur la communauté implique la participation de tous les membres de la communauté (ou seulement des chefs de la communauté) dans les prises de décision concernant l'allocation des aliments ou des services du programme au sein de la communauté, en se basant sur leur connaissance empirique de l'insécurité alimentaire ou de la vulnérabilité des ménages ou des personnes. Les coûts d'information directs pour le programme sont donc minimes et supportés par la communauté sous la forme de coûts en temps. Les coûts administratifs sont eux aussi minimes.

Le ciblage géographique et régional, qui est une forme de ciblage administratif, implique normalement des coûts d'information modérés parce que les informations sont basées sur des sources de données secondaires, complétées par des évaluations rapides périodiques. Les coûts administratifs ont trait principalement au contrôle de l'allocation des ressources du programme selon les priorités régionales qui auront été établies.

Le ciblage des personnes/des ménages, qui est une autre forme de ciblage administratif, entraîne des coûts d'information et d'administration élevés du même ordre que ceux du ciblage administratif.


Les populations ciblées sont souvent de jeunes enfants, des femmes, des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dans des zones spécifiques, des ménages victimes d'insécurité alimentaire dans des zones urbaines et des pauvres sans terre en milieu rural.

FAO/18147/G Pangare

Sélection d'indicateurs pour le ciblage

Dans le choix d'indicateurs de ciblage spécifiques, on s'efforcera de maximiser l'utilité et la qualité des informations pour les prises de décision tout en tenant compte des coûts de collecte, de traitement et d'analyse de ces informations. Au moment de décider quel(s) indicateur(s) utiliser pour le ciblage, on se rappellera que les informations fournies par le ou les indicateurs doivent être:

1 pertinentes et valides;

2 précises et fiables;

3 établies en temps opportun;

4 accessibles;

5 peu coûteuses.

PERTINENCE ET VALIDITÉ

L'indicateur de ciblage doit être pertinent par rapport à l'objectif ou aux objectifs du programme. Si l'objectif du programme est de prévenir la malnutrition, l'indicateur de ciblage doit être capable d'identifier les personnes ou les populations en danger de malnutrition.

L'importance de la pertinence et de la validité d'un indicateur peut être illustrée par le cas du Guatemala où une ONG fournissant une aide alimentaire utilisait le rapport poids/taille pour le tri sélectif des bénéficiaires potentiels. Le très petit nombre d'enfants identifiés par ce test de sélection a conduit l'ONG à conclure qu'il n'y avait pas de problème de malnutrition au Guatemala et que l'aide alimentaire devait être suspendue. Pourtant, malgré ce niveau d'émaciation très bas, le Guatemala connaissait à cette époque les taux de retard de croissance en taille les plus élevés de toute l'Amérique Latine.

Le choix de l'indicateur dépendra aussi de l'usage que l'on veut en faire. Il sera différent pour un tri sélectif au niveau individuel ou pour le ciblage de groupes à un niveau plus général. Par exemple, le périmètre brachial est utile pour les besoins du tri sélectif dans le contexte de l'état nutritionnel d'une communauté, mais il ne doit pas être utilisé à la place du poids lorsque des enfants sont sélectionnés individuellement pour un programme d'alimentation complémentaire.

Il n'est pas toujours simple de lier la définition d'un indicateur de ciblage aux objectifs généraux d'un programme. Par exemple, il existe toujours des indicateurs multiples pour tout concept de sécurité alimentaire donné:

L'état nutritionnel peut être mis en évidence par une série d'indicateurs biochimiques, cliniques, anthropométriques et alimentaires. On pourra utiliser pour les besoins du ciblage une série d'indicateurs anthropométriques selon que l'objectif est lié à l'identification d'enfants souffrant par exemple de retard de croissance (rapport taille/âge), d'émaciation (rapport poids/taille) ou d'insuffisance pondérale (rapport poids/âge).

Un indicateur de ciblage doit également être valide dans des contextes sociaux, culturels et écologiques divers. D'un contexte à l'autre, les déterminants de l'insécurité alimentaire peuvent s'avérer différents. Par exemple, dans certaines régions agro-écologiques d'Erythrée où la population est à majorité agropastorale, la taille des troupeaux est un bon indicateur de risque en matière d'insécurité alimentaire alors que ce n'est pas le cas dans d'autres régions où l'agriculture prédomine. Si l'on applique la mesure des revenus monétaires aussi bien dans les contextes urbains que ruraux, les risques d'insécurité alimentaire seront gravement surévalués pour les zones rurales. Cela signifie que les indicateurs de ciblage devront quelquefois être déterminés localement. Ils ne seront donc pas toujours comparables d'une région à l'autre, ce qui rendra plus difficile l'allocation des ressources par région à un niveau central.

EXACTITUDE ET FIABILITÉ

Les informations fournies par un indicateur de ciblage sont utilisées pour les prises de décisions. Plus ces informations seront exactes (les autres éléments restant par ailleurs inchangés), meilleures seront les décisions prises sur la base de ces informations. La précision des données est donc un élément important et il est essentiel que l'indicateur comporte le moins d'erreurs de mesure systématiques possibles. Le même indicateur de ciblage pourra être appliqué à de multiples reprises, particulièrement quand les déterminants de l'insécurité alimentaire varient rapidement: il doit donc être fiable (exposé à un minimum d'erreurs de mesure aléatoires). Le contrôle de l'efficacité d'un plan de ciblage aux indicateurs non fiables fournira des résultats erronés et conduira à des conclusions trompeuses.

ACTUALITÉ DES DONNÉES

Il est important que l'indicateur puisse fournir des informations au moment opportun. Des indicateurs de ciblage complexes nécessitant un recueil, un traitement et une analyse des données longs et fastidieux peuvent retarder la mise en œuvre du programme. Dans un contexte de changements rapides où l'on assiste à des déplacements subis de populations, comme dans le cas d'une catastrophe naturelle ou d'un état d'urgence complexe, un indicateur de ciblage ou une combinaison d'indicateurs doivent être en mesure de déterminer rapidement où se trouvent les populations à risque et quels sont leurs besoins immédiats.

ACCESSIBILITÉ

Les informations fournies par les indicateurs doivent être accessibles et à même d'être interprétées par de nombreux décideurs et acteurs différents, provenant de contextes socio-culturels, de professions et de niveaux d'instruction variés. Des indicateurs à haut niveau de complexité n'auront de signification que pour des professionnels possédant les connaissances techniques adéquates, ce qui ne favorise guère une augmentation de la participation aux prises de décisions concernant le ciblage. Il est donc préférable d'utiliser des indicateurs simples et de bon sens, pour autant qu'ils soient appropriés, et d'encourager une large participation à l'examen d'indicateurs de ciblage alternatifs.

COÛTS EN MATIÈRE DE RECUEIL, DE TRAITEMENT ET D'ANALYSE DE DONNÉES

Le coût du recueil des données est une préoccupation habituelle dans le ciblage. Le coût est généralement lié aux coûts en temps, en personnel et en logistique pour le recueil, le traitement et l'analyse de données. Les coûts peuvent être très différents selon l'indicateur et la méthode de collecte de données choisis. L'utilisation d'indicateurs peu coûteux impliquera souvent en contrepartie un manque de pertinence et de crédibilité. Par exemple, des indicateurs de revenus peu coûteux obtenus simplement à partir de l'estimation globale du total des revenus du ménage donnée par le chef de famille seront sans aucun doute moins précis que ceux calculés en ajoutant un à un tous les revenus déclarés par chaque membre du ménage.

Il existe généralement différents moyens de mesurer un indicateur. Les estimations en matière de production agricole peuvent se baser directement sur les déclarations des agriculteurs ou sur des estimations de récoltes plus complexes basées sur une mesure des surfaces cultivées. La méthode utilisée pour collecter les informations au moment de l'établissement de l'indicateur de ciblage aura une incidence sur les coûts. Des données recueillies au cours de visites faites aux familles par le personnel du programme risquent d'être plus coûteuses que des informations obtenues dans le cadre d'activités de recueil de données dans les locaux du programme. Ces coûts font partie du coût du ciblage d'un programme. Pour rendre le ciblage aussi efficace que possible, ces coûts doivent être réduits au minimum.

En général, lorsque l'on procède, pour les besoins d'un ciblage régional, au tri sélectif individuel, ou que l'on estime la proportion de personnes démunies dans une population, il est nécessaire de classer les individus selon leur état nutritionnel en se basant sur une valeur seuil. Dans chaque cas d'utilisation, des seuils spécifiques doivent être définis pour les besoins du ciblage d'une population donnée.

Le choix d'un seuil peut avoir des implications importantes pour interpréter un indicateur ou comprendre les conditions de sécurité alimentaire. Si les ménages victimes d'insécurité alimentaire sont souvent définis comme les ménages consommant moins de 80 pour cent du minimum de la consommation énergétique recommandée, une réduction du pourcentage des ménages consommant moins de 70 pour cent de ce minimum énergétique recommandé peut indiquer que des progrès importants ont été réalisés dans la réduction de l'insécurité alimentaire aiguë qui n'aurait pas été pleinement prise en compte par une évaluation où le seuil aurait été placé à 80 pour cent. Au Guatemala, le seuil en dessous duquel les enfants ont montré qu'ils réagissaient le mieux à la supplémentation était en fait beaucoup plus élevé que l'habituel point «-2 ET» en dessous de la médiane du NCHS. Si le seuil traditionnel avait été utilisé, seule une petite proportion d'enfants aurait été considérée à risque et remplissant les conditions d'accès à la supplémentation: un grand nombre d'enfants nécessiteux auraient ainsi été écartés.

Dans un contexte opérationnel, il sera souvent préférable de choisir un indicateur à un seuil fixe que l'on définira selon les objectifs du programme et les ressources disponibles. Même lorsqu'il existe des seuils définis de manière technique pour certains indicateurs repères, les responsables du programme peuvent vouloir cibler un sous-segment défini de la population souffrant particulièrement d'insécurité alimentaire ou de malnutrition, ou ceux qui seront susceptibles de profiter le mieux d'une intervention. Ce sera sans doute le cas dans des programmes au budget insuffisant pour cibler toute une population souffrant d'insécurité alimentaire ou de malnutrition. Lorsque les ressources d'un programme sont limitées, le meilleur seuil pour le ciblage est celui qui intégrera exactement le nombre de participants pour lequel les ressources du programme sont disponibles. En d'autres termes, le seuil de l'indicateur utilisé dans l'évaluation des indicateurs de substitution sera choisi à une valeur qui correspondra au pourcentage de la population pouvant être intégrée en fonction des ressources disponibles.


Les critères d'éligibilité et de sortie doivent être bien compris à la fois par les bénéficiaires et par le personnel du programme, et appliqués de manière uniforme.

FAO/17558/G. Diana

Utilisation d'indicateurs de substitution

QU'EST-CE QU'UN INDICATEUR DE SUBSTITUTION?

Les indicateurs de substitution sont des indicateurs parallèles qui reflètent de manière plus directe le phénomène ou la caractéristique à mesurer. Les indicateurs de substitution peuvent servir d'indicateurs de ciblage. Un indicateur de substitution ne peut pas remplacer parfaitement un indicateur plus direct: on s'en sert lorsqu'ils sont simples et moins onéreux à utiliser que les indicateurs directs mais qu'ils fournissent quand même des informations utiles. Lorsque les indicateurs directs tendent à comporter d'importantes erreurs de mesure, comme lors de la mesure des revenus du ménage ou de la quantité d'aliments consommés par jour obtenues par des méthodologies de rappel, les indicateurs de substitution peuvent avoir autant de validité et d'utilité pour faire le tri entre les personnes qui souffrent d'insécurité alimentaire et nutritionnelle et celles qui n'en souffrent pas. Dans d'autres cas, l'application d'un indicateur de substitution pour le ciblage pourra augmenter les erreurs d'inclusion et/ou d'exclusion. Ce risque devra être mis en balance avec les coûts de ciblage supplémentaires que l'on engagerait en appliquant un indicateur direct plutôt qu'un indicateur de substitution.

Pour obtenir indirectement des informations sur les apports en micronutriments, on pourra utiliser des questionnaires de fréquence alimentaire en introduisant des mesures de variété alimentaire. Ce type d'information est beaucoup moins coûteux à obtenir que celui basé sur le rappel alimentaire quantitatif ou sur des examens biochimiques du statut en micronutriments.

Un des principaux inconvénients concernant l'utilisation d'indicateurs de substitution est qu'ils sont par nature spécifiques d'un contexte. Le large éventail des contextes sociaux dans lesquels sont menées les actions de sécurité alimentaire et nutritionnelle conduira souvent à de grandes différences dans le choix de l'indicateur de substitution qui sera le plus étroitement associé à l'indicateur direct.

Les indicateurs de substitutions des revenus d'un ménage comprennent:

· le sexe ou l'âge du chef de famille;

· la présence de personnes en âge de travailler au sein du ménage (proportion de dépendants);

· le contexte ethnique, la classe sociale ou la caste;

· la taille de l'habitation familiale ou le nombre de pièces;

· le type de matériaux de construction utilisés pour le toit, le sol et les murs de l'habitation;

· la possession de biens importants comme des terres, du bétail et des objets de luxe;

· la position géographique du ménage.

VÉRIFICATION DES INDICATEURS DE SUBSTITUTION

Pour décider de la valeur d'un indicateur de substitution, celui-ci devra être vérifié dans chaque situation pour établir son degré d'association avec des indicateurs plus directs, à l'aide de méthodes soit quantitatives, soit qualitatives.

Méthodes quantitatives. Les données recueillies sur les ménages par des méthodes d'échantillonnage permettent de vérifier les différentes mesures de substitution en les comparant à un indicateur qui sera plus directement lié à l'objectif du programme. C'est ce que l'on appelle l'indicateur «repère». Par exemple, pour sélectionner les ménages victimes d'insécurité alimentaire chronique, des mesures comme les dépenses alimentaires par personne ou les rations énergétiques quotidiennes (ou le pourcentage des besoins énergétiques quotidiens par rapport à la ration consommée) pourront convenir comme indicateurs repères. De même, si l'objectif du ciblage est d'identifier les enfants mal nourris de moins de cinq ans, de nombreuses mesures de substitution pourront être testées en les comparant à une mesure repère dérivée des mesures anthropométriques.

Deux éléments devraient présider au choix d'un indicateur de substitution: l'étroitesse de son association statistique à un indicateur repère et la possibilité de réaliser des économies en utilisant cet indicateur de substitution plutôt qu'une mesure plus directe. Parmi une série d'indicateurs de substitution ayant une association statistique significative avec l'indicateur repère, le meilleur indicateur de substitution pour le ciblage sera celui qui réduira au minimum les taux de non-participation et de perte, en tenant compte de coûts de ciblage donnés, y compris les coûts de collecte et de d'analyse d'informations.

Méthodes qualitatives. Des méthodes quantitatives peuvent aussi être utilisées pour identifier des indicateurs de substitutions pour le ciblage, particulièrement lorsque les coûts de recueil et d'analyse de données doivent être restreints ou que la capacité technique du personnel du programme ne permet pas une analyse complexe de données statistiques. Même si l'indicateur de substitution identifié par des méthodes qualitatives ne montre qu'une faible association statistique avec l'indicateur repère, un certain niveau de ciblage donnera probablement de meilleurs résultats pour le programme que si le choix des bénéficiaires et l'allocation des prestations avaient été établis au hasard.

Les femmes chefs de famille comme indicateur de substitution du niveau de pauvreté

Une étude conduite au Pérou a examiné s'il convenait d'utiliser comme moyen sûr d'identification des ménages pauvres le sexe du chef de famille. En utilisant des données communiquées dans le cadre d'une enquête nationale, 17 pour cent de tous les ménages au Pérou ont été catégorisés comme ayant une femme à la tête du foyer. Pourtant, les ménages dirigés par des femmes n'étaient pas sur représentés parmi les ménages les plus pauvres: ils ne représentaient que 20 pour cent du segment le plus pauvre («quintile») de la population. Cibler le «quintile» le plus pauvre de la population en se basant uniquement sur les femmes-chefs de famille conduirait donc à un niveau de non-participation très important, soit 80 pour cent des foyers appartenant au segment le plus pauvre de la population. Le taux de perte serait également considérable, puisque 76 pour cent des ménages dirigés par des femmes n'en font pas partie.

L'étude note que la notion de chef de famille rapportée par les personnes interrogées ne tient pas compte d'éléments importants contenus dans le concept du chef de famille typique: identification de la personne dont la présence est la plus fréquente dans le ménage, celle dont l'autorité est prépondérante dans les décisions du ménage, ou encore celle qui subvient principalement aux besoins économiques du ménage. Pour servir à l'élaboration du programme, la définition du chef de famille doit être en rapport étroit avec le problème à traiter. Quand il s'agit de cibler la pauvreté, la définition du chef de famille doit permettre d'identifier la source principale de soutien économique du ménage.

Au lieu d'utiliser les données communiquées sur le chef de famille, les chercheurs ont élaboré un indicateur associant chef de famille et travail. Il est basé sur la proportion totale d'heures accomplies sur le marché du travail et passées à la production de produits domestiques (à l'exclusion des travaux ménagers). Selon cette définition, la notion de «femme-chef de famille» sera mieux en mesure d'identifier les ménages pauvres, comme le montre une série d'indications en provenance de différents pays en développement:

a le travail des femmes en dehors du foyer tend à s'accroître avec le niveau de pauvreté;

b dans les ménages les plus pauvres, les femmes passent plus d'heures au travail que les hommes;

c dans les pays les plus pauvres, les femmes consacrent plus de temps à des activités génératrices de revenus que dans les pays moins pauvres.

D'après cette définition (association chef de famille/travail), on a recensé au Pérou 29 pour cent de ménages dirigés par des femmes. Pourtant, dans la tranche la plus pauvre de la population («quintile»), 34 pour cent des foyers avaient une femme à leur tête. Dans des cas semblables, en basant le ciblage sur l'association chef de famille/travail, on s'expose encore à des niveaux élevés de non-participation et de déperdition. L'étude conclut que, pour les besoins du ciblage, il serait plus utile d'avoir recours à des indicateurs plus directs de l'état de pauvreté que de se fier uniquement à la notion du sexe du chef de famille.

Choix des critères d'éligibilité

Les critères d'éligibilité sont l'élément le plus important pour l'établissement et la mise en œuvre d'un plan de ciblage et devraient être directement liés aux objectifs du programme. Par exemple, les critères pertinents pour les programmes portant sur la prévention et la surveillance des anémies par carence en fer seront différents de ceux visant à la prévention de la malnutrition protéino-énergétique (MPE) chez les enfants. Les critères choisis devraient être bien compris à la fois par le personnel du programme et les bénéficiaires du programme, et ils devraient être appliqués correctement par le personnel du programme.

Un objectif de programme bien défini permettra l'identification de critères d'éligibilité appropriés en se référant aux résultats spécifiques et intermédiaires d'un programme plutôt qu'à ses objectifs et résultats d'ensemble. Par exemple, si l'objectif principal d'une activité est la réduction de la malnutrition infantile, son objectif spécifique pourra être l'amélioration des pratiques nutritionnelles des mères, comme l'introduction du sevrage à l'âge de six mois, par le biais de l'éducation nutritionnelle. De la même manière, même si l'objectif global d'un projet de micro-crédit est la réduction de la pauvreté, le simple fait d'être pauvre ne sera pas le meilleur, ou du moins le seul, critère d'éligibilité. D'autres critères appropriés pourront inclure, au niveau du ménage ou de l'individu, des caractéristiques propres à un segment particulier de la population pauvre, celle qui n'a absolument aucun accès au crédit mais pour qui un tel accès pourrait augmenter les revenus.

Des critères objectifs et opérationnels, exprimés sous la forme d'indicateurs, sont nécessaires pour identifier la population cible de manière claire. Par exemple, lorsque l'objectif d'un programme alimentaire et nutritionnel est l'amélioration de la sécurité alimentaire, le terme «sécurité alimentaire» englobe différents aspects liés à la disponibilité, à l'accès et à l'utilisation des produits alimentaires. On voit donc que le terme lui-même n'est pas assez spécifique pour être utile sur le plan opérationnel et permettre d'établir des critères de ciblage pertinents, ou pour identifier des groupes de population victimes d'insécurité alimentaire. Dans ce cas précis, il sera plus approprié d'identifier l'augmentation de la production vivrière comme un des objectifs spécifiques du programme, par exemple, et ensuite de sélectionner la tranche de population directement impliquée dans la production vivrière. De même, des objectifs spécifiques visant à améliorer l'accès aux aliments, qu'il s'agisse de l'accès physique aux marchés ou de l'augmentation du pouvoir d'achat, peuvent aider à l'élaboration de critères de ciblage objectifs et pertinents.

Si l'objectif du programme est la prévention de la malnutrition, la population qu'il conviendra de cibler devra inclure tous ceux qui sont à risque de malnutrition. Si l'objectif est d'améliorer l'état nutritionnel des enfants mal nourris, l'état nutritionnel du moment sera le critère de sélection approprié.

Identification et tri sélectif des bénéficiaires du programme

Lorsqu'on utilise des indicateurs de ciblage, la population cible doit d'abord être identifiée. Une fois cette étape accomplie, on procédera au tri sélectif ou à la confirmation de participation des membres d'une population cible. Dans des programmes ciblés administrativement, l'éligibilité des participants sera contrôlée au fil du temps. L'utilisation d'indicateurs de ciblage peut aider à classer la population d'après le niveau relatif de leurs besoins et séparer les personnes démunies des autres en appliquant comme critère un seuil déterminé. L'ampleur des besoins de chacun sera évaluée par rapport à un seuil selon le degré atteint par chaque personne nécessiteuse en dessous de ce seuil. Par exemple, plusieurs mesures de pauvreté fournissent des informations non seulement sur le pourcentage de la population qui descend en dessous d'un seuil de pauvreté donné, mais aussi sur la manière dont la population pauvre est distribuée le long de cette échelle de pauvreté (distance par rapport au seuil de pauvreté). Un autre exemple est la classification des enfants de moins de cinq ans accusant un retard de croissance en taille: retard «léger» (entre -1 et -2 ET), «modéré» (de -2 à -3 ET) ou «sévère» (plus de -3 ET).

Trois questions majeures doivent être abordées au moment de la mise en place du ciblage, aussi bien au niveau du ménage qu'au niveau individuel:

1 Comment les conditions d'éligibilité au programme seront-elles déterminées?

2 Avec quelle fréquence les informations seront-elles recueillies pour contrôler l'éligibilité des participants au programme?

3 Comment les ressources du programme seront-elles allouées aux personnes ou aux ménages sélectionnés sur la base des informations obtenues par le tri sélectif?

DÉTERMINATION DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ

Les bénéficiaires potentiels peuvent être sélectionnés soit par une identification passive, lorsque les bénéficiaires potentiels doivent se présenter dans les locaux du programme pour faire évaluer leur éligibilité, soit par une identification active, lorsque le personnel du programme doit rechercher les bénéficiaires potentiels par des visites à domicile et recueillir les informations nécessaires à l'établissement des critères d'éligibilité.

L'identification passive est une méthode relativement peu coûteuse pour obtenir les informations concernant l'éligibilité puisqu'elle requiert moins de temps de la part du personnel et peu de moyens logistiques. Toutefois il peut y avoir un préjugé vis à vis de l'auto-sélection parce que l'identification passive demande aux candidats d'accepter de supporter les coûts en temps pour se rendre dans les locaux du programme et pour attendre l'évaluation et les services. Il est possible que plus d'une visite soit nécessaire si les candidats ne se munissent pas la première fois des documents requis pour l'examen de leur éligibilité. Ceci augmentera pour eux les coûts en temps. Les méthodes d'identification passive peuvent aussi limiter la capacité du personnel du projet à vérifier les informations socio-économiques qui pourraient autrement être observées au cours des visites à domicile. L'identification passive est assez courante dans les dispensaires où l'on surveille la croissance.

L'identification active élimine le problème de l'auto-sélection dans la collecte d'informations sur le ciblage, mais elle entraîne souvent des coûts supplémentaires importants en temps passé par le personnel, en transport et pour le traitement des données. L'identification active nécessite une couverture proche du recensement de la population définie comme population à risque dans toute la zone envisagée par le programme. Il n'est pas possible d'utiliser des méthodes d'échantillonnage: elles pourraient conduire à exclure du processus de sélection une partie des ménages ou des personnes remplissant les conditions d'éligibilité. Dans ce cas, on pourra trouver plus économique de combiner un ciblage communautaire à un ciblage administratif, parce que les membres de la communauté interrogés peuvent aider à identifier les ménages ou les personnes correspondant le mieux aux critères d'éligibilité. Avec une telle approche, un recensement au niveau de la communauté ne sera peut-être pas nécessaire. Les méthodes d'identification active permettent aussi au personnel du programme de vérifier de manière subjective les informations sur la situation socio-économique, en se basant sur leurs propres observations des conditions de vie. Ce type de méthode est mieux adaptée quand la zone du programme est relativement restreinte, quand la population à risque est plus concentrée géographiquement et/ou quand les prestations du programme sont suffisamment importantes pour justifier des coûts de recueil d'informations plus élevés.

FRÉQUENCE DES COLLECTES D'INFORMATION POUR LE CONTRÔLE DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ

Le choix de la fréquence des examens par tri peut avoir des implications importantes pour l'efficience du ciblage et l'impact du programme. Cela dépend beaucoup de la situation d'insécurité alimentaire à laquelle le programme doit faire face. La situation est-elle changeante, temporaire? Les participants au programme vont-ils ou pourront-ils réagir rapidement pour atteindre ou retrouver des conditions de sécurité alimentaire et nutritionnelle, avec ou sans l'aide du programme? Une catastrophe naturelle pourra par exemple toucher de nombreux ménages. Pourtant, certains seront capables de revenir rapidement à leurs conditions antérieures de sécurité alimentaire et nutritionnelle, d'autres plus lentement et d'autres pas du tout. Lorsque les facteurs chroniques et structurels sont responsables de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, les changements seront lents. Dans le cas d'une catastrophe naturelle, des tris sélectifs trop espacés pourront entraîner, au fil du temps, des erreurs d'inclusion, et parfois d'exclusion, importantes. En revanche, lorsqu'il s'agira de facteurs chroniques ou structurels, on pourra procéder à des tris sélectifs moins fréquents. La fréquence des sélections par tri et des contrôles d'éligibilité augmente les coûts d'information: il conviendra de les mettre en balance avec les coûts que représentent pour le programme les erreurs d'inclusion et les coûts sociaux causés par les erreurs d'exclusion. On envisagera dès la phase de sélection la mise en place de règles de sortie claires, en gardant peut-être à l'esprit la durabilité des effets du programme.

COMMENT ALLOUER LES RESSOURCES DU PROGRAMME

L'identification par tri sélectif des ménages ou des personnes remplissant les conditions d'éligibilité est liée de manière étroite à l'allocation de l'aide alimentaire et/ou des services aux participants. Il est rare pourtant que les informations recueillies au cours du tri sélectif puissent servir de manière directe à déterminer le niveau de l'aide à attribuer à chaque personne ou ménage. Il conviendra d'élaborer une sorte de règle d'allocation administrative ou technique pour pouvoir lier les informations du tri sélectif à la distribution de fait des biens et des services. Cette allocation pourra être fixée soit par tête, par exemple des rations alimentaires de taille ou de composition appropriées, soit par degré en fonction de grandes catégories qui définiront les différents niveaux de besoins.

La méthode et la fréquence du tri sélectif peuvent aussi avoir une influence sur l'allocation des prestations du programme. Lorsque les informations sont collectées de manière continue, par exemple par l'intermédiaire de la surveillance de la croissance au dispensaire, les prestations sont souvent fournies aux ayants-droit par ordre d'arrivée. Dans le cas de collectes moins fréquentes, on pourra mettre en place des règles de priorité supplémentaires pour la distribution des prestations du programme.

Dans le programme de bons d'alimentation de la Jamaïque, les travailleurs sociaux effectuent des visites à domicile sur un cycle bimensuel: au cours du premier mois du cycle, ils recueillent des informations auprès des ménages remplissant les conditions d'éligibilité et au cours du second, ils distribuent les bons d'alimentation. Le fait que le recueil d'informations soit antérieur à la distribution de l'aide permet d'avoir une bonne image des priorités au cas où les ressources s'avèreraient insuffisantes pour les besoins de tous les ayants-droit. Dans le programme ICDS en Inde, qui fournit des rations complémentaires sur la base d'informations continues collectées en dispensaire au cours de visites de surveillance de la croissance, les rations sont distribuées par ordre d'arrivée. Dans ce cas, l'établissement des priorités se fait uniquement de manière informelle, lorsque les fournitures dans les centres sont limitées et que le personnel réserve les rations aux cas de malnutrition les plus sévères.

Tableau 1 Options pour la collecte d'informations par tri sélectif sur les ménages ou les personnes:

OPTION

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

ÉLÉMENTS RELATIFS AUX COÛTS

CIRCONSTANCES APPROPRIÉES

IDENTIFICATION PASSIVE

Recueil d'informations sur place sans vérification

Simple et peu coûteux

Possibilité d'une non-participation élevée

Sujet aux inexactitudes et aux fausses déclarations de la part des participants

Coûts minimes en temps de personnel

Prestations restreintes, uniques, nécessitant une décision immédiate, comme la prise en charge de frais hospitaliers

L'agent est basé dans la communauté et connaît suffisamment les candidats pour détecter les fausses déclarations

Recueil d'informations sur place avec des mesures directes par le personnel du programme

Plus précis et toujours peu coûteux

Vérification objective et possibilité d'intervention immédiate

Possibilité d'une non-participation élevée

N'est pas toujours approprié

Coûts minimes en temps de personnel

Coûts d'équipement et de formation du personnel

Tri sélectif multiple pour des prestations faibles à moyennes

Limité à des activités où les caractéristiques biophysiques des candidats sont utilisées comme critères de ciblage

Recueil d'informations sur place avec les documents de vérification fournis par les candidats

Plus précis et toujours peu coûteux

La fourniture de documents incombe au candidat, avec un coût supplémentaire en temps minime pour le personnel

Possibilité d'une non-participation élevée

N'est pas toujours approprié

Coûts minimes en temps de personnel

Système d'information pour garder trace des documents de vérification

Prestations importantes

Groupes de candidats alphabétisés et membres de la société ordinaire, susceptibles d'avoir accès à des documents de vérification

IDENTIFICATION ACTIVE

Visites à domicile pour le tri sélectif

Permet une vérification subjective du niveau de vie et d'autres informations

Coût élevé

Coûts importants en temps de personnel

Coûts de transport et de logistique

Prestations continues ou d'importance

Le personnel du programme ne connaît pas les candidats

Aucune possibilité de vérification écrite

Recherche pour identifier ceux qui ne participent pas

Améliore la précision du ciblage

Diminue le taux de non-participation

Améliore l'ensemble des bénéfices sociaux de l'activité

Coût élevé

Coûts importants en temps de personnel

Ressources budgétaires supplémentaires pour apporter une aide aux candidats éligibles

Budget adéquat

Candidats potentiels regroupés géographiquement ou facilement identifiables par leur utilisation de services sociaux spécifiques


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