Page précédenteTable des matièresPage suivante

PREMIÈRE PARTIE


Arbres hors forêt,
facteur d'aménagement intégré
de l'espace rural et urbain

Eléments de réflexion


Photo 1. Stabilisation des dunes et protection des cultures. (© Braatz/FAO)

Résumé

Dans tous les pays du monde, les préoccupations des populations rurales pour les arbres, forestiers ou non, se rejoignent sur les questions d'usage, de disponibilité et de pérennité de la ressource en termes de produits et de services. Pour ces hommes et ces femmes, les ressources ligneuses des champs ne sont pas séparées des ressources forestières et leurs dynamiques sont intimement liées. Pour les décideurs et les aménageurs, ces mêmes ressources sont des entités différentes et force est de constater que les arbres hors forêt n'ont pas encore éveillé suffisamment leur intérêt. Décrire et comprendre la dynamique des arbres et arbustes sur les terres rurales et urbaines et la relier à la dynamique forestière devraient conduire à une meilleure appréhension de la gestion des arbres hors forêt vers un aménagement intégré et durable des ressources naturelles et des terres forestières, agricoles, pastorales et urbaines.

Définition, intérêt et portée du concept

La définition des arbres hors forêt, néologisme apparu en 1995, n'est pas directe, car il s'agit d'une notion définie par rapport à la forêt et par défaut. D'après la FAO, il s'agit des «arbres sur des terres n'appartenant pas à la catégorie des terres boisées qui incluent les forêts (ou terres forestières) et les autres terres boisées». Selon cette définition, les arbres hors forêt sont localisés sur les «autres terres», c'est-à-dire sur les terres agricoles, sur les terres bâties (établissements humains et infrastructures) et sur les terres nues (dunes, anciennes mines, etc.). De nombreuses ambiguïtés peuvent toutefois surgir sachant, d'une part, que la frontière n'est pas toujours nette entre ce qui est défini comme forêt et ce qui ne l'est pas et, d'autre part, qu'il existe plusieurs définitions de la forêt.

De nombreux paramètres influencent la définition des forêts, tels que la caractérisation de la formation boisée (hauteur, couvert arboré), les critères de classification (occupation du sol, utilisation des terres) et le champ couvert par la définition elle-même (à portée biologique, législative). Ces déterminants peuvent se superposer, se contredire et différer d'une situation à l'autre. Il n'y a pas de systèmes de classification unique de la forêt qui puisse satisfaire tous les points de vue. Ceci devient une véritable gageure s'il s'agit d'arrêter une définition universelle de l'arbre hors forêt. Ce qui est défini comme arbre hors forêt recouvre une grande variété de formations et d'espèces aux agencements variés et localisés dans de multiples environnements ruraux et urbains.

Lever ces difficultés n'est en rien anodin surtout quand il s'agit d'évaluer l'ensemble des ressources ligneuses et non ligneuses et de discuter de leur gestion dans une perspective d'aménagement des ressources naturelles. Car les arbres hors forêt apparaissent comme une des clés de la durabilité de ces ressources et un vecteur pour une approche multisectorielle intégrée, indispensable à la conservation des écosystèmes.

Fonctions et importance pour le développement

Dans tous les pays, les arbres répondent à nombre d'enjeux et ont potentiellement plusieurs usages. Ce constat se révèle plus évident pour les arbres hors forêt, car les défis relevés interpellent beaucoup plus la société et les avantages concernés sont plus nombreux. C'est peut-être bien là une de leurs caractéristiques principales. Les fonctions qu'ils assurent dans les domaines social, économique et écologique sont les unes et les autres tout aussi déterminantes pour la qualité de vie des populations, le soutien des économies nationales et la protection de l'environnement.

Généralement accusées d'exploiter à outrance les ressources, les populations, qui connaissent bien l'éventail des potentialités des arbres hors forêt, assurent réellement un rôle de gardien à leur égard, qu'ils soient spontanés ou plantés. On sait que les arbres hors forêt représentent pour les êtres humains et les animaux une source alimentaire importante, participent à l'équilibre nutritionnel et entrent dans les traitements de santé. Dans certaines régions du monde, une part non négligeable du bois-énergie, du bois d'œuvre et du bois de service provient des arbres hors forêt. On sait également que les systèmes agroforestiers et les vergers sont source de bois de feu et de bois d'œuvre. De même, on connaît les multiples usages des arbres hors forêt dans la construction et l'artisanat et leur utilité pour donner de l'ombrage, délimiter les terres, marquer les espaces, sans parler de leurs rôles culturels et religieux. On est de plus en plus convaincu qu'ils ont un impact sur la conservation des sols, des eaux, de la diversité biologique et qu'ils sont nécessaires à la lutte contre la désertification, au contrôle du climat et au maintien des écosystèmes. Par contre, les arbres hors forêt sont une véritable ressource cachée; en effet on n'est pas en mesure d'évaluer la ressource en elle-même ni ses produits qui participent aux revenus des ménages. Il en est de même à l'échelle nationale, à l'exception des filières traitées au niveau international.

Examiner la question des ressources ligneuses et non ligneuses dans leur ensemble en termes de stratégies de recherche de revenus des paysans et de lutte contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté représente un défi. Intégrer d'emblée les arbres hors forêt dans la comptabilité des ressources et les politiques de développement et de conservation est une innovation dont les résultats et les effets auront sans nul doute un impact sur l'environnement.

Dynamique et évolution

L'importance des arbres hors forêt, aisément perçue à travers leurs usages et leurs services, est donc très peu illustrée par des données et des statistiques à l'échelle mondiale. En l'absence de ces informations, apprécier la dynamique des arbres hors forêt est délicat, tout en sachant qu'elle est souvent liée à celle des forêts et à celle de la démographie. Les études à l'échelle locale révèlent, selon les cas, des dynamiques de repli ou d'extension du couvert arboré, mais ne permettent pas de percevoir si les ressources arborées des terres agricoles pallient la régression des forêts.

Dans les pays en développement, l'extension de l'agriculture et les fronts pionniers ont considérablement éclairci les formations végétales des zones tropicales. Le défrichement des terres est, dans bien des cas, suivi d'une phase de mise en place de systèmes de production intégrant l'arbre à des fins d'approvisionnement en produits ligneux et non ligneux. Dans les pays industrialisés, le développement agricole, passant par la mécanisation, l'irrigation, l'agrandissement des parcelles et des exploitations, le remembrement des terres, est responsable de l'éviction progressive de la plupart des arbres des paysages ruraux. En outre, à la conversion des forêts en terres agricoles s'oppose une tendance inverse, où le paysage rural s'enrichit d'arbres. Par ailleurs, dans les pays en développement, les villes, dont la croissance anarchique et spontanée s'est accompagnée d'un phénomène de paupérisation, ont vu le retour d'activités agricoles en leur sein. Dans les pays industrialisés, les haies, les prés-vergers, les ripisylves font l'objet d'actions de conservation et de restauration et l'arbre urbain a pris un essor considérable depuis une trentaine d'années.

Comprendre ce qui sous-tend la dynamique progressive de l'arbre pour l'accompagner là où elle a été observée et encourager des processus similaires est nécessaire. Le croisement des informations sur les dynamiques forestières et ligneuses des terres agricoles et urbaines, soutenu par des recherches approfondies dans le domaine, donnerait une appréciation plus juste de l'évolution des arbres hors forêt à l'échelle mondiale. Ces études permettraient de confirmer les tendances de repli ou d'extension observées localement et de faciliter leur prise en compte dans l'aménagement intégré du territoire.

Politiques et législations

Les institutions forestières étendent généralement leurs prérogatives à la gestion de toutes les ressources forestières, y compris celles des formations basses et denses et celles des milieux parsemés d'arbres. Les arbres hors forêt sont régis par les législations forestières ou agricoles, parfois les deux, parfois ils ne relèvent ni des unes ni des autres. Les lois forestières définissent les terres forestières et rarement l'arbre. Un décalage est fréquemment observé entre le statut juridique des terres et leur couvert forestier, les deux ne concordant pas systématiquement. Les lois forestières peuvent s'appliquer sur tout espace qui a vocation à devenir forestier et, finalement, donnent compétence à l'administration forestière pour agir sur une grande partie du territoire, même sur des terres agricoles. Quelques lois ont pris en compte les systèmes ruraux de production, permettant aux populations d'intervenir dans la gestion et l'exploitation des arbres. Certains pays se démarquent en ayant transféré, au plan législatif, des droits aux usagers, ce qui peut inciter les utilisateurs de l'arbre à la plantation. Cependant, les législations nationales traitent insuffisamment les questions d'investissement privé dans les ressources ligneuses, même pour celles situées en dehors de la forêt.

Les arbres en dehors des systèmes et peuplements forestiers relèvent aussi bien du domaine privé que du domaine public. Sur le plan juridique ou foncier, le statut des terres où pousse l'arbre détermine, souvent, en premier lieu les droits; est ensuite pris en compte le fait que l'arbre ait été planté ou non. La tenure de l'arbre est influencée par la nature de l'arbre (sauvage, planté), des usages (subsistance, commercial) et du régime foncier (privé, communautaire). Dans les pays industrialisés, la propriété du sol induit souvent la propriété des ressources qui prospèrent sur ce sol, en dessous et au-dessus et, de ce fait, oriente l'accès aux ressources. Dans les pays en développement, il est fréquent que l'appropriation de l'arbre précède et entraîne celle de la terre, comme en témoignent aujourd'hui les stratégies foncières déployées par les pionniers.

Dans de nombreux pays, des règles coutumières d'occupation du sol et d'usage des ressources sont en vigueur. Ces règles, très diverses, peuvent se superposer aux dispositions légales ou entrer en contradiction avec elles. Le régime foncier coutumier démontre une certaine capacité à s'adapter aux changements. Il rend compte du rapport aux ressources et des représentations au sein de la société. Certains principes coutumiers sont récurrents à de multiples régions, il s'agit de l'appartenance au lignage, de l'ancienneté de la résidence, de divers critères tels que le sexe, l'âge, la classe sociale, l'ethnie.

L'insécurité foncière est généralement perçue comme un facteur de dégradation des ressources et l'appropriation privée comme le moyen de remédier à cette dérive. Toutefois, l'expérience montre que la détention de droits privés ne garantit aucunement une bonne gestion. La privatisation des terres est une façon d'assurer une sécurité foncière, mais elle n'est ni la seule, ni la meilleure. Des dispositions législatives devraient favoriser la responsabilisation des collectivités vis-à-vis des arbres hors forêt, ce qui reviendrait à permettre des usages raisonnés des ressources, plutôt que de tenter d'appliquer des interdits.

Appropriation et usages locaux

Les populations se trouvent étroitement et continuellement liées à la dynamique des arbres hors forêt. Qu'elles soient soumises à l'agriculture itinérante, aux rotations de cultures avec jachère, à l'élevage transhumant ou à d'autres pratiques agrosylvopastorales, les terres boisées et les terres agricoles sont une même réalité exploitée successivement. Localement, une interaction entre la gestion des forêts et celle des terres agricoles existe et la liaison entre leurs dynamiques est effectuée. La gestion de l'arbre dans les sociétés agricoles ne revêt pas les mêmes caractéristiques que celles prévalant en milieu pastoral et le recours à des pratiques différenciées est observé en fonction des personnes les exerçant.

Dans une période où les situations de crise, non seulement économique mais aussi sociale et familiale, se multiplient, les sources de revenu se restreignent, les inégalités sociales se creusent et les schémas de production se modifient. La rareté de la main-d'œuvre pour beaucoup d'exploitations familiales infléchit l'intensification des systèmes de production. Sachant que les arbres demandent moins de travail que les autres cultures, l'arboriculture peut devenir intéressante.

Toutes ces pratiques de gestion, qui visent avant tout la pérennité des systèmes de production, se fondent sur le fruit de savoirs techniques autochtones ou locaux, qui ont évolué au fil du temps pour s'adapter aux aléas écologiques, économiques et politiques. Cette relation homme-nature est encore trop peu analysée et demanderait à être approfondie pour décrire, non seulement les usages et les pratiques, mais aussi les représentations que se font les hommes et les femmes de leur environnement. Elle est porteuse de significations qui se lisent à travers les langues et les cultures et qui informent sur les connaissances des populations en matière écologique. Rendre compte du savoir des sociétés humaines, c'est donc appréhender le sens qu'elles accordent à leurs ressources naturelles, dont les arbres hors forêt constituent un maillon indispensable.

Vers une gestion intégrée

L'étude de l'évolution des rapports entre les sociétés et les ressources arborées met en évidence une forte relation entre pauvreté et surexploitation. Il convient donc de replacer les sociétés au centre des questions traitant de la durabilité des écosystèmes, tout en veillant à un partage et à une répartition plus égalitaires des ressources et des bénéfices. Des travaux ont fait état de l'inadaptation de paquets technologiques, en termes de coût, mais aussi d'intériorisation culturelle et de dégradation écologique. Certains choix agronomiques modernes, à travers leurs interventions sectorielles, ignorant le fondement de la rationalité technique et socio-économique des paysans, ont contribué à détruire les liens qui existaient entre l'arbre, les modes de production et la population. Ces choix, quand bien même ils génèrent des devises indispensables aux économies nationales, bouleversent les modes traditionnels de gestion.

Ces dysfonctionnements trouvent également leurs sources dans l'extraversion des économies agricoles ainsi que dans l'accroissement et la nouveauté des besoins des agglomérations urbaines en produits forestiers ligneux et non ligneux, créant ainsi un surenchérissement de la valeur économique des arbres hors forêt. La croissance de la population, s'accompagnant d'une accélération de l'urbanisation, demande, afin de répondre aux défis que cela sous-tend, de conserver suffisamment d'arbres, sous diverses formes et dispositions dans l'espace rural et urbain. Il s'agit dès lors de discerner les pratiques des différents acteurs et d'identifier leurs enjeux, sinon les conflits entre parties prenantes vont s'intensifier, leurs stratégies se heurter et la relation ville-campagne être affectée négativement.

Stratégies de promotion et d'appui

Désormais, pour des stratégies efficaces de promotion et d'appui, les visées politiques ne peuvent être dissociées des contraintes économiques et sociales. Les solutions doivent être envisagées conjointement par les différents acteurs et les mesures d'accompagnement respectueuses des options retenues, inscrites dans un cadre institutionnel adapté aux réalités.

D'ores et déjà, les grandes initiatives et conventions internationales, bien qu'elles aient rarement mentionné de façon explicite les arbres hors forêt, ont témoigné d'une volonté d'associer directement les populations à la gestion des ressources locales. Le développement durable exige la responsabilisation des parties prenantes. Les orientations pour la promotion des arbres hors forêt sont semblables pour toutes les régions du monde: prise de conscience, responsabilisation, concertation, participation, auxquelles s'ajoutent la révision des législations, des mesures d'accompagnement accessibles et adaptées aux besoins et capacités, la négociation des mécanismes économiques. Des législations, non sectorielles et non contradictoires, tenant compte des droits sur la terre et sur les arbres, doivent être énoncées afin de tendre à la sécurisation foncière. De même, la fiscalité peut aider à valoriser les arbres hors forêt par le biais d'outils économiques, tels que taxes, redevances, quotas, marchés de carbone, subventions, primes, écocertification et labellisation, passant par des accords et contrats avec les populations rurales. Un effort important doit être effectué pour développer une recherche-développement novatrice, des campagnes de vulgarisation de techniques et technologies adéquates et des programmes de formation accessibles à tous les acteurs.

En définitive, c'est à la motivation des acteurs économiques, agriculteurs, éleveurs, élus locaux, associations, qu'il faut faire appel pour insuffler une réelle dynamique de gestion des arbres hors forêt.

Arbres hors forêt et systèmes de production

Pour illustrer la diversité des systèmes dans lesquels se rencontrent les arbres hors forêt et les problématiques qui leur sont associées, trois exemples ont été choisis. Chacun renvoie à des questions abordées dans les chapitres précédents, qu'il s'agisse de la définition même de l'arbre hors forêt, de ses fonctions écologiques et économiques ou de sa place dans l'aménagement intégré du territoire.

Dans le premier exemple, celui des agroforêts d'Indonésie, on aborde le problème d'un écosystème fortement humanisé, dont le statut forestier (de forêts d'arbres résiduels et plantés par les paysans) ou agricole (d'arbres hors forêt à vocation agricole) reste encore à déterminer. L'affinité «forestière» de ces formations est en effet une résultante des itinéraires techniques choisis, et non une fin en soi pour les paysans. Cet exemple renvoie à la définition même des arbres hors forêt, qui ne peut que s'enrichir de l'étude de ces systèmes complexes.

Le deuxième exemple concerne les plantations de caféiers réalisées dans des conditions suboptimales de culture en Amérique centrale et au Mexique, qui associent souvent des arbres d'ombrage. Ces systèmes agroforestiers présentent de multiples avantages, tant agronomiques, qu'écologiques et économiques. Ils sont au cœur des préoccupations de durabilité des terroirs.

Le troisième exemple est celui des systèmes linéaires, urbains et ruraux, dont l'importance est souvent sous-estimée. Si en milieu urbain la prise de conscience de leur intérêt est presque toujours acquise, il en va autrement dans les zones rurales, où bien souvent ils disparaissent, victimes du remembrement ou de l'intensification agricole. Leur gestion, voire leur conservation, relève d'une politique d'aménagement intégré du territoire, qui doit avant tout tenir compte du contexte social dans lequel ces systèmes linéaires s'inscrivent.

Evaluation: enjeux et objectifs

Pour examiner les principaux enjeux de l'évaluation, une étude bibliographique et une analyse critique de projets d'inventaire ou d'évaluation ont été conduites, illustrant des situations contrastées, tant du point de vue de leur contexte géographique ou humain que par celui de leur échelle de travail.

L'étude bibliographique a mis l'accent sur l'absence d'une évaluation globale des arbres hors forêt et de leurs produits. Les informations disponibles proviennent de projets sectoriels, souvent limités géographiquement, qui utilisent des méthodes différentes et finalement souvent éloignées de celles employées pour l'évaluation des forêts. L'autre point important concerne la difficulté d'apprécier la qualité des chiffres fournis.

L'enjeu de l'évaluation qui s'affiche en priorité est de connaître l'état et la dynamique de la totalité des ressources ligneuses, à l'intérieur comme à l'extérieur des forêts. Un classement des enjeux selon les échelles spatiales montre bien l'importance des arbres hors forêt et de leur évaluation par rapport aux grandes préoccupations actuelles: sécurité alimentaire, besoins en produits forestiers, gestion durable, séquestration du carbone, conservation de la diversité biologique. Une difficulté pour conduire les évaluations réside également dans le choix d'objectifs réalistes satisfaisant l'ensemble des secteurs et des acteurs concernés. Cette étape toujours cruciale pour les évaluations forestières l'est encore davantage pour cette ressource à la fois complexe spatialement, très diversifiée dans ses usages et ses fonctions, et surtout très sensible par sa relation avec les populations. Si ces caractéristiques traduisent bien la richesse de ces systèmes, elles annoncent l'ampleur des difficultés pour les décrire qualitativement et quantitativement.

Evaluation: méthodes et dispositifs

Pour conduire une évaluation des arbres hors forêt qui prenne en compte leurs particularités, il faut avant tout faire le point sur les outils et les méthodes qui existent ou qui devraient être développés. Une classification de ces arbres, qui permette à l'échelle d'un pays d'asseoir un véritable aménagement intégré du territoire, est nécessaire. Il est alors indispensable de bien distinguer les aspects d'occupation du sol de ceux d'utilisation du sol, qui constituent souvent un obstacle au bon déroulement d'une évaluation.

Les outils et les méthodes de l'évaluation des arbres hors forêt ne sont pas spécifiques ou nouveaux: c'est davantage la manière de les mettre en œuvre ou de les combiner qui est originale. Dans ce processus, il est nécessaire d'intégrer deux démarches, celle de l'analyse biophysique et celle de l'analyse socio-économique. Pour caractériser spatialement les formations ligneuses en dehors des forêts, les photographies aériennes à grande échelle donnent de bons résultats. Les données satellitaires sont plus délicates à exploiter pour cartographier cette ressource souvent diffuse; actuellement, elles sont utilisées pour stratifier une région sur la base de critères écologiques et d'utilisation du sol. Pour les mesures de terrain, les dispositifs d'échantillonnage mis au point pour les forêts ne sont pas réellement adaptés aux types de répartition spatiale des arbres hors forêt. Des plans d'échantillonnage moins traditionnels peuvent sembler, en théorie, mieux adaptés à cette ressource. Ils mériteraient d'être testés sur différentes catégories d'arbres hors forêt et surtout sur des superficies significatives.

Enfin, plus encore que d'estimer cette ressource à un moment donné, il est essentiel pour le gestionnaire et le planificateur d'évaluer son évolution dans le temps et de définir des dispositifs adaptés à cette ressource et capables de fournir les informations nécessaires. Il est important de profiter de ces nouvelles réflexions pour revoir ou plutôt faire évoluer les visions sectorielles actuelles afin de se diriger vers une approche véritablement intégrée de ces systèmes.

Conclusions

Les conclusions reprennent les constats dressés tout au long du document qui s'adressent aux décideurs, planificateurs et aménageurs. Elles traitent principalement du concept même des arbres hors forêt, de leur évaluation et des mesures institutionnelles nécessaires à leur promotion et à la reconnaissance de leur valeur dans la société.

Introduction

Les arbres hors forêt, ressource dispersée aux fonctions multiples, souvent domestiquée, entretenue et cultivée, procurent de nombreux produits et services environnementaux. Les pratiques locales de mise en valeur, les réglementations légales ou coutumières, les représentations symboliques et culturelles sont autant de paramètres prouvant leur appropriation sociale. Cela est vrai autant pour les pays à faible couvert forestier que pour les pays aux ressources forestières abondantes.

Dans les premiers, la conservation des ressources ligneuses, voire leur extension, est stratégique. Les arbres hors forêt, que ce soit les arbres des vergers, des jardins, des campagnes et des villes, des savanes et des parcs agroforestiers, les arbres d'ombrage des cultures pérennes, y sont de véritables sources de produits ligneux et non ligneux indispensables à la subsistance quotidienne des populations, significatifs pour l'économie locale et nationale et inestimables pour la conservation de la diversité biologique.

Dans les seconds, la portée sociale est similaire ou apparemment moindre, la nécessité économique peut être identique ou présenter a priori moins d'urgence, mais l'exigence environnementale est tout aussi cruciale. Si l'élimination de tout arbre hors forêt est rarement envisagée, les dégradations des systèmes arborés hors forêt sont souvent irréversibles et les risques d'une détérioration des écosystèmes sont manifestes.

Dans tous les pays, les contraintes pour gérer les arbres hors forêt sont du même ordre. D'un côté, les communautés rurales et urbaines tentent, malgré l'insécurité foncière et des orientations économiques défavorables, de maintenir et de pérenniser ces systèmes arborés, qui reposent sur des connaissances et des pratiques transmises de génération en génération. De l'autre, les institutions, souvent soumises à des conditions matérielles et financières difficiles, doivent revoir des législations contradictoires, se confronter aux règles drastiques du marché international et tendre vers l'harmonisation des stratégies locales avec les politiques d'intérêt collectif.

De façon générale, les ressources des arbres hors forêt sont encore insuffisamment prises en compte dans l'aménagement intégré et la gestion durable des terres forestières et non forestières, qu'elles soient rurales ou urbaines. Cependant, l'histoire de l'environnement et du développement témoigne de leur inscription progressive dans le champ des discussions scientifiques, économiques et politiques. Dans les années 70, la dégradation climatique apparente a provoqué une convergence des aides vers les pays frappés par la sécheresse et la désertification. Dans les années 80, les recherches en agroforesterie se sont multipliées privilégiant le rôle de l'arbre dans la fertilité des sols et le développement rural. En 1992, à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), l'environnement, le développement durable et la diversité biologique ont fait l'objet de débats. Au cours des années 80 et 90, les produits forestiers non ligneux ont capté l'attention et l'arbre, en particulier l'arbre hors forêt, a commencé à être envisagé dans sa contribution au bien-être des populations et à l'environnement. C'est alors que les aménageurs et les décideurs, évoluant dans leurs points de vue sur cette ressource multiforme, ont reconnu peu à peu qu'elle peut être une des clés du développement durable basé sur une approche multisectorielle.

Il reste cependant que, si les usages et les services multiples de ces ressources sont de plus en plus connus, les données et les informations quantifiées font défaut au niveau mondial. Alors que la déforestation est d'ores et déjà cartographiée et chiffrée, il est rarement fait état du devenir des anciennes terres forestières et de l'évolution parallèle du couvert arboré dans les champs et dans les villes. Ce qu'on sait des arbres hors forêt provient le plus souvent d'études locales. Les connaissances sont alors dispersées et résident beaucoup dans les savoirs des sociétés rurales.

Aussi, il est indispensable de mieux saisir leur importance socio-économique et environnementale à tous les niveaux, de comprendre davantage ce qui guide leur extension ou leur régression, d'apprécier mieux les mécanismes institutionnels qui les régissent, d'analyser avec finesse les pratiques et les savoirs qui les animent et d'étudier plus en profondeur les expériences liées à leur évaluation.

Cette première partie tente donc de suivre ce raisonnement en mettant en évidence l'importance des arbres hors forêt, les contraintes à lever et les forces à valoriser pour leur aménagement durable, ainsi que les dispositifs d'évaluation pour suivre leur évolution. La définition du contexte des arbres hors forêt est esquissée ainsi que leur contribution au développement, leur dynamique et leur gestion, tout en essayant de cerner les facteurs d'influence à considérer pour concevoir des stratégies de promotion. Une première revue des différents modes et outils d'évaluation de la ressource termine cette première partie.

Page précédentePage suivante