<font face color=#400000>Activités de la FAO en aquaculture: un exemple du Viet Nam

Activités de la FAO en aquaculture:
un exemple du Viet Nam


Raymon van Anrooy1 et Bede Evans2

1 Fisheries and Aquaculture Economist,
FAO Representation, Hanoi, Viet Nam.
[email protected] ou
[email protected]
2 FAO Fish Health Consultant,
Research Institute for Aquaculture No. 1, Bac Ninh, Viet Nam.





Introduction

Le Viet Nam possède d'abondantes ressources en eau, idéales pour les pêches et l'aquaculture: un littoral de 3 260 km de long, 112 estuaires, une Zone Économique Exclusive de un million de kilomètres carrés et plus de 4 000 �les formant de nombreuses baies, détroits et lagunes. Pour les pêches de capture marines, la production maximale équilibrée est estimée à 1,4 millions de tonnes par an. A ceci s'ajoutent les productions potentielles de l'aquaculture sur 1,4 millions d'hectares d'eau douce, d'eau saum�tre et d'eau marine. Cependant, la productivité aquacole moyenne est assez faible (250 à 300 kg/ha), comparée à celle obtenue dans d'autres pays de la région. En 2000, la production totale des pêches a été estimée à 1 969 000 tonnes, soit une augmentation de 15 pour cent par rapport à 1999. Cette augmentation a été réalisée malgré les sérieuses inondations qui ont affecté le delta du Mékong en 2000 et qui ont causé des pertes considérables au secteur de l'aquaculture. Ce niveau de production a été atteint par l'utilisation d'une flotte de 73 600 bateaux de pêche motorisés et par l'élevage de poissons et crevettes sur une surface d'eau estimée à 640 000 ha. Le Ministère des Pêches (MOFI) est cependant convaincu que cette production aquacole est sous-estimée parce que, dans certaines régions, jusqu'à 70 pour cent des riziculteurs élèvent du poisson dans leurs rizières, principalement pour la consommation domestique.

Depuis 1995, le nombre de bateaux de pêche motorisés a augmenté jusqu'à atteindre 5 578 unités, leur puissance totalisant actuellement 1 252 728 CV. Le nombre de ports de pêche et de lieux de débarquement dépasse maintenant les 700. En 2000, il y avait aussi plus de 250 entreprises transformant des produits de la pêche, leur capacité totale de transformation dépassant les mille tonnes par jour.

En 2000, la valeur totale des exportations de produits des pêches (y compris l'aquaculture) a atteint plus de US$1,3 milliards, une augmentation de 38 pour cent par rapport à 1999. Au cours du premier trimestre 2001, ces exportations ont été supérieures, à la fois en volume (+12 pour cent) et en valeur (+25 pour cent), à celles réalisées en 2000 pendant la même période.

Cette augmentation continue de la valeur de ces exportations est due à un certain nombre de raisons:

  • Forte demande des pays étrangers pour les crevettes, poissons-chats et seiches.
  • Amélioration des méthodes de conservation et de transformation, y compris modernisation des infrastructures et des équipements, afin de pouvoir appliquer le Système d'Analyse des risques - points critiques pour leur ma�trise (HACCP) et d'obtenir la certification ISO 9000.
  • Introduction de techniques de transformation augmentant la valeur des produits.
En juillet 2001, 61 compagnies ont été autorisées à exporter vers l'Union europé enne. Les données pour les six premiers mois de 2001 montrent que le Japon, les États-Unis et la Chine sont toujours les meilleurs marchés d'exportation pour les produits vietnamiens des pêches, avec des valeurs respectives de US$225 millions, US$210 millions et US$107 millions. Un important pourcentage de ces exportations provient des crevettes (principalement la crevette géante tigrée, Penaeus monodon). Bien qu'au cours du premier semestre de 2001 le prix des crevettes sur le marché mondial ait été sous pression, les exportations de ce produit au cours de cette période se sont élevées à plus de US$328 millions.

L'on estime à 3,4 millions le nombre de personnes employées dans le secteur des pêches, dont plus de 700 000 dans le sous-secteur de l'aquaculture. Le nombre de ces dernières a rapidement augmenté au cours de ces dernières années et l'on s'attend à ce qu'il continue à le faire, beaucoup de riziculteurs des régions còtières du centre du Viet Nam se convertissant à l'élevage des crevettes à cause de la mauvaise condition des sols pour la culture du riz.

Comptage d'alevins de poisson-chat avant de les distribuer aux bénéficiaires du projet FAO d'assistance d'urgence dans le delta du Mékong, province de Dong Thap (photo RVA 2001) Paysan ayant juste reçu des alevins du projet FAO d'assistance d'urgence, province de Dong Thap Paysans pisciculteurs du Projet des régions d'altitude du Nord, VIE/98/009 (photo RVA 2000)

Soutien de la FAO au secteur des pêches du Viet Nam

Au cours des deux dernières décades, la FAO a apporté au Viet Nam son expertise et ses connaissances en vue d'y utiliser les ressources en eau existantes et d'y développer davantage le secteur des pêches, y compris l'aquaculture. Dans les années 80, cette assistance s'est concentrée surtout sur le développement de la crevetticulture à grande échelle, afin d'augmenter la production alimentaire et, par l'exportation, les gains en devises étrangères. Depuis, les centres d'intérêt se sont élargis et ont concerné l'élaboration des politiques, la recherche, la vulgarisation et formation, les techniques d'élevage, la production et les techniques de transformation, le contròle de qualité, le soutien en gestion, ainsi que les questions relatives à la sécurité alimentaire et à l'allégement de la pauvreté.

La FAO et le gouvernement vietnamien ont l'intime conviction que l'aquaculture est un outil qui peut être utilisé pour garantir la sécurité alimentaire et contribuer à l'allégement de la pauvreté.

En 1999, la FAO a donc lancé la stratégie "Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté" (SAPA). Suite à de nombreuses réunions et groupes de travail organisés avec les donateurs bilatéraux (Département pour le développement international, Grande Bretagne, DFID; Organisme norvégien pour le développement international, NORAD; Agence danoise de développement international, DANIDA; Centre australien pour la recherche internationale en agriculture, ACIAR; Agence japonaise de coopération Internationale, JICA), les donateurs multilatéraux (Programme des Nations Unies pour le développement, PNUD; Banque asiatique pour le développement, ADB; Banque mondiale, WB) et des agences spécialisées (e.g. Réseau de centres aquacoles en Asie-Pacifique, NACA), une stratégie nationale a été mise au point en vue d'intégrer l'aquaculture dans le programme gouvernemental national "Éradication de la faim et réduction de la pauvreté" (HEPR). Le principal groupe cible de SAPA seront les pauvres des zones rurales o� existent des possibilités de diversifier et d'améliorer leurs moyens de subsistance par l'aquaculture. Du point de vue géographique, l'on se concentrera d'abord sur les régions montagneuses du Nord, les Hauts plateaux du Centre, les provinces còtières du Centre-Nord et le delta du Mékong (voir l'article de L.T. Luu dans ce numéro). La stratégie de mise en �uvre définie pour le programme SAPA devrait faciliter le soutien de divers donateurs au sous-secteur de l'aquaculture, par une coordination renforcée de leurs initiatives.

Piscicultrices du Projet des régions d'altitude du Nord, VIE/98/009 (photo RVA 2000) Commercialisation de poisson dans la province de Ha Tinh (photo RVA 2000)

Au Viet Nam, le développement de l'aquaculture a été ralenti par un certain nombre de facteurs. Dans beaucoup de régions, services de vulgarisation, services financiers et marchés sont peu accessibles. La FAO et le PNUD ont tenté de réduire ces contraintes et de permettre aux communautés rurales isolées d'exploiter le potentiel aquacole existant d'une fa�on durable, améliorant ainsi leurs moyens de subsistance. Le projet PNUD/FAO VIE/98/009, mis en �uvre dans les régions d'altitude du Nord, a démontré que l'aquaculture en régions montagneuses et isolées peut fournir les moyens de subsistance nécessaires aux populations pauvres. Ce sont les minorités ethniques vivant dans des régions isolées d'altitude qui en ont le plus bénéficié, des points de vue sécurité alimentaire et génération de revenu. L'approche de vulgarisation utilisée par le projet a été basée sur l'utilisation conjointe de fermes de démonstration et de Groupes d'action communaux de pisciculteurs. Cette approche a eu beaucoup de succès, un nombre croissant de paysans adoptant ou réadoptant des techniques piscicoles traditionnelles ou nouvelles.

La FAO a grandement assisté le secteur des pêches au Viet Nam dans les domaines de l'élaboration des politiques et du renforcement des institutions. L'examen des politiques concernant le secteur des pêches, financée par la FAO et complétée en 1993, a permis d'identifier de nouvelles possibilités de développement pour le secteur au cours de la période de transition économique. En 2000, la FAO a créé un Groupe de coopération et d'association (CPG), composé de MOFI et des principaux donateurs actifs dans le secteur des pêches. Il fournit une plate-forme pour le soutien au développement des politiques, renforce la collaboration entre les différents acteurs et permet d'éviter la duplication des efforts. De plus, la FAO a assisté au développement d'une nouvelle législation vietnamienne sur les pêches et, avec la collaboration du PNUD et de NACA, elle a aidé le gouvernement vietnamien à formuler la "Stratégie nationale pour la mise en quarantaine et la certification des animaux aquatiques" (voir article du FAN, vol. 26). L'assistance technique de la FAO a contribué à renforcer la capacité de recherche et de formation des Instituts de recherche en aquaculture dans les provinces de Ha Bac et Khanh Hoa ainsi que celle de l'Institut de recherche pour les produits de la mer dans la province de Hai Phong. Cette assistance technique a grandement contribué à augmenter la capacité et l'efficience institutionnelles de ces instituts. Ceci se reflète maintenant dans le développement rapide de l'aquaculture, continentale et còtière, et des pêches maritimes au Viet Nam.

Plusieurs requêtes d'assistance ont été faites à la FAO, par l'entremise de son Programme de Coopération Technique, par le gouvernement vietnamien. Cependant, aucune suite n'a encore pu être donnée à ces importantes requêtes, parce que l'assistance de la FAO a été requise d'urgence dans le delta du Mékong, suite aux graves inondations de 2000. Celles-ci ont réduit les moyens de subsistance de plus de cinq millions de personnes et ont causé la perte de plus de 370 vies humaines. Ce sont les ménages pauvres et ayant une activité aquacole qui ont été les plus touchés, la plupart d'entre eux ayant perdu leurs poissons juste avant la récolte. Dans beaucoup de cas, ceci a signifié aussi la perte totale de leurs investissements en alevins, travail et aliments. De plus, beaucoup d'entre eux ont acheté des filets pour encercler leurs étangs, mais le niveau des eaux étant monté plus haut que les filets, la plupart des poissons se sont évadés. Les ménages démunis se sont retrouvés sans revenu et en présence d'une sécurité alimentaire fortement diminuée.

En réponse à l'Appel interinstitutions des Nations Unies pour le Secours d'urgence et le redressement initial, la FAO (en collaboration avec les gouvernements de Norvège et de Suisse) a distribué gratuitement des alevins et des filets à plus de 2500 des ménages de pisciculteurs les plus pauvres et les plus affectés par les inondations, dans les provinces de An Giang, Dong Thap et Can Tho. De grands alevins de très bonnes qualité de pangasius rayé (Pangasius hypophthalmus), de carpe commune (Cyprinus carpio), de gourami embrasseur (Helostoma temminickii), d'anabas (Anabas testudineus) and de gourami peau de serpent (Trichogaster pectoralis) ont été distribués aux paysans, avec l'assistance de l'Institut des sciences de l'aquaculture et des pêches de l'Université de Can Tho. Ceci a permis aux paysans de recommencer leurs activités piscicoles à un moment o� beaucoup des rizières étaient encore submergées et que la culture du riz n'était pas possible. En cours d'élevage, de grands alevins ont pu être vendus à tout moment, afin d'obtenir de l'argent comptant, ou ils ont pu être consommés, renfor�ant ainsi la sécurité alimentaire. L'assistance a également permis d'informer les paysans et les vulgarisateurs de la qualité de l'eau et du suivi sanitaire des poissons; elle a aidé les fermiers qui ont eu des poissons malades en leur fournissant les produits nécessaires pour les traiter.

Au cours des années précédentes, la campagne Telefood de la FAO a permis d'assister des initiatives de faible envergure en faveur du secteur des pêches. Parmi celles-ci, l'on peut citer la construction d'une machine à glace pour un groupe de pêcheurs artisanaux còtiers, l'amélioration des étangs piscicoles de groupes de piscicultrices, la construction d'une écloserie de crevette pour des paysans touchés par de fortes tempêtes et inondations dans le Centre du Viet Nam en 1999, ainsi que la construction d'étangs piscicoles pour un groupe de lépreux, afin d'améliorer leurs moyens de subsistance et leur sécurité alimentaire.

 Élevage de moules vertes asiatiques près de l'île de Cat Ba (photo RVA 2000)

Assistances futures

Les activités de la FAO dans le secteur vietnamien des pêches se poursuivront par l'intermédiaire de son Programme de coopération technique et de projets financés par le des projets Telefood. Cette poursuite de la collaboration avec le gouvernement vietnamien, les institutions nationales et les autres agences de donateurs devraient permettre d'encore renforcer davantage le secteur. Les domaines prioritaires futurs sont notamment:

  • Pour les écloseries de crevette, mise en place de technologies garantissant la production de nauplii et de postlarves de qualité, afin de réduire la distribution géographique et la sévérité d'épidémies que l'on pense résulter des transports de crevettes vivantes d'un lieu à un autre et du remplacement rapide de systèmes de production extensifs par des systèmes plus intensifs.
  • Une étude des pêches còtières, afin de contribuer aux efforts du gouvernement vietnamien en vue de faire respecter les politiques soutenant l'évolution vers des pêches còtières durables
  • Une étude sur la commercialisation et le crédit dans le secteur vietnamien des pêches, afin d'améliorer les moyens de subsistance des personnes employées dans ce secteur, par la collection et l'analyse des informations concernant la commercialisation des produits de la pêche ainsi que par la dissémination des résultats à tous les acteurs concernés du secteur.
  • La poursuite de l'assistance de la FAO au programme SAPA, au CPG et à MOFI.