nouvelle stratégie de développement rural au Viet Nam - 1 Le gouvernement du Viet Nam ainsi que beaucoup de donateurs et d'agences de développement sont d'accord pour admettre qu'une aquaculture améliorée peut avoir un impact significatif et direct sur la réduction de la pauvreté et l'éradication de la faim au Viet Nam, et que cela dépend de l'utilisation de systèmes aquacoles efficients et durables. Le problème principal du point de vue politique est de mieux assister les groupes pauvres et vulnérables qui trouvent ou pourraient trouver leurs moyens de subsistance dans l'exploitation de ressources aquatiques. C'est pour adresser cette question que le Ministère de la Pêche (MOFI) a développé la stratégie "Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté" - SAPA. Cette stratégie reconna�t qu'il est nécessaire de:
Pour SAPA, le principal groupe cible sont les pauvres des zones rurales o� il existe des possibilités de diversifier et d'améliorer les moyens de subsistance par l'aquaculture. Les groupes les plus vulnérables recevront une attention spéciale. Du point de vue géographique, l'on concentrera d'abord les efforts sur les Montagnes du Nord, les Hauts Plateaux du Centre, les provinces c�tières du Centre Nord et le delta du Mékong. De plus, des liaisons seront établies aux niveaux des district, province et région, avec les institutions et les agences des donateurs intéressées dans l'allégement de la pauvreté et le développement rural durable. La stratégie SAPA met l'accent sur une approche de travail et elle évoluera selon les résultats d'analyses de moyens de subsistance durables et de projets pilotes locaux. Quant � la mise en �uvre de la stratégie SAPA, celle-ci sera administrativement rattachée � MOFI; un Comité de secteur sera responsable de son développement général et une Unité de soutien � la mise en �uvre supervisera son exécution. Elle fera partie du programme gouvernemental multisectoriel "�radication de la faim et réduction de la pauvreté".
Cet article en deux parties décrit l'origine, la reconnaissance, la justification, les objectifs et la mise en �uvre de la stratégie SAPA. Les raisons qui ont conduit � la définition de cette stratégie sont exposées dans la première partie. Dans le prochain numéro de FAN, la deuxième partie en présentera les objectifs, les mécanismes et la mise en �uvre. La FAO a contribué activement au développement de cette intéressante stratégie SAPA.
La stratégie Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté (SAPA) adresse un problème d'importance globale et régionale, ainsi que d'importance nationale pour le Viet Nam - l'allégement de la pauvreté et l'amélioration des moyens de subsistance des populations vivant dans les zones rurales, ainsi que le r�le fondamental de la gestion des ressources aquatiques pour améliorer les moyens de subsistance des pauvres. Les poissons et autres ressources aquatiques sont une source importante de protéines animales et de micro-éléments nutritifs (e.g. calcium, iode) pour le régime alimentaire ainsi qu'une source importante de revenus et d'emplois. L'expérience gagnée au Viet Nam au cours de cette dernière décade montre que le développement de l'aquaculture peut grandement contribuer � améliorer les moyens de subsistance et alléger la pauvreté, aussi bien sous la forme d'interventions spécifiques qu'en tant que composante d'un programme de développement rural intégré.
L'importance de l'aquaculture pour le développement rural a été soulignée lors de la conférence NACA/FAO sur "L'aquaculture au cours du troisième millénaire". La Déclaration et stratégie de Bangkok sur le développement de l'aquaculture après l'an 2000 qui en a résulté (NACA/FAO, 2000) a reconnu que:
La conférence sur "L'aquaculture au cours du troisième millénaire" a également souligné que pour augmenter la contribution de l'aquaculture au développement rural et � l'allégement de la pauvreté, il est nécessaire de définir des stratégies qui, pour la planification et le développement, centralisent l'attention sur les gens eux-mêmes et qui intègrent l'aquaculture dans des programmes de développement rural. Ceci reflète la direction stratégique de nombreuses initiatives régionales actuellement prises en Asie, comme par exemple le programme régional NACA/FAO "Aquaculture pour le développement de moyens de subsistance durables en milieu rural", le programme DFID "Gestion des ressources aquatiques", le programme AIT "Outreach" et d'autres encore.
Au Viet Nam, des résultats positifs ont été obtenus en utilisant l'aquaculture pour alléger la pauvreté. La stratégie SAPA a pour objectif d'augmenter l'impact positif de l'aquaculture sur l'allégement de la pauvreté et le développement rural au Viet Nam, tout en tenant compte des possibilités de se connecter aux et de profiter des initiatives globales et régionales qui pourraient être d'application dans le pays.
L'objectif d'augmenter l'utilisation effective et durable des ressources aquatiques devient ainsi particulièrement pertinent quand les sujets considérés sont l'accès � ces ressources par les pauvres, la diversification de l'agriculture et la menace de dégradation environnementale.
Au Viet Nam, 80 pour cent de la population totale et 90 pour cent des pauvres vivent en zones rurales. Du point de vue régional (Tableau 1), l'incidence de la pauvreté est la plus élevée et la pauvreté est la plus profonde dans la région montagneuse du Nord (Northern Mountains) et dans celle des hauts plateaux du centre (Central Highlands); en 1998, respectivement 59 et 52 pour cent de la population y étaient pauvres et l'index mesurant l'intensité de cette pauvreté (basé sur l'impossibilité de faire certaines dépenses) valait respectivement 16,8 et 19,1. Dans les régions c�tières, 48 pour cent de la population du nord de la c�te centrale vivaient en dessous du seuil de pauvreté, mais l'intensité de cette pauvreté y était moindre (index = 11,8). Même si ces données macro-régionales nous donnent une idée générale de la pauvreté, elles ne permettent pas d'identifier d'importantes concentrations de populations nécessiteuses. Par exemple, dans le delta du Mékong, l'incidence de la pauvreté (37%) appara�t relativement faible bien que cette région contienne encore 21 pour cent du nombre total des personnes vivant dans la pauvreté au Viet Nam. Alors que le delta du Mékong a l'un des pourcentages les moins élevés de ménages considérés comme ayant faim, cette région se classe deuxième quant au nombre de ménages très pauvres considérés comme "affamés" et le Bureau général des statistiques la classe troisième parmi les régions les plus pauvres. Les causes de la pauvreté varient d'après la location géographique. Par exemple, pour les populations des régions montagneuses du Nord, la pauvreté dérive de l'isolation géographique, du manque de terres aptes � la riziculture, d'un système de communication et d'une infrastructure de transport peu développés, de services publiques et de vulgarisation inefficients (y compris pour la santé et l'éducation), et de l'accès difficile � des marchés et des services de crédit; il y est aussi difficile pour les assistances politiques et techniques du gouvernement d'atteindre les populations � la base. Dans les régions c�tières du Centre Nord, les gens possèdent très peu de terres arables et les ressources aquatiques y sont surexploitées alors qu'elles constituent une part importante des moyens de subsistance dans cette région. Tableau 1 :
Le Than Luu
Institut de recherche en aquaculture
Hanoi, Viet Nam
Introduction
Une économie en rapide croissance
De remarquables progrès dans la croissance économique et le développement ont été accomplis au Viet Nam depuis que les réformes économiques ont été mises en place au début des années 80. Depuis 1988, le PIB total a augmenté annuellement de 8 � 10 pour cent en termes réels (Groupe de travail sur la pauvreté 2000, pla�ant ainsi le Viet Nam parmi les dix économies � croissance la plus rapide. Au cours de la période 1992-1998, la croissance annuelle du secteur industriel a été rapide (13%), tandis que celle du secteur agricole bien établi a été de 4,5 pour cent. Poissons sauvages et cultivés fournissent � la population environ 40 pour cent de l'apport nutritionnel en protéines animales. La disponibilité de poisson par tête d'habitant a augmenté de 11,8 kg en 1993 � 13,5 kg en 1995 et elle devrait atteindre 15 kg d'ici l'an 2000. Au cours des dernières années (1994-1997), la contribution du secteur de la pêche (aquaculture incluse) au PIB national a été d'environ 3 pour cent. Ce secteur s'est bien développé, sa production passant de 890 590 tonnes en 1990 � 1 969 100 t en 2000 (MOFI, 2000). Alors que le potentiel de production des pêches de capture semble être limité (jusqu'� 1,5 millions de tonnes par an), la production aquacole continue � augmenter, totalisant 727 140 tonnes en l'an 2000. D'après des statistiques récentes, plus de 3,4 millions de personnes appartiennent au secteur de la pêche. Parmi celles-ci, environ 600 000 sont impliquées dans le sous-secteur de l'aquaculture. Bien que la production ait fortement augmenté au Viet Nam, les possibilités d'entrer dans ce secteur ont souvent été limitées pour les gens pauvres du milieu rural. Il semblerait même que dans les systèmes de production aquacoles plus intensifs (e.g. crevetticulture c�tière), les inégalités sociales aient été intensifiées, les richesses engendrées par l'élevage des crevettes étant concentrées chez quelques-uns uns et la compétition pour des ressources c�tières limitées provoquant le déplacement des plus démunis (DFID, 2000; OXFAM, 1999). Environ 1,8 millions d'hectares ont été identifiés par le gouvernement comme convenant pour l'aquaculture; cependant, de beaucoup de points de vue (pêches de capture aussi bien continentales que c�tières), les ressources aquatiques sont menacées par les dégradations environnementales, la surexploitation et des pratiques de gestion inadéquates (DFID 2000; MPI/UNDP, 1999).�tat de la pauvreté
Au cours des dix dernières années, la croissance économique et en particulier celle du secteur agricole a fortement influencé les niveaux de pauvreté au Viet Nam. Cet impact a été mesuré au cours des Enquêtes sur les niveaux de vie au Viet Nam conduites en 1993 et en 1998. L'enquête de 1993 montrait que 58 pour cent de la population vivaient en état de pauvreté générale (dépenses courantes annuelles par personne inférieures ou égales � VND 1 160 000), tandis que 25 pour cent se trouvaient en dessous de la "ligne de pauvreté alimentaire" (VND 750 000). L'enquête de 1998 par contre montrait que cette situation s'était grandement améliorée. Sur la base de seuils de pauvreté ajustés (VND 1 790 000 ou US$128 et VND 1 287 000 ou US$92), les pourcentages observés en 1993 étaient diminués, bien qu'atteignant encore respectivement 37 pour cent et 15 pour cent.
Indices |
Montagnes du Nord |
Côte Centre Nord |
Delta du Mékong |
Consommation de riz (kg/mois/ cap.) |
14,38 |
13,41 |
13,37 |
Consommation de poisson (kg/mois/cap.) |
0,4 |
1,11 |
2,44 |
Consommation de viande (kg/mois/cap.) |
0,97 |
0,71 |
0,98 |
Revenus (en VND/mois) |
173 760 |
174 050 |
242 310 |
Dépenses courantes (en VND/mois) |
149 800 |
137 920 |
194 290 |
Taux de malnutrition (pour cent) |
41,25 |
41,58 |
42,19 |
Plus récemment, l'on a préparé un Programme général de réduction de la pauvreté que le gouvernement devrait approuver vers le milieu de l'année 2001. Il devrait être placé sous la direction du Ministère de la Planification et de l'Investissement (MPI), et le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales (MOLISA) devrait en assurer le secrétariat coordonnant le Comité national de coordination interministériel. L'objectif est de placer la réduction de la pauvreté au centre de la plupart des politiques et programmes, ainsi qu'affirmé récemment par le Président Tran Duc Luong au cours du sommet des Nations Unies à New York. Afin de mettre en œuvre ce programme, il a été demandé aux ministères des différents secteurs, aux organisations de masse et aux organisations non gouvernementales de préparer des politiques sectorielles spécifiques parmi lesquelles l'on peut citer les suivantes: (i) accès au crédit pour les populations rurales et en particulier le secteur des pauvres; (ii) soins et assistance de santé publique; (iii) aides à l'éducation et à la formation des pauvres; (iv) aide matérielle aux groupes extrêmement pauvres; (v) services légaux et d'éducation; (vi) aide matérielle aux groupes vulnérables et désavantagés; (vii) aide au logement pour les pauvres et les sans abris; et (viii) mise à disposition de terres et de surfaces sous eau à ceux qui en sont privés.
Les instituts de recherche dépendants de MOFI, et en particulier l'Institut de recherche en aquaculture 1, ont aussi participé à un nombre de projets de recherche et de développement qui se sont efforcés de vulgariser la technologie aquacole à petite échelle auprès de paysans. Le tableau 2 donne une idée des initiatives récentes.
Aquaculture, ressources aquatiques et moyens de subsistance des pauvres
Ce sont souvent les plus démunis qui pratiquent la pêche à plein temps et, pour de nombreux groupes pauvres et vulnérables, la pêche est une activité supplémentaire/saisonnière. Pour les pauvres, les ressources aquatiques, y compris toutes celles qui ne sont pas du poisson, sont souvent une source importante de nutriments difficilement remplaçable (principalement en temps de crise) et une activité économique importante, même si saisonnière seulement. Il a été observé qu'en régions montagneuses les pauvres parviennent à maintenir leurs relations de parenté par l'aquaculture à petite échelle en étangs dont la production leur permet de recevoir leurs invités lors de funérailles et de mariages, chose qui autrement représenterait chaque fois un terrible choc pour leurs moyens de subsistance. Les gens sans terres et ceux qui en possèdent insuffisamment dépendent fortement des pêcheries en marécage et en mangrove, y récoltant souvent des ressources aquatiques de petite taille et différentes des poissons. L'on a aussi observé que les moyens de subsistance des pauvres peuvent être améliorés par la gestion communautaire des plans d'eau ainsi que par la remise en état d'habitats pour la pêche et par toute mesure d'amélioration, comme par exemple la création de refuges pour la saison sèche (DFID, 2000).
La capacité des pauvres d'entreprendre des activités aquacoles dépend de ce qu'ils possèdent, aussi bien du point de vue humain (e.g. travail, éducation, compétence) que des points de vue biens naturels (e.g. terre, eau, poissons sauvages, forêt), social (e.g. parenté, relations, statut), biens physiques (e.g. route, outils, équipement), et finances (e.g. crédit, épargne, revenu, assurance). Les résultats que les gens choisissent d'atteindre et leur capacité de convertir ce qu'ils possèdent pour y réussir sont influencés par l'environnement social dans lequel ils vivent, ainsi que par les politiques, institutions et processus (par l'intermédiaire des conditions de commercialisation, des communautés, gouvernements et ménages) qui affectent leurs vies. Dès lors, les interventions qui ont pour objectif d'aider les pauvres à gérer leurs ressources aquatiques devraient être basées sur une connaissance approfondie de leurs moyens de subsistance (DFID, 2000).
Période |
Donateurs |
Objectifs |
1986 - 1997 |
PNUD / FAO |
Renforcer la capacité de recherche et développer un réseau de vulgarisation d'aquaculture à faible coût pour les paysans travaillant à petite échelle |
Depuis 1995 |
Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA |
Étendre les recherches sur la ferme même aux systèmes intégrés agriculture - aquaculture du delta de la Red River |
Depuis 1997 |
Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA |
Soutenir l'introduction de technologies destinées à alléger la pauvreté dans les provinces montagneuses du Nord |
Depuis 1999 |
PNUD / FAO |
Permettre une approche de participation plus intensive dans trois provinces des hauts plateaux du Nord Ouest |
Depuis 2000 |
Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA |
Poursuite de l'approche du PNUD |
Depuis 1998 |
NORAD |
Renforcer la capacité de soutenir des actions luttant contre la pauvreté en zones rurales et côtières |
Depuis 2000 |
DANIDA |
Apporter un large soutien au secteur des pêches, l'allégement de la pauvreté étant l'un des objectifs |
Depuis 2000 |
NACA, DFID, FAO |
Aquaculture pour le développement de moyens de subsistance durables et réseau régional d'information |
|
ACIAR, CIDR et autres |
Soutien à l'aquaculture à petite échelle par de petits projets de recherche |
Dans des zones côtières telles que Nghe an, Nam dinh, Nha trang, Quang binh et Hai phong (Do son), des réalisations aquacoles ont permis d'améliorer les moyens de subsistance des gens et de rendre moins vulnérables les familles à faible revenu et les pêcheurs sans terres, forcés de quitter en grands nombres les pêcheries côtières suite à la réduction des stocks et à la destruction de l'habitat. A Nghe an et Nam dinh, l'élevage de clams en eaux côtières peu profondes a été utilisé comme une alternative à faible coût pour les familles pauvres et sans terres de pêcheurs. Par une bonne gestion des ressources aquatiques, il a été possible d'améliorer les moyens de subsistance de populations côtières, comme cela a été le cas dans le district de Ba tri, province de Ben tre, où des ressources de mollusques bivalves ont été utilisées. A Nha trang, l'on a montré à des familles de pêcheurs sans terres comment s'intéresser et profiter de l'élevage en cages, à petite échelle et en eau de mer, de poissons et de homards. Pour cette région côtière, il existe maintenant des propositions pour intégrer la mariculture à petite échelle dans un projet de "Biodiversité et gestion d'une zone marine protégée", comme une option alternative de moyen de subsistance. Les revenus engendrés par l'agriculture dans les terres moins fertiles des régions côtières sont extrêmement faibles. Des expériences dans les provinces côtières centrales (e.g. Thua Thien - Hue) ont démontré le potentiel des élevages de poisson/crevette/crabe dans des zones où l'agriculture est moins bien adaptée.
Dans le delta du Mékong, il existe plusieurs agro-écosystèmes dont certains sont fragiles. Au cours des 20 dernières années, le gouvernement et les paysans ont transformé les quatre millions d'hectares du delta et leurs systèmes culturaux en creusant des canaux, en mettant en valeur les terres et en intensifiant la riziculture. La plupart des mangroves (70%) et des forêt de malaleuca (95%) ont été détruites. Les habitants pauvres du delta sont particulièrement affectés par les inondations saisonnières. A Long an, Tien giang, Dong thap et An giang, les inondations atteignent régulièrement une hauteur de 0,3 à 3 m et pendant cette période les riziculteurs dépendent de la pêche. Au cours de la saison sèche, le débit de la rivière peut être réduit de 95 pour cent et il y a des infiltrations salines. Les paysans font alors de l'aquaculture dans les rizières à sol salin. Les rendements de la pêche ont diminué suite à la surexploitation, la perte d'habitats et l'utilisation de pesticides, ainsi que, en début de la saison des pluies, à la baisse du pH de l'eau dans les canaux, causée par la présence de sols à sulfates acides. Beaucoup de pauvres dépendant de ressources aquatiques y ont perdu leurs moyens de subsistance. Cependant, ceux-ci se sont améliorés dans le delta du Mékong, grâce à une meilleure gestion et à l'utilisation de nouveaux systèmes culturaux dans des fermes intégrant crevetticulture et exploitation rationnelle de la mangrove, évitant ainsi la coupe de la forêt de mangrove par les pauvres.
Les inondations dans le Delta étant fréquentes, les fermiers doivent surélever les terres utilisées pour leurs habitations et leurs cultures. Ceci résulte en l'élaboration de biens physiques tels qu'étangs, canaux et rizières. L'aquaculture est actuellement pratiquée à petite échelle dans 60 à 70 pour cent des ménages. Dans les régions pluvieuses des provinces de Long An et Binh Phuoc où il est difficile de gérer la qualité de l'eau, il est commun de rencontrer des gens pauvres qui élèvent en étangs des poissons-chats, des tilapias et des gouramis embrasseurs. Dans les régions irriguées de la province de Tay Ninh par exemple, l'accès tout au long de l'année à de l'eau de canaux secondaires a permis de développer des systèmes aquacoles spécialisés pour y produire des tilapias, des pangasius, des carpes communes et des gouramis embrasseurs.
Dans les régions montagneuses où les stocks de poissons sauvages se sont appauvris mais où l'eau est stockée dans des réservoirs, les gens pauvres qui gardent du poisson en réserve réduisent leur vulnérabilité aux crises et améliorent leur alimentation ou leur sécurité financière. Par exemple, dans les Hauts Plateaux du Nord, les étangs empoissonnés servent de "banque de nourriture/revenu" et les poissons ne sont utilisés qu'en temps de crise et de disette saisonnière ou lors d'événements sociaux.
Les résultats des enquêtes sur la pauvreté au Viet Nam mettent en évidence l'importance des interventions qui visent à augmenter et à diversifier les revenus tout en réduisant la vulnérabilité. L'aquaculture apparaît comme l'une des meilleures options disponibles pour les régions montagneuses, ainsi que pour le Delta et les régions côtières.
En 1998, lors de la revue du secteur de la pêche, le Premier Ministre a souligné le rôle important joué par l'aquaculture dans la production de poisson. Il a considéré l'aquaculture comme un sous-secteur sous-dévéloppé qui pourrait intervenir significativement dans la lutte pour l'allégement de la pauvreté. Suite à ces déclarations favorables, le gouvernement a approuvé un plan de développement de l'aquaculture pour 2000-2010, préparé par MOFI en fin 1999. L'objectif de ce plan est d'assurer au peuple vietnamien la sécurité alimentaire ainsi que la production de produits d'exportation, y compris des matériaux bruts destinés à être traités à l'extérieur. Il y est prévu que, d'ici l'an 2010, l'aquaculture contribuera 60 à 65 pour cent de la production totale de produits aquatiques. Le 15 juin 2000, le gouvernement a confirmé officiellement son support dans la Décision n° 09 concernant la restructuration économique de la commercialisation des produits agricoles, dans laquelle il est clairement indiqué que l'aquaculture durable doit être développée dans les plaines inondées et dans les zones côtières. La diversification des crustacés élevés dans différents systèmes intensifs et la polyculture d'espèces piscicoles variées sont considérées comme des approches adéquates de développement aquacole et sont encouragées. Les mesures incluent aussi des décisions concernant l'attribution de terres et l'accès en priorité au crédit, en faveur des pauvres et des paysans des régions isolées.
Cependant, ce support et les différentes activités des programmes et projets en cours n'ont pas été regroupés de façon à réellement adresser les objectifs concernant les moyens de subsistance des pauvres. Jusqu'au début des discussions sur la stratégie SAPA, le secteur aquacole n'a pas été inclus dans les programmes sectoriels proposés lors de la planification du programme gouvernemental national "Éradication de la faim et réduction de la pauvreté".
Systèmes culturaux appropriés
La récente téléconférence organisée par DFID sur les ressources aquatiques et les pauvres a noté que les moyens de subsistance de ceux-ci pouvaient être progressivement améliorés , étape par étape, par l'utilisation d'une approche participative et souple pour développer les aptitudes essentielles nécessaires à l'élevage et à la gestion. La mise en place d'une capacité institutionnelle et de structures d'incitation dans des agences de soutien locales devrait aussi être progressive, les mécanismes d'incitation ayant par exemple des budgets opérationnels pouvant être augmentés en fonction des progrès réalisés. Encourager les secteurs des pêcheurs, producteurs à petite échelle, spécialistes du traitement, etc. à travailler en réseau a également été identifié comme essentiel pour soutenir l'apprentissage local, national et régional.
Au Viet Nam, contrairement à ce qui s'observe dans beaucoup d'autres pays, l'aquaculture est généralement pratiquée à l'échelle familiale. En eau douce, les systèmes culturaux les plus populaires sont le système intégré jardin potager/étang piscicole/élevage animal en enclos (système VAC), la rizipisciculture et la polyculture de poissons en très petits réservoirs. Ces systèmes se caractérisent par des exigences minimes et par l'utilisation de peu d'intrants, y compris des ressources terrestres de faible productivité. Ils ont peu d'impact sur l'environnement et leur efficience économique est relativement élevée. Par exemple, tout en étant sans effet sur l'environnement et n'utilisant que 10 à 30 pour cent des terres disponibles, les systèmes culturaux intégrés génèrent de 30 à plus de 70 pour cent des revenus obtenus sur la ferme même. Un autre exemple concerne les systèmes culturaux associant riz et poisson. Lorsque des poissons sont élevés en rizière, les quantités de pesticides peuvent être réduites de 70 à 100 pour cent, sans influencer la production de riz. Dans des fermes de démonstration, les fermiers ont récolté de 3 à 5 pour cent de riz en plus ainsi que 230 à 300 kg de poisson, sans intrants additionnels. Ce système intégré a ainsi procuré un rendement net une fois et demie plus élevé que la riziculture traditionnelle et ceci, tout en réduisant les risques dus aux insecticides. Ceci démontre que des systèmes culturaux appropriés peuvent contribuer à l'amélioration des conditions sociales, économiques et environnementales.
En aquaculture côtière, des systèmes améliorés ont été introduits, caractérisés par l'élevage en petits étangs et en rotation de plusieurs espèces telles que crabes, poissons, crevettes, mollusques bivalves et algues marines, mais ceci devrait encore être perfectionner. En ce qui concerne par contre la mariculture, aucune attention n'a été donnée au développement de systèmes appropriés et la plupart des ressources potentielles sont encore inexploitées. La planification du développement de la mariculture vient d'être commencée en quelques zones sélectionnées, par des initiatives nationales soutenues par NORAD et la composante SUMA du projet Pêche DANIDA.
La génération de revenus et d'emplois, l'amélioration de la nutrition et la stabilité des moyens de subsistance par l'aquaculture ou par une meilleure gestion des ressources aquatiques résultent non seulement d'activités directement liées à la production mais aussi indirectement d'interventions comme par exemple le soutien aux équipages de bateaux de pêche ou aux équipes de pêche continentale, la génération d'emplois et/ou de bénéfices lors de la remise en état de l'environnement ou d'habitats, l'approvisionnement en intrants (aliments, alevins, filets, etc.), et des activités post-récolte (e.g. décorticage de crevettes, commercialisation, traitement traditionnel ou industriel de poisson).