Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté:

nouvelle stratégie de développement rural au Viet Nam - 1



Le Than Luu
Institut de recherche en aquaculture
Hanoi, Viet Nam

Le gouvernement du Viet Nam ainsi que beaucoup de donateurs et d'agences de développement sont d'accord pour admettre qu'une aquaculture améliorée peut avoir un impact significatif et direct sur la réduction de la pauvreté et l'éradication de la faim au Viet Nam, et que cela dépend de l'utilisation de systèmes aquacoles efficients et durables. Le problème principal du point de vue politique est de mieux assister les groupes pauvres et vulnérables qui trouvent ou pourraient trouver leurs moyens de subsistance dans l'exploitation de ressources aquatiques. C'est pour adresser cette question que le Ministère de la Pêche (MOFI) a développé la stratégie "Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté" - SAPA. Cette stratégie reconna�t qu'il est nécessaire de:

Pour SAPA, le principal groupe cible sont les pauvres des zones rurales o� il existe des possibilités de diversifier et d'améliorer les moyens de subsistance par l'aquaculture. Les groupes les plus vulnérables recevront une attention spéciale. Du point de vue géographique, l'on concentrera d'abord les efforts sur les Montagnes du Nord, les Hauts Plateaux du Centre, les provinces c�tières du Centre Nord et le delta du Mékong. De plus, des liaisons seront établies aux niveaux des district, province et région, avec les institutions et les agences des donateurs intéressées dans l'allégement de la pauvreté et le développement rural durable. La stratégie SAPA met l'accent sur une approche de travail et elle évoluera selon les résultats d'analyses de moyens de subsistance durables et de projets pilotes locaux. Quant � la mise en �uvre de la stratégie SAPA, celle-ci sera administrativement rattachée � MOFI; un Comité de secteur sera responsable de son développement général et une Unité de soutien � la mise en �uvre supervisera son exécution. Elle fera partie du programme gouvernemental multisectoriel "�radication de la faim et réduction de la pauvreté".

Cet article en deux parties décrit l'origine, la reconnaissance, la justification, les objectifs et la mise en �uvre de la stratégie SAPA. Les raisons qui ont conduit � la définition de cette stratégie sont exposées dans la première partie. Dans le prochain numéro de FAN, la deuxième partie en présentera les objectifs, les mécanismes et la mise en �uvre. La FAO a contribué activement au développement de cette intéressante stratégie SAPA.

Introduction

La stratégie Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté (SAPA) adresse un problème d'importance globale et régionale, ainsi que d'importance nationale pour le Viet Nam - l'allégement de la pauvreté et l'amélioration des moyens de subsistance des populations vivant dans les zones rurales, ainsi que le r�le fondamental de la gestion des ressources aquatiques pour améliorer les moyens de subsistance des pauvres. Les poissons et autres ressources aquatiques sont une source importante de protéines animales et de micro-éléments nutritifs (e.g. calcium, iode) pour le régime alimentaire ainsi qu'une source importante de revenus et d'emplois. L'expérience gagnée au Viet Nam au cours de cette dernière décade montre que le développement de l'aquaculture peut grandement contribuer � améliorer les moyens de subsistance et alléger la pauvreté, aussi bien sous la forme d'interventions spécifiques qu'en tant que composante d'un programme de développement rural intégré.

L'importance de l'aquaculture pour le développement rural a été soulignée lors de la conférence NACA/FAO sur "L'aquaculture au cours du troisième millénaire". La Déclaration et stratégie de Bangkok sur le développement de l'aquaculture après l'an 2000 qui en a résulté (NACA/FAO, 2000) a reconnu que:

La conférence sur "L'aquaculture au cours du troisième millénaire" a également souligné que pour augmenter la contribution de l'aquaculture au développement rural et � l'allégement de la pauvreté, il est nécessaire de définir des stratégies qui, pour la planification et le développement, centralisent l'attention sur les gens eux-mêmes et qui intègrent l'aquaculture dans des programmes de développement rural. Ceci reflète la direction stratégique de nombreuses initiatives régionales actuellement prises en Asie, comme par exemple le programme régional NACA/FAO "Aquaculture pour le développement de moyens de subsistance durables en milieu rural", le programme DFID "Gestion des ressources aquatiques", le programme AIT "Outreach" et d'autres encore.

Au Viet Nam, des résultats positifs ont été obtenus en utilisant l'aquaculture pour alléger la pauvreté. La stratégie SAPA a pour objectif d'augmenter l'impact positif de l'aquaculture sur l'allégement de la pauvreté et le développement rural au Viet Nam, tout en tenant compte des possibilités de se connecter aux et de profiter des initiatives globales et régionales qui pourraient être d'application dans le pays.

Une économie en rapide croissance

De remarquables progrès dans la croissance économique et le développement ont été accomplis au Viet Nam depuis que les réformes économiques ont été mises en place au début des années 80. Depuis 1988, le PIB total a augmenté annuellement de 8 � 10 pour cent en termes réels (Groupe de travail sur la pauvreté 2000, pla�ant ainsi le Viet Nam parmi les dix économies � croissance la plus rapide. Au cours de la période 1992-1998, la croissance annuelle du secteur industriel a été rapide (13%), tandis que celle du secteur agricole bien établi a été de 4,5 pour cent. Poissons sauvages et cultivés fournissent � la population environ 40 pour cent de l'apport nutritionnel en protéines animales. La disponibilité de poisson par tête d'habitant a augmenté de 11,8 kg en 1993 � 13,5 kg en 1995 et elle devrait atteindre 15 kg d'ici l'an 2000. Au cours des dernières années (1994-1997), la contribution du secteur de la pêche (aquaculture incluse) au PIB national a été d'environ 3 pour cent. Ce secteur s'est bien développé, sa production passant de 890 590 tonnes en 1990 � 1 969 100 t en 2000 (MOFI, 2000). Alors que le potentiel de production des pêches de capture semble être limité (jusqu'� 1,5 millions de tonnes par an), la production aquacole continue � augmenter, totalisant 727 140 tonnes en l'an 2000. D'après des statistiques récentes, plus de 3,4 millions de personnes appartiennent au secteur de la pêche. Parmi celles-ci, environ 600 000 sont impliquées dans le sous-secteur de l'aquaculture. Bien que la production ait fortement augmenté au Viet Nam, les possibilités d'entrer dans ce secteur ont souvent été limitées pour les gens pauvres du milieu rural. Il semblerait même que dans les systèmes de production aquacoles plus intensifs (e.g. crevetticulture c�tière), les inégalités sociales aient été intensifiées, les richesses engendrées par l'élevage des crevettes étant concentrées chez quelques-uns uns et la compétition pour des ressources c�tières limitées provoquant le déplacement des plus démunis (DFID, 2000; OXFAM, 1999). Environ 1,8 millions d'hectares ont été identifiés par le gouvernement comme convenant pour l'aquaculture; cependant, de beaucoup de points de vue (pêches de capture aussi bien continentales que c�tières), les ressources aquatiques sont menacées par les dégradations environnementales, la surexploitation et des pratiques de gestion inadéquates (DFID 2000; MPI/UNDP, 1999).

L'objectif d'augmenter l'utilisation effective et durable des ressources aquatiques devient ainsi particulièrement pertinent quand les sujets considérés sont l'accès � ces ressources par les pauvres, la diversification de l'agriculture et la menace de dégradation environnementale.

�tat de la pauvreté

Au cours des dix dernières années, la croissance économique et en particulier celle du secteur agricole a fortement influencé les niveaux de pauvreté au Viet Nam. Cet impact a été mesuré au cours des Enquêtes sur les niveaux de vie au Viet Nam conduites en 1993 et en 1998. L'enquête de 1993 montrait que 58 pour cent de la population vivaient en état de pauvreté générale (dépenses courantes annuelles par personne inférieures ou égales � VND 1 160 000), tandis que 25 pour cent se trouvaient en dessous de la "ligne de pauvreté alimentaire" (VND 750 000). L'enquête de 1998 par contre montrait que cette situation s'était grandement améliorée. Sur la base de seuils de pauvreté ajustés (VND 1 790 000 ou US$128 et VND 1 287 000 ou US$92), les pourcentages observés en 1993 étaient diminués, bien qu'atteignant encore respectivement 37 pour cent et 15 pour cent.

Au Viet Nam, 80 pour cent de la population totale et 90 pour cent des pauvres vivent en zones rurales. Du point de vue régional (Tableau 1), l'incidence de la pauvreté est la plus élevée et la pauvreté est la plus profonde dans la région montagneuse du Nord (Northern Mountains) et dans celle des hauts plateaux du centre (Central Highlands); en 1998, respectivement 59 et 52 pour cent de la population y étaient pauvres et l'index mesurant l'intensité de cette pauvreté (basé sur l'impossibilité de faire certaines dépenses) valait respectivement 16,8 et 19,1. Dans les régions c�tières, 48 pour cent de la population du nord de la c�te centrale vivaient en dessous du seuil de pauvreté, mais l'intensité de cette pauvreté y était moindre (index = 11,8). Même si ces données macro-régionales nous donnent une idée générale de la pauvreté, elles ne permettent pas d'identifier d'importantes concentrations de populations nécessiteuses. Par exemple, dans le delta du Mékong, l'incidence de la pauvreté (37%) appara�t relativement faible bien que cette région contienne encore 21 pour cent du nombre total des personnes vivant dans la pauvreté au Viet Nam. Alors que le delta du Mékong a l'un des pourcentages les moins élevés de ménages considérés comme ayant faim, cette région se classe deuxième quant au nombre de ménages très pauvres considérés comme "affamés" et le Bureau général des statistiques la classe troisième parmi les régions les plus pauvres.

Les causes de la pauvreté varient d'après la location géographique. Par exemple, pour les populations des régions montagneuses du Nord, la pauvreté dérive de l'isolation géographique, du manque de terres aptes � la riziculture, d'un système de communication et d'une infrastructure de transport peu développés, de services publiques et de vulgarisation inefficients (y compris pour la santé et l'éducation), et de l'accès difficile � des marchés et des services de crédit; il y est aussi difficile pour les assistances politiques et techniques du gouvernement d'atteindre les populations � la base. Dans les régions c�tières du Centre Nord, les gens possèdent très peu de terres arables et les ressources aquatiques y sont surexploitées alors qu'elles constituent une part importante des moyens de subsistance dans cette région.

Tableau 1 La pauvreté dans trois régions typiques du Viet Nam

Tableau 1 : La pauvreté dans trois régions typiques du Viet Nam

Indices

Montagnes du Nord

Côte Centre Nord

Delta du Mékong

Consommation de riz (kg/mois/ cap.)

14,38

13,41

13,37

Consommation de poisson (kg/mois/cap.)

0,4

1,11

2,44

Consommation de viande (kg/mois/cap.)

0,97

0,71

0,98

Revenus (en VND/mois)

173 760

174 050

242 310

Dépenses courantes (en VND/mois)

149 800

137 920

194 290

Taux de malnutrition (pour cent)

41,25

41,58

42,19

Politique gouvernementale

L'écart de développement entre les zones urbaines et les zones rurales ayant augmenté au cours de la transition vers une économie de marché, la stratégie de développement du gouvernement a donné la priorité au développement rural.

Plus récemment, l'on a préparé un Programme général de réduction de la pauvreté que le gouvernement devrait approuver vers le milieu de l'année 2001. Il devrait être placé sous la direction du Ministère de la Planification et de l'Investissement (MPI), et le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales (MOLISA) devrait en assurer le secrétariat coordonnant le Comité national de coordination interministériel. L'objectif est de placer la réduction de la pauvreté au centre de la plupart des politiques et programmes, ainsi qu'affirmé récemment par le Président Tran Duc Luong au cours du sommet des Nations Unies à New York. Afin de mettre en œuvre ce programme, il a été demandé aux ministères des différents secteurs, aux organisations de masse et aux organisations non gouvernementales de préparer des politiques sectorielles spécifiques parmi lesquelles l'on peut citer les suivantes: (i) accès au crédit pour les populations rurales et en particulier le secteur des pauvres; (ii) soins et assistance de santé publique; (iii) aides à l'éducation et à la formation des pauvres; (iv) aide matérielle aux groupes extrêmement pauvres; (v) services légaux et d'éducation; (vi) aide matérielle aux groupes vulnérables et désavantagés; (vii) aide au logement pour les pauvres et les sans abris; et (viii) mise à disposition de terres et de surfaces sous eau à ceux qui en sont privés.

Secteur des pêches et de l'aquaculture

Le Ministère des Pêches (MOFI) n'a joué jusqu'à ce jour qu'un rôle mineur dans le programme "Éradication de la faim et réduction de la pauvreté (HEPR) ou tout autre effort national pour la réduction de la pauvreté, alors que beaucoup des groupes les plus démunis et vulnérables dont les moyens de subsistance dépendent d'une manière ou d'une autre de ressources aquatiques, sont impliqués dans le secteur des pêches côtière et continentale et que beaucoup des interventions cofinancées par des donateurs dans le secteur des pêches ont eu pour objectif de développement l'allégement de la pauvreté. Le programme 773 ainsi que quelques projets de recherche et de développement aidant des ménages ruraux sont des exceptions. Depuis 1994, le gouvernement s'est intéressé au Programme 773 qui vise à aider les ruraux à utiliser les surfaces inondées aptes à l'aquaculture, comme par exemple des champs inondés, des marécages et des zones sous l'effet des marées. A ce jour, ce programme a approuvé 100 projets à l'échelle nationale et alloué un total de VND 1 130 milliards pour la construction d'infrastructures et la mise en valeur par l'aquaculture de surfaces inondées et sous-utilisées.

Les instituts de recherche dépendants de MOFI, et en particulier l'Institut de recherche en aquaculture 1, ont aussi participé à un nombre de projets de recherche et de développement qui se sont efforcés de vulgariser la technologie aquacole à petite échelle auprès de paysans. Le tableau 2 donne une idée des initiatives récentes.

Aquaculture, ressources aquatiques et moyens de subsistance des pauvres

Ce sont souvent les plus démunis qui pratiquent la pêche à plein temps et, pour de nombreux groupes pauvres et vulnérables, la pêche est une activité supplémentaire/saisonnière. Pour les pauvres, les ressources aquatiques, y compris toutes celles qui ne sont pas du poisson, sont souvent une source importante de nutriments difficilement remplaçable (principalement en temps de crise) et une activité économique importante, même si saisonnière seulement. Il a été observé qu'en régions montagneuses les pauvres parviennent à maintenir leurs relations de parenté par l'aquaculture à petite échelle en étangs dont la production leur permet de recevoir leurs invités lors de funérailles et de mariages, chose qui autrement représenterait chaque fois un terrible choc pour leurs moyens de subsistance. Les gens sans terres et ceux qui en possèdent insuffisamment dépendent fortement des pêcheries en marécage et en mangrove, y récoltant souvent des ressources aquatiques de petite taille et différentes des poissons. L'on a aussi observé que les moyens de subsistance des pauvres peuvent être améliorés par la gestion communautaire des plans d'eau ainsi que par la remise en état d'habitats pour la pêche et par toute mesure d'amélioration, comme par exemple la création de refuges pour la saison sèche (DFID, 2000).

La capacité des pauvres d'entreprendre des activités aquacoles dépend de ce qu'ils possèdent, aussi bien du point de vue humain (e.g. travail, éducation, compétence) que des points de vue biens naturels (e.g. terre, eau, poissons sauvages, forêt), social (e.g. parenté, relations, statut), biens physiques (e.g. route, outils, équipement), et finances (e.g. crédit, épargne, revenu, assurance). Les résultats que les gens choisissent d'atteindre et leur capacité de convertir ce qu'ils possèdent pour y réussir sont influencés par l'environnement social dans lequel ils vivent, ainsi que par les politiques, institutions et processus (par l'intermédiaire des conditions de commercialisation, des communautés, gouvernements et ménages) qui affectent leurs vies. Dès lors, les interventions qui ont pour objectif d'aider les pauvres à gérer leurs ressources aquatiques devraient être basées sur une connaissance approfondie de leurs moyens de subsistance (DFID, 2000).

Allégement de la pauvreté

Les communes côtières ayant normalement peu de terres arables, 80 pour cent des ménages y obtiennent généralement leurs revenus de la pêche, alors que presque tous leurs moyens de subsistance dépendent de la pêche et d'activités qui y sont associées. Les moyens de subsistance des pêcheurs côtiers pauvres étant vulnérables au climat saisonnier, aux typhons destructeurs et à la migration pendant trois à quatre mois chaque année, ils dépendent de leurs épargnes et du crédit pour survivre. Récemment, le capital naturel a diminué, suite à la surexploitation, l'introduction d'autres engins pour pêcher le même stock, la destruction des mangroves et la construction de grands étangs pour l'élevage de crevettes. Les effets négatifs de l'aquaculture (de crevettes) à haut risque ont contribué à transformer des pauvres en gens sans terres, par exemple à Tra vinh, suite aux faillites des entreprises aquacoles provoquées par la destruction des stocks de crevettes par la maladie. De tels risques peuvent être reconnus et évités en adoptant des techniques aquacoles à faible risque (pisciculture simple, élevage de mollusques) et en assurant une vulgarisation et une gestion appropriées, répondant aux besoins réels des pauvres. Le capital social sous la forme de coopératives de pêche encourage l'action collective, augmente la sécurité, etc., bien que leurs ressources soient dépendantes de la productivité des ressources halieutiques. De telles organisations procurent des relations et des informations ainsi que l'accès à la vulgarisation, à des biens et à des possibilités d'augmenter ces biens.

Tableau 2 : Interventions récentes des donateurs dans le secteur des pêches

Période

Donateurs

Objectifs

1986 - 1997

PNUD / FAO

Renforcer la capacité de recherche et développer un réseau de vulgarisation d'aquaculture à faible coût pour les paysans travaillant à petite échelle

Depuis 1995

Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA

Étendre les recherches sur la ferme même aux systèmes intégrés agriculture - aquaculture du delta de la Red River

Depuis 1997

Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA

Soutenir l'introduction de technologies destinées à alléger la pauvreté dans les provinces montagneuses du Nord

Depuis 1999

PNUD / FAO

Permettre une approche de participation plus intensive dans trois provinces des hauts plateaux du Nord Ouest

Depuis 2000

Institut asiatique de technologie (AIT), financé par SIDA

Poursuite de l'approche du PNUD

Depuis 1998

NORAD

Renforcer la capacité de soutenir des actions luttant contre la pauvreté en zones rurales et côtières

Depuis 2000

DANIDA

Apporter un large soutien au secteur des pêches, l'allégement de la pauvreté étant l'un des objectifs

Depuis 2000

NACA, DFID, FAO

Aquaculture pour le développement de moyens de subsistance durables et réseau régional d'information

 

ACIAR, CIDR et autres

Soutien à l'aquaculture à petite échelle par de petits projets de recherche

Dans des zones côtières telles que Nghe an, Nam dinh, Nha trang, Quang binh et Hai phong (Do son), des réalisations aquacoles ont permis d'améliorer les moyens de subsistance des gens et de rendre moins vulnérables les familles à faible revenu et les pêcheurs sans terres, forcés de quitter en grands nombres les pêcheries côtières suite à la réduction des stocks et à la destruction de l'habitat. A Nghe an et Nam dinh, l'élevage de clams en eaux côtières peu profondes a été utilisé comme une alternative à faible coût pour les familles pauvres et sans terres de pêcheurs. Par une bonne gestion des ressources aquatiques, il a été possible d'améliorer les moyens de subsistance de populations côtières, comme cela a été le cas dans le district de Ba tri, province de Ben tre, où des ressources de mollusques bivalves ont été utilisées. A Nha trang, l'on a montré à des familles de pêcheurs sans terres comment s'intéresser et profiter de l'élevage en cages, à petite échelle et en eau de mer, de poissons et de homards. Pour cette région côtière, il existe maintenant des propositions pour intégrer la mariculture à petite échelle dans un projet de "Biodiversité et gestion d'une zone marine protégée", comme une option alternative de moyen de subsistance. Les revenus engendrés par l'agriculture dans les terres moins fertiles des régions côtières sont extrêmement faibles. Des expériences dans les provinces côtières centrales (e.g. Thua Thien - Hue) ont démontré le potentiel des élevages de poisson/crevette/crabe dans des zones où l'agriculture est moins bien adaptée.

Dans le delta du Mékong, il existe plusieurs agro-écosystèmes dont certains sont fragiles. Au cours des 20 dernières années, le gouvernement et les paysans ont transformé les quatre millions d'hectares du delta et leurs systèmes culturaux en creusant des canaux, en mettant en valeur les terres et en intensifiant la riziculture. La plupart des mangroves (70%) et des forêt de malaleuca (95%) ont été détruites. Les habitants pauvres du delta sont particulièrement affectés par les inondations saisonnières. A Long an, Tien giang, Dong thap et An giang, les inondations atteignent régulièrement une hauteur de 0,3 à 3 m et pendant cette période les riziculteurs dépendent de la pêche. Au cours de la saison sèche, le débit de la rivière peut être réduit de 95 pour cent et il y a des infiltrations salines. Les paysans font alors de l'aquaculture dans les rizières à sol salin. Les rendements de la pêche ont diminué suite à la surexploitation, la perte d'habitats et l'utilisation de pesticides, ainsi que, en début de la saison des pluies, à la baisse du pH de l'eau dans les canaux, causée par la présence de sols à sulfates acides. Beaucoup de pauvres dépendant de ressources aquatiques y ont perdu leurs moyens de subsistance. Cependant, ceux-ci se sont améliorés dans le delta du Mékong, grâce à une meilleure gestion et à l'utilisation de nouveaux systèmes culturaux dans des fermes intégrant crevetticulture et exploitation rationnelle de la mangrove, évitant ainsi la coupe de la forêt de mangrove par les pauvres.

Les inondations dans le Delta étant fréquentes, les fermiers doivent surélever les terres utilisées pour leurs habitations et leurs cultures. Ceci résulte en l'élaboration de biens physiques tels qu'étangs, canaux et rizières. L'aquaculture est actuellement pratiquée à petite échelle dans 60 à 70 pour cent des ménages. Dans les régions pluvieuses des provinces de Long An et Binh Phuoc où il est difficile de gérer la qualité de l'eau, il est commun de rencontrer des gens pauvres qui élèvent en étangs des poissons-chats, des tilapias et des gouramis embrasseurs. Dans les régions irriguées de la province de Tay Ninh par exemple, l'accès tout au long de l'année à de l'eau de canaux secondaires a permis de développer des systèmes aquacoles spécialisés pour y produire des tilapias, des pangasius, des carpes communes et des gouramis embrasseurs.

Dans les régions montagneuses où les stocks de poissons sauvages se sont appauvris mais où l'eau est stockée dans des réservoirs, les gens pauvres qui gardent du poisson en réserve réduisent leur vulnérabilité aux crises et améliorent leur alimentation ou leur sécurité financière. Par exemple, dans les Hauts Plateaux du Nord, les étangs empoissonnés servent de "banque de nourriture/revenu" et les poissons ne sont utilisés qu'en temps de crise et de disette saisonnière ou lors d'événements sociaux.

Les résultats des enquêtes sur la pauvreté au Viet Nam mettent en évidence l'importance des interventions qui visent à augmenter et à diversifier les revenus tout en réduisant la vulnérabilité. L'aquaculture apparaît comme l'une des meilleures options disponibles pour les régions montagneuses, ainsi que pour le Delta et les régions côtières.

Support gouvernemental pour l'aquaculture

La contribution de l'aquaculture à l'allégement de la pauvreté et au développement rural est de plus en plus reconnue par le gouvernement ce qui l'a amené à prendre une série de décisions et de mesures destinées à supporter le développement de l'aquaculture.

En 1998, lors de la revue du secteur de la pêche, le Premier Ministre a souligné le rôle important joué par l'aquaculture dans la production de poisson. Il a considéré l'aquaculture comme un sous-secteur sous-dévéloppé qui pourrait intervenir significativement dans la lutte pour l'allégement de la pauvreté. Suite à ces déclarations favorables, le gouvernement a approuvé un plan de développement de l'aquaculture pour 2000-2010, préparé par MOFI en fin 1999. L'objectif de ce plan est d'assurer au peuple vietnamien la sécurité alimentaire ainsi que la production de produits d'exportation, y compris des matériaux bruts destinés à être traités à l'extérieur. Il y est prévu que, d'ici l'an 2010, l'aquaculture contribuera 60 à 65 pour cent de la production totale de produits aquatiques. Le 15 juin 2000, le gouvernement a confirmé officiellement son support dans la Décision n° 09 concernant la restructuration économique de la commercialisation des produits agricoles, dans laquelle il est clairement indiqué que l'aquaculture durable doit être développée dans les plaines inondées et dans les zones côtières. La diversification des crustacés élevés dans différents systèmes intensifs et la polyculture d'espèces piscicoles variées sont considérées comme des approches adéquates de développement aquacole et sont encouragées. Les mesures incluent aussi des décisions concernant l'attribution de terres et l'accès en priorité au crédit, en faveur des pauvres et des paysans des régions isolées.

Cependant, ce support et les différentes activités des programmes et projets en cours n'ont pas été regroupés de façon à réellement adresser les objectifs concernant les moyens de subsistance des pauvres. Jusqu'au début des discussions sur la stratégie SAPA, le secteur aquacole n'a pas été inclus dans les programmes sectoriels proposés lors de la planification du programme gouvernemental national "Éradication de la faim et réduction de la pauvreté".

Systèmes culturaux appropriés

La récente téléconférence organisée par DFID sur les ressources aquatiques et les pauvres a noté que les moyens de subsistance de ceux-ci pouvaient être progressivement améliorés , étape par étape, par l'utilisation d'une approche participative et souple pour développer les aptitudes essentielles nécessaires à l'élevage et à la gestion. La mise en place d'une capacité institutionnelle et de structures d'incitation dans des agences de soutien locales devrait aussi être progressive, les mécanismes d'incitation ayant par exemple des budgets opérationnels pouvant être augmentés en fonction des progrès réalisés. Encourager les secteurs des pêcheurs, producteurs à petite échelle, spécialistes du traitement, etc. à travailler en réseau a également été identifié comme essentiel pour soutenir l'apprentissage local, national et régional.

Au Viet Nam, contrairement à ce qui s'observe dans beaucoup d'autres pays, l'aquaculture est généralement pratiquée à l'échelle familiale. En eau douce, les systèmes culturaux les plus populaires sont le système intégré jardin potager/étang piscicole/élevage animal en enclos (système VAC), la rizipisciculture et la polyculture de poissons en très petits réservoirs. Ces systèmes se caractérisent par des exigences minimes et par l'utilisation de peu d'intrants, y compris des ressources terrestres de faible productivité. Ils ont peu d'impact sur l'environnement et leur efficience économique est relativement élevée. Par exemple, tout en étant sans effet sur l'environnement et n'utilisant que 10 à 30 pour cent des terres disponibles, les systèmes culturaux intégrés génèrent de 30 à plus de 70 pour cent des revenus obtenus sur la ferme même. Un autre exemple concerne les systèmes culturaux associant riz et poisson. Lorsque des poissons sont élevés en rizière, les quantités de pesticides peuvent être réduites de 70 à 100 pour cent, sans influencer la production de riz. Dans des fermes de démonstration, les fermiers ont récolté de 3 à 5 pour cent de riz en plus ainsi que 230 à 300 kg de poisson, sans intrants additionnels. Ce système intégré a ainsi procuré un rendement net une fois et demie plus élevé que la riziculture traditionnelle et ceci, tout en réduisant les risques dus aux insecticides. Ceci démontre que des systèmes culturaux appropriés peuvent contribuer à l'amélioration des conditions sociales, économiques et environnementales.

En aquaculture côtière, des systèmes améliorés ont été introduits, caractérisés par l'élevage en petits étangs et en rotation de plusieurs espèces telles que crabes, poissons, crevettes, mollusques bivalves et algues marines, mais ceci devrait encore être perfectionner. En ce qui concerne par contre la mariculture, aucune attention n'a été donnée au développement de systèmes appropriés et la plupart des ressources potentielles sont encore inexploitées. La planification du développement de la mariculture vient d'être commencée en quelques zones sélectionnées, par des initiatives nationales soutenues par NORAD et la composante SUMA du projet Pêche DANIDA.

La génération de revenus et d'emplois, l'amélioration de la nutrition et la stabilité des moyens de subsistance par l'aquaculture ou par une meilleure gestion des ressources aquatiques résultent non seulement d'activités directement liées à la production mais aussi indirectement d'interventions comme par exemple le soutien aux équipages de bateaux de pêche ou aux équipes de pêche continentale, la génération d'emplois et/ou de bénéfices lors de la remise en état de l'environnement ou d'habitats, l'approvisionnement en intrants (aliments, alevins, filets, etc.), et des activités post-récolte (e.g. décorticage de crevettes, commercialisation, traitement traditionnel ou industriel de poisson).

Le défi

Bien que le potentiel soit considérable, il est nécessaire de se poser un nombre de questions fondamentales si l'on veut que les stratégies et politiques optées pour l'aquaculture bénéficient les gens pauvres de façon durable. Le défi consiste à les poser efficacement. Ces questions sont les suivantes:
  • La nécessité de planifier dans le cadre d'un développement rural (comme une stratégie générale pour la réduction de la pauvreté) centré sur la réduction de la pauvreté et adapté aux ressources et priorités locales. Il faut se rappeler plusieurs leçons du passé, comme par exemple de ne pas développer un type d'aquaculture en lagunes qui ne profite qu'aux mieux nantis alors que les familles pauvres et vulnérables sont déplacées; de ne pas soutenir le développement de la crevetticulture dans les provinces côtières pauvres, d'une manière qui affecte les gens les plus démunis en leur réduisant l'accès au crédit et à la terre et en les excluant des services de vulgarisation à cause de difficultés de langage, e.g. parmi les Khmers (OXFAM, 1999).
  • La nécessité de renforcer la capacité, dans les services intéressés, d'identifier et de soutenir les objectifs des moyens de subsistance des pauvres par l'analyse de la diversité et de la dynamique de ces moyens de subsistance et du rôle que peut avoir la gestion des ressources aquatiques; de soutenir la formulation de politiques et d'interventions basées sur les objectifs et les points forts des pauvres, tout en leur permettant de participer à la planification, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation de ces initiatives.
  • La nécessité d'attirer l'attention sur et de mieux faire connaître les expériences mettant en valeur l'influence de l'aquaculture sur les moyens de subsistance des pauvres, et dans certains cas, le rôle de démarreur qu'elle peut avoir dans l'amélioration des moyens de subsistance en milieu rural. La liaison avec la plate-forme régionale de formation établie par le programme NACA "Aquaculture pour le développement durable des moyens de subsistance en milieu rural" et plus d'informations sur les résultats obtenus au Viet Nam devraient permettre de mieux informer, de façon appropriée, les gens directement intéressés, les responsables des différents départements et ministères sectoriels et les donateurs, afin d'augmenter leur soutien aux initiatives de développement rural.
  • La nécessité d'établir un réseau de communication pour le grand nombre de pauvres, très dispersés, qui gèrent des ressources aquatiques, tout en tenant compte de leurs différents niveaux d'aptitude, de connaissance et d'éducation, et tout en se concentrant sur équité et inclusion; outre les autres intéressés, il faudrait y inclure les fournisseurs de services et d'équipements, les transformateurs et/ou les intermédiaires de commercialisation, ainsi que les agences soutenant les services de base comme crédit, vulgarisation, recherche, formation et éducation, qu'elles soient gouvernementales, non gouvernementales ou financées par des donateurs.
  • La nécessité d'améliorer l'accès pour les pauvres aux biens matériels, aux services financiers (crédit, assurance, épargne), à l'information (y compris par des approches non conventionnelles de vulgarisation) et aux marchés.
  • La nécessité de développer, pour l'aquaculture côtière (eaux saumâtre et marine), des technologies qui respectent l'environnement. Comme dans ce domaine il n'existe pratiquement pas de tradition, l'on est limité dans les choix d'une technologie appropriée et d'un type de développement, ce qui pourrait résulter en une dégradation de l'environnement (e.g. impacts des aliments aquacoles et des agents pathogènes; forte dépendance de la capture de juvéniles sauvages) et en des productions faibles et limitées.
  • La nécessité de limiter la dégradation ou l'exploitation non durable de la ressource naturelle de base, y compris habitats, biodiversité et ressources de poisson en régions côtières et continentales, par une planification adéquate des activités aquacoles et autres. Ceci devrait se faire conjointement aux initiatives plus larges de gestion de ressources et de développement rural, dont la gestion des ressources aquatiques fait partie.
  • La nécessité d'améliorer la coordination de l'assistance (de donateurs), à la fois parmi les agences gouvernementales intéressées et les donateurs eux-mêmes.

Références

DFID, 2000. Poverty and aquatic resources in Viet Nam: an assessment of the role and potential of aquatic resource management in poor people's livelihoods. DFID, Bangkok, Thailand, 36 pp.
DFID, 2000. Aquatic resources management for sustainable livelihoods of poor people. Proceedings of the DFID-SE Asia Aquatic Resources Management Programme E-mail conference, June 2000. DFID, Bangkok, Thailand, 148 pp.
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NACA/FAO, 2000. Aquaculture Development Beyond 2000: the Bangkok Declaration and Strategy. Conference on Aquaculture in the Third Millennium, 20-25 February 2000, Bangkok, Thailand. NACA, Bangkok and FAO, Rome, 27 pp.
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