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Chapitre 9 - Elaboration et mise en œuvre des plans d’aménagement par David DIE

Rosenstiel School of Marine and Atmospheric Science, Miami, Etats-Unis d’Amérique

1 INTRODUCTION

Les chapitres précédents ont présenté les «blocs de construction» servant à établir un bon aménagement des pêcheries. Les premiers chapitres ont traité des techniques qu’on peut utiliser pour aménager les pêcheries. Le chapitre 5 a donné un aperçu des informations nécessaires pour favoriser un bon aménagement. Les chapitres 6 et 7 ont précisé comment instaurer des droits de pêche en vue d’attribuer les ressources halieutiques à certains usagers et comment la participation des parties intéressées au processus d’aménagement permet d’améliorer l’efficacité de l’aménagement. Le moment est venu de montrer comment tous ces éléments peuvent être réunis en un seul instrument qui décrit brièvement comment l’autorité d’aménagement va effectivement s’y prendre pour gérer telle ou telle pêcherie. Cet instrument est le plan d’aménagement des pêcheries (PAP). Il fait l’objet du présent chapitre.

La planification est une partie essentielle du processus de gestion, qu’il s’agisse de la gestion d’une pêcherie ou de celle d’une chaîne de montage automobile. Le plan d’aménagement est l’instrument principal; il précise comment la gestion devra s’effectuer. Dans de nombreuses pêcheries, il est fréquent aussi que les PAP servent non seulement à la planification, mais encore à l’aménagement opérationnel. Ces plans ne se contentent pas de fournir une documentation sur la façon de réaliser à l’avenir les objectifs en matière d’aménagement (stratégie); ils décrivent aussi comment gérer la pêcherie actuellement (tactique). Ce double objectif des PAP n’est pas universellement reconnu. En effet, la seule mention faite à un PAP dans le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable se trouve au paragraphe 7.3.3, qui indique:

«Les objectifs à long terme devraient être traduits en mesures de gestion formulées dans un plan d’aménagement des pêcheries ou autre cadre d’aménagement.»

Cependant, les Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable (FAO, 1999) précisent que les PAP comportent une composante tactique qui définit l’aménagement au quotidien:

«Le plan d’aménagement prévoit en détail la manière dont une pêcherie doit être gérée et par qui elle doit l’être. Y est prévue une procédure d’aménagement qui indique en détail la manière dont les décisions de gestion doivent être prises en fonction de l’évolution de la situation propre à la pêcherie.»

Ces directives techniques de la FAO donnent en fait une définition très précise du PAP:

«Un plan d’aménagement des pêcheries est un arrangement officiel ou officieux entre une autorité d’aménagement d’une pêcherie et les parties intéressées, qui définit les partenaires intervenant dans la pêcherie et leurs rôles respectifs, énonce en détail les objectifs concertés pour la pêcherie, stipule les règles et règlements de gestion qui s’appliquent à cette dernière et fournit sur la pêcherie d’autres détails intéressant le rôle de l’autorité d’aménagement.»

En optant pour une définition qui reconnaît des arrangements officiels ou officieux, la FAO attire l’attention sur le fait qu’avoir un document officiel décrivant un PAP n’est peut-être pas le seul moyen d’atteindre les objectifs d’aménagement. Elle reconnaît que dans certaines pêcheries il existe des arrangements de gestion qui permettent de réaliser avec succès les objectifs d’aménagement, mais ne sont pas officiellement compilés pour former un document appelé PAP. Bien que de tels cas soient brièvement évoqués ciaprès et à la section 4.1 du chapitre 6, l’objet du présent chapitre reste avant tout de décrire le processus d’élaboration d’un PAP officiel. On a choisi pour ce faire de suivre les Directives techniques de la FAO (FAO, 1999) concernant l’élaboration, la mise en œuvre et la révision des PAP. Quelques exemples sont également présentés pour illustrer comment les composantes de ces directives se retrouvent dans les PAP élaborés pour certaines pêcheries importantes à travers le monde. Ces exemples ne se veulent pas exhaustifs; ils servent plutôt à mettre en lumière comment les PAP ont été élaborés et mis en œuvre concrètement dans les pêcheries.

2 ÉLABORATION D’UN PLAN D’AMÉNAGEMENT

2.1 Que devrait contenir un plan d’aménagement?

Les arrangements institutionnels concernant une pêcherie sont indispensables pour déterminer le contenu de son plan d’aménagement. Le contexte international, national et même régional dans lequel s’inscrit une pêcherie (voir chapitre 1, section 9) influera sur les politiques et la législation des pêches qui régissent cette pêcherie. Dans certains pays, comme les Etats-Unis d’Amérique et l’Australie, la législation des pêches mentionne de façon précise la nécessité d’élaborer des plans d’aménagement (par exemple, la loi sur les pêches au Queensland en Australie, ou la loi Magnuson-Stevens aux Etats-Unis). Cette même législation peut préciser quelles sont les principales rubriques qui devraient figurer dans un plan d’aménagement. Un PAP devrait présenter au minimum:

De plus amples détails sur le contenu exact d’un PAP sont donnés dans les exemples présentés à la section 6 du présent chapitre. Pour avoir des précisions sur la manière de définir les objectifs d’aménagement opérationnels, il convient de se référer au chapitre 5. Les chapitres 2 à 4 ainsi que le chapitre 6 présentent de façon détaillée les outils utilisés pour réaliser les objectifs d’aménagement. Le chapitre 5 décrit le type d’informations scientifiques qu’on peut utiliser pour évaluer la situation d’une pêcherie sur le plan biologique, écologique, économique et social, alors que le chapitre 6 présente une synthèse approfondie des droits d’usage.

2.2 Obligations internationales en matière de politique des pêches

De nos jours, l’une des obligations fondamentales prises en considération dans un PAP est l’adhésion à la Convention - internationalement sanctionnée - des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, au Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable et à l’approche de précaution appliquée à l’aménagement. Une telle adhésion est généralement prise en compte dans les politiques des pêches de chaque Etat ou dans les statuts des organisations internationales chargées de coordonner l’aménagement des pêcheries. Pour ce qui est de la pêche en haute mer et des plans concernant les stocks chevauchants, les PAP doivent décrire en termes clairs le contexte international institutionnel et réglementaire dans lequel le plan est applicable (par exemple, l’accord des Nations Unies sur les stocks halieutiques - voir chapitre 1, tableau 2). Dans ces cas-là, le PAP devrait tenir compte à la fois de la politique nationale d’aménagement des pêcheries et des statuts de la Commission ou de l’organisation internationale chargée de coordonner l’aménagement de la pêcherie internationale. Par exemple, le PAP de l’Australie pour le thon rouge du sud a comme premier objectif d’«assurer, grâce à un aménagement approprié et conjointement avec la Commission pour la conservation du thon rouge du sud, la conservation de cette espèce.»

Il faut faire preuve de prudence à l’égard des PAP nationaux élaborés pour l’aménagement de pêcheries dont les ressources se trouvent, tout au moins en partie, en haute mer, ou qui sont communes à deux pays ou davantage. Comme ces ressources ne relèvent pas de la juridiction d’une seule nation, le PAP - qui est un instrument national - ne s’appliquera qu’à l’intérieur de la ZEE de cette nation. Cela ne veut pas dire que le PAP sera inefficace, mais ce dernier devra peut-être définir des objectifs nationaux limités par les objectifs d’autres pays (voir Code de conduite, paragraphes 6.12, 7.1.2 et 7.3.2). Le chapitre 4, notamment la section 5, étudie cette question de manière plus détaillée.

2.3 Obligations nationales/provinciales en matière de politique des pêches

Les politiques nationales des pêches devraient être appuyées par un cadre juridique et institutionnel, de sorte que les PAP puissent être le principal instrument d’aménagement. A cet égard, toute politique nationale des pêches devrait définir l’éventail des obligations minimales qu’un plan d’aménagement des pêcheries devrait prévoir. La politique nationale devrait donc déterminer dans les grandes lignes le type d’informations nécessaires à inclure dans un PAP, afin que tous les PAP puissent réaliser les objectifs de la politique nationale des pêches. Comme il s’agira vraisemblablement de grands objectifs, il est probable que les informations requises seront d’ordre général Cependant, la responsabilité de s’assurer que les objectifs spécifiques d’un PAP sont conformes à la politique nationale des pêches incombe aux personnes chargées de la préparation de chaque PAP.

2.4 Obligations propres à chaque pêcherie

Les obligations minimales spécifiées dans les politiques nationales des pêches laissent en général une très grande liberté d’action en ce qui concerne le contenu d’un PAP. Ainsi, à l’intérieur d’une même juridiction en matière de pêche, il existe de grandes différences entre les PAP élaborés pour différentes pêcheries. Il s’agit là d’un point fort de la politique, car cela permet de garantir que le PAP est élaboré de façon à s’adapter aux besoins particuliers des gestionnaires de chaque pêcherie au lieu d’être une simple obligation bureaucratique.

Il est essentiel que le plan précise comment les objectifs d’aménagement du plan (objectifs opérationnels) seront atteints. Dans la mesure du possible, chaque objectif d’aménagement devrait être examiné individuellement, et il convient d’identifier et d’expliquer les mesures d’aménagement destinées à faciliter la réalisation de cet objectif. Le plan doit donc bien préciser comment les objectifs et les mesures sont liés et quels indicateurs de performance seront utilisés pour mesurer le degré de réalisation des objectifs d’aménagement. Cela doit se faire en structurant le plan de façon telle que l’élaboration d’indicateurs de performance soit rendue nécessaire (voir chapitre 1, figure 2). Les indicateurs doivent concerner tous les objectifs du plan; il y aura donc en général des indicateurs relatifs à la situation biologique du stock, mais aussi des indicateurs sociaux et économiques sur la santé de la pêcherie.

Ces indicateurs tiendront compte également des points de référence convenus et évalueront par exemple dans quelle mesure le plan réussit à atteindre les points de référence cibles et à ne pas dépasser les points de référence limites. En général, le plan ne donnera pas de précisions sur la façon d’élaborer les indicateurs, mais il doit exiger leur élaboration. A titre d’exemple, les prévisions sur l’incidence économique des mesures d’aménagement des pêcheries pourraient être utilisées comme indicateur du succès d’un plan visant à atteindre son objectif de maximiser le rendement économique. La section 3 du chapitre 5 examine de façon détaillée des exemples d’indicateurs spécifiques que l’on peut utiliser dans les PAP.

Le PAP devrait décrire de façon précise les caractéristiques de l’environnement naturel dans lequel se trouve la pêcherie et signaler comment les modifications de cet environnement peuvent affecter l’aménagement de la pêcherie. S’il existe des structures d’aménagement traditionnelles ou des droits utilisés de longue date, il convient d’en tenir compte et de les mentionner dans le PAP (le chapitre 6 étudie la question des droits d’usage).

Les objectifs d’aménagement d’un PAP sont souvent opposés (par exemple, la conservation des ressources s’oppose à un rendement économique maximal ou à l’incitation au développement). Le plan doit reconnaître l’existence de ces antagonismes et y remédier en prévoyant un processus permettant de résoudre les conflits entre les objectifs, comme suggéré au chapitre 5. Ainsi, certains des indicateurs liés aux objectifs de conservation peuvent représenter des contraintes, alors que les indicateurs de performance économique pourraient constituer des cibles. Cela permettra de définir des objectifs opérationnels et d’avoir des points de référence limites et cibles appropriés. Dans ces conditions, le développement concerne aussi les ressources humaines, donc le renforcement des capacités et l’amélioration de la qualité de vie.

2.5 Qui devrait élaborer le plan d’aménagement?

2.5.1 Arrangements institutionnels

Il appartient à l’autorité chargée de l’aménagement de la pêcherie d’élaborer le PAP, mais cette autorité doit s’assurer que toutes les parties intéressées de la pêcherie participent à l’élaboration de ce plan (Code de conduite, paragraphe 7.1.2; FAO, 1999). Pour de plus amples détails sur la façon de faire participer les organisations communautaires au processus d’aménagement, se référer au chapitre 7.

2.5.2 Participation des parties intéressées

Comme mentionné au chapitre 7, il faudrait donner à toutes les parties intéressées la possibilité de participer à l’élaboration d’un PAP. L’une des premières étapes de ce travail d’élaboration devrait consister à identifier les parties intéressées et à les consulter. Au plus tôt les parties intéressées seront associées à l’élaboration du plan, au plus sera grand le sentiment que la version finale du PAP leur appartient. En participant à cette mise au point, elles prendront davantage conscience de leurs droits et responsabilités en matière de gestion des ressources et auront tendance à mieux respecter les dispositions relatives à la gestion. Toutes les étapes de la consultation des parties intéressées (par exemple, les observations sur le document de travail) devraient figurer de façon officielle dans le plan. Lorsqu’il existe des différences notables dans la capacité des parties intéressées à participer à ce processus, le plan devrait prévoir le renforcement des capacités. Le chapitre 6 (section 3) étudie en détail la notion de «droits de gestion», c’est-à-dire le droit de prendre part au processus d’aménagement, et la section 7 du chapitre 7 analyse les questions d’équité liées à la capacité des différentes catégories de parties intéressées à participer au processus d’aménagement.

Il est de plus en plus nécessaire d’essayer de coordonner les plans d’aménagement de toutes les ressources marines, notamment des pêcheries. D’autres instances mettent au point leurs propres plans d’aménagement des ressources marines, et les gestionnaires des pêcheries sont de plus en plus conscients de la nécessité de tenir compte dans l’aménagement de l’incidence sur l’écosystème et de protéger les habitats et les ressources qui ont une importance cruciale pour la santé de la pêcherie. Cette nécessité de coordonner l’aménagement conduit à devoir s’assurer que, parmi les groupes intervenant dans le processus de consultation publique, figurent tous les organes d’aménagement qui ont des responsabilités en matière de gestion des activités ou des ressources qui peuvent avoir un lien avec les ressources halieutiques ou les affecter, ou avec l’environnement qui les fait vivre (Code de conduite, paragraphes 10.1.2 et 10.1.5). Comme ces organes élaborent souvent eux-mêmes les plans d’aménagement, ce processus de consultation peut s’avérer long et difficile. Il arrive fréquemment que d’autres organes d’aménagement marin aient, en ce qui concerne l’importance des ressources du milieu marin, des points de vue différents de ceux des organismes de pêche. Cela crée souvent des différences d’opinion entre les organismes de conservation et les organismes de pêche à propos de ce qui est réalisable. Une façon de venir à bout de ces divergences est d’engager des négociations bien structurées dans le cadre du processus de consultation visant à l’élaboration du PAP.

2.5.3 Connaissances techniques

Pour pouvoir élaborer un PAP, il faut disposer de beaucoup d’informations sur la pêcherie, ainsi que sur les conditions sociales, économiques et du milieu naturel dans lesquels s’exercent les activités de la pêcherie. C’est l’autorité d’aménagement qui doit collecter les informations, sous forme de données ou de connaissances techniques. Le chapitre 5 donne des détails sur le type d’informations qu’il convient de recueillir et sur la manière de les présenter aux responsables de l’élaboration du PAP.

2.6 Les différentes étapes de l’élaboration d’un plan d’aménagement

Théoriquement, l’élaboration d’un plan d’aménagement est la première mesure de gestion que devrait prendre tout organisme de pêches responsable, lorsqu’il entreprend d’aménager une pêcherie (FAO, 1999). Cependant, dans la pratique, ce n’est que récemment que les plans d’aménagement ont été élaborés, même pour les pêcheries les plus importantes du monde. La première étape de l’élaboration d’un PAP consiste en général à créer un groupe de travail qui établit un document de base. Le public est ensuite invité à formuler des observations - lors de réunions ou par le biais de lettres - qui sont examinées, et une réponse officielle est donnée. Une version préliminaire du plan d’aménagement est alors préparée et mise en circulation. Là encore, les observations du public sont sollicitées et analysées, et elles reçoivent une réponse officielle. Après quoi, la version définitive du plan d’aménagement est mise au point et envoyée au ministre compétent pour approbation, avant d’entrer en vigueur. Ces différentes étapes sont décrites en détail ci-après.

2.6.1 Le document de base

Lorsque la mise au point d’un PAP est presque terminée, le mieux est de faire sortir le plan sous forme de version préliminaire destinée à recevoir les observations du public. Ce document décrit en termes simples les raisons de l’élaboration du plan et le contenu proposé. Il est semblable à celui d’un PAP mais il doit être facile à lire, et il contient souvent davantage d’informations générales sur la pêcherie que le PAP. Ce document, qu’on appelle fréquemment document de base, devrait viser deux objectifs: donner au public et aux parties intéressées des informations concernant le plan et s’efforcer d’obtenir leurs observations. Des informations importantes, telles que la législation actuelle ou une synthèse des connaissances sur la situation de la pêcherie, devraient figurer sous forme d’annexe au document de base. Ces textes peuvent comporter une liste des questions précises qui se rapportent à chacun des principaux sujets identifiés par le groupe lors de l’élaboration du PAP. Les questions font souvent partie d’un questionnaire officiel qui figure dans le document de base et qui est destiné à inciter les parties intéressées à formuler leurs observations. Le questionnaire devrait également inviter à formuler des observations générales, autres que celles recherchées par le biais des questions. Il est important que l’autorité d’aménagement encourage les représentants de toutes les parties intéressées à prendre le temps d’étudier le document de base et à lui faire part de leurs observations. La participation de toutes les parties intéressées est essentielle, et l’autorité d’aménagement devrait la faciliter dans la mesure du possible. Elle est importante surtout parce que les personnes associées à l’élaboration initiale du document de base ont l’occasion et la responsabilité de décider de la portée du plan final. L’investissement fait au départ dans le processus de consultation permettra ensuite d’économiser beaucoup de ressources et contribuera à ce que le plan soit accueilli le plus favorablement possible dès le départ, quand il sera mis en œuvre.

2.6.2 Consultation du public

Une fois que le document de base a été officiellement mis en circulation, il convient d’accorder au public et aux parties intéressées un certain délai, par exemple trois mois, pour qu’ils puissent formuler leurs observations. Pendant ce temps, il est conseillé d’organiser des réunions (par exemple dans les principaux ports de pêche) entre l’autorité d’aménagement et les parties intéressées pour recueillir les observations et favoriser les débats. La transparence manifestée au cours de ce processus facilitera plus tard la mise en œuvre du plan. Une fois que les observations ont été collationnées, l’autorité d’aménagement devrait y répondre officiellement et procéder à la révision des sections du plan qu’elle juge nécessaire.

La période de consultation publique est aussi le temps de la négociation, et il ne faut pas sous-estimer les efforts que les responsables de l’élaboration du plan devraient lui consacrer. En effet, la consultation conduit inévitablement à exprimer des opinions divergentes en ce qui concerne le processus d’aménagement. Ces différents points de vue doivent toujours être comparés aux objectifs d’aménagement fixés pour le plan et pour la politique nationale des pêches. L’autorité d’aménagement des pêcheries doit donc s’assurer que les intérêts particuliers de quelques parties intéressées ne l’emportent pas sur les principes énoncés dans la politique nationale des pêches.

2.6.3 Version préliminaire du plan d’aménagement

La version préliminaire du plan d’aménagement est alors mise en circulation, et de nouveaux commentaires sont recherchés, là encore dans un délai de quelques mois. Cette version préliminaire sera probablement assez différente du document de base, en particulier à cause des termes juridiques qui ont été introduits dans certaines sections. Les gens auront donc plus de difficulté à comprendre ce document et à formuler des observations, ce qui met en lumière les avantages qu’il y a à distribuer au départ un document de base. L’autorité d’aménagement des pêcheries devrait, là encore, veiller à ce que la version préliminaire du plan soit comprise et bien acceptée par les parties intéressées. Lorsque la deuxième période consacrée aux observations est terminée, et sauf circonstances exceptionnelles exigeant une autre révision et une troisième série d’observations, la version finale du plan devrait être préparée et soumise au ministre des pêches ou à son homologue, pour approbation. Pour garantir que des retards dans ce processus ne portent pas préjudice aux moyens dont dispose l’autorité responsable des pêches pour mener à bien l’aménagement, il convient de rappeler sans relâche au public et aux parties intéressées que les PAP doivent être révisés périodiquement et qu’on ne fait pas preuve de prudence en retardant des mesures d’aménagement nécessaires, alors que la situation des ressources réclame des mesures de conservation. Le ministre des pêches doit, lui aussi, être ferme à cet égard et devrait éviter que des interférences d’ordre politique ne viennent gêner la mise en œuvre d’un plan qui a été élaboré dans le cadre du processus de consultation approprié.

3 MISE EN ŒUVRE DES PLANS D’AMÉNAGEMENT

Une fois que le PAP a été approuvé, il est important d’informer le public sur son contenu. Une bonne stratégie consiste à résumer les principaux points du plan, en les présentant sous forme de brochures faciles à lire ou de courts documents qui peuvent être distribués aux parties intéressées. Ces documents seront destinés à informer le public sur le contenu du nouveau plan, et il est probable qu’ils vont susciter des observations dont on pourra tenir compte lors des prochaines révisions du plan. Ces documents, on l’espère, garantiront aussi une meilleure observation des réglementations, vu qu’ils expliquent pourquoi ces dernières ont été mises en place.

Les plans d’aménagement devront tenir compte de la probabilité qu’ils seront respectés, et il convient d’envisager des mesures de police visant à assurer ce respect (Code de conduite, paragraphes 7.7.2 et 7.7.3). Un plan d’aménagement qui ne peut pas être respecté comme il convient risque de porter atteinte à la crédibilité de l’autorité d’aménagement et de nuire ainsi à l’aménagement d’autres pêcheries (FAO, 1999). Lors de l’élaboration du plan, il est essentiel de demander aux pêcheurs et aux autres parties intéressées qui sont concernés par les règlements du plan si ces derniers ont toutes les chances d’être respectés (voir chapitre 8, section 2.2.8). Le plan devrait aussi souligner les conséquences des infractions et mentionner les sanctions prévues pour les délits graves (retrait de licence, amendes). Outre les détails que donne le chapitre 8 sur le suivi, le contrôle et la surveillance, le chapitre 6 explique comment mettre en œuvre un système de droits d’usage et comment un tel système peut favoriser le respect des règlements. Le chapitre 7 décrit comment des associations locales peuvent faciliter la mise en œuvre du plan et l’observation des règles énoncées dans le plan.

4 RÉVISION ET MODIFICATION DES PLANS D’AMÉNAGEMENT

Les facteurs importants pour les pêcheries se modifient au fil du temps, d’où la nécessité de réviser périodiquement les PAP (voir chapitre 4, et chapitre 5, figure 10). Dans la mesure du possible, il faudrait prévoir ces changements lors de l’élaboration du plan d’aménagement et les inclure dans la section du plan consacrée au processus de révision. Par exemple, si l’on sait qu’il faut plusieurs années avant que les effets d’une nouvelle mesure d’aménagement (par exemple la création d’une réserve marine) soient perceptibles, le plan peut inciter à réviser cette mesure une fois que le nombre d’années nécessaires est écoulé.

4.1 Mécanisme de révision

Le mécanisme de révision devrait être précisé dans le plan lui-même. En général, le processus de consultation devrait être analogue au processus initial d’élaboration du plan, mais il est probable qu’il prendra moins de temps, et il ne devrait nécessiter qu’une seule version révisée destinée à recevoir les observations des parties intéressées et du public, avant que la version finale ne soit présentée pour approbation. Des révisions plus importantes du plan peuvent réclamer des réunions publiques, au cours desquelles les parties intéressées auront l’occasion d’exposer leurs points de vue sur les amendements proposés. En raison de la nécessité de consulter le public, il est préférable, chaque fois que possible, de ventiler les amendements du plan en petites composantes, au lieu d’essayer de remédier à toutes les imperfections du PAP avec un seul amendement. On a utilisé avec succès cette stratégie aux Etats-Unis d’Amérique pour modifier les plans d’aménagement de pêcheries multispécifiques complexes, telles que le pêcherie de poissons du Récif du golfe du Mexique ou la pêcherie de vivaneaux et de mérous de l’Atlantique Sud. Dans ces deux pêcheries, un amendement est préparé presque chaque année par les conseils de gestion respectifs. Certains de ces amendements sont préparés et approuvés en l’espace de quelques mois, mais d’autres prennent parfois plus de temps. Il arrive que les conseils examinent plus d’un amendement à la fois. En procédant à la révision par petites étapes, les conseils de gestion réussissent à améliorer le plan de façon continue. Le chapitre 7 donne des détails sur les méthodes susceptibles de faciliter le processus de révision au niveau de la communauté et décrit utilement comment réviser les plans des pêcheries artisanales.

4.2 Stratégie de révision

Les révisions du plan sont souvent rendues nécessaires par l’évolution des conditions socio-économiques de la pêcherie ou par les changements intervenus dans la situation biologique du stock halieutique. Une fois que le plan est élaboré, il faut parfois plusieurs années avant qu’on puisse pallier l’insuffisance d’informations éventuellement remarquée lors de l’élaboration. Ainsi, une profonde révision du PAP risque de ne pas avoir lieu avant plusieurs années, une fois que les chercheurs et administrateurs auront eu le temps de faire le point, et d’évaluer la nécessité et les effets de nouvelles règles éventuelles de gestion. Il faut toutefois se rappeler que le manque d’informations scientifiques ne peut servir de prétexte à l’inaction et que l’approche de précaution incite à prendre des mesures d’aménagement sur la base des données les plus fiables disponibles (Code de conduite, paragraphe 7.5.3). Les PAP doivent donc être révisés chaque fois qu’il est prudent de le faire, et non pas seulement quand de nouvelles données deviennent disponibles. Il est donc recommandé de prévoir à l’intérieur du PAP un calendrier régulier de révision. Un plan devrait être révisé au moins tous les cinq ans.

4.3 Modifier les mesures d’aménagement sans amender le plan d’aménagement

Dans certains cas, le processus de révision d’un plan d’aménagement est trop long et donc pas assez efficace pour apporter une modification urgente à une mesure d’aménagement. Cela tient souvent au fait que les PAP sont fréquemment des documents comportant des lois, qui pour pouvoir être modifiés requièrent une procédure particulière et très longue. C’est pourquoi il est conseillé de prévoir dans le plan la possibilité de faire des modifications qui ne nécessitent pas l’amendement du plan. En Australie, par exemple, c’est l’instance chargée de l’aménagement des pêches qui adopte, au moyen de règles exécutives (appelées «directions» en Australie), les règlements qu’il faut modifier avec un court préavis, par exemple le début et la fin de la saison de pêche ou le total admissible de capture annuel. Ces règles ont une valeur juridique, mais ne nécessitent pas l’amendement du plan. Cela est possible si l’on précise dans le PAP la nature des règles et les conditions dans lesquelles ces règles peuvent être adoptées.

5 LES PLANS D’AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES DANS LA PERSPECTIVE D’UN DÉVELOPPEMENT ÉCOLOGIQUEMENT DURABLE

Au début, les gestionnaires des pêcheries n’avaient pour tâche que de contrôler l’exploitation de la ressource cible, sans devoir prendre en compte l’incidence de cette exploitation sur les autres ressources. Par la suite, la gestion des espèces pêchées accidentellement a été inscrite à leur programme d’action. Désormais, l’un des rôles importants des gestionnaires est de gérer les effets indirects de la pêche sur les autres espèces marines qui dépendent des ressources halieutiques pour leur nourriture, ainsi que l’impact des engins de pêche sur l’habitat marin (voir, par exemple, Code de conduite, paragraphe 7.2.2). Toutes ces questions doivent être examinées lors de l’élaboration d’un PAP. La section 5 du chapitre 2 analyse les incidences des différents engins de pêche sur l’ensemble de l’écosystème, et la section 2.2 du chapitre 3 étudie les moyens de contrôler ces incidences par le biais de restrictions géographiques et saisonnières.

De nombreux pays reconnaissent qu’il faut faire figurer les grandes questions de développement écologiquement durable (DED) dans la politique des pêches. Cependant, dans la pratique, cela ne s’est pas toujours traduit en changements opérationnels apportés aux PAP, en partie parce que la plupart des questions relatives aux effets de la pêche sur les espèces non visées ou sur l’habitat marin sont mal comprises ou peu étudiées. En outre, il y a en général peu de mesures de gestion qui permettent de réduire les effets négatifs sur l’environnement, par exemple la destruction des habitats par les chaluts, sans perturber gravement les opérations de pêche.

Ce défaut d’informations ne signifie pas qu’il faille ignorer les questions de DED lors de l’élaboration d’un PAP. Il est essentiel que ces questions soient au moins mentionnées dans le plan. S’il n’existe pas d’information pour évaluer l’importance des effets ou sur les moyens dont dispose les gestionnaires pour les contrôler, le plan devra au moins préciser comment l’information sera obtenue à l’avenir et fournir un calendrier d’action pour recueillir cette information (voir Code de conduite, article 12, et chapitre 5, section 5).

Lorsque la responsabilité de gérer l’environnement côtier ou les ressources marines sans rapport avec la pêche n’incombe pas à l’instance chargée des pêcheries, il est essentiel de lier le PAP à d’autres plans d’aménagement, par exemple les plans d’aménagement des zones côtières (Code de conduite, paragraphe 6.9). Il faudrait au minimum préciser dans le PAP quels sont les organismes responsables de l’aménagement de l’environnement côtier et marin qui peuvent être concernés par le PAP ou s’y intéresser. L’idéal serait d’élaborer le PAP de façon qu’il aide à réaliser les objectifs des plans d’aménagement des zones côtières là où la pêche est pratiquée. Cela pourrait se faire directement avec les instruments d’aménagement disponibles dans le cadre de la législation des pêches, par exemple l’interdiction de couper les mangroves ou d’endommager les herbiers marins. Les organismes chargés des pêches doivent faire partie des mécanismes d’aménagement des zones côtières, afin de garantir que, le cas échéant, le PAP deviendra un instrument de plus permettant de réaliser les objectifs de ces mécanismes. Cela aidera aussi à garantir que d’autres plans d’aménagement sectoriels élaborés à l’intérieur de ces mécanismes faciliteront la réalisation des objectifs du PAP. La section 3.2 du chapitre 3 examine quelques-unes des difficultés rencontrées pour intégrer les objectifs de la pêcherie dans le schéma à objectifs multiples de l’aménagement des zones côtières.

6 EXEMPLES DE PLANS D’AMÉNAGEMENT

Les sections précédentes ont décrit dans les grandes lignes comment élaborer et mettre en œuvre un PAP. Quatre exemples de PAP actuellement en vigueur sont maintenant présentés pour aider à replacer ces plans dans le cadre de l’aménagement courant des pêcheries. Ces exemples sont représentatifs du large éventail des PAP existants. Le premier concerne une seule pêcherie industrielle d’un pays développé, alors que le deuxième illustre un ensemble de pêcheries industrielles et artisanales situées dans un pays en développement. Le troisième exemple concerne un plan destiné à une unique espèce exploitée dans une pêcherie artisanale multispécifique, et le dernier exemple cherche à montrer comment planifier le développement de nouvelles pêcheries.

6.1 Le plan d’aménagement de la pêcherie septentrionale de crevettes de l’Australie

La pêcherie septentrionale de crevettes roses (Northern Prawn Fishery - NPF) de l’Australie n’a pour cible qu’une seule espèce et n’a recours qu’à un seul engin, le chalut; la pêche y est pratiquée en haute mer, dans cette lointaine partie du monde située au nord de l’Australie. Bien que le PAP n’ait été élaboré qu’en 1995 la NPF est gérée de façon stricte depuis les années 80. Ce plan est donc un exemple de PAP en matière de pêcherie industrielle bien aménagée. Il a été établi conformément à l’Australian Fisheries Management Act de 1991 et a pour but d’assurer que les objectifs politiques de l’autorité australienne d’aménagement des pêches sont atteints dans la NPF et que les captures accessoires y sont réduites au minimum[16]. Il est précisé dans le plan que l’objectif de ce dernier est d’assurer que l’exploitation des ressources halieutiques et la poursuite de toutes les activités connexes sont conformes aux principes du développement écologiquement durable et au principe de précaution, notamment en ce qui concerne la nécessité de tenir compte de l’impact des activités halieutiques sur les espèces non visées et sur la viabilité à long terme de l’environnement marin; l’objectif est aussi de maximiser la rentabilité économique de l’exploitation des ressources halieutiques (Anon., 1995).

Ce plan est établi selon des principes directeurs clairs, définis dans la politique australienne des pêches. En conséquence, il se limite à donner des détails opérationnels sur l’aménagement de la pêcherie, sans porter sur la politique générale des pêches.

Au début du PAP, figure une liste de définitions des termes juridiques qui sont utilisés tout au long du plan (tableau 1). La section suivante traite des objectifs, des mesures d’aménagement et des mesures ou indicateurs de performance. Comme la NPF est une pêcherie aménagée par le biais du contrôle des moyens de production (voir chapitre 4), notamment la limitation des licences, la deuxième section du plan met l’accent sur les droits de pêche (voir chapitre 6). Cette section traite des types de droits existants, de leur mode de transfert et des obligations des détenteurs de droits de pêche. La dernière section du plan décrit de façon détaillée la zone aménagée et donne une liste de tous les amendements.

6.2 Le plan d’aménagement des pêcheries de la Barbade

Le Barbados Fisheries Act (1993-1996) invitait l’administrateur en chef des pêcheries à élaborer un plan d’aménagement pour les pêcheries de la Barbade. En 1997, le Comité consultatif des pêches, en consultation avec le secteur de la pêche et le public, a mis au point le PAP (Anon., 1997). Bien que les pêcheries de la Barbade, comme celles de beaucoup d’autres pays en développement, soient extrêmement diverses, le gouvernement a décidé de mettre au point un seul plan d’aménagement pour toutes les pêcheries. Tel n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays où un plan d’aménagement est élaboré pour chaque pêcherie. De ce fait, les objectifs du plan d’aménagement des pêcheries de la Barbade sont beaucoup plus généraux que les objectifs d’autres plans. Ces objectifs sont énoncés au début du plan (tableau 2) et consistent notamment à répondre aux besoins nutritionnels humains ainsi qu’aux impératifs sociaux et économiques, en intégrant la politique des pêches dans l’aménagement des zones côtières, sans perdre de vue les connaissances traditionnelles sur les pêcheries ni les intérêts particuliers des communautés locales (côtières). D’autres objectifs du PAP de la Barbade sont plus couramment énoncés dans d’autres plans, par exemple maintenir ou rétablir les populations de poissons à des niveaux qui permettent un rendement constant maximal; encourager l’utilisation d’engins de pêche sélectifs pour limiter le gaspillage et les captures accessoires; rechercher, surveiller et contrôler les opérations de pêche et les ressources halieutiques; protéger les espèces menacées d’extinction et les écosystèmes fragiles; enfin, coopérer avec d’autres pays pour gérer les stocks de poissons communs, chevauchants et migrateurs. Le plan présente ainsi une vue d’ensemble du secteur de la pêche qui, manifestement, comprend toute la gamme des modes de pêche et des ressources recensées dans le pays, de la pêche à la nasse dans les eaux peu profondes pour les poissons de récifs et les homards jusqu’à la pêche au filet maillant océanique pour les poissons volants, en passant par la pêche à la ligne et à la palangre pour les espèces pélagiques côtières et océaniques et le ramassage manuel des oursins.

TABLEAU 1

Grandes lignes du plan d’aménagement de la pêcherie septentrionale de crevettes de l’Australie, élaboré en 1995


Première partie: dispositions d’introduction

1

Nom du plan

2

Démarrage

3

Interprétation

4

Objectifs

5

Mesures

6

Critères de performance


Deuxième partie: droits de pêche statutaires

7

Droits de pêche statutaires en matière d’engins

8-13

Types de droits de pêche statutaires (licences de pêche)

14-17

Qui peut pêcher dans la zone de la NPF

19

Désignation et remplacement des navires

20-24

Suppression des droits de pêche statutaires

25

Indications données par l’autorité d’aménagement (durée de la saison de pêche, etc.)

26

Transfert des droits de pêche statutaires

27

Expiration des droits de pêche statutaires


Troisième partie: divers

28-35

Certificats, délégation, arrangements en matière d’amodiation des droits de pêche statutaires Calendrier 1 Zone de la pêcherie septentrionale de crevettes


TABLEAU 2

Grandes lignes du plan d’aménagement des pêcheries de la Barbade


Principes indicatifs (mission, buts, politique générale des pêches et profil du pays)

Profil du secteur de la pêche (vue d’ensemble des pêcheries, industries de la pêche, liens intersectoriels)

Aménagement des pêcheries (processus de planification des pêcheries, aménagement des zones côtières, législation sur la pêche, accords régionaux relatifs à la pêche, cadre organisationnel, recherche et statistiques, suivi, contrôle et surveillance, inspection, immatriculation et octroi de licences)

Développement des pêcheries (capture, après-capture et secteurs de l’Etat)

Aménagement et mise en oeuvre de certaines pêcheries (une description pour chaque pêcherie)

Options d’aménagement des pêcheries

Glossaire

Le processus d’aménagement des pêcheries utilisé pour élaborer et mettre en œuvre le PAP est ensuite décrit, et la nécessité de lier le PAP au plan d’aménagement des zones côtières est identifié[17]. Puis le plan décrit la législation qui influe directement sur le plan et il présente un historique des accords de pêche bilatéraux antérieurs ou actuels avec d’autres pays. La section suivante du plan définit le cadre organisationnel du secteur des pêches de la Barbade, notamment les organisations gouvernementales et non gouvernementales s’intéressant à la pêche et les programmes de pêche administrés par des organisations internationales. La section se termine par une description des activités de recherche, suivi, surveillance, octroi de licences et inspection menées à la Barbade.

Le plan présente ensuite une analyse des problèmes importants en ce qui concerne la capture, l’après-capture et le secteur de l’Etat. Pour chaque problème, tout un ensemble de mesures facultatives d’aménagement sont énoncées et des stratégies de mise en œuvre proposées, avec une description des ressources nécessaires. Un problème important pour le secteur de la capture est par exemple le manque d’associations de pêcheurs et de propriétaires de bateaux. Pour traiter ce problème, on peut encourager le développement organisationnel et offrir des mesures d’encouragement et des activités de formation. Les stratégies permettant de réaliser ces actions consistent par exemple à subventionner certaines organisations et à fournir des cours de vulgarisation en matière de développement organisationnel. Le plan fait évidemment remarquer que, pour les mener à bonne fin, des fonds et des formateurs seront nécessaires. Bien que les objectifs du plan soient généraux, une analyse en profondeur de tous les problèmes permet au gouvernement de les résoudre un à un dans l’ordre de priorité établi par les politiques du Gouvernement de la Barbade et en fonction des ressources disponibles pour la mise en œuvre. Au fur et à mesure que certains de ces problèmes seront résolus, on s’attend à ce qu’ils disparaissent des prochaines versions du plan. Précisons de nouveau que le plan est un document qui évolue.

La dernière partie du PAP comprend des plans secondaires pour chacune des huit grandes pêcheries de la Barbade. Il s’agit de plans courts de deux ou trois pages, qui décrivent brièvement les espèces visées, les captures accessoires, l’environnement, la pêcherie, l’unité chargée de l’aménagement, l’état des ressources, les tendances des captures et de l’effort, les politiques précises d’aménagement, les objectifs et les approches qui existent déjà pour ces pêcheries; ils donnent en outre une liste des possibilités de développement et des contraintes. Cette partie descriptive est suivie, comme dans la partie principale du PAP, d’une liste des problèmes et des mesures proposées pour les résoudre, de même que des ressources nécessaires. A la fin du plan, figure une liste - avec des descriptions non techniques - des options d’aménagement des pêcheries utilisées dans le plan, ainsi qu’un glossaire.

6.3 Le plan d’aménagement de la pêcherie de strombes pour Porto Rico et les îles Vierges américaines

Le Magnuson-Stevens Act des Etats-Unis d’Amérique demande que les conseils des pêches régionaux mettent au point des PAP pour les ressources de chaque région. En 1996, le Conseil d’aménagement des pêcheries des Caraïbes a élaboré un plan pour l’aménagement de la pêcherie de strombes roses des eaux des Caraïbes américaines (Anon., 1996). D’autres plans analogues existent pour les plantes et les invertébrés associés aux coraux et aux récifs, pour les poissons de récifs des eaux peu profondes et pour la langouste.

Les strombes sont capturés dans toutes les Caraïbes, où ils représentent une ressource de valeur pour les artisans-pêcheurs. La ressource semble surexploitée sur le plan biologique dans bon nombre de pays, y compris aux Caraïbes américaines. L’aménagement de cette ressource se heurte à un problème majeur car le stock est commun à de nombreux pays, et il faut donc parfois que plusieurs pays coordonnent la gestion. Le plan d’aménagement de la pêcherie de strombes le reconnaît explicitement dans son résumé analytique, en soulignant la nécessité à la fois de mesures d’aménagement locales et d’une coopération régionale.

Au début du plan, figure une liste des définitions de tous les termes techniques utilisés dans le document; elle est suivie d’une introduction qui précise le contexte du plan (législation des Etats-Unis en matière de pêche et programme de gestion du Conseil d’aménagement des pêcheries des Caraïbes) et sa portée (tableau 3). Les deux sections qui suivent, soit la partie la plus longue du plan, donnent toutes les informations pertinentes sur la biologie des strombes et présentent succinctement la pêcherie. Ces sections doivent contenir toutes les informations nécessaires visant à prouver que l’on s’est servi des données disponibles les plus fiables pour soutenir le plan d’aménagement. Elles donnent des détails sur le cycle biologique, les paramètres de population, les habitats des strombes, l’historique de la pêcherie, la flotte de pêche, la filière transformation et l’évaluation la plus actuelle de la situation de la pêcherie lors de l’élaboration du plan.

Le chapitre suivant du PAP traite des problèmes les plus importants auxquels se heurte la pêcherie, entre autres la surexploitation des fonds de pêche, les limites du contrôle de l’application des règlements, le cadre législatif, le caractère limité des bases de données actuelles, la dépendance à l’égard de la communication avec les parties intéressées et de leur éducation, l’importance de la qualité des habitats.

La cinquième section du PAP commence par une présentation des objectifs d’aménagement:

1. optimiser la production de strombes;

2. réduire les effets nuisibles, tels les prélèvements d’individus immatures ou reproducteurs;

3. encourager l’adoption de mesures d’aménagement pratiques et faciles à faire respecter, et préconiser la coopération internationale en matière d’aménagement;

4. créer une base de données qui contribuera à faire mieux connaître et comprendre la biologie des strombes;

5. recommander aux gouvernements fédéraux et locaux d’améliorer les habitats;

6. faire preuve de la plus grande souplesse possible en matière d’aménagement.

Le reste de la section explique pourquoi on a estimé que les strombes étaient surexploités, et décrit le plan de reconstitution du stock. L’élaboration du plan de reconstitution est une prescription du Magnuson-Stevens Act des Etats-Unis.

Le plan énonce ensuite les diverses mesures d’aménagement que l’on peut appliquer pour gérer le stock de strombes et étudie en détail les conséquences prévisibles de chacune de ces mesures. Le choix de ne rien faire est également envisagé, de même que ses conséquences. Les mesures qui figurent sur cette liste concernent les limitations de la taille, les restrictions relatives aux ventes, les limites des poches, les périodes de fermeture de la pêche et les restrictions visant les engins. Cette section donne aussi des informations sur la façon de modifier à l’avenir les mesures ci-dessus.

TABLEAU 3
Grandes lignes du plan d’aménagement de la pêcherie de strombes pour Porto Rico et les îles Vierges

Résumé analytique
Définitions
Introduction
Description de la ressource
Description de la pêcherie
Problèmes auxquels se heurte la pêcherie
Objectifs de l’aménagement
Mesures d’aménagement et autres solutions
Recommandations aux administrations locales et autres institutions
Juridictions, lois et politiques relatives à l’aménagement

La dernière section du plan contient des informations sur toutes les lois et politiques fédérales et locales (Caraïbes américaines) des Etats-Unis qui ont des répercussions sur les activités de la pêcherie de strombes, par exemple les lois fédérales et locales sur les espèces menacées d’extinction, ou la loi nationale sur la politique en matière d’environnement. L’intérêt que présente chaque politique ou loi pour l’aménagement de la pêcherie est brièvement évoqué

6.4 Le plan de l’Australie occidentale pour le développement de nouvelles pêcheries

De nombreux pays considèrent encore le développement des pêcheries comme l’un des piliers de leur politique des pêches. Dans les pays en développement, le besoin de créer des possibilités d’activité socio-économique procurant de l’emploi et assurant une monnaie forte fait que souvent la pression exercée pour respecter le programme «de développement des pêcheries» est encore plus forte. Bien que, d’après les statistiques de la FAO, les possibilités de développer de nouvelles pêcheries soient réduites (FAO, 2000), il sera toujours nécessaire, à petite échelle, de mettre en place des procédures pour garantir le développement (ou le re-développement) méthodique de nouvelles pêcheries (Code de conduite, paragraphe 7.5.4).

En Australie, plusieurs Etats ont créé des procédures d’aménagement spécialement conçues à cette fin. Ces procédures, qu’il s’agisse d’un PAP officiel (comme c’est souvent le cas au Queensland) ou d’une série de principes généraux, comme en Australie occidentale, peuvent constituer un guide utile sur la façon de s’y prendre pour élaborer de façon responsable le PAP de nouvelles pêcheries (Halmarick, 1999).

Le plan de l’Australie occidentale définit tout d’abord ce qu’est une nouvelle pêcherie, c’est-à-dire «une pêcherie peu ou pas exploitée et pour laquelle il existe des possibilités de développement».

Il précise ensuite un principe important, à savoir que «rien ne devrait laisser supposer que l’existence d’une ressource halieutique garantira que l’accès commercial à cette ressource sera accordé».

Il est ainsi précisé clairement que l’autorité d’aménagement a la responsabilité de décider quelles nouvelles ressources seront mises en valeur et lesquelles ne le seront pas. La décision quant au choix de développer ou non une nouvelle pêcherie devrait être conforme à la politique nationale des pêches et tenir compte notamment de l’interaction possible de ce développement avec les pêcheries existantes.

La section suivante du plan précise les contraintes dans le cadre desquelles le développement peut avoir lieu:

Le document définit ensuite les droits des promoteurs du développement, en reconnaissant que ces «pionniers» devraient profiter de la mise en valeur d’une nouvelle pêcherie. Il convient de déterminer de façon claire quels droits peuvent être conférés à ceux qui pratiquent la pêche dans des pêcheries ne faisant pas encore l’objet d’un aménagement officiel (voir chapitre 6 sur les droits d’usage).

Dans le reste du document, certaines sections analysent en détail le processus de création d’une nouvelle pêcherie, en cherchant à exprimer l’intérêt des participants potentiels et en définissant les conditions des opérations (tableau 4). Le PAP de l’Australie occidentale souligne que ces conditions ne doivent porter que sur trois années, après quoi il conviendra d’évaluer si la pêcherie devrait se maintenir.

TABLEAU 4

Etapes nécessaires pour la mise en valeur d’une nouvelle pêcherie en Australie occidentale


Expression de l’intérêt que suscite la possibilité d’une nouvelle pêcherie

Décision ministérielle quant à l’acceptation ou non de la mise en valeur

Demandes d’admission faites selon les directives établies par l’organe d’aménagement

Evaluation des candidatures

Notification de l’approbation ou du refus

Mise en oeuvre: démarrage des opérations de pêche

Révision et évaluation: les licences restent telles quelles, sont modifiées ou annulées

7 CONCLUSIONS - COMMENT UN PLAN D’AMÉNAGEMENT AIDE-T-IL À RÉALISER LES OBJECTIFS D’AMÉNAGEMENT D’UNE PÊCHERIE?

La section précédente a montré comment élaborer des plans selon la capacité et les besoins de chaque pays/pêcherie. Contrairement au plan d’aménagement de la NPF australienne, le PAP de la Barbade est censé décrire l’aménagement des pêcheries du pays tout entier. Il comporte donc certains points d’un document de politique nationale des pêches et décrit en même temps les aspects opérationnels de l’aménagement qui, dans le PAP de la NPF, sont les seuls à être traités. Dans des pays comme la Barbade, où il est nécessaire d’élaborer une politique nationale des pêches en même temps que des plans d’opérations pour chaque pêcherie, il convient manifestement d’élaborer un plan qui comporte des éléments de politique des pêches. Si l’on avait élaboré tout d’abord la politique des pêches, puis plus tard le PAP opérationnel, on aurait privé le secteur halieutique de la Barbade de la possibilité de commencer à traiter certains des problèmes importants d’aménagement auxquels il est déjà confronté. En revanche, le PAP destiné à la NPF ou à la pêcherie de strombes des Caraïbes américaines a été élaboré dans une large mesure pour satisfaire à la politique définie par le Gouvernement australien et le Gouvernement américain, et la plupart des éléments du plan figuraient déjà dans les arrangements de gestion qui avaient été mis au point tout au long des nombreuses années d’aménagement.

Les pays en développement, qui n’ont pas forcément les ressources permettant d’élaborer des PAP individuels pour toutes les pêcheries existantes, ne pourront vraisemblablement pas élaborer un PAP pour de nouvelles pêcheries. Une solution consiste à incorporer, dans une section spéciale du plan national d’aménagement des pêcheries, des procédures analogues à celles qui ont été mises au point par l’Australie occidentale pour le développement de nouvelles pêcheries. En procédant ainsi, l’organe d’aménagement sera en mesure de créer une structure permettant de mettre en valeur comme il convient de nouvelles pêcheries et d’éviter les pièges d’un développement non réglementé.

La leçon est simple: les PAP sont des documents qui devraient servir avant tout à traiter les problèmes les plus urgents en matière de pêche, auxquels se heurte chaque pays ou pêcherie. Ils devraient toutefois le faire en examinant au moins tous les autres problèmes pour garantir qu’en fin de compte le plan tiendra compte de tous les aspects de la pêcherie à aménager. Pour ce faire, ils doivent être élaborés de façon à s’insérer dans le cadre législatif et politique de chaque nation ou chaque Etat.

8 RÉFÉRENCES

Anon. 1995. Northern Prawn Fishery Management Plan. Attorney-General Department,Australian Government, Canberra. 32 p.

Anon. 1996. Fishery Management Plan, regulatory impact review and final environmental impact statement for the queen conch resources of Puerto Rico and the United StatesVirgin Islands. Caribbean Fishery Management Council. 56 p.

Anon. 1997. Barbados Fisheries Management Plan. Schemes for the management and development of fisheries in the waters of Barbados. Fisheries Division, Ministry of Agriculture and Rural Development, Barbados. 67 p.

FAO. 1999. Aménagement des pêcheries. FAO: Directives techniques pour une pêche responsable, n° 4. FAO, Rome. 91 p.

FAO. 2000. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture. FAO, Rome. 142 p.

Halmarick, L. 1999. Developing new fisheries in Western Australia. A guide to applicants for developing fisheries. Fisheries Management Paper, 130. Fisheries Western Australia, Perth, Australie. 40 p.

8.1 Ressources du Web

Les adresses Internet ci-après permettent de télécharger des exemplaires des PAP de plusieurs pêcheries.

Australie

Gouvernement de l’Australie méridionale
www.pir.sa.gov.au

Gouvernement de la Tasmanie
www.dpif.tas.gov.au

Gouvernement de l’Australie occidentale
www.wa.gov.au/westfish

Autorité de gestion des poissons du Queensland
www.qfma.qld.gov.au

Etats-Unis

Conseil d’aménagement de la pêcherie des Caraïbes
www.caribbeanfmc.com

Conseil d’aménagement de la pêcherie du milieu de l’Atlantique
www.mafmc.org

Conseil d’aménagement de la pêcherie du Pacifique Nord
www.fakr.noaa.gov

Conseil d’aménagement de la pêcherie de Nouvelle-Angleterre
www.nefmc.org

Conseil d’aménagement de la pêcherie du Pacifique Ouest
www.mar.dfo-mpo.gc.ca

Canada

Région maritime canadienne
www.mar.dfo-mpo.gc.ca


[16] Il faut noter que les objectifs renvoient à ceux d’une politique des pêches nationale bien établie et qu’une attention particulière est donnée à une question de développement écologiquement durable: la réduction des captures accessoires.
[17] Le PAP reconnaît de manière intéressante que le lien entre le PAP et le plan d’aménagement des zones côtières n’a pas été fait, mais en identifiant le besoin de le faire, il souligne au moins son importance. Cela montre aussi que les PAP sont des documents évolutifs; les problèmes peuvent ne pas avoir tous été réglés avant leur adoption.

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