Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté : nouvelle stratégie de développement rural au Viet Nam
Aquaculture durable pour l'allégement de la pauvreté :
nouvelle
stratégie de développement rural au Viet Nam
2. Mise en œuvre de la stratégie SAPA
Le Thanh Luu
Institut de recherche en aquaculture 1 (RIA 1)
Hanoi, Viet Nam
La première partie de cet article, qui présentait l'origine, la
reconnaissance, la justification et les objectifs de SAPA, a été publiée dans
FAN 27. Cette deuxième partie présente les objectifs, les mécanismes et la mise
en œuvre de SAPA. La FAO a été activement associée au processus de développement
de SAPA, la stratégie intéressante "Aquaculture durable pour l'allégement de
la pauvreté".
Objectifs et résultats de SAPA
Le Rapport sur le Développement du Viet Nam 2000
"Lutte contre la pauvreté" recommande vivement que chaque secteur
conçoive un programme qui contribue à l'allégement de la pauvreté, en
contribuant à ses trois piliers fondamentaux : (1) création d'opportunités, (2)
garantie d'équité et (3) réduction de la vulnérabilité.
La stratégie SAPA est formulée par le Ministère des Pêches
(MOFI) pour contribuer à l'objectif de l'allégement de la pauvreté, comme partie
intégrante de la stratégie multisectorielle du gouvernement "Éradication de
la faim et allégement de la pauvreté" (HEPA). L'objectif général de la
stratégie SAPA est d'améliorer les moyens de subsistance des groupes pauvres et
vulnérables par l'aquaculture, avec les résultats suivants:
- Capacité des institutions renforcée, principalement aux niveaux local et
des communautés, afin de comprendre et aider les objectifs de subsistance des
gens pauvres et vulnérables qui dépendent de, ou qui pourraient bénéficier, de
l'aquaculture;
- Amélioration de l'accès des pauvres aux intrants, à l'information, aux
services financiers et de vulgarisation, et aux marchés; et
- Amélioration de la communication entre tous les intéressés (à tous les
niveaux, à l'intérieur et à l'extérieur du secteur), par une meilleure prise
de conscience et un meilleur partage des connaissances; par le travail en
réseau; par la coordination intersectorielle/sectorielle et celle des
donateurs; par l'introduction de la planification, mise en œuvre, contrôle et
évaluation participatives; et par le développement d'une politique
d'information;
- Développement et adoption de technologies aquacoles et de pratiques de
gestion correctes vis à vis de l'environnement, à faible risque et à faible
coût.
Approche de SAPA
La stratégie SAPA reconnaît qu'une approche par étapes est
nécessaire afin de pouvoir progressivement accumuler les connaissances et
développer les activités, sur la base d'analyses des moyens de subsistance et
des résultats d'études pilotes locales. Le secteur de l'aquaculture devient
ainsi partie de la stratégie gouvernementale "Éradication de la faim et
réduction de la pauvreté" (HEPR) coordonnée par le Ministère du Travail, des
Invalides et des Affaires sociales (MOLISA). Les activités suivantes devraient
permettre la réalisation des résultats énumérés ci-dessus.
Renforcement de la capacité pour l'allégement de la
pauvreté
La stratégie SAPA insiste sur la nécessité de renforcer la
capacité des institutions, en particulier des institutions locales, afin de
comprendre et d'aider les objectifs de subsistance des gens des communautés
continentales et côtières qui dépendent, ou qui pourraient bénéficier, de
l'aquaculture. La capacité des institutions locales à comprendre les besoins des
pauvres et les approches participatives sont à la base des interventions
futures. Au début de la mise en œuvre de SAPA, priorité sera donc donnée au
renforcement de la capacité d'analyse des moyens de subsistance. Au début de
cette période, des institutions locales seront identifiées et leurs besoins de
formation dans ce domaine seront établis. SAPA aidera au renforcement de leur
capacité sur la base de ces besoins, au profit du personnel de ces institutions,
de façon à ce qu'il puisse devenir responsable de la mise en œuvre des activités
de SAPA. Ce renforcement se fera par des réunions de travail, de la formation et
d'autres programmes appropriés, ainsi que par des travaux pratiques sur le
terrain et la conduite d'analyses des moyens de subsistance dans des communes
pilotes.
Amélioration de l'accès des pauvres aux
services
La stratégie SAPA reconnaît qu'un meilleur accès aux intrants,
à l'information, aux services financiers et de vulgarisation, et aux marchés est
nécessaire afin de répondre aux besoins des pauvres. La stratégie cherchera donc
à établir des mécanismes plus efficients en vue d'améliorer l'accès des pauvres
aux intrants et aux services requis. Sur la base des analyses des moyens de
subsistance, des partenariats seront établis en vue d'assurer l'aide en des
sites sélectionnés. Consultations et associations seront initiées avec des
agences telles que la Banque pour les pauvres, afin de rechercher et de
développer les moyens permettant d'améliorer l'accès aux services financiers et
autres. La stratégie SAPA assistera des projets pilotes afin de développer de
nouvelles idées et approches améliorant l'accès des pauvres aux services. De
tels projets pilotes devraient décrire et recommander comment améliorer l'accès
aux ressources, comment utiliser de nouveaux outils et méthodes de vulgarisation
et comment améliorer l'accès aux marchés, au crédit et aux autres services, afin
d'apporter un soutien aux pauvres. L'expérience acquise devrait être largement
partagée.
Amélioration des communications et travail enréseau
La stratégie SAPA reconnaît la nécessité de grandement améliorer le travail en réseau et la communication au sujet de l'allégement de
la pauvreté et de l'aquaculture à tous les niveaux. Les échanges entre personnes
intéressées seront améliorés par une meilleure prise de conscience et un
meilleur partage des connaissances; par le travail en réseau; par la
coordination intersectorielle/sectorielle et celle des donateurs; par
l'introduction de la planification, mise en œuvre, contrôle et évaluation
participatives. SAPA rassemblera et partagera les expériences existantes et
nouvelles, et les leçons à en tirer seront utilisées pour orienter la politique
de développement du gouvernement. Au début, le document SAPA sera publié et
largement diffusé parmi les agences et autres intéressés. Ce document sera
également adapté et circulé parmi les fermiers. Afin de promouvoir une bonne
communication entre les projets existants, un système d'information sera établi
sur la base des systèmes et ressources présents au Viet Nam. Des liens seront
aussi établis avec d'autres initiatives régionales.
Des systèmes respectant l'environnement, peu onéreux, à faible
risque et facilement reproduits, basés sur les objectifs de subsistance des
pauvres et sur les marchés disponibles, seront identifiés et vulgarisés par des
moyens appropriés et en réponse aux besoins locaux. Les nouvelles idées et
approches dérivant des projets pilotes seront communiquées et largement
partagées. Communication et coordination entre donateurs seront encouragées par
des réunions formelles et informelles afin de promouvoir une collaboration
effective en appui aux objectifs du gouvernement dirigés vers l'allégement de la
pauvreté.
Technologie et gestion
La stratégie SAPA apporte son soutien au développement de
technologies aquacoles et de pratiques de gestion adaptées aux pauvres, qui
respectent l'environnement, tout en étant peu onéreuses et à faible risque. Les
technologies d'aquaculture en eau douce indiquées pour l'allégement de la
pauvreté sont déjà largement mises en place. La recherche dans ce domaine n'est
plus prioritaire. Il s'agit maintenant d'avoir des institutions gouvernementales
prêtes à répondre aux besoins, de bien cibler les pauvres et de les aider à
surmonter les difficultés d'entrée. Au contraire, dans les régions côtières, où
il y a de nombreux pauvres, de telles technologies respectueuses de
l'environnement, peu onéreuses et à faible risque ne sont pas immédiatement
disponibles. Dans ces régions du Viet Nam, le développement de technologies et
de systèmes de gestion adaptés aux pauvres est donc absolument nécessaire. En
appui au développement de techniques aquacoles destinées aux petites
exploitations, il faudrait aussi développer de meilleures méthodologies pour
évaluer les impacts sociaux et environnementaux et de meilleures stratégies de
gestion de santé animale en milieu aquatique. SAPA apportera son soutien au
développement de technologies et de pratiques de gestion pour écloseries,
nurseries et installations de grossissement, selon les besoins, par des
recherches participatives. Le renforcement de la capacité ainsi que d'autres
appuis peuvent être nécessaires en vue d'orienter les instituts de recherche
vers une telle nouvelle approche participative. En ce qui concerne les
ressources libres d'accès des régions continentales et côtières, SAPA apportera
son appui au développement et à la mise en œuvre d'approches de cogestion qui
peuvent aider les pauvres à s'assurer des moyens de subsistance.
Zones et groupes cibles
Le principal groupe cible de SAPA est constitué des pauvres
vivant en zones rurales où des opportunités existent pour diversifier et
améliorer leurs moyens de subsistance par l'aquaculture. Une attention spéciale
sera donnée aux groupes les plus vulnérables. Donc, géographiquement, l'on
concentrera les efforts sur les régions montagneuses du Nord, sur les hauts
plateaux du Centre, sur le Nord des provinces côtières du Centre et sur le delta
du Mékong. Les activités initiales de SAPA consisteront à identifier les groupes
pauvres et plus vulnérables. Sur cette base, des activités plus ciblées seront
alors organisées dans ces zones géographiques sélectionnées. SAPA s'adressant
directement au cadre institutionnel et politique, il établira des liens avec les
institutions aux niveaux district, provincial, national et régional, ainsi
qu'avec les donateurs et agences de développement intéressés dans l'allégement
de la pauvreté et le développement rural durable.
Intégration à d'autres programmes de lutte contre la
pauvreté
La stratégie SAPA doit être appliquée aux côtés d'autres
projets et programmes, augmentant l'importance du rôle de l'aquaculture à petite
échelle parmi les fournisseurs de ressources externes et gouvernementaux dans le
cadre opérationnel d'un développement rural décentralisé (que ceux-ci préfèrent une
stratégie de développement élargie ou qu'ils se concentrent sur un secteur de
développement particulier comme l'agriculture, la santé ou l'éducation). Si ceci
prend la forme du "Projet des 1715 communes", le gouvernement local (communes)
aura la possibilité de proposer des projets d'aquaculture à petite échelle d'une
manière similaire à celle pratiquée actuellement dans les projets
d'infrastructure rurale. De cette façon, la stratégie SAPA aidera à élargir les
ressources gouvernementales disponibles pour mettre en œuvre ce concept, ainsi
que cela est déjà proposé dans la Décision n°135. Dans le cadre du
développement, l'on devrait attirer l'attention sur des options aquacoles pour
l'allégement de la pauvreté, en créant des liens avec des projets de
développement tels que celui proposé à la Banque mondiale sur la "Réduction de
la pauvreté dans les régions montagneuses du Nord" et celui de la Banque
asiatique de développement (ADB) sur la réduction de la pauvreté dans la Région
centrale. Une telle relation se met déjà en place avec le projet de
"Développement rural" à Cao Bang, financé par l'Union européenne et exécuté par
l'Institut asiatique de technologie (AIT) et l'Agence suédoise de développement
international (SIDA).
L'on compte donc progresser par la mise en œuvre de projets
pilotes dans lesquels l'approche elle-même ainsi que des options techniques et
de gestion d'aquaculture pourraient être testées. Dans certains cas, de tels
projets existent déjà et pourraient former la base de cette expérimentation.
Dans d'autres régions, il peut s'avérer nécessaire de développer de nouveaux
projets pilotes.
Répondre à l'attente des pauvres
La responsabilité et la réceptivité de MOFI envers les pauvres
seront des facteurs déterminants du succès de SAPA. Le développement de
mécanismes assurant une large participation et l'accès aux services est
absolument nécessaire, impliquant les pauvres dans la planification
(identification de l'utilisation des atouts et des objectifs par une approche
basée sur les moyens de subsistance), l'identification et le développement de
partenariats, la mise en œuvre, le contrôle et l'évaluation. SAPA s'efforcera de
créer des liens dans les communautés et de faciliter une action locale
collective, en initiant des programmes qui augmentent les biens des pauvres et
qui facilitent l'accès aux services. Ceci pourrait inclure une dissémination
intensive des informations, permettant aux réseaux de plus facilement mettre à
la disposition des communes l'aide dont elles ont besoin pour mettre les
programmes en œuvre. Là où la gestion d'une ressource aquatique implique ou est
affectée par d'autres intéressés, particulièrement en zones côtières, une
participation publique plus étendue sera encouragée. L'on se rend compte que les
contraintes existantes concernant les ressources humaines ne permettent pas la
mise en place d'un service de vulgarisation spécialisé pour le secteur aquacole.
Des liens seront donc établis avec des agences à vocations multiples (Services
de vulgarisation agricole), des organisations sociales et les mass médias, afin
de concevoir des moyens non conventionnels de vulgarisation. Du matériel
développé avec la participation des fermiers et basés sur les informations
obtenues des projets pilotes sera produit pour assister ces groupes non
spécialisés dans la dissémination des informations.
Prise de conscience et renforcement de la capacité des
institutions assistant les pauvres (par ex. gouvernement/administrations
locales, organisations de masse telles que Départements des pêches (DOFI),
Départements de l'agriculture et du développement rural (DADR) et Départements
des sciences, technologie et environnement (DOSTE), et organisations sociales
telles que Association des agriculteurs, Union des femmes et Association de la
jeunesse) en vue de mieux comprendre et de faciliter leurs objectifs seront
essentiels au renforcement de la capacité des pauvres eux-mêmes. L'accent sera
mis sur la définition de la place de l'aquaculture à petite échelle dans les
moyens de subsistance des pauvres ainsi que sur les objectifs et les atouts des
pauvres. Ceci nécessitera la création d'une capacité de formation, initialement
dans les zones pilotes. Notons à ce sujet que quelques instituts, universités et
projets ont déjà développé une certaine capacité par un processus participatif,
par ex. le projet financé par le Programme pour le développement des Nations
Unies (PNUD) et exécuté par la FAO "Développement de l'aquaculture dans les
hauts plateaux du Nord" qui est devenu un point de référence en ce qui concerne
les techniques de communication en évaluation participative.
Mise en œuvre de la stratégie SAPA
SAPA sera mis en œuvre graduellement. Elle débute par le
renforcement de la capacité d'analyse des moyens de subsistance qui sera
utilisée pour mieux comprendre les moyens de subsistance des pauvres dans des
contextes sociaux et environnementaux choisis. Cette compréhension et ce
processus participatif fourniront la base pour le développement d'un plan de
travail détaillé et la mise en œuvre des activités nécessaires pour assister les
pauvres. La Stratégie elle-même est dynamique et peut s'adapter à des
changements selon la nécessité, tout au long de sa longue période de mise en
œuvre. Au cours d'une première phase de cinq ans (2001-2005), la Stratégie cible
20 zones sélectionnées. Ceci coïncide avec la première phase de la Stratégie
HEPR.
Après 2005, une seconde phase de cinq ans est planifiée. Elle
devrait étendre et répliquer les expériences des premières cinq années à des
groupes cibles plus larges, dans tout le pays. Les activités et le plan de mise
en œuvre de la Stratégie sont décrits dans cette seconde partie - Mise en œuvre
de la Stratégie. Les activités requises sont reprises dans une base de données
qui permettra la préparation de plans de travail pour SAPA.
Arrangements institutionnels pour la mise en œuvre
Un comité est responsable du développement ultérieur et de la
mise en œuvre de SAPA. Il est formé de membres appartenant aux ministères et
organisations concernées (par ex. Ministère de la planification et de
l'investissement, Ministère de l'agriculture et du développement rural, MOLISA,
MOET, MOFI, Union des femmes et Banque pour les pauvres). Il sera présidé par
des responsables de MOFI. Le Comité SAPA communiquera régulièrement avec la
Stratégie HEPR, approuvera plans de travail et rapports, et servira les intérêts
de SAPA au sein du gouvernement. Le président du Comité SAPA (ou une personne
désignée par lui) représentera MOFI dans le Comité gouvernemental de la
Stratégie HEPR. Une Unité d'aide à la mise en œuvre (ISU) sera établie au sein
de MOFI et sera responsable au jour-le-jour de la coordination de la mise en
œuvre de la Stratégie chez les participants (par ex. DOSTE, Département de la
coopération internationale, Centre de vulgarisation, Département de la gestion
des ressources pêche, Instituts de recherche pour l'aquaculture (RIAs), DOFIs et
DARDs provinciaux, et autres organisations intéressées). ISU aura un
administrateur à plein temps, assisté de plusieurs personnes.
ISU sera le centre national pour la liaison à d'autres
activités régionales telles que l'initiative régionale d'Asie "Aide à la gestion
régionale des ressources aquatiques (STREAM). Comme mécanisme de mise en œuvre,
des centres de communication et d'échange d'informations seront sélectionnés aux
niveaux des provinces, districts et communes, et ce réseau sera progressivement
étendu en cours de mise en œuvre de la Stratégie SAPA. Au niveau de la commune,
les centres seront responsables de la mise en œuvre des activités, avec l'aide
des réseaux national et provinciaux. La mise en œuvre de SAPA sera
décentralisée, l'assistance de ISU étant disponible selon les besoins (Figure
1).
Plan d'action
La mise en œuvre se déroulera selon le plan de la Stratégie
HEPR pour la période 2001-2010. La planification devra être raffinée
annuellement. MOFI supportera financièrement la mise en œuvre de SAPA par des
contributions en nature et en espèces. Les contributions en nature comprendront
un bureau pour ISU. La contribution en espèces comprendra une allocation
d'environ VND300 millions (US$20 000) pour le personnel. L'assistance de
donateurs sera recherchée pour l'organisation de réunions de travail, des
activités de formation, de l'équipement de bureau et les frais opérationnels de
mise en route de SAPA et des activités sur le terrain. Une assistance sous la
forme de personnel et d'expert international sera également demandée, en
fonction de besoins plus précis à déterminer. Les interventions locales dans les
zones cibles seront formulées par un processus participatif et proposées au
gouvernement et aux donateurs pour financement. Le gouvernement organisera
d'autres discussions et négociations afin d'explorer les mécanismes de
financement disponibles pour l'aide aux pauvres par SAPA en
2002.