Il peut se révéler impossible déradiquer la fièvre de la Vallée du Rift (FVR) dun pays dans lequel elle sest établie. Néanmoins, les pays qui sont indemnes de la maladie et sont menacés devraient préparer des plans dintervention avec comme objectif son éradication. Cet objectif doit être poursuivi tant que le suivi épidémiologique de la campagne de lutte contre la maladie indique que léradication reste une option viable.
Les pays dans lesquels le virus de la FVR persiste devraient préparer des plans dintervention basés sur le principe selon lequel les épidémies de la maladie sont prévues et/ou détectées aussi tôt que possible et une action immédiate est entreprise pour prévenir les foyers ou pour le moins limiter leur étendue et taille géographique. Le but est alors de minimiser les conséquences de la maladie du point de vue socioéconomique, de perte commerciale et de santé publique.
Lalerte précoce que les conditions épidémiologiques et environnementales suggèrent des conditions préépizootiques de la FVR, et que des foyers ont de fortes chances de se déclarer, offre une opportunité pour les autorités nationales de santé animale et humaine délaborer une réponse effective. Cette opportunité sera progressivement perdue au fur et à mesure que lactivité du virus de la FVR est visible sur le terrain. Cela constitue toujours une décision difficile pour les autorités nationales de santé animale dengager des fonds et des ressources pour lutter contre une possible menace de maladie préalablement à lapparition réelle des foyers. A lavenir, le processus de prise de décisions sera plus facile puisque la méthodologie de prévision à long terme pour la FVR devient plus précise.
Définition correcte des zones à haut risque
Lorsquil existe une prévision dimminence dune activité de FVR, la première chose est de définir les zones qui pourraient être infectées. Cette définition devrait se baser sur:
une évaluation scientifique de données satellite et autres sur les conditions climatiques et la croissance de la végétation, etc.;
des informations sur les caractéristiques topographiques telles que les altitudes, les cours deau, les barrages, les zones probables dinondation et les systèmes dirrigation, pour délimiter létendue dhabitats potentiels pour la reproduction des moustiques;
les preuves épidémiologiques et entomologiques issues du terrain, rassemblées par une surveillance active ciblée pour définir léventail des espèces primaires et secondaires vecteurs de la FVR et la densité probable;
la répartition et la densité des populations de bétail sensibles;
les informations antérieures sur la répartition du virus/de la maladie et son comportement épidémique pendant les précédents foyers de FVR;
la définition de zones dextension potentielle pour la FVR dans le pays, basée sur les zones écologiques et les populations de bétail;
lestimation de la durée probable de propagation du virus de la FVR basée sur les informations écologiques et climatiques antérieures. Dans les zones semi-arides il est peu probable quelle excède 6 à 12 semaines; dans les prairies plus tempérées, la période initiale dintense activité du virus peut connaître des regains saisonniers de six mois à deux ans.
Ces informations peuvent être compilées et évaluées en recourant au Système dinformation géographique (SIG).
Programmes de sensibilisation du public
Les programmes de sensibilisation et déducation du public sont des facteurs critiques pour le succès des campagnes de lutte et déradication des principales maladies. Ils sont bien plus importants lorsquune des fièvres hémorragiques mortelles pour les humains est envisagée. Une fois que les zones à haut risque de foyers de FVR ont été identifiées, un programme de sensibilisation du public, ciblant les communautés déleveurs et autres communautés à risque, devrait être élaboré. Il devrait être fourni par le personnel médical et de santé animale par les moyens les plus efficaces pour atteindre laudience ciblée - réunions, affiches, radio, télévision ou journaux.
Affiche de sensibilisation du public diffusée au Sénégal
Les informations qui doivent être communiquées sont les suivantes:
la définition de la FVR, quand et comment elle se manifeste chez les humains et les animaux, à quoi elle ressemble, comment elle se propage et quelles sont ses conséquences;
la nécessité de contacter les responsables locaux de santé animale et humaine et de requérir leur aide si une maladie se déclare chez les animaux ou au sein de la population, et comment et où les responsables peuvent être contactés;
les avantages des activités de prévention et de lutte contre la maladie qui peuvent être entreprises pour réduire limpact de la FVR;
les actions que les personnes devraient entreprendre pour éviter les piqûres de moustiques, par exemple lutilisation de répulsifs antimoustiques, le fait de porter des vêtements longs, déviter les zones marécageuses ou inondées, lutilisation de bombes insecticides dans/autour des habitations et de moustiquaires imprégnées pendant la nuit;
le rôle de la vaccination;
le fait que les animaux malades ou fraîchement morts soient une source potentielle dinfection et devraient être enterrés et ne pas être destinés à la boucherie;
ni les animaux normaux ni les animaux malades ne devraient être commercialisés ou déplacés.
Vaccination
Vaccins disponibles. A la fois des vaccins atténués (vivants) et inactivés ont été utilisés pour immuniser les animaux contre la FVR. On a eu largement recours au vaccin vivant Smithburn en Afrique orientale et australe pour protéger les races exotiques et croisées exotiques de moutons, chèvres et bovins importés en Afrique pour améliorer la production du bétail. Le vaccin est facilement produit et relativement bon marché. Une simple vaccination protège les moutons et les bovins en cinq à sept jours et produit une immunité à long terme. Il est relativement sans danger lorsquil est utilisé chez des animaux adultes non gestants et dans des génotypes assez résistants. Ses principaux inconvénients sont quil nest pas fiable pour être utilisé chez des brebis gestantes ou de jeunes agneaux. Les anomalies ftales, y compris la microencéphalie, lhydrencéphalie et larthrogrypose peuvent se produire, en particulier lorsque les brebis gestantes sont vaccinées pendant le premier semestre de gestation. Jusquà 30 pour cent des brebis peuvent avorter et dautres développent des hydraminios vers la fin du terme. Les jeunes agneaux peuvent souffrir deffets neurologiques. Le vaccin est sûr pour une utilisation sur des bovins gestants des races Bos taurus et indicus.
Il existe au moins un risque théorique de retour à la virulence, bien que cela ne se soit pas produit à ce jour. Pour cette raison, il nest pas recommandé que le vaccin vivant soit utilisé dans les zones non endémiques.
Un vaccin vivant atténué par un agent mutagène, le MP-12, sest également révélé expérimentalement très prometteur, comme vaccin sûr et efficace.
Le vaccin inactivé est assez sûr pour tous les types danimaux (y compris les animaux gestants) mais il est faiblement immunogénique.
Il est plus difficile à produire et est très cher. Au moins deux à trois doses sont requises pour produire un niveau adéquat dimmunité, et même alors des échecs peuvent se produire pendant les épizooties.
Campagnes de vaccination. Une campagne de vaccination de masse dans les zones épizootiques de FVR devrait être sérieusement envisagée lorsque et là où les évaluations climatiques et épidémiologiques suggèrent quil existe une forte probabilité de foyers de FVR. Plus cela est fait tôt, plus les chances de succès sont grandes pour empêcher des conséquences plus graves de la maladie. Une alerte précoce dau moins deux à quatre mois serait requise pour élaborer une campagne efficace et assurer que les approvisionnements adéquats en vaccins soient disponibles.
Le vaccin Smithburn vivant modifié est le vaccin le plus approprié à utiliser dans une telle campagne de masse. Une évaluation devrait être effectuée pour décider sil faut vacciner tous les animaux. Il peut y avoir moins de pertes globales en incluant les brebis gestantes même si quelques avortements et anomalies ftales peuvent se produire. De nombreuses espèces indigènes de moutons et de chèvres en Afrique navortent pas lorsquelles sont vaccinées pendant la gestation. Celles des zones sahéliennes se révèlent plus sensibles quailleurs.
La vaccination doit cesser dans les zones où des preuves de transmission du virus de la FVR ont été détectées. Cependant, la vaccination peut être poursuivie dans dautres zones à risque, mais combinée à un niveau élevé de surveillance de la maladie.
Lutte contre les insectes vecteurs
A ce jour, les options pour les programmes de lutte contre les insectes vecteurs comme volets dune campagne anti-FVR sont très limitées. Lutilisation massive de bombes insecticides peut ne pas être pratique et à un prix prohibitif, et inacceptable dun point de vue environnemental. Cependant, lutilisation dinsecticides en quantités très faibles sur des sites bien définis de reproduction et de repos des moustiques peut constituer une intervention précieuse dans certaines circonstances. Le déplacement danimaux vulnérables hors des zones de forte activité de moustiques ou la mise en écurie des animaux pour les protéger des piqûres de moustiques ne sont probablement pas des options viables.
La meilleure stratégie de lutte contre les vecteurs se fait par le biais du traitement larvicide des sites potentiels de reproduction des moustiques. A ce stade, cela doit être considéré comme expérimental pour la FVR. La manière la plus pratique dapplication est denterrer des larvicides dans la boue des bassins avant que les inondations ne se produisent. Les toxines dérivées du Bacillus thurigiensis et sphericus et les inhibiteurs de croissance des larves, tels que le méthoprène, ont été utilisés à titre expérimental et ont donné dexcellents résultats. Le traitement larvicide est applicable dans les zones importantes et bien définies que lon sattend à voir inondées et dans lesquelles la zone probable deaux dinondation peut être estimée. Les zones sahéliennes dAfrique occidentale sont les zones les plus propices pour cette approche, où le walo et le dieri ou bassins deau saisonniers dargile alluviale sont assez importants.
Lorsque lactivité du virus de la FVR a été confirmée dans un pays où la maladie est enzootique et qui exporte du bétail, les autorités vétérinaires devraient:
définir létendue des zones infectées et les populations cibles;
définir toute zone dextension potentielle pour la FVR dans le pays, sur la base de considérations écologiques;
suivre les indicateurs physiques des inondations et les données dérivées par satellite sur lexistence (BERMS), la persistance des eaux dinondation et des précipitations, les SST, la CCD et le NDVI pour prédire une échelle de temps pour lactivité épidémique du virus;
assurer le suivi des populations de moustiques dans les zones touchées par la FVR;
suivre de manière longitudinale et estimer les niveaux dactivité du virus de la FVR (taux de cas/isolement du virus/test ELISA);
effectuer une surveillance de la maladie clinique et des séroconversions vers la FVR (IgM et IgG);
déterminer la date de la dernière trace dactivité du virus de la FVR;
déterminer un point dans le temps, trois à six mois après la date susmentionnée, lorsque tous les flux dinformations considèrent quaucune activité du virus de la FVR ne se vérifie et que la situation est revenue à celle qui prévalait avant lépizootie de FVR.
La vaccination dans les zones de foyers nest pas recommandée à ce stade, lorsquil existe des preuves de risques élevés de transmission de la FVR par les moustiques. La transmission par aiguille aggravera la situation. Ce nest pas une option lorsque la FVR est confirmée dans les zones de plaines dinondation, lorsquune émergence multifocale dinfection de FVR se produit simultanément.
La vaccination périfocale pourrait néanmoins être envisagée dans les zones où lexpérience épidémiologique antérieure a montré quune extension progressive de la FVR à partir des foyers est probable; cela peut inclure les zones qui sont marginales pour lactivité des moustiques (par exemple les plateaux de haute altitude).
Le bétail ne doit pas être déplacé vers/hors des zones épizootiques à haut risque pendant les périodes dactivité maximale du virus, à moins quil ne puisse être déplacé vers une zone où aucune espèce vecteur potentielle nexiste (telles que celles de haute altitude).
Déplacement et commerce du bétail
Tout commerce devrait cesser une fois que les conditions préépizootiques ont été reconnues et jusquà six mois au moins après la dernière trace dactivité du virus de la FVR.
Les populations locales peuvent traditionnellement déplacer leurs animaux hors des zones inondées vers des régions plus élevées et plus sèches pendant les périodes de danger, lorsquil y a des inondations. Il est connu que les bergers déplacent leurs troupeaux des terres de la Vallée du Rift vers le sommet de lescarpement en bordure. Cela éloigne généralement les animaux des populations de moustiques infectées et la maladie cesse en lespace de trois à cinq jours. Il ny a pas de raison dempêcher de tels déplacements danimaux.
Il existe un danger réel que les moutons et les chèvres soient déplacés dune zone épizootique où aucune maladie clinique nest apparente en raison de la résistance génétique du bétail. Tout déplacement de ce type pour le commerce pourrait conduire à larrivée danimaux virémiques dans un pays éloigné pendant lincubation de la maladie. Les animaux virémiques constituent un réel danger sils sont introduits dans un pays indemne de FVR qui a dimportantes populations de moustiques. Les foyers de propagation du virus de la FVR pourraient se développer. Ces animaux présentent également un danger pour toutes les personnes qui les abattent.
Les autorités locales de santé animale peuvent souhaiter imposer des contrôles sur les déplacements dans leur propre pays pendant une épizootie de FVR et même suspendre les activités dabattage pendant les périodes à risque très élevé.
La FVR doit être considérée en termes régionaux sur la base des zones écologiques et de conditions climatiques communes. Les antécédents dépidémies de FVR montrent que ces zones écologiques naturelles traversent souvent le territoire sur deux ou plusieurs pays voisins, par exemple le Kenya, la République-Unie de Tanzanie et la Somalie; lAfrique du Sud et la Namibie; la Mauritanie et le Sénégal; et lArabie saoudite. Il est donc très important pour les pays de coopérer sur une base régionale dans leurs efforts contre cette maladie grave.
Cette collaboration régionale internationale devrait sétendre entre autres à:
une collaboration et une planification dintervention complémentaire conjointes;
la mise en réseau de programmes de surveillance épidémiologique et dalerte rapide;
la mise en réseau des informations actuellement disponibles sur les épisodes et rapports concernant la maladie;
le développement de moyens et de ressources conjoints, par exemple un groupe de travail et des installations de diagnostic;
des réunions scientifiques et des programmes de formation régionaux.