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5. ANALYSE DES ÉTUDES DE CAS


5.1. Les forces et les faiblesses

5.1.1 Les points principaux de cette section

L'efficacité d'une mesure dépend des avantages provenant du respect des règles comparés aux risques encourus dans le non-respect ainsi que de l'intérêt et de l'engagement des personnes qui mettent en application le mécanisme de gestion des pêches.

5.1.2 Les cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement

L'analyse des quatre cas sur les contrôles au point de débarquement (voir tableau ci-dessous) révèle que leur force principale est la forte probabilité de pouvoir attraper la personne sur le fait. En plus, les rapports des pays mentionnent à plusieurs reprises le fait que les conséquences sociales négatives de la triche ont tendance à être très dissuasives.

LES CAS SUR LES CONTRÔLES SUR LES LIEUX DE DÉBARQUEMENT

Pays

Communauté

Nom de l'étude de cas

Ghana

Mumford

Le Chef des pêcheurs et le Conseil des anciens

Egyan

Le Comité de gestion communautaire des pêches

Sénégal

Kayar

La Commission des sennes tournantes

Le Comité de pêche

Les cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement semblent mieux fonctionner lorsqu'il y a un intérêt direct et donc un engagement de la part des membres de la communauté. Cela est particulièrement le cas lorsqu'il y a des intérêts économiques directs pour ceux de la communauté. La limitation sur les débarquement de petits pélagiques par la Commission des sennes tournantes et pour les démersaux destinés à l'exportation par le Comité de pêche (tous deux à Kayar, Sénégal) a fait augmenter le prix du poisson débarqué et les revenus des armateurs.

De façon intéressante, la visite sur le terrain et des entretiens supplémentaires au Sénégal révèlent que la limitation des captures débarquées (comme cela est le cas pour le Comité de pêche et la Commission des sennes tournantes) a été tentée dans plusieurs autres communautés pour différentes pêcheries au Sénégal. Cela n'a pas fonctionné partout et a même été un échec pour la pêcherie de calamars dans la région très exploitée de la Petite côte. Les pêcheurs locaux expliquent cela par la forte présence de groupes de pêcheurs différents dans leur communauté et par les grandes variations annuelles des captures liées à des causes naturelles. La diversité des groupes rend le consensus difficile et sape l'utilisation des mesures de contrôle. Les variations naturelles annuelles amènent aussi les pêcheurs à se demander si la limitation des débarquements peut réellement améliorer les stocks.

Les cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement présentent également des faiblesses. Premièrement, la plupart des comités dépendent de l'existence d'une poignée de personnes influentes. Bien que la présence de ces personnes soit une force à court terme, la durabilité du comité est menacée à long terme lorsque ces personnes quittent le comité et ne sont pas remplacées. Deuxièmement, la zone couverte par les comités locaux est limitée: elle couvre seulement (une section de) une communauté. Le contrôle s'applique donc seulement à un groupe de pêcheurs limité (ceux du groupe/les locaux/les résidents). Cette idée est renforcée dans les cas ghanéens. Le Chef des pêcheurs et le Conseil des anciens (dans la communauté de Mumford) et le Comité de gestion communautaire des pêches (dans la communauté d'Egyan) ont des difficultés à appliquer les règles locales à des membres extérieurs à la communauté, même s'ils pêchent dans les eaux de la communauté. Ils sont insensibles à la pression sociale communautaire du fait qu'ils se déplacent régulièrement. La communauté par elle-même n'a aucun moyen de faire appliquer les règles aux étrangers.

En effet, une faiblesse importante est liée au fait qu'il n'existe pas de soutien au système de règles locales ni à l'application de la loi par des autorités officielles ou nationales. Le Comité de gestion communautaire des pêches d'Egyan a fini par confisquer les filets de trop petit maillage utilisés par les pêcheurs migrants dans les eaux de la communauté d'Egyan. Cela n'est pas seulement interdit par le comité d'Egyan mais aussi par la loi sur la taille des mailles. Cependant, les pêcheurs migrants ont déposé officiellement une plainte, et ont gagné le procès sous prétexte que le comité d'Egyan a volé leurs filets. Le système local d'Egyan et les sanctions ont dû s'incliner devant un système de règlement de conflit légal plus formel. Ce cas montre que, même dans un contexte où le gouvernement du Ghana est engagé à promouvoir les comités de gestion communautaire des pêches, beaucoup de travail a besoin d'être fait pour clarifier les pouvoirs que détiennent ces comités de gestion communautaire pour appliquer les règles et sanctions au niveau local et national.

5.1.3 Les cas sur la surveillance en mer

L'analyse des études de cas sur la surveillance en mer[36] (voir tableau ci-dessous) est plus difficile parce que la surveillance est une activité plus complexe que les contrôles sur les lieux de débarquement. La plupart des forces des études de cas ont tendance à être masquées par les faiblesses. Une des forces majeures présente dans les études de cas est la volonté grandissante de la part des gouvernements d'investir dans la gestion de la pêche artisanale, et pas seulement dans les pêches industrielles. Cependant, cette volonté est contrecarrée par le disfonctionnement des postes de surveillance, le délabrement des équipements et la malhonnêteté de certains employés de la surveillance. Là où les pêcheurs locaux et les responsables du gouvernement font un travail honnête, les affaires qu'ils font passer au niveau national restent longtemps bloquées dans des procédures bureaucratiques.

LES CAS SUR LA SURVEILLANCE EN MER

Pays

Communauté

Nom de l'étude de cas

Mauritanie

Camps dans le PNBA

Le Système de surveillance du PNBA

Guinée

Bonfi, Koukoudé

Le Projet de surveillance

Ghana

Tema

Le Sous-Comité de surveillance

Sénégal

Kayar

La Comission de surveillance

Fass Boye

Le Comité de vigilance et de sécurité

Le Projet protection et surveillance des pêches au Sénégal (PSPS)

Comment expliquer une telle situation? De manière générale, les études de cas sur la surveillance montrent que la probabilité qu'un intrus présent dans la zone interdite soit attrapé est faible. Cela est particulièrement le cas pendant certaines périodes: par mauvais temps et grosse mer, la nuit, etc. Dans les études de cas, parmi les intrus qui ont été attrapés très peu d'entre eux ont été poursuivis. Parmi ceux qui l'ont été, les condamnations ou le paiement actuel des amendes sont rares.

Tout d'abord, au niveau du fonctionnement des postes de surveillance, l'équipement n'est pas toujours adapté aux conditions locales. Les radars ne fonctionnent pas à cause des réserves d'électricité peu fiables, les bateaux ne sont pas en mesure de sortir en mer au moment où les navires pratiquant la pêche industrielle peuvent encore pêcher (mauvais temps, grosse mer, la nuit). Ensuite, il y a des contraintes financières et autres pour le fonctionnement des postes de surveillance: manque d'argent pour payer le fuel pour les bateaux de patrouille, l'équipement n'est pas entretenu et tombe en panne, les postes sont à court de personnel, etc.

En ce qui concerne l'activité de patrouille en soi, il y a un troisième point: les patrouilleurs et ceux qui appliquent les sanctions prennent souvent plus l'initiative de violer plutôt que d'appliquer les lois. Cela est vrai pour les activités de surveillance des postes de surveillance du gouvernement et des comités de pêcheurs. Par exemple, dans l'étude de cas du Projet de surveillance à Bonfi et Koukoudé, les pêcheurs guinéens sont convaincus que les fonctionnaires sont corrompus par les capitaines de navires pratiquant la pêche industrielle faisant intrusion dans la «zone de pêche artisanale» pour ne pas être dénoncés. C'est donc parce que les fonctionnaires trouvent un intérêt à garder cette source de revenu complémentaire que les navires pratiquant la pêche industrielle continuent de faire intrusion dans cette zone. Dans les comités de pêcheurs, la famille et les amis ont recours à la pression sociale pour encourager les membres du comité à ne pas leur appliquer les règles. Par exemple, au Comité de surveillance de Kayar, les filets maillants trouvés dans la zone destinée à la pêche à la ligne sont simplement laissés là où ils ont été trouvés ou rendus à leurs propriétaires sous la pression des chefs locaux à qui appartiennent les engins.

Mais la plupart des problèmes dans les études de cas sur la surveillance se situent au niveau de la mise en œuvre. Même lorsqu'une plainte officielle est déposée, la procédure officielle pour la poursuite judiciaire des transgresseurs industriels est trop longue et trop coûteuse pour les pêcheurs artisans. Les procédures officielles sont souvent peu claires, elles peuvent prendre des années pour passer dans les systèmes bureaucratiques et ont tendance à demander aux pêcheurs de se rendre dans la capitale régionale ou du pays à plusieurs reprises. Une fois arrivés au niveau national, souvent les cas ne sont pas entendus, mais se trouvent, au contraire, bloqués entre les différentes organisations compétentes. Il en est ainsi parce que les mandats des institutions officielles se chevauchent souvent, ou ne couvrent pas les responsabilités en matière de poursuites liées à la pêche artisanale, entraînant une absence d'application. Il semble y avoir plusieurs organisations responsables pour la pêche, la navigation, la sécurité en mer, etc. et dans bien des cas, il n'est pas aisé (ou bien il y a des désaccords) de savoir qui est responsable pour les intrusions ou accidents entre un bateau pratiquant la pêche artisanale et un celle industrielle.

Même lorsque les institutions officielles sont disposées à résoudre ces cas, un autre problème surgit: les témoignages réunis par les pêcheurs artisans sont insuffisants et ne représentent pas de preuves dans le système de loi officiel. Les témoignages ont tendance à être la parole des pêcheurs artisans contre celle du capitaine du navire pratiquant la pêche industrielle sur où et comment se sont passés l'intrusion ou l'accident. Généralement, cela signifie que le mieux que les responsables du gouvernement puissent faire, est de trouver un accord qui comprenne une faible indemnisation du pêcheur pour les dommages causés. Cependant, un règlement de la sorte est généralement mal agencé et la garantie du paiement, dans la pratique, est laissée à la discrétion de l'armateur du navire pratiquant la pêche industrielle.

5.1.4 Le cas spécifique sur la surveillance en mer à Fass Boye

Le Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye, Sénégal, est probablement la plus intéressante étude de cas sur la surveillance en mer. Il semble être le seul système de surveillance qui dissuade les navires pratiquant la pêche industrielle à faire intrusion dans «leur» zone de pêche (artisanale) - du moins au début. Le comité a recourt à des méthodes de piraterie à bord de ces navires et d'extorsion pour atteindre ce niveau «d'efficacité». Ce n'est donc pas un exemple à suivre pour les autres. Cependant, sur le plan analytique, il permet d'étudier les forces et les contraintes.

Le Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye avait une certaine force par rapport aux autres études de cas sur la surveillance en mer. Tout d'abord, le comité a été créé sur la base d'un intérêt économique et social de la communauté. Il bénéficiait donc de l'appui et du soutien de toute la communauté. Deuxièmement, il avait un coût de fonctionnement faible: principalement des pirogues et du fuel pour les patrouilles. La communauté prenait en charge cette dépense qu'elle se remboursait sur les «bénéfices» d'avoir maintenu les navires pratiquant la pêche industrielle hors de la «zone de pêche artisanale». Troisièmement, un grand nombre de personnes était impliqué dans la surveillance, tous étaient des pêcheurs. Ils avaient donc un intérêt à appliquer les règles et à voir les résultats en empêchant les navires pratiquant la pêche industrielle de surexploiter leur zone. De cette manière, il y avait peu de place pour corrompre les contrôleurs (les pêcheurs) qui effectuaient la surveillance. Quatrièmement, le comité utilisait des sanctions sociales et financières, parfois même la violence, pour intimider les intrus. Selon l'étude de cas, les pêcheurs qui contrôlaient, pirataient les navires pratiquant la pêche industrielle qui faisaient intrusion dans la «zone de pêche artisanale», exigeant le paiement de «taxes» et de «dommages» de la part des armateurs pour la libération des bateaux, et ridiculisaient le capitaine devant la communauté. La combinaison de ces sanctions représentait une vraie menace pour les capitaines et les armateurs de navires pratiquant la pêche industrielle, et ils commencèrent à éviter la région de Fass Boye. C'était l'objectif visé par le comité. La cinquième force de ce comité était que l'ensemble du processus de surveillance, depuis ces initiatives jusqu'à l'exécution par l'application des sanctions, était aux mains d'une seule entité: le comité des pêcheurs. Cela permettait des procédures rapides (bien qu'elles ne soient pas particulièrement impartiales) et les pêcheurs artisans avaient des retombées positives directes pour leurs actions.

La principale faiblesse du Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye est due au fait que les règles locales ne sont pas soutenues au niveau national. Les méthodes utilisées par le comité étaient simplement illégales. Les capitaines et armateurs ont eu recours au système de droit national pour avoir le dessus sur le comité de Fass Boye.

5.1.5 Comparaison de la surveillance en mer et des contrôles sur les lieux de débarquement

Il semblerait que les cas portant sur les contrôles sur les lieux de débarquement fonctionnent mieux que les cas de surveillance en mer. Cependant, il faut garder à l'esprit le fait que la surveillance en mer est une activité qui a des faiblesses que les activités de contrôle sur les lieux de débarquement n'ont pas. Le tableau ci-dessous donne un résumé des raisons pour lesquelles il en est ainsi:

COMPARAISON DES ÉLÉMENTS DE CONTRÔLE SUR LES LIEUX DE DÉBARQUEMENT ET DE SURVEILLLANCE EN MER

Les facteurs qui compliquent la surveillance en mer

Les facteurs qui facilitent les contrôles sur les lieux de débarquement

La surveillance affecte les pêcheurs avec des engins et des technologies différentes à l'intérieur et à l'extérieur de la communauté

Les contrôles affectent un petit groupe de gens (le comité ou ses employés qui sont aussi ses membres)

La surveillance couvre de grandes étendues d'eau difficiles à contrôler

Le contrôle est effectué dans une zone relativement limitée ou sur les lieux de débarquement

La surveillance doit être effectuée constamment, même dans des conditions difficiles (mauvais temps, durant la nuit)

Les contrôles sont faits pendant un laps de temps donné (pendant les débarquements, à certaines heures de la journée)

Les cas de surveillance en mer n'ont actuellement aucun système de suivi pour contrôler les employés de surveillance

Il y a peu d'opportunités pour corrompre ou tromper ceux qui appliquent les règles car ceux à qui les règles sont appliquées sont vus par l'ensemble de la communauté qui s'assure qu'elles soient bien suivies

Des équipements relativement performants sont nécessaires

Aucun équipement n'est nécessaire

Il y a un coût élevé pour le fonctionnement et la maintenance

Il n'y a pas ou peu de coûts de mise en œuvre

Ainsi, en général, les règles ou les mécanismes de gestion des pêches sont plus faciles à mettre en œuvre lorsqu'ils s'appliquent:

Des niveaux d'équipement peu élevés (ou simples) et des coûts de mise en œuvre faibles de même que des bénéfices meilleurs et convenables augmentent davantage l'efficacité des moyens d'existence.

5.1.6 Les leçons tirées des études de cas

En résumé, les études de cas montrent un nombre de problèmes sous-jacents qui affectent l'efficacité des mécanismes de gestion des pêches:

D'autres leçons peuvent être tirées des études de cas sur le respect et l'efficacité des mesures de gestion des pêches. Il y a d'abord l'aspect de cause à effet. Ce n'est que lorsque les acteurs se sentiront (en partie) responsables des problèmes de gestion des pêches et qu'ils auront de l'influence dans ce domaine, qu'ils seront enclins à initier des mécanismes de gestion des pêches ou à s'y conformer. Plus les raisons sous-jacentes et les effets positifs des mécanismes de gestion des pêches seront clairs, plus les pêcheurs les accepteront et leur obéiront.

La seconde leçon est à propos du processus utilisé dans la gestion des pêches. Les études de cas soulignent le fait que les chefs des pêcheurs et les représentants qui prennent part aux discussions et aux décisions en rapport avec les mécanismes ont besoin d'être reconnus comme légitimes. Ils doivent être pris au sérieux par ceux qu'ils représentent ainsi que par les administrateurs du gouvernement. Le processus de discussion et de décision sur la gestion des pêches a besoin d'être transparent, sinon les pêcheurs trouveront des raisons pour ne pas respecter les mécanismes.

Enfin, tout type de conflit au sein d'une communauté peut saper un exercice de gestion des pêches. Cela est dû au manque de confiance mutuelle entre les groupes pour parvenir à un accord ou pour faire confiance à l'un et à l'autre pour l'application.

5.1.7 Les implications pour une gestion des pêches centrée sur les moyens d'existence

Cette section illustre l'importance de distinguer les différents groupes de pêcheurs, comme cela a été mentionné dans la section 2.2. Les mécanismes de gestion des pêches qui sont adaptés à des groupes spécifiques ou à des pêcheurs, leurs stratégies de pêche et leurs moyens d'existence ont de plus grandes chances d'être efficaces, que ceux qui ne le sont pas. Les institutions gouvernementales des pêches peuvent travailler avec les pêcheurs sur la spécification des groupes, les zones géographiques et les mécanismes de gestion des pêches qui seraient les plus appropriés à chacun des groupes.

Cette section renforce aussi le point que lorsque les pêcheurs peuvent voir les bénéfices directs qu'ils retirent d'un mécanisme de gestion des pêches, ils sont plus enclins à le respecter (voir aussi les sections 3.3 et 5). La gestion des pêches par égard pour la gestion de la pêche n'intéressera certainement pas les pêcheurs et ils seront moins enclins à participer pour la rendre efficace; la gestion des pêches qui améliorera leurs moyens d'existence les encouragera. C'est un argument en faveur de la gestion des pêches participative et centrée sur les moyens d'existence, et la raison pour laquelle les institutions des pêches devraient l'adopter. Cela soutient la première hypothèse de cette étude selon laquelle une gestion responsable des pêches implique les pêcheurs artisans de manière active (voir section 1.1.4).

Cette section met un autre point en évidence: le besoin de règles et de réglementations au niveau local et national qui se renforcent mutuellement et non l'inverse. Cela est un des problèmes sous-jacents de l'application. Un autre est également mentionné dans la section 3.1.4 sur la diversité des organisations susceptibles d'appliquer la loi. Hormis le fait de trouver des moyens pour augmenter la collaboration entre ces organismes, le fait de trouver des façons d'appliquer les lois officielles au niveau local plutôt qu'au niveau national rentre tout à fait dans la lignée du processus de décentralisation des pays. Cela réduirait les problèmes de distance, et les coûts liés à la lenteur et à l'application des sanctions. Plus de contacts directs entre les groupes au moment de la résolution favoriserait le respect de leur part des accords qu'ils ont pris. La FAO et d'autres organismes pourraient aider les pays partenaires à identifier comment cette «décentralisation de l'application» peut être mise en place.

5.2. Les rôles respectifs des pêcheurs artisans et du gouvernement

5.2.1 Les points principaux de cette section

La complémentarité entre les rôles du gouvernement et des pêcheurs dans la gestion des pêches est essentielle pour atteindre une efficacité.

5.2.2 Les phases du processus de gestion des pêches

Cette section aborde les différents rôles du gouvernement et des pêcheurs dans les mécanismes de gestion des pêches dans les études de cas. Afin de faciliter l'analyse, plusieurs phases ont été différenciées dans la gestion des pêches des cas étudiés. Les phases sont:

Bien que les études de cas ne soient pas rentrées dans le détail à propos des différentes phases, il a été possible de faire les tableaux ci-dessous, qui donnent une indication approximative permettant de savoir si les pêcheurs - P - ou le gouvernement - G - jouent un rôle principal dans chacune des phases. Il y a un tableau séparé pour les études de cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement et les études de cas sur la surveillance en mer. Là où cela est possible, l'ordre des études de cas dans le tableau va de l'implication la plus élevée des pêcheurs (en haut du tableau) à l'implication la plus faible des pêcheurs (au bas du tableau).

LE RÔLE DES PÊCHEURS ET DU GOUVERNEMENT DANS LES ÉTAPES DES CONTRÔLES SUR LES LIEUX DE DÉBARQUEMENT

Cas & communauté

Initiative

Création

Mise en place

Sanction

Application

Appel

Comité de gestion communautaire Egyan - Ghana

P

P

P

P

P

G/P

Chef des pêcheurs et Conseil des anciens Mumford - Ghana

P

P

P

P

P

G/P?

Commission des sennes tournantes Kayar - Sénégal

P

P

P

P

P

Pas d'info.

Comité de pêche Kayar - Sénégal

P

P

P

P

P

Pas d'info.

Il semble clair d'après les informations ci-dessus que les pêcheurs artisans sont prédisposés à être impliqués dans des mécanismes qui concernent le contrôle sur les lieux de débarquement. Le rôle du gouvernement est, d'après les informations disponibles dans les études de cas, limité à la phase «Appel» du processus de gestion des pêches.

Le tableau ci-dessous montre que le gouvernement est plus représenté dans les activités de surveillance, mais qu'il y a une plus grande diversité entre les cas dans les rôles joués par le gouvernement et par les pêcheurs.

LE RÔLE DES PÊCHEURS ET DU GOUVERNEMENT DANS LES ÉTAPES DE SURVEILLANCE EN MER

Cas & communauté

Initiative

Création

Mise en place

Sanction

Application

Appel

Comité de vigilance et de sécurité Fass Boye - Sénégal

P

P

P

P

P

G

Commission de surveillance Kayar - Sénégal

G (P)*

P

P

P

P

Pas d'info.

Sous-Comité de surveillance Tema - Ghana

G

G

P

G (P)

G (P)

G

Projet de surveillance Bonfi & Koukoudé - Guinée

G

G

G (P)

G

G

G

Système de surveillance du PNBA PNBA - Mauritanie

G

G

G (P)

G

G

Pas d'info.

PSPS Fass Boye - Sénégal

G

G

G

G

G

G

*Les lettres entre parenthèses indiquent le rôle limité de ce groupe à cette étape en particulier.

D'après ce tableau et les descriptions qui ont été faites plus avant, un nombre de conclusions peut être tiré à propos des études de cas. La première est que la surveillance en mer est presque toujours initiée et effectuée par le gouvernement. L'étude de cas de Fass Boye (Sénégal) est une exception. Dans deux des six études, les pêcheurs jouent un rôle dans presque toutes les phases du processus de gestion des pêches. Dans ceux où le gouvernement domine, le rôle des pêcheurs est limité à:

De manière intéressante, les études de cas montrent que le fait de donner un rôle important aux pêcheurs n'est pas une garantie en soi d'une meilleure efficacité des mécanismes de gestion des pêches. Les cas sur la surveillance à Fass Boye, Sénégal, (Comité de vigilance et de sécurité) et à Tema, Ghana (Sous-Comité de surveillance) le montrent bien.

Le fait de donner un rôle important pour les pêcheurs peut entraîner une efficacité meilleure des mécanismes de gestion des pêches seulement dans la mesure ou:

Cela est un 'plus' important à l'hypothèse de cette étude qui stipule que l'implication active des pêcheurs artisans dans la gestion des pêches aura pour résultat d'améliorer l'efficacité des mesures de gestion (voir section 1.1.4).

Que ce soit dans des mesures de gestion des pêches locales/informelles ou nationales/officielles, le gouvernement a un rôle très important dans le règlement des conflits et l'application de la loi en dernier recours. Il peut donc renforcer ou saper les initiatives locales et s'assurer que justice soit faite.

5.2.3 Identification des groupes spécifiques impliqués

L'analyse ci-dessus donne une idée sur la participation des pêcheurs ou du gouvernement dans certaines phases de la gestion des pêches[37]. Mais quels pêcheurs artisans et quels types d'organisations gouvernementales sont-ils? En ce qui concerne l'information sur ce sujet donné par les études de cas, les pêcheurs artisans dans les comités de gestion des pêches sont pour la plupart des hommes âgés d'influence au sein de la communauté. Ils sont propriétaires de pirogues et d'engins de pêche, chefs des pêcheurs, représentants des différents clans de la communauté[38], membres du Conseil des anciens, et souvent même les représentants de leurs communautés dans le monde extérieur. Aussi, il semblerait que les pêcheurs résidents aient tendance à être représentés dans les comités, plutôt que les migrants. Bien que certains de ces comités, notamment au Ghana, essaient d'inclure d'autres groupes d'intérêts, d'autres ont des adhérents triés sur le volet. Les membres des comités ghanéens fonctionnent en alternance, par exemple, mais à Kayar, l'adhésion à la Commission des sennes tournantes et au Comité de pêche est fixe.

Chez les pêcheurs, l'initiative, la création, l'application de la loi et des sanctions, et l'appel sont généralement effectués par des hommes âgés ayant une certaine influence. Les membres plus jeunes du groupe ou bien les personnes désignées spécialement ou qui sont payées pour le faire, effectuent souvent la mise en place.

Du côté du gouvernement, la mise en place des activités de surveillance implique principalement plusieurs des organisations suivantes: la Marine, l'Aviation, la division SCS de la Direction des pêches, les autorités de navigation maritime, et dans le cas du PNBA en Mauritanie, les autorités du parc national.

L'application de la loi, l'application des sanctions et l'appel impliquent généralement des institutions gouvernementales au niveau national. Elles concernent un certain nombre parmi celles mentionnées pour la mise en place de la surveillance, la police, la justice ou des commissions de pêche spéciales, des comités d'arbitrage, etc. Comme cela a été mentionné dans la section 3.1, le manque de transparence en ce qui concerne l'organisation responsable pour cette phase de la gestion des pêches pose des problèmes dans l'application du mécanisme de gestion des pêches.

Dans les études de cas sur la Commission de surveillance à Kayar, au Sénégal et sur le Comité de gestion communautaire à Egyan, Ghana, les autorités du gouvernement local - comme les préfets et directeurs de districts - sont impliquées dans la gestion des pêches. Là, elles servent d'initiateurs des mécanismes de gestion des pêches ou d'arbitres. Cependant, elles ne sont généralement pas impliquées dans la mise en place et l'application. L'implication de ce niveau du gouvernement dans ces aspects se limite à transmettre les informations concernant les intrusions au niveau national.

5.2.4 Les implications pour une gestion des pêches centrée sur les moyens d'existence

L'analyse ci-dessus montre clairement que l'engagement des gouvernements et des pêcheurs est essentiel pour que le mécanisme de gestion soit efficace. Les rôles du gouvernement et des pêcheurs sont plus efficaces lorsqu'ils se complètent. Si un des rôles est faible (comme l'engagement des pêcheurs pour la surveillance à Tema, Ghana, ou l'application des réglementations du gouvernement à Egyan, Ghana), l'ensemble du mécanisme de gestion peut échouer. Les conseils de pêche mentionnés dans la section 3.2 pourraient être utilisés comme un moyen pour établir plus de cohérence entre le gouvernement et le rôle des pêcheurs et entre les réglementations des pêches locales et nationales. Cela réduirait le côté parfois arbitraire des systèmes actuels et diminuerait ainsi la vulnérabilité des pêcheurs.

Le fait de spécifier les groupes de pêcheurs impliqués dans les différentes phases de la gestion des pêches est utile. Comme il est mentionné dans les autres sections, cela permet d'identifier les groupes qui sont représentés et qui peuvent être impliqués de manière utile. Cela permet aussi de diriger les mécanismes de gestion vers les groupes qui sont exclus.

L'identification des organisations gouvernementales impliquées dans chaque phase de la gestion des pêches, ainsi que leur rôle est essentiel pour pouvoir réduire les contraintes en matière de gestion des pêches identifiées dans cette étude. Ce n'est qu'une fois que l'on saura qui est responsable de quoi, et s'il existe une coordination entre les organisations gouvernementales qu'il deviendra plus facile et plus approprié pour les pêcheurs de collaborer avec le gouvernement. Les recommandations mentionnées dans la section 3 vont dans ce sens.

En résumé, le gouvernement et les pêcheurs devront s'engager ensemble pour identifier les difficultés et trouver des solutions aux problèmes de la gestion des pêches. La nécessité de définir clairement le rôle, les responsabilités et l'influence de chacun, de même que les procédés de communication et de coordination à suivre représente une partie essentielle de ce processus. La FAO et d'autres organismes de coopération internationale pourraient aider les pays avec lesquels ils travaillent en apportant leur soutien à ce processus. Ils pourraient ainsi identifier ou former des personnes capables d'aider à l'appliquer ou de le diriger. Les limitations à cette approche sont que cela demande beaucoup de temps et d'effort de la part des participants et qu'un résultat positif n'est pas garanti. D'autre part, ne pas s'engager dans un effort de collaboration peut conduire à des échecs comme cela est illustré dans les études de cas.

5.3. Interaction entre la gestion des pêches et les moyens d'existence des pêcheurs

5.3.1 Les points principaux de cette section

La gestion des pêches et les moyens d'existence s'influencent mutuellement et ce n'est pas simplement la gestion des pêches qui affecte de manière positive les moyens d'existence.

5.3.2 Les bénéficiaires et les avantages des cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement

Comme cela est mentionné dans l' «Introduction», dans les termes de l'AMED, l'objectif de la gestion des pêches est d'améliorer les moyens d'existence des pêcheurs en minimisant la vulnérabilité des pêcheurs liée à la diminution des ressources marines, les conflits liés à ces ressources, la perte de droit d'exploitation des ressources, etc. La gestion devrait protéger les moyens d'existence des pêcheurs à long terme au moyen d'une exploitation durable des stocks de poisson. Une des hypothèses sous-jacentes de cette étude est qu'une gestion responsable des pêches améliorera les moyens d'existence des pêcheurs artisans, à condition que les pêcheurs soient activement impliqués dans la gestion responsable de la pêche.

Dans le contexte des études de cas, il est donc important d'évaluer qui sont les bénéficiaires et quels sont les avantages qu'ils ont tirés des mécanismes de gestion des pêches. Bien entendu, cette section doit garder à l'esprit quels sont les pêcheurs réellement impliqués dans la gestion des pêches et dans quelle mesure, ainsi que les forces et faiblesses actuelles, telles que décrites dans les sections précédentes.

Les bénéficiaires ciblés des contrôles sur les lieux de débarquement et de la surveillance en mer étaient différents dans chaque étude de cas. Pour les contrôles sur les lieux de débarquement au Ghana, les bénéficiaires ciblés étaient les pêcheurs artisans et la communauté des villages de Munford et d'Egyan. Les bénéficiaires ciblés des contrôles sur les lieux de débarquement au Sénégal (Kayar) étaient un groupe de propriétaires de pirogues avec respectivement des lignes et des sennes tournantes. Cela est représenté dans le tableau ci-dessous:

LES BÉNÉFICIAIRES CIBLÉS DES CAS SUR LES CONTRÔLES SUR LES LIEUX DE DÉBARQUEMENT

Pays

Communauté

Nom de l'étude de cas

Bénéficiaires ciblés

Ghana

Mumford

Le Chef des pêcheurs et le Conseil des anciens

Pêcheurs artisans de Mumford La communauté

Egyan

Le Comité de gestion communautaire des pêches

Pêcheurs artisans d'Egyan La communauté

Sénégal

Kayar

La Commission des sennes tournantes

Armateurs de pirogues avec sennes tournantes

Le Comité de pêche

Armateurs de pirogues avec lignes

De manière générale, les avantages de chacune des études de cas portaient sur une amélioration des moyens d'existence, mais chaque mécanisme a tenté d'atteindre cela d'une manière différente. Les avantages souhaités des comités concernés par les contrôles sur les lieux de débarquement consistent en:

Les sections précédentes montrent que les contrôles sur les lieux de débarquement étaient pour la plupart effectués par les pêcheurs. Ces cas étaient également assez efficaces pour atteindre leurs buts. La Commission des sennes tournantes et le Comité de pêche à Kayar (Sénégal) ont réussi en partie à améliorer directement les revenus des personnes membres du comité en augmentant le prix du poisson qu'ils débarquaient. Les études de cas mentionnent également des effets secondaires positifs inattendus pour les membres du comité: la diminution des campagnes de pêche de la Commission des sennes tournantes a augmenté la durée de vie des sennes tournantes, faisant ainsi faire des économies aux propriétaires des filets.

Pour certains comités des cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement au Ghana, la capacité d'organisation et l'influence du comité et de ses membres ont augmenté. Un exemple est celui de l'étude de cas sur le Chef des pêcheurs et le Conseil des anciens à Mumford (Ghana). Cependant, bien que ces comités aient en partie atteint leurs buts, les avantages souhaités pour les pêcheurs artisans de ce comité et du Comité de gestion communautaire des pêches à Egyan (Ghana) ne semblent pas avoir été atteints.

D'une manière plus générale, les facteurs de vulnérabilité comme la réduction des conflits liés aux ressources ne semblent pas avoir été limités pour les bénéficiaires ciblés. Par exemple, Egyan (Ghana) est encore vulnérable aux conflits des migrants qui utilisent des filets aux mailles trop petites dans leurs eaux. L'effet général produit par les activités des comités sur les réserves en poisson est inconnu.

Les communautés dans l'ensemble ont tendance à tirer des effets sociaux et économiques positifs des activités des comités qui ne sont pas liées à la pêche. Les exemples sont des plages plus propres et une augmentation de la présence à l'école. Mumford (Ghana) a été reconnu publiquement pour ces efforts en gagnant le prix pour la plage la plus propre. Excepté pour ces activités, les groupes de pêcheurs se servent parfois d'une partie des revenus qu'ils en retirent à des fins de développement communautaire.

5.3.3 Les bénéficiaires et les avantages des cas sur la surveillance en mer

Pour la surveillance de la «zone de pêche artisanale», les bénéficiaires ciblés étaient généralement les pêcheurs artisans de la zone de surveillance. Pour la surveillance par la Commission de surveillance à Kayar (Sénégal), les bénéficiaires ciblés étaient les pêcheurs à la ligne résidents et les migrants utilisant les filets maillants. Le Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye (Sénégal) était destiné à protéger les intérêts des pêcheurs artisans de la communauté. Les bénéficiaires ciblés du PNBA en Mauritanie étaient définis de manière moins claire: comme la zone est un parc, il a pour but de protéger les réserves en poisson et autres atouts naturels pour la population du pays, les générations futures, les touristes et peut-être en dernier lieu la population vivant dans la région. Les bénéficiaires ciblés sur la surveillance des activités sont présentés dans le tableau ci-dessous:

LES BÉNÉFICIAIRES CIBLÉS POUR LES CAS DE SURVEILLANCE EN MER

Pays

Communauté

Nom de l'étude de cas

Bénéficiaires ciblés

Mauritanie

Camps dans le PNBA

Le Système de surveillance du PNBA

La population du pays Les générations futures Les touristes Les populations du PNBA

Guinée

Bonfi, Koukoudé

Le Projet de surveillance

Les pêcheurs artisans de la zone de surveillance

Ghana

Tema

Le Sous-Comité de surveillance

Les pêcheurs artisans de la zone de surveillance

Sénégal

Kayar

La Commission de surveillance

Les pêcheurs résidents pêchant à la ligne Les pêcheurs migrateurs saisonniers utilisant les filets maillants

Fass Boye

Le Comité de vigilance et de sécurité

Les pêcheurs artisans de Fass Boye

Le Projet protection et surveillance des pêches au Sénégal (PSPS)

Les pêcheurs artisans de la zone de surveillance

Les avantages spécifiques des cas sur la surveillance en mer étaient:

Les études de cas sur la surveillance en mer n'étaient pas très efficaces pour atteindre leurs buts. Cela n'est donc pas surprenant que les avantages souhaités n'aient pas été atteints. Une exception possible est celle du PNBA en Mauritanie, mais il n'y a pas assez d'informations dans les études de cas pour en être sûr. Le Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye, Sénégal, réussissait à tirer profit de l'accès exclusif aux fonds de pêche pendant un certain temps, mais seulement jusqu'au moment où le comité a été aboli.

Le deuxième avantage de réduction des conflits n'a également pas été atteint. Au moment de la rédaction de l'étude de cas, les pêcheurs artisans de Fass Boye (Sénégal) étaient toujours vulnérables aux conflits liés à l'intrusion des navires pratiquant la pêche industrielle. Le conflit entre les résidents (pêche à la ligne) et les migrants (filets maillants) à Kayar, Sénégal, est aussi intense, peut-être même plus, qu'il ne l'était avant l'installation de la Commission de surveillance.

Comme cela a été le cas avec les études de cas sur les contrôles sur les lieux de débarquement, l'effet général des comités et des postes de surveillance sur les réserves de poisson est inconnu.

5.3.4 La gestion des pêches en vue d'assurer des moyens d'existence durables

L'analyse ci-dessus montre que la gestion des pêches n'assure pas nécessairement des moyens d'existence durables aux pêcheurs. Bien que cela soit en partie dû à des contraintes qui existent dans le système actuel, certaines d'entre elles peuvent vraisemblablement perdurer si elles ne sont pas prises en compte.

L'aspect le plus important à prendre en compte, d'après les études de cas sur la gestion des pêches, est probablement le fait que la gestion des pêches ne peut pas assurer des moyens d'existence durables pour tous les pêcheurs. Chacune des études de cas a été élaborée pour bénéficier à un groupe de pêcheurs en particulier souvent en opposition à un autre. Par exemple, la limitation des captures entraîne des prix plus élevés pour les pêcheurs mais réduit les bénéfices des personnes chargées de la transformation du poisson et des commerçantes. Le fait de maintenir les chalutiers hors de la «zone de pêche artisanale» pour protéger les pêcheurs artisans et les stocks de poisson peut signifier une diminution des revenus des armateurs de navires pratiquant la pêche industrielle, du capitaine et de l'équipage. En d'autres termes, le fait de protéger les moyens d'existence d'un groupe de pêcheurs peut produire l'effet opposé chez un autre groupe. Cela est propre à la gestion des pêches. Des mécanismes de gestion des pêches peuvent vraisemblablement augmenter les tensions entre les groupes sociaux parce que les mécanismes excluent l'accès aux ressources de groupes en particulier (comme les pêcheurs pratiquant la pêche industrielle dans la «zone de pêche artisanale»). Cela aussi doit être pris en considération au moment de l'élaboration de la gestion des pêches dans la perspective des moyens d'existence.

Si l'on va une étape plus loin, les études de cas montrent que les mesures de gestion des pêches ne favorisent pas les groupes sociaux les plus faibles et les plus pauvres. Dans l'exemple du Ghana où les mailles de petites tailles sont interdites pour protéger les poissons juvéniles, les groupes touchés par cette mesure seraient les groupes pêchant à la senne de plage. Cependant, il y a des signes qui montrent que tous ces groupes seraient les plus pauvres des pêcheurs artisans. Les comités de pêcheurs ont tendance à être dirigés par des hommes âgés et relativement riches, généralement propriétaires de bateaux et d'engins. En fonction des objectifs du comité, les groupes les plus pauvres, minoritaires ou dont les intérêts ne sont pas représentés, peuvent ou peuvent ne pas être pris en considération.

Le fait que les mécanismes de gestion des pêches étudiés n'aient pas été efficaces pour la plupart a entraîné une augmentation des problèmes que les mécanismes tentaient de résoudre (incursions, accidents, conflits, etc.). En conséquence, les tensions actuelles entre les différents groupes (migrants et résidents, pêcheurs artisans et pêcheurs pratiquant la pêche industrielle, pêcheurs et les administrations des pêches) subsistent ou ont augmenté. Cela signifie aussi qu'il y a des bénéficiaires qui n'étaient pas souhaités comme: les responsables des patrouilles du système de surveillance en Guinée qui profitent des pots de vin reçus; les migrants à Egyan (Ghana) qui en profitent pour capturer du poisson dans la zone interdite; les propriétaires de navires pratiquant la pêche industrielle et les capitaines qui continuent de pouvoir pêcher dans la «zone de pêche artisanale» et, généralement tous ceux dont les activités illégales auraient dû être arrêtées. Tout cela peut donner lieu à des tensions entre les groupes sociaux.

La gestion des pêches peut à la fois contribuer ou saper les moyens d'existence en fonction de ses objectifs. Par exemple, les objectifs de conservation dans le Parc national du Banc d'Arguin en Mauritanie créent des contraintes au développement de la pêche comme l'utilisation des moteurs hors-bord qui peut à son tour limiter les possibilités de revenus pour les pêcheurs des communautés. Comme cela a été mentionné dans la section 3.3, selon les réglementations de la pêche au Ghana, les filets au maillage trop petit sont interdits afin de protéger les stocks de juvéniles. Cependant, l'utilisation répandue de ces filets rend leur confiscation «illégale» un travail non seulement énorme mais également inacceptable du point de vu social. Le fait que la gestion de la pêche n'améliore pas nécessairement les moyens d'existence des communautés de pêcheurs est une conclusion importante car elle remet en question la première des hypothèses de cette étude (voir «Introduction»).

D'un côté, protéger la durabilité des stocks à long terme est dans l'intérêt des pêcheurs parce que cela assure leurs moyens d'existence. D'un autre côté, la protection des stocks doit être une priorité pour les pêcheurs. Les gens sont connus pour changer de stratégies de moyens d'existence en fonction des opportunités disponibles et des contraintes. La diminution d'un stock peut aider les pêcheurs à pêcher une autre espèce, à migrer ou à développer d'autres activités économiques comme ils l'ont fait par le passé.

5.3.5 Les influences des moyens d'existence sur la gestion des pêches

Divers aspects des moyens d'existence sur la pêche artisanale et les communautés de pêcheurs peuvent avoir un impact sur la gestion des pêches. Plusieurs d'entres eux ont été mentionnés dans d'autres sections de ce rapport, mais en voici un court résumé:

En termes de lois et de réglementations, la gestion des pêches n'a pas seulement un impact sur les moyens d'existence. Les lois et les réglementations sont l'un des moyens pour atteindre ou confirmer l'accès aux ressources. Elles peuvent donc être utilisées et construites par des groupes différents. Cela peut faire partie des stratégies de moyens d'existence du groupe. Différents groupes de pêcheurs auront accès à différents systèmes de lois et de réglementations - officielles et informelles, locales et nationales - pour en faire à leur tête (voir section 3.3). Cela est illustré par les exemples du Comité de gestion communautaire des pêches à Egyan (Ghana) et du Comité de vigilance et de sécurité à Fass Boye (Sénégal). Dans les deux cas, les comités de pêcheurs locaux appliquent des règles sur la pêche pour défendre leurs intérêts et maintenir les «autres pêcheurs» qui ne se conforment pas, hors de leur zone de pêche. Ces «autres pêcheurs» - des pêcheurs migrants ou des pêcheurs pratiquant la pêche industrielle - font alors appel à la loi criminelle officielle pour défendre leurs intérêts, prétendant que les règles locales qui leur ont été appliquées étaient injustes ou illégales.

Les pêcheurs artisans et l'Administration des pêches peuvent aussi s'influencer mutuellement. Au Ghana, le comité de gestion communautaire actuel à Munford a servi de «modèle» au Programme de gestion communautaire de la pêche. Le comité de Mumford a, à son tour, profité de la formation et du soutien de ce programme gouvernemental pour élargir ses activités. Au Sénégal, la politique économique du gouvernement a entraîné une chute des prix du poisson. Cela a aboutit à la création de la Commission des sennes tournantes et du Comité de pêche par les pêcheurs à Kayar. Un autre exemple est celui du Comité de vigilance et de sécurité (Fass Boye, Sénégal). Ses activités étaient liées au fait que Fass Boye était l'une des premières communautés au Sénégal où les postes de surveillance décentralisés du gouvernement ont été créés.

5.3.6 Les implications pour une gestion des pêches centrée sur les moyens d'existence

La relation entre la gestion des pêches et les moyens d'existence durables des pêcheurs est donc bien plus complexe et plus dynamique que ce qu'a laissé entendre l'hypothèse de cette étude. Cela implique que la gestion des pêches soit flexible et qu'elle s'adapte aux changements. Les implications de tout ce qui précède pour une gestion des pêches centrée sur les moyens d'existence ont été mentionnées dans les autres sections, et comprennent: l'identification des différents groupes de pêcheurs, la participation de ces groupes dans les processus de gestion des pêches, la clarification et l'équilibre des objectifs de la gestion des pêches, la clarification des rôles des différentes organisations gouvernementales et des groupes de pêcheurs, et l'amélioration de l'application.


[36] Le cas PNBA est laissé de côté dans cette analyse car il n'y a pas assez d'informations pour savoir s'il est efficace et pour déterminer les facteurs qui en seraient à l'origine.
[37] Voir Dengbol dans Tvedten et Hersoug (éds.), 1992 pour une discussion sur le rôle de la communauté et des agents externes tels que les institutions gouvernementales et les projets pour la gestion des ressources dans la pêche artisanale.
[38] Après des interactions avec le Projet de renforcement des capacités des sous-secteurs, certains conseils locaux ont fait en sorte d'inclure des représentants des groupes minoritaires et des mareyeuses.

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