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7. Conclusions et actions


Selon la FAO, un accroissement de la mise en valeur des eaux sera nécessaire pour satisfaire les besoins de 2 000 millions de personnes supplémentaires d’ici 2030. Si l’augmentation de la productivité de l’eau peut être maintenue, il sera possible de diminuer la pression sur les ressources et d’étendre les perspectives de transferts à d’autres utilisateurs. L’augmentation de la productivité de l’eau en agriculture a procédé d’investissements stratégiques dans la mise en valeur des eaux, mais aussi dans la recherche et le développement et dans la vulgarisation agricole. On constate à l’heure actuelle une tendance vers une diminution brutale de l’investissement dans ces activités. L’avenir de la gestion de l’eau en agriculture dépendra du maintien du niveau ddans les secteurs clés de la chaîne de la production, plutôt qu’exclusivement dans les infrastructures de maîtrise de l’eau. A cet égard, c’est la qualité de l’investissement, plutôt que sa quantité, qui sera cruciale.

Etant donné que la demande alimentaire n’est pas négociable, la seule perspective d’amélioration de la gestion globale de l’eau repose sur l’amélioration continue de la productivité de l’eau dans les systèmes agricoles en vigueur (pluviaux et irrigués). Ldevrait par conséquent se porter sur un train de mesures stratégiques associant: l’investissement dans la recherche pour mettre au point du matériel biologique plus productif; l’amélioration des pratiques agricoles; le renforcement des capacités pour les agriculteurs et les utilisateurs; l’appui aux échanges agricoles pour améliorer la productivité mondiale; et, au besoin, la mise en valeur de nouvelles ressources.

Il n’est pas facile de prédire les besoins en eau d’une population stabilisée dont on estime qu’elle atteindra environ 8 000 millions d’habitants. Les quantités précises d’eau qui devront être disponibles à des endroits spécifiques pour permettre une production agricole durable ont leur propre variabilité spatiale et temporelle. Le problème est amplifié par les incertitudes qui demeurent concernant la quantité d’eau nécessaire pour maintenir l’intégrité écologique et pour permettre aux nappes phréatiques surexploitées de se reconstituer. Enfin, l’impact du changement climatique sur les disponibilités brutes en eau, ainsi que les besoins de l’agriculture, restent conjecturaux. Au vu de toutes ces inconnues, l’objectif d’assurer assez d’eau pour la production mondiale de ressources vivrières suffisantes représente un énorme défi, en particulier dans les régions et les pays où l’eau est déjà rare. Cette incertitude quant aux disponibilités en eau futures et la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire contrarient les décisions à prendre concernant l’investissement pour la gestion de l’eau en agriculture. Les questions auxquelles il importe de répondre sont:

® Quelle capacité supplémentaire de stockage dans les retenues et les réservoirs est nécessaire?

® Comment les nations et les régions peuvent-elles veiller à l’utilisation durable des eaux souterraines pompées qui sont essentielles à la production agricole?

® Quel est le meilleur moyen d’utiliser les sources supplémentaires d’eau, telles que les eaux usées des collectivités et des industries, dans l’agriculture irriguée sans effets nocifs sur la santé humaine et l’hygiène de l’environnement?

Ce document a analysé le lien entre l’agriculture irriguée d’une part et l’atténation de la pauvreté et le développement rural d’autre part. Les effets indirects de l’irrigation sur le développement rural ont été remarquables, en particulier par la création de possibilités d’emploi à l’extérieur des exploitations pour les personnes pauvres. Néanmoins, d’autres investissements, par exemple dans les routes et les marchés, pourraient souvent être plus directement profitables au développement rural. Ainsi les gouvernements et les organismes de financement chargés de décider des investissements qui auront un impact maximal sur l’atténuation de la pauvreté se retrouvent confrontés à des choix difficiles entre l’investissement direct dans l’infrastructure nécessaire à l’approvisionnement en l’eau de l’agriculture ou l’investissement précurseur dans la création de marchés et de moyens d’accès à ces marchés.

L’amélioration des infrastructures d’irrigation et de drainage à l’échelle du système et des mécanismes institutionnels et décisionnels permettant de gérer ces systèmes augmenteront la productivité de l’eau et par conséquent la sécurité alimentaire. C’est toutefois de la gestion intégrée des cultures et des ressources que l’on doit attendre les plus grands bénéfices. Ceux-ci s’accroîtront lorsque les effets des trois composants que représentent l’amélioration des plantes, les progrès agronomiques et les changements dans l’exploitation et la gestion des installations d’irrigation se conjugueront pour mettre à profit les avantages potentiels des nouvelles cultures et variétés. Il y a peu d’exemples de collaboration réussie entre ces trois secteurs. La mise en oeuvre d’une telle coopération équivaudrait à une réelle réinvention de la gestion de l’eau en agriculture. Tout aussi importante, l’amélioration des pratiques agricoles à l’échelle des parcelles, telles que la culture sans travail du sol et les plates-bandes surélevées, aboutira également à une meilleure productivité de l’eau en agriculture. L’adoption et l’adaptation de ces techniques reste cependant marquée par une trop grande lenteur.

L’IWRM a été présentée comme le cadre permettant de planifier, d’organiser et de maîtriser les systèmes de distribution d’eau pour équilibrer les positions et objectifs de toutes les parties intéressées (Grigg, 1999). Cette définition se fonde sur deux aspects interdépendants, l’aspect social (équilibrer les positions et objectifs de toutes les parties intéressées) et l’aspect écologique (gérer les systèmes de distribution d’eau à utilisateurs multiples). L’eau avait naguère deux principales utilisations: les usages domestiques et la production d’aliments pour des populations croissantes. A l’heure actuelle, la concurrence sur l’eau fait que ces objectifs simples ne sont plus acceptables. Les défenseurs de l’IWRM pensent que l’évolution vers la viabilité du secteur de l’irrigation dépend des SI et de leur bon fonctionnement. Il n’est toutefois pas facile de mettre en place ces SI. Il est indispensable, pour que leur création soit réussie, d’évaluer au préalable les ressources en eau, de répartir les droits sur l’eau entre les utilisateurs légitimes, et de désigner les institutions qui seront en charge de l’administration de ces droits. A cause des conflits d’intérêt entre les divers partenaires, il est difficile et coûteux de satisfaire à ces trois conditions préalables. En outre, tout porte à croire que le transfert de la gestion de l’irrigation risque d’aggraver la pauvreté rurale, à moins que l’on ne s’efforce d’envisager et de mettre en oeuvre ce processus dans un esprit favorable aux ruraux pauvres (van Koppen et al., 2002).

En ce qui concerne les ressources, le problème crucial est la surexploitation des ressources en eaux de surface et souterraines, qui dans bien des cas semble non durable. Dans les discussions portant sur la gestion durable des ressources en eaux souterraines, certains sont d’avis que l’exploitation de ces ressources au-delà de leur niveau de reconstitution peut se justifier si elle se traduit par des initiatives de développement durable, par l’utilisation des revenus générés par les eaux souterraines pompées à des objectifs utiles. Il n’en demeure pas moins que les progrès des technologies permettant d’économiser l’eau, la valorisation de la gestion des terres et les autres actions bénéfiques à long terme servent aussi la cause de la viabilité (Kinzelbach et Kunstmann, 1998, Barker et al. 2003). Stratégiquement parlant, il est très difficile de décider du degré de dégradation écologique qui peut se justifier par l’augmentation de la sécurité alimentaire ou la réduction de la pauvreté. C’est une alternative qui n’est ni simple ni directe puisque l’atténuation de la pauvreté peut en fait enrayer la dégradation de l’environnement.

Il ressort de ces conclusions que si les gouvernements nationaux et les organismes de financement ne font pas plusieurs choix stratégiques concernant la gestion de l’eau en agriculture, le secteur agricole ne sera pas en mesure de maintenir les dispositions actuelles d’allocation de l’eau pour la production alimentaire primordiale issue de l’irrigation.

Les choix qui s’offrent aux gouvernements nationaux sont les suivants:

1. Accepter le fait qu’il n’y a pas de solution unique au maintien de la sécurité alimentaire dans un contexte de pénurie d’eau. Toutes les ressources en eau (eaux de pluie, eaux des canaux, eaux souterraines et eaux usées) sont importantes. Elles peuvent toutes être mises en valeur, si les dispositions nécessaires sont prises, et le renforcement des capacités de stockage et la reconstitution des ressources en eaux souterraines font partie des solutions à long terme.

2. Trouver les choix les mieux adaptés aux conditions particulières. Les terres de bonne et de mauvaise qualité peuvent être utilisées pour la production de cultures vivrières et d’autres denrées; l’association optimale de terres, de cultures et d’eaux propre à chaque site mais ne doit pas négliger la productivité inhérente des écosystèmes naturels.

3. Réaliser que le lien entre l’agriculture irriguée et le développement rural n’est pas toujours évident; l’investissement dans des secteurs autres que l’irrigation peut mieux servir le développement rural.

4. Adopter des politiques et créer des institutions fondées sur les ressources naturelles qui encouragent l’intégration, de la gestion des cultures et des ressources, en vue de définir le meilleur choix pour chaque site particulier.

5. Faciliter et appuyer activement le développement des variétés améliorées qui constitueront l’une des solutions aux futurs problèmes de sécurité alimentaire.

6. Soutenir activement l’application des prévisions climatiques saisonnières afin de déterminer la meilleure association de gestion des cultures et des ressources pour les conditions climatiques anticipées.

7. Faire de l’investissement dans la modernisation de l’irrigation un processus continu, tout en reconnaissant les avantages comparatifs propres à chaque système. L’objectif de la modernisation devrait être de rendre les systèmes de distribution de l’eau et leur gestion suffisamment souples pour profiter au maximum des nouvelles technologies et variétés végétales.

Les choix qui s’offrent aux organismes donateurs pour investir stratégiquement dans l’agriculture sont les suivants:

1. Accepter que l’agriculture soit le secteur qui permette de réaliser un maximum d’économies en eau par l’augmentation de la productivité.

2. Relier les objectifs et financements mondiaux aux initiatives et besoins locaux. Le financement devrait correspondre aux paramètres physiques et socio-économiques particuliers.


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