Dans cette section, on présente certains des aspects à prendre en compte en vue de l'installation des fabriques de glace. On trouvera des informations complémentaires dans des publications spécialisées de sources très diverses, dont les documents et les publications de la FAO. Certaines d'entre elles sont mentionnées dans la bibliographie.
Avant d'acheter une machine à glace, il faut évaluer les besoins. On évitera ainsi l'achat coûteux d'un appareil de taille inadaptée. Si l'unité est trop petite, cela risque d'impliquer l'achat d'équipements supplémentaires, voire son remplacement à une date ultérieure. Une machine de taille insuffisante peut aussi revenir plus cher en entretien et en réparation étant donné qu'elle tourne plus ou moins en permanence. Un système surdimensionné qui coûtera sans doute plus cher à l'achat s'avérera probablement la meilleure solution à long terme. Mais si la machine est vraiment trop grande, son exploitation sera plus coûteuse qu'il n'est économiquement faisable.
Plusieurs aspects et considérations essentiels doivent être pris en compte quand on envisage d'installer une fabrique de glace. En voici quelques-uns:
un ou des investisseurs prêts à financer l'achat et l'entretien de la machine à glace.
Dans un premier temps, il faudra réaliser une étude approfondie de la demande probable, celle des bateaux de pêche, mais peut-être aussi les besoins domestiques de réfrigération des boissons et des denrées alimentaires. Les auteurs ont constaté que lorsqu'une fabrique de glace s'installe là où il n'en existait pas, il y a une augmentation immédiate de la demande de glace pour les usages domestiques et les sociétés à terre. Il arrive ainsi que les pêcheurs, les sociétés de valorisation des produits de la pêche et les négociants qui sont tributaires d'approvisionnements réguliers se trouvent confrontés à des pénuries. En outre, il faut souvent tenir compte du commerce occasionnel et prévoir davantage, car les pêcheurs des alentours ne manqueront pas de se réapprovisionner en glace s'ils en trouvent.
TABLEAU 3.1
Production de la fabrique de glace en
fonction de la température de l'eau d'alimentation
|
Température de l'eau d'alimentation |
Capacité de la fabrique |
Capacité relative de production |
|
(°C) |
(tonne/24 h) |
(%) |
|
0 |
43,0 |
100 |
|
5 |
41,8 |
97 |
|
10 |
40,4 |
94 |
|
15 |
39,2 |
91 |
|
20 |
38,0 |
88 |
|
25 |
36,8 |
85 |
|
30 |
35,7 |
83 |
|
35 |
34,5 |
80 |
Source: FAO Documents technique sur les pêches. n° 331. Rome. 1992
Les besoins de glace de la flottille locale sont relativement simples à calculer. En général, on connaît à peu près le nombre de bateaux dans la flottille, et on peut estimer la capacité de cale et le volume de poisson débarqué par les grands bateaux. On peut tout aussi aisément calculer les besoins de glace des petits bateaux qui utilisent des caisses isothermes.
Il faut ensuite ajuster le chiffre obtenu pour la flottille afin de tenir compte des pertes dues à la fusion de la glace à bord des bateaux, ainsi que des variations de production due aux différentes températures de l'eau d'alimentation et aux variations de la température ambiante. Ainsi, une petite machine à glace d'une capacité nominale de 5 tonnes par 24 heures dans des conditions tempérées aura une production inférieure dans un milieu tropical plus chaud et plus humide. Le Tableau 3.1 indique les variations de production pour diverses températures d'eau. Ce n'est que l'un des facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer le rendement de la machine; d'autres facteurs comme la température du frigorigène et la différence entre les températures de condensation et d'évaporation peuvent également avoir une incidence sur la capacité de production. La conjugaison de ces divers facteurs peut provoquer une baisse de plus de 50 pour cent du rendement et de la production de la machine à glace. Les aspects relatifs à la conception et à l'exploitation des machines à glace sont examinés en plus de détails dans d'autres publications de la FAO sur la question (voir la bibliographie).
Il est sans doute un peu plus difficile d'estimer la consommation locale de glace, hors secteur de la pêche. Tout dépendra de la taille de la communauté et des infrastructures locales - marchés, magasins, restaurants et bars. En examinant attentivement la situation de la collectivité et des zones avoisinantes, on peut toutefois estimer assez précisément la consommation de glace hors pêche. Il se peut aussi que la production de la fabrique soit intégralement destinée à la pêche, auquel cas la demande domestique n'a pas à être prise en compte. En règle générale, les fabriques de glace commerciales tiennent compte des débouchés locaux et des ventes aux acheteurs domestiques qui peuvent subventionner leurs opérations.
En plus de la production maximale et de la capacité de stockage de la fabrique, il faut également examiner les variations saisonnières de la demande. Il y a peut-être des espèces qui ne sont disponibles qu'un ou deux mois par an, ce qui vient gonfler la demande pendant une courte période. L'une des solutions à ce problème est de prévoir des machines multiples ou modulaires. Pendant les périodes où la demande est normale, on n'utilise qu'une seule machine. En période de pointe, on fait entrer en production une deuxième, voire une troisième machine. Les machines multiples constituent aussi un système de secours en cas de panne ou de réparation des unités en service. La Figure 3.1 présente une fabrique modulaire de glace écaille, assez typique, où sont illustrés les machines à glace, les racloirs, les compartiments de stockage et le système de distribution.
Une fois que l'on est assuré de la demande/nécessité d'une fabrique ou d'une production de glace dans un endroit donné, il faut tenir compte de la disponibilité de divers facteurs techniques, notamment:
Un approvisionnement suffisant en eau propre. Si l'on ne peut avoir accès à une eau de qualité correcte, il faut envisager les coûts de traitement et de filtration dans l'évaluation de la faisabilité économique. S'il s'agit de glace d'eau de mer, les débouchés seront beaucoup plus limités. Ainsi, la glace d'eau de mer est sans utilité pour les usages domestiques ou les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration.
Une source d'énergie fiable pour alimenter la machine à glace. Il s'agira très souvent d'électricité. Il existe des génératrices diesel à entraînement direct mais elles reviennent généralement plus cher que d'acheter l'électricité directement au producteur. Si le réseau électrique local n'est pas fiable, il peut s'avérer utile d'installer un générateur d'électricité à moteur diesel autonome ou de secours.
Dans les zones isolées caractérisées par un fort ensoleillement et où la production électrique est inexistante ou peu fiable, on peut envisager des systèmes solaires de réfrigération à absorption. En général, ces systèmes produisent des blocs de glace et une unité type peut fabriquer 200 kg de glace en bloc en 24 heures. Les blocs pèsent environ 20 kg. Pour un volume de production supérieur, on ajoute des unités supplémentaires en fonction des besoins.
L'emplacement de la fabrique de glace est souvent un élément déterminant de son succès et de sa viabilité. Il faut étudier soigneusement les besoins des utilisateurs avant de sélectionner le site de la fabrique. On a tendance à les construire dans les endroits jugés les plus adaptés au plan de l'ingénierie, sur des terrains bon marché ou jugés appropriés par des planificateurs qui connaissent mal l'endroit. Même lorsqu'elles sont proches du port de pêche, ces installations sont souvent délaissées par les pêcheurs, que ce soit pour des raisons pratiques ou parce qu'elles se situent hors de leur rayon d'exploitation. Il faut donc consulter les utilisateurs finals avant de sélectionner un site.
L'entretien et la réparation de la fabrique devront être confiés à des personnes compétentes et qualifiées et il faut avoir accès à des approvisionnements fiables de pièces détachées. Même les meilleures machines finissent par tomber en panne. Si l'on ne peut se procurer facilement les pièces de rechange, on court le risque de longues périodes d'indisponibilité dans l'attente des pièces nécessaires. Dans de nombreux pays, les pièces sont importées, d'où un besoin de devises que l'on se procure plus ou moins facilement. Tous ces facteurs sont à prendre en compte quand on envisage d'investir dans la construction d'une fabrique de glace.
Etant donné le coût d'investissement relativement élevé, plusieurs personnes ou des organismes tels que les coopératives de pêcheurs sont généralement impliqués. Dans les deux cas, la situation économique doit être saine afin de ne pas exposer les investisseurs potentiels à des pertes financières résultant d'une mauvaise planification; en cas contraire, il peut s'avérer extrêmement difficile de trouver des investisseurs prêts à financer le coût de la fabrique.
Dans certains cas, l'achat et l'installation des fabriques de glace sont pris en charge dans le cadre de projets internationaux d'assistance technique et les installations sont remises aux organisations locales une fois le projet parvenu à son terme. Or, une multitude de fabriques de ce genre ferment peu de temps après, faute de fonds pour assurer l'entretien et les réparations, et par manque de formation du personnel local qui se retrouve amené à tenter de réparer les équipements. Il est probable que l'analyse initiale des besoins n'a pas été réalisée avec suffisamment de soin et que l'on soit parti du principe qu'une fabrique de glace attirerait nécessairement des clients, quel que soit l'endroit où elle est située. Il est donc essentiel de procéder à une analyse initiale des coûts-avantages et du marché potentiel ainsi qu'à une évaluation des moyens d'approvisionnement en pièces de rechange et des compétences techniques disponibles sur place pour l'entretien et la réparation des installations.
|
FIGURE 3.1
|
Il est généralement impossible de limiter la production aux besoins et il faut donc prévoir dans la fabrique un système de stockage d'un genre ou d'un autre. De nombreuses machines disponibles sur le marché sont livrées en standard avec des compartiments de stockage isothermes tel que celui qui est illustré à la Figure 3.1.
La Figure 3.2 indique l'espace de stockage nécessaire pour différents types de glace commercialement disponibles en fonction de leur densité apparente. De manière générale, les blocs de glace exigent moins d'espace que tous les autres types de glace. Cependant, la glace écaille qui nécessite davantage d'espace peut être entreposée en silo et donc, sur une plus grande hauteur. Dans la pratique, l'emprise au sol nécessaire pour le stockage de la glace écaille est analogue à celle des autres types de glace.
|
FIGURE 3.2
|
Les méthodes de manutention varient considérablement en fonction des types de glace.
Ainsi, les blocs de glace, notamment les plus gros, exigent un matériel spécialisé. En règle générale, on utilise des palans mécaniques pour sortir les pains de leur conteneur avant l'embarquement. On peut aussi les déplacer en les faisant glisser sur le sol ou sur des glissières. Les blocs individuels peuvent être déplacés à la main, sans nécessiter de conteneurs ou d'installations particulières. L'un des avantages des blocs de glace réside dans leur durée de conservation relativement longue par rapport aux autres formes de glace. De ce fait, ils ont souvent la préférence des pêcheurs. Les blocs doivent être concassés avant utilisation et certains bateaux transportent à cet effet un dispositif mécanique de broyage. Ces machines sont alimentées par de petits moteurs électriques, hydrauliques ou à essence et peuvent même être utilisées manuellement si on les équipe d'un volant. Une unité classique est illustrée à la Figure 3.3.
On peut fabriquer un broyeur simple comme celui-ci à partir d'un hachoir semblable à ceux utilisés pour l'alimentation du bétail. Les dents doivent être en acier trempé, soudées sur le cylindre et toujours affûtées. Ce broyeur peut être fabriqué localement, avec de la tôle forte et des profilés, par n'importe quel atelier de tôlerie qui a un poste de soudure. Il doit être assez gros pour broyer les plus gros blocs produits par la fabrique de glace.
|
FIGURE 3.3
|
On transporte la glace écaille au moyen d'un transporteur à vis ou d'un système d'alimentation pneumatique ou par gravité. La glace peut être directement déversée dans la cale à poisson ou dans des conteneurs isothermes qui sont ultérieurement chargés à bord. Quand on a la main-d'œuvre nécessaire ou qu'on a seulement besoin d'une petite quantité de glace, on peut charger la glace à la pelle dans les conteneurs. Dans les conteneurs ou la cale à poisson, la glace écaille a tendance à s'agglomérer et devient difficile à manipuler au bout de quelques jours. Pour éviter ce problème, il faut la travailler de temps à autre à la pelle.
Dans les grandes installations comme celle illustrée à la Figure 3.1, la glace écaille est transportée depuis son module de stockage par un transporteur à vis intégré. Elle doit parfois être livrée à une distance plus importante, par exemple de l'autre côté d'un appontement ou d'un quai qui sert de voie de roulage. Dans ce cas, on utilise un transporteur à vis auxiliaire comme celui illustré à la Figure 3.4.
La glace écaille peut également être chargée et livrée au moyen de systèmes pneumatiques. La Figure 3.5 illustre deux méthodes de livraison pour le chargement de la glace, l'une par gravité au moyen d'une trémie-cyclone, l'autre par livraison directe à grande vitesse. Dans les deux cas, un opérateur doit contrôler le chargement. Il ne faut pas laisser le système tourner sans extraction de glace car les tuyaux et la trémie-cyclone peuvent s'engorger et devenir inutilisables. Les tuyaux pressurisés sont alimentés en glace par une «soupape de transport» et la glace transite par une trémie avant d'alimenter le système. Cette soupape est conçue pour acheminer la glace du côté pressurisé du système, tandis qu'une soupape à simple action empêche l'air de s'échapper.
|
FIGURE 3.4
|
La glace sous-refroidie, comme la glace écaille, peut s'agglomérer ou devenir difficile à travailler après un certain temps de stockage; plusieurs solutions permettent de résoudre ce problème. Les grandes fabriques sont équipées de racloirs montés sur des courroies qui redistribuent sans arrêt la glace dans l'aire de stockage et qui alimentent aussi le système de livraison. D'autres dispositifs, comme les modules de stockage ronds de type trémie, sont équipés de chaînes ou de palettes rotatives qui empêchent la glace de s'agglomérer dans le module de stockage et la trémie de livraison.
|
FIGURE 3.5
|
