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Chapitre 1. Introduction


LE PHOSPHORE DANS LE SYSTÈME SOL-PLANTE

Le phosphore (P) est un élément qui est largement distribué dans la nature. Il est considéré, avec l'azote (N) et le potassium (K), comme un constituant fondamental de la vie des plantes et des animaux. Le phosphore a un rôle dans une série de fonctions du métabolisme de la plante et il est l'un des éléments nutritifs essentiels nécessaires pour la croissance et le développement des végétaux. Il a des fonctions à caractère structural dans des macromolécules telles que les acides nucléiques et des fonctions de transfert d'énergie dans des voies métaboliques de biosynthèse et de dégradation. A la différence du nitrate et du sulfate, le phosphate n'est pas réduit dans les plantes mais reste sous sa forme oxydée la plus élevée (Marschner, 1993).

Le phosphore est absorbé principalement pendant la croissance végétative et, par la suite, la majeure partie du phosphore absorbé est transférée dans les fruits et les graines pendant les étapes de reproduction. Des plantes déficientes en phosphore montrent un retard de croissance (réduction de la croissance des cellules et des feuilles, de la respiration et de la photosynthèse), et souvent une couleur vert foncé (concentration plus élevée en chlorophylle) et une coloration rougeâtre (augmentation de la production d'anthocyanes). Il a été signalé que le niveau de l'approvisionnement en phosphore pendant les étapes reproductrices règle la partition des photosynthétats entre les feuilles-sources et les organes reproducteurs, ceci étant essentiel pour les légumineuses fixatrices d'azote (Marschner, 1993). Des animaux et des êtres humains en bonne santé demandent également des quantités adéquates de phosphore dans leur nourriture pour que leurs processus métaboliques soient normaux (FAO, 1984, 1995a).

Cet élément nutritif est absorbé par les plantes dans la solution du sol en tant qu'anion orthophosphate monovalent (H2PO4) et divalent (HPO4), chacun représentant 50 pour cent du phosphore total à un pH proche de la neutralité (pH 6 à 7). A pH 4-6, H2PO4 représente environ 100 pour cent du phosphore total en solution. A pH 8, H2PO4 représente 20 pour cent et HPO4 80 pour cent du phosphore total (Black, 1968).

La physico-chimie du phosphore dans la plupart des sols minéraux est assez complexe, ceci étant dû à l'existence de séries de réactions instantanées et simultanées telles que dissolution, précipitation, rétention et oxydation/réduction. Les composés phosphatés solubles ont une réactivité très élevée, des indices de solubilité bas et une faible mobilité. La minéralisation et l'immobilisation des composés organiques phosphatés sont des processus faisant partie du cycle du phosphore dans les sols contenant des quantités significatives de matière organique (Black, 1968; FAO, 1984).

Quand un engrais phosphaté hydrosoluble est appliqué au sol, il réagit rapidement avec les composants du sol. Les produits en résultant sont des composés phosphatés modérément solubles et du phosphore adsorbé sur les particules colloïdales du sol (FAO, 1984). Une faible concentration en phosphore dans la solution du sol est habituellement adéquate pour la croissance normale des plantes. Par exemple, Fox et Kamprath (1970) et Barber (1995) ont suggéré qu'une concentration de 0,2 ppm de phosphore était adéquate pour une croissance optimale. Cependant, pour que les plantes absorbent les quantités totales de phosphore nécessaires afin de donner de bons rendements, la concentration en phosphore de la solution du sol en contact avec les racines doit être maintenue pendant tout le cycle de croissance.

En culture continue, des apports de phosphore, en particulier d'engrais hydrosolubles, doivent être effectués pour maintenir le statut phosphaté du sol pour les sols fertiles ou augmenter celui des sols ayant une faible fertilité phosphatée naturelle. Par conséquent, le sol, la culture, l'eau, les méthodes de gestion des engrais phosphatés, les conditions climatiques, etc. sont des facteurs importants à considérer quand on essaye de formuler des recommandations de fertilisation phosphatée et obtenir des réponses adéquates des rendements des cultures (FAO, 1984, 1995a).

LE BESOIN DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

La population mondiale, qui est actuellement de 6 milliards d'habitants, devrait atteindre 8 milliards d'ici 2020 et 9,4 milliards d'ici 2050. D'ici là, la population des pays en voie de développement sera probablement de 8,2 milliards (Lal, 2000). Approximativement 50 pour cent des terres potentiellement cultivables sont actuellement en cultures annuelles ou permanentes. De plus, 2 milliards d'hectares ont été dégradés et la dégradation des terres continue en raison de nombreux processus, principalement liés à une mauvaise gestion des terres par les hommes (Oldeman, 1994, FAO, 1995b, UNEP, 2000).

Dans ce contexte mondial, plusieurs pays en voie de développement devront relever des défis majeurs pour atteindre une sécurité alimentaire durable en raison de leur surface de terre disponible par habitant, d'une grave pénurie des ressources en eau douce, des conditions socio-économiques particulières de leur secteur agricole, des structures internes et des conflits (Hulse, 1995).

Augmenter la production alimentaire durable exigera une utilisation appropriée des ressources disponibles en terre et en eau, c'est à dire: (i) intensification agricole sur les meilleures terres arables, (ii) utilisation adéquate des terres marginales et (iii) prévention de la dégradation des sols et restauration des sols dégradés.

Afin d'augmenter l'intensification, la diversification et la spécialisation des systèmes de production agricole pour apporter des gains de productivité et des revenus, des technologies innovantes spécifiques des divers sols devront être développées, mises à l'essai et transférées aux producteurs dans un temps relativement court. Ces technologies aborderont des questions prioritaires comme: (i) l'augmentation de l'intensité de culture en exploitant des différences entre génotypes pour l'adaptation à des environnements particuliers et pour l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs, (ii) l'augmentation de l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs et du recyclage par la gestion intégrée des sources d'éléments nutritifs dans les systèmes de culture, (iii) la conservation des sols et des eaux par la gestion des résidus de récolte et le travail de conservation du sol et (iv) l'amélioration de l'efficacité d'utilisation de l'eau par l'élaboration de méthodes efficaces d'irrigation, de collecte d'eau et de recyclage (Lal, 2000).

Afin de prévenir et inverser le processus de dégradation des sols, les principaux thèmes liés au développement durable concerneront le contrôle de l'érosion des sols et de la sédimentation associée et les risques d'eutrophisation des eaux de surface et de contamination des eaux souterraines (UNEP, 2000). De même, l'augmentation de la séquestration de carbone dans les sols agricoles pour améliorer la qualité et la productivité des sols et atténuer l'effet de serre sera également une question importante (Lal, 1999).

La limite des terres agricoles est susceptible de se déplacer vers des terres marginales, avec des conditions environnementales difficiles, qui comprennent des sols fragiles ayant une capacité de production inférieure et un plus gros risque de dégradation. L'emploi de génotypes de plantes ayant un potentiel de rendement adapté, efficaces dans l'utilisation des éléments nutritifs et tolérantes aux stress provenant du sol et de l'environnement (sécheresse, acidité, salinité, gel, etc.) sera d'une importance stratégique. Leur utilisation devient de plus en plus importante dans beaucoup de programmes internationaux et nationaux de sélection (Date et al., 1995; Pessarakli, 1999). Cette approche est actuellement utilisée pour la gestion durable des sols acides déficients en phosphore (Rao et al., 1999; Hocking et al., 2000; IAEA, 2000, Keerthisinghe et al., 2001).

Le développement et l'application d'une approche intégrée de gestion des éléments nutritifs dans l'agriculture des pays en voie de développement impliqueront l'utilisation d'engrais chimiques et de sources naturelles d'éléments nutritifs, tels que les phosphates naturels (PN), la fixation biologique de l'azote (FBA), et les fumiers animaux et engrais verts, en combinaison avec le recyclage des résidus de récolte (FAO, 1995a). L'utilisation de ces technologies nécessite l'évaluation de l'offre en éléments nutritifs des matériaux localement disponibles appliqués comme sources d'éléments nutritifs, leur adaptation en fonction des systèmes spécifiques de culture et la fourniture de directives pour leur application (FAO, 1998; Chalk et al, 2002). C'est en particulier le cas des ressources locales de PN sous les tropiques.

PRISE EN COMPTE DE LA CONTRAINTE DU PHOSPHORE DANS LES SOLS ACIDES TROPICAUX

De grandes étendues de terres dans les régions tropicales et subtropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine sont couvertes de sols fortement lessivés et naturellement infertiles. Ces secteurs donnent de faibles productions et sont sujets à la dégradation des terres en raison du déboisement,du surpâturage et de pratiques agricoles inadéquates. En plus des facteurs socio-économiques, les contraintes principales sont l'acidité du sol et la faible fertilité naturelle en azote et phosphore (Lal, 1990, Formoso, 1999). Alors que de l'azote peut être apporté par des sources telles que la FBA, les résidus de récolte et d'autres produits organiques, des intrants phosphatés doivent être appliqués afin d'améliorer le statut phosphaté du sol et assurer la croissance normale des plantes ainsi que des rendements adéquats. Les sols tropicaux et subtropicaux sont généralement acides et souvent extrêmement déficients en phosphore avec des capacités élevées de fixation de ce dernier élément. Par conséquent, des apports substantiels de phosphore sont nécessaires pour une croissance optimale et une production adéquate de nourriture et de fibre (Sanchez et Buol, 1975; Date et al., 1995).

Des engrais phosphatés solubles manufacturés tels que les superphosphates sont généralement recommandés pour corriger des insuffisances en phosphore. Cependant, la plupart des pays en voie de développement importent ces engrais, qui sont souvent en quantité limitée et représentent des dépenses importantes pour les agriculteurs pauvres. En outre, l'intensification de la production agricole dans ces régions rend nécessaire l'apport de phosphore non seulement pour augmenter la production agricole mais également pour améliorer le statut phosphaté du sol afin d'éviter une dégradation supplémentaire. Par conséquent, il est impératif d'explorer le domaine des intrants phosphatés alternatifs. Dans ce contexte, dans certaines conditions de sol et de climat, l'application directe de PN est une alternative, agronomique et sensée du point de vue économique, aux superphosphates plus onéreux sous les tropiques (Chien et Hammond, 1978; Truong et al., 1978; Zapata et al., 1986; Hammond et al., 1986b; Chien et Hammond, 1989; Chien et al., 1990b; Sale et Mokwunye, 1993).

UTILISATION DES PHOSPHATES NATURELS DANS L'INDUSTRIE ET L'AGRICULTURE

Le phosphate naturel désigne le produit issu de l'exploitation et du traitement métallurgique ultérieur des minerais contenant du phosphore. En plus du minéral principal contenant du phosphore, les gisements de PN contiennent également des minéraux accessoires ou des impuretés de gangue. Bien que des quantités considérables de minéraux accessoires et d'impuretés soient enlevées pendant l'enrichissement, le minerai enrichi contient toujours une certaine quantité des impuretés d'origine. Ces impuretés incluent la silice, les minéraux argileux, la calcite, la dolomie, et les oxydes hydratés de fer (Fe) et d'aluminium (Al) dans diverses combinaisons et concentrations, dont certaines peuvent avoir une influence marquée sur l'efficience d'un PN utilisé en application directe (UNIDO et IFDC, 1998). Ainsi, habituellement, le PN est une appellation commerciale pour environ 300 phosphates de différentes qualités dans le monde (Hammond et Day, 1992).

Les PN peuvent être utilisés soit en tant que matières premières pour la fabrication industrielle des engrais phosphatés solubles, soit comme sources de phosphore pour l'application directe en agriculture.

Phosphates naturels en tant que matières premières pour la fabrication d'engrais phosphatés

L'industrie mondiale des phosphates est basée sur l'exploitation commerciale de certains gisements de PN. Malgré leur composition extrêmement variable, les PN sont la source commerciale de phosphore utilisée comme matière première pour la fabrication des engrais phosphatés et de certains autres produits chimiques. A la différence d'autres produits essentiels, tels que le fer, le cuivre (Cu) et le soufre (S), il y a peu de chance de trouver une forme de substitution ou de recyclage. Le phosphate est au second rang (charbon et hydrocarbures exceptés) en termes de tonnage et de volume bruts dans le commerce international.

L'industrie des engrais consomme environ 90 pour cent de la production mondiale de PN. L'acide sulfurique et le PN sont les matières premières utilisées dans la production du superphosphate simple (SSP) et de l'acide phosphorique. L'acide phosphorique est un produit intermédiaire important employé pour préparer le superphosphate triple (TSP) et les phosphates d'ammonium. Les formulations complexes NPK fortement concentrées forment maintenant la principale production de l'industrie mondiale des engrais (Engelstad et Hellums, 1993, UNIDO et IFDC, 1998).

Le PN est également utilisé à des fins industrielles et pour la production de compléments alimentaires pour animaux et de produits alimentaires. Une autre utilisation importante est la fabrication de phosphore élémentaire et de ses dérivés, en particulier le tripolyphosphate de sodium, un composant important des détergents puissants de blanchisserie (Hammond et Day, 1992; UNIDO et IFDC, 1998).

Les gisements de PN sont répartis géographiquement et géologiquement dans le monde entier, et les très grandes ressources existantes sont capables de satisfaire à la demande calculée pour un avenir prévisible. Les évaluations considèrent généralement un total de 200 à 300 milliards de tonnes de PN de toutes les catégories. Une grande partie de ces quantités totales estimées inclut des dépôts composés de PN riches en carbonates, dont l'exploitation commerciale dépend soit du développement de nouvelles technologies d'enrichissement soit de changements dans les conditions économiques (British Sulphur Corporation Limited, 1987; Notholt et al., 1989).

Environ 80 pour cent de la production mondiale de PN proviennent des dépôts d'origine sédimentaire marine, 17 pour cent sont dérivés des roches magmatiques et de leurs produits de lessivage, et le reste vient de dépôts sédimentaires résiduels et de guano.

Les PN sédimentaires sont composés principalement d'apatites. Ces apatites montrent une substitution isomorphe étendue dans le réseau cristallin. Ainsi, elles présentent une grande variation dans leur composition chimique et montrent en conséquence un large éventail de propriétés. Dans les dépôts sédimentaires, les principaux minéraux phosphatés sont des francolites (fluoroapatites microcristallines carbonatées), qui sont en association avec une grande variété de minéraux accessoires et d'impuretés (McClellan et Van Kauwenbergh, 1990a).

La teneur en phosphate du PN (ou grade) est par convention exprimée en pentoxyde de phosphore (P2O5). Dans certains gisements commerciaux de qualité inférieure, cette teneur peut n'être que de 4 pour cent. Dans l'industrie des phosphates, la teneur en phosphate du PN est habituellement exprimée en tant que phosphate tricalcique et traditionnellement désignée sous le nom de BPL (Bone Phosphate Lime = phosphate de chaux des os: P2O5 x 2,1853 = BPL). Ce terme rappelle l'époque où les os étaient la source principale de phosphate dans l'industrie des engrais. Les fabricants d'acide phosphorique et d'engrais phosphatés demandent normalement une teneur minimum de 28 pour cent de P2O5, et la plupart des catégories de PN commercialisées contiennent plus de 30 pour cent de P2O5 (65 pour cent de BPL). Pour répondre à cette exigence, la plupart des minerais de phosphate subissent un enrichissement par lavage et tamisage, décarbonatation, séparation magnétique et flottation (Hammond et Day, 1992; UNIDO et IFDC, 1998).

Phosphate naturel pour l'application directe en agriculture

Comme mentionné ci-dessus, les PN principalement d'origine sédimentaire conviennent pour l'application directe parce qu'ils se composent d'agrégats assez ouverts et peu consolidés de microcristaux avec une surface spécifique relativement grande. Ils présentent une proportion considérable de substitution isomorphe dans le réseau cristallin et contiennent des minéraux accessoires et des impuretés en quantités et proportions variables. Ainsi, certains auteurs (Khasawneh et Doll, 1978; Chien, 1992; Chien et Friesen, 1992; Chien et Van Kauwenbergh, 1992; Chien et Menon, 1995b; Rajan et al., 1996; Zapata, 2003) ont signalé que les PN conviennent pour une application directe au sol dans certaines conditions.

La pratique de l'application directe des différents PN comme engrais a plusieurs avantages:

Cependant, cette pratique a aussi quelques restrictions:

Plusieurs projets de recherche sur les PN ont récemment accompli des progrès considérables dans l'appréhension des questions mentionnées ci-dessus.

Historique de l'utilisation des phosphates naturels en agriculture

L'application directe de PN broyé comme source de phosphore pour les cultures est une pratique qui a été utilisée avec des degrés variables d'acceptation au cours du temps. De nombreuses expériences en champ et en serre ont été entreprises pendant les 100 - ou même plus - dernières années pour évaluer la capacité de ces matériaux à fournir du phosphore aux cultures et pour définir les conditions les plus favorables pour leur application. Les résultats obtenus ont été considérés comme irréguliers et parfois contradictoires, amenant la confusion et le désaccord sur l'utilisation des PN (Khasawneh et Doll, 1978).

En général, les expériences réalisées dans le passé ont montré que les PN étaient plus efficaces quand ils étaient appliqués aux cultures pérennes dans les sols acides tropicaux. De plus, dans des conditions où des rendements suboptimaux étaient attendus en raison d'intrants complémentaires limités, par exemple dans les systèmes extensifs de pâturage, les PN locaux étaient considérés comme une possible source adaptée de phosphore. Cependant, aucune conclusion évidente n'a pu être obtenue en faveur ou défaveur de leur adoption dans la majorité des cas.

La principale raison de cette situation était le manque de compréhension des différents facteurs affectant l'efficacité agronomique des PN. Depuis lors, des progrès significatifs ont été accomplis dans l'évaluation des principaux facteurs affectant leur efficacité agronomique. Un important travail d'étape en ce sens a été la revue d'ensemble de Khasawneh et Doll (1978). Ils ont examiné l'influence des facteurs inhérents au PN (minéralogie, composition chimique, solubilité et propriétés physiques), des facteurs du sol (pH, texture du sol, matière organique du sol, statut phosphaté du sol, phosphore disponible, fixation du phosphore, teneur en calcium, etc.) et des facteurs de la plante (cycle de croissance, demande en phosphore et cycle d'absorption du phosphore, système racinaire, propriétés de la rhizosphère, etc.).

Hammond et al. (1986b) ont réalisé une revue approfondie sur la valeur agronomique des sources locales de PN situées sous les tropiques, mettant en valeur l'utilisation potentielle de produits partiellement acidulés (PNPA) dans l'ensemble de l'Amérique Latine, de l'Afrique et de l'Asie. Plus récemment, une compilation actualisée se concentrant sur les principes fondamentaux de la dissolution des PN dans les sols, les concepts de l'efficacité agronomique des PN et les approches destinées à évaluer les facteurs économiques liés à l'utilisation des PN a été conduite par Rajan et al. (1996).

Des projets nationaux sur l'utilisation des PN pour des pâturages dans différents environnements ont été réalisés pendant plus de 50 ans en Nouvelle-Zélande et en Australie (Bolan et al., 1990, Rajan et al, 1991a et b, Bolland et al., 1997). Des essais au champ avec des PN réactifs (PNR) ont été effectués en Nouvelle-Zélande au début des années 80 (Hedley et Bolan, 1997, 2003), et pendant la période 1991-96 en Australie avec la réalisation du Projet National sur les PN réactifs (Simpson, 1997; Sale et al., 1997a). Dans les deux pays, des progrès significatifs ont été accomplis pour déterminer les conditions de sol, de climat et de pâturage dans lesquelles les phosphates naturels réactifs sont des produits de substitution efficaces par rapport à des engrais phosphatés solubles et pour définir le niveau de réactivité exigé pour qu'un PN réactif soit efficace.

Les réseaux régionaux en Amérique Latine (Red Latinoamericana de Roca Fosforica -RELARF) et en Asie (Programme de l'Institut de la Potasse et du Phosphate du Canada en Asie de l'Est et du Sud-Est) ont également été opérationnels pendant un certain temps dans les zones tropicales et subtropicales de ces régions. Ils ont organisé des réunions périodiques pour rendre compte des résultats de leurs recherches (Dahayanake et al., 1995; Hellums, 1995a; Johnston et Syers, 1996; Casanova et Lopez Perez, 1991; Casanova, 1995, 1998; RELARF, 1996; Zapata et al., 1994; Besoain et al., 1999). Un certain nombre d'études ont été également entreprises dans presque tous les pays d'Afrique, mais les résultats sont dispersés dans de nombreux rapports qui ont une diffusion limitée. Truong et al. (1978) ont effectué une étude complète avec plusieurs sources de PN d'Afrique de l'Ouest. Des comptes-rendus des réunions régionales sur l'utilisation des engrais et des ressources minérales locales pour l'agriculture durable en Afrique ont été publiés (Mokwunye et Vlek, 1986, Gerner et Mokwunye, 1995). Des rapports synthétisant les résultats d'études sur les PN ont été récemment présentés. Un rapport de la FAO (2001b) présente des résultats d'essais agronomiques au champ en Afrique de l'Ouest tandis qu'Appleton (2001) a réalisé une revue complète des ressources locales de phosphates en Afrique subsaharienne dans un contexte de développement durable. En outre, plusieurs réunions internationales organisées périodiquement par l'Institut Mondial du Phosphate (IMPHOS) ont fourni un forum international pour rapporter et échanger des informations sur la recherche en matière de phosphate (IMPHOS, 1983, 1992).

Dans les années 70, le Centre international pour la fertilité du sol et le développement agricole (IFDC) a commencé à conduire des recherches avec une attention particulière portée sur l'utilisation des gisements locaux de PN comme source de phosphore pour la production agricole dans les pays en voie de développement. Cette recherche sur les PN a été une composante importante du programme de l'IFDC pendant de nombreuses années (Chien et Hammond, 1978, 1989; Chien et al., 1987b; Chien et Friesen, 1992; Hellums et al., 1992; Hellums, 1992; Chien, 1995; Chien et Menon, 1995b). Cette recherche incluait également le développement et l'évaluation de PN modifiés aussi bien que leur évaluation économique (Hammond et al., 1986b; Menon et Chien, 1990, 1996; Hellums et al., 1992; Chien et Menon, 1995a; Baanante, 1998; Baanante et Hellums, 1998; Henao et Baanante, 1999). Dans les années 90, l'IFDC a commencé une recherche sur les questions environnementales liées aux engrais phosphatés et aux PN du fait qu'ils contiennent des quantités variables d'éléments potentiellement dangereux tels que les métaux lourds (Hellums, 1995b; Iretskaya et al., 1998; Iretskaya et Chien, 1999).

En 1994, la Banque Mondiale, en collaboration avec des centres du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) et des groupes de recherche d'universités de pays industrialisés, a lancé l'initiative «Développement de stratégies nationales pour la recapitalisation de la fertilité des sols en Afrique subsaharienne» (World Bank, 1994, Valencia et al., 1994, Buresh et al., 1997, Baanante, 1998). Un des résultats a été la préparation du document «Cadre pour les plans d'action nationaux d'amélioration de la fertilité du sol». Cette initiative incluait l'utilisation du PN en tant qu'investissement dans les ressources naturelles en Afrique, où la situation est paradoxale parce que les sols sont extrêmement pauvres en phosphore malgré l'existence de nombreux gisements de PN. Le postulat est qu'une seule application massive de PN surmonterait le problème de la capacité de rétention du phosphore du sol et compléterait le niveau du capital phosphaté du sol. Par la suite, de petites applications d'engrais hydrosolubles seraient alors davantage disponibles pour les cultures et avec une efficacité accrue. La Banque Mondiale a demandé à plusieurs organismes de recherches de réaliser des études de cas au Burkina Faso, à Madagascar et au Zimbabwe. Bien que les résultats de ces études de cas aient suggéré que les ressources disponibles en PN dans ces pays pourraient être employées comme investissement pour compléter le niveau du statut phosphaté du sol, elles ne donnaient pas de conclusions. En effet, il manquait une évaluation complète des facteurs influençant l'utilisation et l'adoption de la technologie des PN dans chaque pays (World Bank, 1997).

Dans le cadre des Systèmes intégrés de nutrition des végétaux soutenus par la Division du développement de la terre et des eaux (AGL) de la FAO et des plans d'actions nationaux de l'Initiative pour la fertilité des sols (IFS) pour les pays subsahariens, les PN sont considérés comme d'importants intrants phosphatés potentiels, disponibles localement, qui peuvent être employés avec profit (FAO, 2001a). AGL a réalisé plusieurs études sur l'évaluation agro-économique des PN pour l'application directe dans divers pays sélectionnés. Des résultats d'utilité pratique, ainsi que des directives en matière de politique, peuvent être tirés de ces dernières études et de bien d'autres.

Au cours de la période 1993-99, la Division commune FAO/AIEA des techniques nucléaires pour l'alimentation et l'agriculture a coordonné un réseau de recherche avec 21 institutions de pays développés et de pays en développement dans le but d'évaluer l'efficacité agronomique des engrais phosphatés, et en particulier des PN, en utilisant des techniques nucléaires et d'autres techniques similaires. Les données obtenues ont démontré le potentiel des PN pour améliorer la fertilité des sols et augmenter la production agricole dans certaines conditions. Les résultats ont été publiés dans des documents de l'AIEA et des journaux scientifiques (Zapata, 1995, 2000, 2002, 2003; IAEA, 2000, 2002). D'importantes activités de suivi de ce projet ont été réalisées en commun par FAO/AIEA et IFDC pour développer un Système d'aide à la décision (SAD) pour l'application directe des PN et la préparation d'un site Internet et de publications techniques pour une diffusion plus large des résultats au personnel technique professionnel, et aux décideurs, y compris les spécialistes en vulgarisation et les agriculteurs progressistes (Chien et al., 1999, Heng, 2000, 2003, Singh et al., 2003).

En raison des développements récents et des expériences pratiques sur les technologies pour l'application directe du PN et autre technologie voisine, l'IFDC, en collaboration avec la Société de sciences du sol de Malaisie, l'Institut de la Potasse et du Phosphate (PPI) et l'Institut de la potasse et du phosphate du Canada (PPIC) - (Programme pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est), a organisé une réunion internationale à Kuala Lumpur. L'événement a attiré plus de 100 participants de plus de 30 pays de tout le monde représentant différents réseaux nationaux et internationaux de recherche sur les PN, des producteurs, des revendeurs et des utilisateurs de PN pour l'application directe. Les derniers résultats de la recherche agronomique sur l'utilisation des phosphates naturels et des produits modifiés - résultats influencés par les origines du PN, les types de sol, les méthodes de gestion et les systèmes de production - ont été passés en revue, et des informations actualisées sur la production et l'utilisation agronomique des PN ont été recueillies en provenance des producteurs, des vendeurs et des utilisateurs de PN. L'événement a également servi de forum international de discussion sur les futures tendances de l'utilisation des PN locaux ou importés pour application directe en vue d'augmenter la production agricole et diminuer les coûts de production (IFDC, 2003).

En conclusion, des recherches étendues sur le potentiel agronomique et l'efficacité réelle des PN comme sources de phosphore ont été effectuées en Afrique, Asie, Amérique latine et ailleurs. Une mine d'informations est disponible mais elle est dispersée entre plusieurs publications issues des réunions, des rapports techniques, scientifiques et autres publications. De façon générale, l'information sur les phosphates naturels pour l'application directe (PNAD) est limitée et il reste des secteurs et des sujets liés aux PNAD où une attention soutenue est nécessaire.

BULLETIN

Sur la base des remarques proposées ci-dessus, on peut également déduire qu'il est nécessaire d'avoir une publication complète couvrant les principaux sujets ayant trait à l'utilisation des PN dans l'agriculture, y compris les dernières informations sur la recherche en matière de PN, et de fournir des directives pour l'application directe des PN aux sols acides des zones tropicales et subtropicales. Ce bulletin a pour objectif de répondre à ce besoin. Il est conçu comme un document orienté sur la technique et vers un public ciblé composé de politiques et de décideurs, de la communauté scientifique, de conseillers agricoles de haut niveau, d'organisations non gouvernementales (ONG) et d'autres parties prenantes impliquées dans le développement agricole durable aux niveaux local, national, régional et international.

Les chapitres de ce bulletin fournissent une vue d'ensemble des bases scientifiques pour l'usage des PN, et présentent des informations techniques sur les questions les plus pertinentes relatives à l'utilisation des PN pour l'application directe. Ils fournissent: une couverture détaillée des gisements de PN dans le monde, une caractérisation des PN, des méthodologies d'évaluation des sources de PN pour l'application directe, une analyse des facteurs biophysiques et facteurs de production qui affectent l'efficacité agronomique des PN et également une analyse des conditions socio-économiques et autres facteurs qui influencent finalement l'utilisation et l'adoption des technologies liées aux PN en tant qu'investissement pour déclencher une intensification agricole. Les chapitres couvrent également: le développement et l'utilisation des SAD pour les PNAD, les tests de teneur en phosphore du sol pour l'application de PN, les technologies disponibles pour augmenter l'efficacité agronomique des sources locales de PN, les questions environnementales et les directives de la législation. En conclusion, à la lumière des connaissances actuelles et des technologies disponibles, de futurs secteurs et priorités de recherche sont définis dans l'épilogue. La section de bibliographie fournit une liste détaillée de références.


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