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CHAPITRE 6 Les compagnies multinationales dans l'économie mondiale de la banane


6.1 Introduction

L'exportation de fruits frais comme les bananes est une activité délicate, compte tenu de la nature périssable du produit. L'exportation de bananes à grande échelle n'a été possible qu'à partir du début du vingtième siècle, avec le développement des bateaux à vapeur et du transport réfrigéré. Historiquement, l'exportation de bananes à grande échelle a pris son essor en même temps que le développement du chemin de fer et du transport maritime[89]. La fragilité des bananes exige une maîtrise poussée de l'ensemble de la chaîne de commercialisation à chacun de ses stades, de la production à la vente au détail. Cette maîtrise permet aux entreprises de commercialisation de garantir au produit un niveau suffisant de qualité lorsqu'il est proposé aux consommateurs.

Il n'est donc pas surprenant que depuis le début du vingtième siècle, le commerce de bananes ait été dominé par des compagnies verticalement intégrées qui généralement contrôlent la production, l'emballage, l'expédition, l'importation et le mûrissage. De 1900 à 1920, UFC (United Fruit Company) a dominé le marché des États-Unis, tandis que Fyffes exerçait un quasi monopole au Royaume-Uni et occupait un rôle prépondérant dans le reste de l'Europe. L'intégration verticale permet aux entreprises d'absorber une plus grande part de la valeur ajoutée totale du produit et de retirer des bénéfices des activités de services (expédition, mûrissage et distribution), dont les retours sont supérieurs à ceux de la production.

La production de bananes a lieu dans des régions tropicales sujettes aux désastres climatiques comme les ouragans, les pluies torrentielles et les inondations. De plus, les ravageurs constituent une menace particulièrement forte dans les climats chaud et humides, et le bananier est une plante vulnérable à de nombreuses maladies. Dans les grandes plantations, il faut aussi compter avec les risques de grèves des travailleurs et d'autres conflits du travail. L'instabilité politique des pays producteurs de bananes constituait elle aussi un risque, et afin de les minimiser et d'assurer un approvisionnement régulier, les grandes compagnies de commercialisation de bananes ont dû diversifier leurs sources d'approvisionnement en fruit en établissant des plantations dans plusieurs pays. Déjà dans les années 1880, la Boston Fruit Company, ancêtre de la UFC, qui s'approvisionnait en bananes en Jamaïque, achetait des terres à Cuba et dans l'actuelle République dominicaine.

Produire et commercialiser de grandes quantités de bananes permet aux multinationales de générer des économies d'échelle à tous les stades de la chaîne de commercialisation. La production intensive se fait dans de grandes plantations modernes de 1 000 hectares et plus, où l'utilisation d'intrants agricoles et les coûts de main d'œuvre sont rationalisés. Une production en grandes quantités permet de charger des cargos entiers, et de réduire par conséquent le coût unitaire du transport. Les compagnies bananières ont tôt investi dans des cargo réfrigérés (Chiquita était célèbre pour sa «Flotte blanche»). Posséder leur propres cargos permettait à ces compagnies de maîtriser la disponibilité du fret maritime. L'utilisation de grandes mûrisseries génère également des économies d'échelle.

En dépit de sa nature plutôt oligopolistique, le commerce des bananes est soumis à une sévère concurrence, qui produit de faibles marges à l'unité. La capacité des multinationales à générer des bénéfices repose sur les grandes quantités de bananes qu'elles commercialisent. De plus, leur taille offre à ces compagnies les ressources financières qui leur permettent d'investir dans des innovations technologiques.

Les plus grandes multinationales bananières produisent ou s'approvisionnent en fruits dans au moins quatre pays différents; elles possèdent leurs propres bateaux et des installations portuaires, ainsi que des installations de stockage, de mûrissage et de distribution dans divers pays importateurs. C'est pour ces raisons que l'on parle généralement de compagnies «multinationales» ou «transnationales». Le tableau 24 ci-dessous présente des données clé sur les quatre premières compagnies bananières transnationales. Les dénominations «compagnie bananière transnationale» ou «multinationale bananière» excluent en général les firmes qui exportent leurs fruits à partir d'un seul pays. Toutefois, quelques-unes de ces entreprises «nationales» partagent certaines des caractéristiques propres aux multinationales bananières, comme c'est le cas de l'entreprise équatorienne Noboa (Bonita), le quatrième exportateur de bananes au monde.

Tableau 24 - Résultat des quatre premières compagnies bananières multinationales (2001)

Performance économique
(en million de dollars EU)

Dole

Del Monte

Chiquita

Fyffes

Ventes nettes

4 400

1 930

1 900

1 760

Revenu net

150

96,2

-119

135.5

Ventes nettes de produits frais

3 600

1 800

1 400

1 760

Ventes nettes de bananes

1 215

894

1 216

(500)

Importance relative





- Rang aux États-Unis

1

3

2

-

- Rang dans la Communauté européenne

3

4

1

2

Plantations possédées en Amérique latine
(en hectare)

15 000

n.d.

28 800

0

Nombre d'employés

33 000

25 000

26 000

2 500

Source: rapports annuels des compagnies. Les chiffres entre parenthèses sont des estimations de la FAO

6.2 Le rôle central des compagnies bananières multinationales dans le commerce international de la banane

a) Production

L'importance des multinationales bananières dans la production des bananes d'exportation varie considérablement d'un pays à l'autre. Dans quelques pays d'Amérique Centrale tel que le Panama, le Costa Rica et le Honduras, l'implication directe de ces compagnies dans la production par le biais des plantations dont elles sont propriétaires est très forte (tableau 25). Dans les cas de l'Équateur et du Nicaragua, en revanche, leur implication est limitée (Dole est la seule compagnie étrangère à posséder des plantations en Équateur). En Afrique et en Asie, les compagnies bananières multinationales exercent un certain contrôle sur la production, généralement par le biais de co-entreprises. Del Monte est présent au Cameroun, et Dole, au Cameroun et en Côte d'Ivoire (via une participation de 40 pour cent dans l'entreprise française la Compagnie Fruitière). Chiquita, Dole et Del Monte ont toutes des accords ou des co-entreprises avec les producteurs de bananes aux Philippines. En tout, il est estimé que près de la moitié des bananes commercialisées par Dole et Del Monte proviennent de plantations leur appartenant[90].

Tableau 25 - Concentration de la production nationale de bananes pour l'exportation par les compagnies bananières transnationales en 2001

Pays

% de la production détenu par les 3 principales
compagnies bananières transnationales

Costa Rica

50

Guatemala

80-100

Honduras

80

Panama

73

Nicaragua

0

Équateur

1

Colombie

40

Source: estimations de la FAO

Cependant, l'implication des multinationales bananières dans la production s'est modifiée au fil du temps. Elle s'est renforcée à la fin des années 80, quand ces compagnies se préparaient à l'ouverture du marché des bananes de la Communauté européenne, mais s'est affaiblie depuis 1993. Cet affaiblissement découle d'une situation du marché plus difficile et de toute une série de problèmes rencontrés au stade de la production. Fyffes a longtemps été propriétaire de plantations en Jamaïque, au Belize et dans les Îles du Vent, mais s'est à présent retiré. Des quatre principales multinationales, Fyffes est la seule à ne posséder aucune plantation et à acheter ses bananes à des producteurs sous contrat. Dans la région des Caraïbes, les compagnies bananières multinationales ne sont plus directement impliquées dans la production.

Chiquita a réduit le nombre de ses plantations en Amérique Centrale. En 1984, 64 pour cent de la totalité de ses exportations provenaient d'exploitations possédées en propre[91], mais cette proportion est descendue à 49 pour cent en 2002, après que la compagnie eu vendu sa division Armuelles au Panama. Après le passage de l'ouragan Mitch en 1998, Chiquita et Dole ont toutes les deux réduit la superficie de leurs plantations au Honduras en ne les réhabilitant que partiellement.

Ce désengagement de la production reflète en partie un changement de rapport de force dans la filière. Il est devenu plus important de maîtriser l'extrémité de la filière en aval que la production, comme l'a prouvé le succès de Fyffes. La compagnie irlandaise a gagné des parts de marché dans la Communauté européenne notamment en développant son réseau de commercialisation et de distribution, à la suite de l'entrée en vigueur de la réglementation des importations communautaires de bananes de 1993. b) Exportations

Pratiquement toutes les bananes exportées appartiennent à la variété Cavendish, qui représente quelques 43 pour cent de la production mondiale de bananes. Environ 26 pour cent de la totalité de la récolte de Cavendish sont exportés, ce qui signifie que seuls 11 pour cent de la récolte mondiale de bananes entrent dans les échanges internationaux. Il s'agit d'un commerce très concentré: selon les estimations, en 2000, les trois principales compagnies bananières multinationales ont réalisé, 56 pour cent des exportations de bananes dans le monde (tableau 26).

Les multinationales bananières contrôlent une plus large part de la production à l'exportation du pays que leur part de production pourrait le suggérer. En plus de leur propre production, elles établissent des contrats à long terme avec des planteurs indépendants. Au Costa Rica, par exemple, alors qu'elles contrôlent à peine un peu moins de la moitié de la production nationale, les trois principales compagnies bananières multinationales réalisent 84 pour cent des exportations nationales. Elles ne possèdent aucune plantation au Nicaragua, mais Chiquita commercialise près de l'ensemble de la production de ce pays via l'entreprise Bananic. Pratiquement toutes les exportations honduriennes sont réalisées par Standard Fruit (Dole) et Tela (Chiquita). Au Panama, Chiquita réalise près de 90 pour cent des exportations. En moyenne, les compagnies bananières multinationales réalisent 80 pour cent de la totalité des exportations d'Amérique Centrale.

Tableau 26 - Parts des exportations de bananes (selon estimations) des trois principales compagnies bananières multinationales en 2000 (en millions de caisses)

Pays

Chiquita

Dole

Del Monte

Total des 3

% des exportations par les 3
principales compagnies
bananières multinationales

Amérique Centrale

79

39

42

160

80

Costa Rica

28

27

32

87

84

Guatemala

14

4

10

28

63

Honduras

9

8


17

100

Panama

26



26

88

Nicaragua

2



2,3

91

Amérique du Sud

24

53

28

105

33

Équateur

8

37

13

58

27

Colombie

16

16

15

47

51

Asie

14

23

19

56

60

Philippines

14

23

19

56

64

Afrique


2

6

8

29

Autres

2

2

2

6

66

Monde

119,3

119

97

335

56

Source: FAO et Corbana

Les compagnies bananières multinationales jouent un rôle moins important en Amérique du Sud, où elles commercialisent environ un tiers des expéditions. Cela résulte de leur faible part des exportations équatoriennes (moins de 30 pour cent), bien qu'en Colombie, elles concentrent plus de la moitié des expéditions.

Aux Philippines, les compagnies bananières multinationales se sont engagées dans des co-entreprises et ont développé des partenariats avec des producteurs et exportateurs locaux, ce qui leur procure presque deux tiers du marché d'exportation. Bien qu'également présentes au Cameroun et en Côte d'Ivoire, elles ne représentent que moins d'un tiers des exportations de ces pays parce que les compagnies commerciales de la Communauté européenne y sont déjà bien établies. De même, la part des trois principales multinationales bananières dans les exportations caribéennes est faible, en raison de la position dominante qu'occupe Fyffes dans cette région. Fyffes est le seul importateur de bananes du Belize.

En dépit de ces associations, la contribution des trois principales compagnies bananières multinationales aux exportations mondiales de bananes s'est affaiblie dans les années 90. Ces entreprises représentaient plus de 65 pour cent des exportations en 1980, mais leur part s'est depuis réduite entre 56 et 59 pour cent au commencement du XXIè siècle (tableau 27).

Tableau 27 - Parts (estimées) des principales compagnies bananières multinationales dans les exportations mondiales de bananes 1980-2002


1980

1999

2000

2001

2002

Chiquita

28,7

21,5

20,0

21,4

22,5

Dole

21,2

20,4

19,8

21,6

20,1

Del Monte

15,4

18,2

16,0

15,8

15,7

Total des parts
des 3 plus
importantes

6,3

60,1

55,8

5.9

58,3

Noboa

<5

9,5

7,5

7,3

7,6

Fyffes

-

2,4

3,3

4,0

4,1

Total des parts
des 5 plus
importantes

<70

72,0

66,7

70,2

70,0

ReyBanPac


3,8

4,2

2,7

3,5

Turbana


3,4

4,2

3,4

2,5

Autres

30

20,8

25,0

23,7

23,9

Total

100

100

100

100

100

Source: FAO et CORBANA

c) Importations

La part des importations mondiales de bananes des compagnies bananières multinationales est supérieure à celle de leurs exportations. Cela provient de ce qu'en plus de leurs propres exportations, elles achètent également des fruits à d'autres exportateurs indépendants. Les estimations des parts de marché diffèrent largement, dans la mesure où les compagnies répugnent à communiquer les volumes exacts des bananes vendues sur les principaux marchés. La référence la plus souvent citée est un article de Adelien van de Kasteele (1998)[92], qui estimait la part de marché des cinq principales compagnies bananières à 86 pour cent en 1997, dont 66 pour cent étaient répartis entre les trois plus importantes. Un autre auteur[93] trouve des parts de marché plus faibles en 1996 (respectivement 73 et 57 pour cent), mais ces estimations peuvent ne pas inclure les importations de firmes sous contrôle indirect des compagnies bananières multinationales.

Les trois principales compagnies dominent en Amérique du Nord, avec près de 90 pour cent du marché, mais leurs parts du marché japonais et de celui de la Communauté européenne sont bien moindres. Dole est numéro un du marché au États-Unis et au Japon, alors que Chiquita occupe la première place dans la Communauté européenne. Del Monte arrive en troisième position aux États-Unis, en quatrième dans la Communauté européenne, mais se place au second rang au Japon.

Seules trois compagnies multinationales ont commercialisé des bananes entre 1970 et 1984. Leur part des échanges mondiaux a augmenté avec régularité, passant de 47 pour cent en 1972 à 65 pour cent en 1980. Cependant, depuis 1985, deux autres compagnies bananières multinationales ont percé (Noboa et Fyffes) et, à la fin des années 90, leur part combinée du marché mondial des bananes s'élevait à 85 pour cent (tableau 28).

6.3 Évolution de la concurrence entre les compagnies bananières transnationales

Au vingtième siècle, on a assisté à l'érosion progressive de la concentration du commerce de la banane. Le quasi monopole dont jouissait la United Fruit s'est vu concurrencer à la fin des années 20 par l'émergence de la Standard Fruit Compagnie. À la suite d'un arrêté de la cour des États-Unis contre les cartels qui a obligé United Brand à vendre sa filiale Compañía Agrícola de Guatemala, une troisième grande compagnie a vu le jour en 1972 quand Del Monte l'a rachetée. En 1986, Chiquita a vendu Fyffes à Fruit Importers of Ireland. United Fruit Company avait acheté 50 pour cent de Elders and Fyffes en 1903 et les parts restantes en 1910, ce qui signifie que Fyffes a été une filiale de Chiquita pendant 83 ans. La vente de Fyffes devait donner naissance à la quatrième multinationale bananière dans les années 90.

Les parts relatives des compagnies bananières multinationales dans le marché mondial se sont modifiées au cours des années 80 et 90. Le tableau 28 montre que celles de Chiquita ont augmenté entre 1980 et 1992, tandis que celles de Dole et de Del Monte demeuraient quasiment inchangées. Cela souligne que Chiquita s'attendait à ce que la Communauté européenne, avec l'achèvement du Marché Unique européen en 1993, libéralise le marché des bananes. Cependant, cela n'a pas eu lieu et, du fait des nouveaux régimes d'importation, Chiquita a perdu sa part de marché dans la Communauté européenne (et dans le monde). En 1997, pour la première fois, Dole a détrôné Chiquita de sa place de première compagnie bananière du monde. Depuis, les deux compagnies sont à égalité, détenant chacune environ un quart du marché mondial des bananes. La part de Del Monte s'est maintenue avec une relative stabilité à quelques 15 pour cent tout au long des deux dernières décennies.

Seules trois compagnies bananières dominaient le commerce mondial de la banane entre 1970 et 1984. À la fin des années 90, elles étaient au moins cinq à jouer un rôle important. Noboa (Exportadora Bananera Noboa) a été créé en 1952 par un groupe de commerce et d'expédition équatorien. Cette compagnie a débuté en vendant des bananes à Standard Fruit (Dole) mais quatre ans plus tard, elle expédiait directement des bananes aux États-Unis. Ses exportations ont augmenté sensiblement quand le secteur bananier équatorien s'est relevé de la crise qu'il avait traversé au début des années 80. L'Équateur a été défavorisé par la réforme de 1993 du régime des importations de bananes de la Communauté européenne et n'a pas été inclus dans l'Accord-cadre mis en place en 1994 entre la Communauté européenne et les autres pays fournisseurs d'Amérique latine.

Noboa a profité de la croissance des économies émergeantes (pays d'Europe Centrale, Fédération de Russie, Chine et pays du Moyen-Orient) pour augmenter ses expéditions sous la marque Bonita. En 1997, les exportations globales de cette compagnie ont atteint un record sans précédent de 75 millions de caisses, ce qui lui conférait 13 pour cent du marché mondial. Bien que cette part se soit réduite par la suite, elle était estimée à près de 10 pour cent à la fin des années 90 (tableau 28). La firme ReyBanCorp (Favorita) est un autre de ses concurrents équatoriens, quoique d'une taille moindre. Elle a représenté quelques 4 pour cent des exportations mondiales en 1999-2000.

La part de marché des trois principales compagnies bananières multinationales a également été concurrencée dans les années 90 par la montée de Fyffes, qui n'exporte qu'en Europe (le marché le plus rentable). La compagnie irlandaise a considérablement augmenté sa part du marché de la Communauté européenne depuis 1993, dans la foulée de la réforme du régime d'importation communautaire. À la fin des années 90, la part de marché de Fyffes dans le monde était estimée entre 7 et 8 pour cent.

Tableau 28 - Parts estimées des compagnies bananières multinationales dans les importations mondiales de bananes 1980-1999

Année

1980

1992

1995

1997

1999

Chiquita

29

34

>25

24-25

25

Dole

21

20

22-23

25-26

25

Del Monte

15

15

15-16

16

15

Sous total des 3 plus
grandes compagnies

65

69

62-64

65-67

65

Fyffes

-

2-3

7-8

6-7

7-8

Noboa

5?

8

12

13

11

Total des cinq plus grandes
compagnies

70%

80%

82%

86%

84%

Sources: FAO (1986) pour 1980, Chambron (2000)[94] pour 1999 et Van de Kasteele (1998)pour les autres années.

6.4 Les compagnies bananières multinationales face à l 'évolution des politiques commerciales: incidences et réponses

a) L'Accord sur l'agriculture et les réductions tarifaires

Les négociations multilatérales de commerce du cycle de l'Uruguay lancées en 1986 se sont achevées en 1994 avec la signature de l'Accord sur l'agriculture, par lequel les pays s'engageaient à baisser leurs tarifs douaniers sur les importations agricoles. Plusieurs pays ont baissé leurs tarifs douaniers sur les importations de bananes, mais cette baisse n'a pas eu d'incidence significative pour les compagnies bananières multinationales, car les principaux pays importateurs de bananes appliquaient déjà des tarifs douaniers bas (à l'exception de la Communauté européenne, voir plus bas).

b) Le(s) régime(s) d'importation de bananes de la CE

Réponses collectives à l'OCMB

Avec l'achèvement du Marché Unique européen en 1993, la Commission européenne devait harmoniser le marché de la banane d'un pays à l'autre (voir au Chapitre 3). En résumé, deux contingents tarifaires étaient créés, l'un réservé aux 12 pays dits «ACP traditionnels» (les fournisseurs traditionnels de bananes des ex-colonies d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) et l'autre destiné à tous les autres pays. Alors que la plupart des exportateurs ACP font commerce en devises européennes, les autres fournisseurs vendent traditionnellement leurs bananes en dollars EU, raison pour laquelle ce contingent a été désigné par le terme «contingent dollar».

Le «contingent dollar» a été attribué aux opérateurs du marché selon une mécanique complexe de licences d'importation basées sur leur zone géographique d'approvisionnement (pays ACP/autres pays) et sur leur type d'activité (importateur primaire/importateur secondaire/mûrisseur). Sur un total de 2 millions de tonnes, (étendu plus tard à 2,2 millions de tonnes, puis à 2,553 millions de tonnes en 1995), 66,5 pour cent de ce contingent dollar étaient attribués aux opérateurs traditionnels de la zone dollar (c'est-à-dire principalement les trois principales compagnies bananières multinationales), 30 pour cent étaient attribués aux opérateurs traditionnels de la Communauté européenne ou des pays ACP, et le solde aux nouveaux venus. Le but de cette allocation était de permettre aux entreprises de la Communauté européenne d'équilibrer leurs coûts globaux ('financements croisés') en leur donnant la possibilité d'importer des bananes meilleur marché de la «zone dollar» en même temps que les bananes ACP qui étaient, elles, relativement chères. De ce fait, les trois grandes compagnies bananières multinationales ont perdu une part du marché de la Communauté européenne, au bénéfice des compagnies traditionnelles européennes. Les trois multinationales bananières ont bénéficié jusqu'en 1993 d'un oligopole virtuel dans les marchés ouverts de l'Europe du Nord (ceux, par exemple de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique, du Danemark), mais cette situation s'est brusquement modifiée avec la création de l'Organisation commune de marché de la banane (OCMB).

Les réponses des compagnies bananières multinationales au nouvel OCMB ont amplement varié, dans la mesure où les compagnies ont adopté des stratégies différentes. Chiquita, par exemple, anticipant une ouverture du marché de la Communauté européenne en 1993, a augmenté sa production sud-américaine à la fin des années 80 et au début des années 90. En capturant 30 pour cent du marché de la Communauté européenne en 1992, cette compagnie occupait le premier rang en Europe et espérait profiter de la libéralisation du marché communautaire pour renforcer son rôle prépondérant. Chiquita comptait sur son expérience du marché allemand et sur la reconnaissance de sa marque pour asseoir la différence avec ses concurrents. Au lieu de quoi l'OCMB a réduit sa part de marché à quelques 19 pour cent, ce qui a été une lourde déconvenue pour la compagnie car le marché européen est l'un des plus rentable du monde. La compagnie a dû détourner son surplus vers d'autres marchés, provoquant une baisse des prix mondiaux.

La réponse de Chiquita a été double. Aux États-Unis, la compagnie s'est lancée dans une intense campagne de persuasion politique pour pousser le gouvernement à déposer une plainte contre l'OCMB dans le cadre de l'OMC. Cette campagne était soutenue par de généreux dons aux principaux partis politiques[95]. Chiquita a réussi à convaincre le Gouvernement des États-Unis de se lancer dans un différend commercial (surnommé «le conflit de la banane») avec la Communauté européenne. L'entreprise a également soutenu les plaintes émanant des pays exportateurs d'Amérique latine contre l'OCMB. Dans la Communauté européenne, Chiquita a utilisé sa filiale Atlanta pour soutenir plusieurs recours du gouvernement allemand contre l'OCMB devant la Cour européenne de justice. La cour a rejeté ces recours, mais les plaintes ont remporté plus de succès auprès de l'OMC. En 1997, l'OMC a conclu que l'OCMB était à plusieurs égards en violation des règlements du commerce international et a donné à la Communauté européenne jusqu'en janvier 1999 pour modifier son régime. La Communauté européenne a révisé l'OCMB en 1999 mais cette nouvelle version ne satisfaisait toujours pas au jugement de l'OMC. À la fin des années 90, Chiquita n'avait toujours pas réussi à obtenir une révision de l'OCMB en sa faveur.

À l'inverse de Chiquita, Dole n'a pas compté sur l'ouverture du marché européen aux bananes de la zone dollar. Anticipant la mise en application de l'OCMB, la compagnie a établi une branche de Dole Foods à Londres en 1989: elle s'est alors concentrée sur le renforcement de son réseau de commercialisation et de distribution dans la Communauté européenne, et sur le développement de partenariats avec de grands détaillants. En 1994, la compagnie a pris une participation de 35 pour cent dans la Jamaican Producers Fruit Distributors Ltd., qui règne sur quelques 20 pour cent du marché de la banane au Royaume-Uni. Ont suivi en 1996 l'achat d'une participation majoritaire dans la société Paul Kempowski and Co., un grand mûrisseur et distributeur allemand, et l'acquisition de Pascual Hermanos, le plus grand négociant de fruits et légumes d'Espagne. Dole peut aujourd'hui s'appuyer sur un réseau de distribution et de mûrisseries en France, en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Belgique.

Dole a également réalisé des investissements conséquents dans les pays APC en acquérant des participations dans des firmes locales ou européennes, dans le dessein d'obtenir des licences d'importation. La compagnie a acquis 49 pour cent de la Compagnie Fruitière, une société française productrice de bananes en Afrique de l'Ouest, dont elle est le distributeur en France et en Espagne. Dole et la Compagnie Fruitière ont réalisé des investissements communs au Cameroun et en Côte d'Ivoire. En 1997, par l'entremise de la Compagnie Fruitière, Dole a acheté les plantations SCB en Côte d'Ivoire. SCB expédie environ 100 000 tonnes de bananes dans la Communauté européenne. En tout, Dole possède des accords d'approvisionnement avec les producteurs des pays ACP de Jamaïque, du Cameroun et de la Côte d'Ivoire, aussi bien qu'avec les territoires d'outre-mer européens de Martinique et Guadeloupe (France) et des îles Canaries (Espagne).

Del Monte a suivi une stratégie similaire à celle de Dole jusqu'en 1996, quoiqu'à moindre échelle. La compagnie a investi dans les pays ACP (Cameroun) et dans des sociétés d'importation et de distribution de la Communauté européenne (par exemple Interfrucht Weichert en Allemagne et Banacol en Belgique) afin de gagner l'accès aux licences d'importation et renforcer ses canaux de distribution en Europe. Pour amoindrir sa dépendance envers le marché de la Communauté européenne, elle a également investi en Asie (Indonésie et Philippines). Del Monte était partiellement limitée dans sa réponse au régime de la Communauté européenne par des difficultés financières et des changements de propriétaire, jusqu'à son rachat par le groupe d'investissement IAT en 1996.

Lors de la mise en œuvre de l'OCMB, Fyffes n'a pas fait face aux mêmes difficultés que Chiquita, Dole et Del Monte. Fyffes était un importateur traditionnel de bananes du Belize, du Suriname, de la Jamaïque et des Îles du Vent, ce qui lui procurait une part appréciable de licences d'importation. La compagnie a adopté une stratégie à contre-pied de celle de Dole: elle a diversifié ses sources d'approvisionnement dans les pays non-ACP d'Amérique latine, afin d'avoir accès à des bananes meilleur marché. Cependant, l'opération ne s'est pas faite sans difficultés. Lorsque Fyffes a voulu établir des contrats avec les planteurs honduriens qui venaient tout juste de terminer leur contrat avec Chiquita en 1989, cette dernière a tenté d'empêcher le marché, arguant que son contrat avec les planteurs était encore valide. Un violent différend, assorti de poursuites judiciaires, a éclaté entre les deux compagnies. Finalement, à la suite d'une pression diplomatique de la Commission européenne et de l'intervention du Président du Honduras, le différend s'est réglé et Fyffes a pu acheter ses bananes aux Honduras[96].

À la différence des autres compagnies bananières multinationales, Fyffes ne possédait que quelques exploitations bananières. Au lieu de procéder à des investissements lourds dans la production, la compagnie s'est appuyée sur des contrats à long terme avec des producteurs indépendants. Elle a aussi signé un accord sur le long terme avec Dole pour expédier ses bananes d'Amérique latine sur la flotte de cette dernière. Fyffes s'approvisionne aujourd'hui en bananes, en plus des pays ACP, au Honduras, au Guatemala, au Costa Rica et en Colombie.

Fyffes a étendu sa part de marché en se concentrant sur l'aval de la filière. La compagnie a noué plusieurs partenariats et alliances à la fois avec les producteurs et les distributeurs, et elle s'est engagée dans des co-entreprises. Elle a également procédé à une importante série d'acquisitions d'entreprises européennes, prenant une participation de 50 pour cent dans EurobanaCanarias (Espagne) et dans Brdr Lembcke (Danemark) en 1993. En 1994, elle a acheté des parts de Velleman & Tas (Pays-Bas), Kahl-Munich (Allemagne), Sofiprim SA et Tropic SA (France) et Valley Gold (Royaume-Uni), et en 1994, elle a acheté la moitié des parts de Swithenbanks. Elle a acquis une participation de 50 pour cent dans Anaco International (Pays-Bas) et dans Peviani Spa (Italie) en 1996. La même année, elle a réalisé sa plus remarquable acquisition, celle de la compagnie bananière britannique Geest, par le biais d'une co-entreprise avec la Windward Islands Banana Development and Exporting Company (WIBDECO). Fyffes et WIBDECO détiennent chacune 50 pour cent de Geest.

Incidences: gagnants et perdants (1993, 1999 et 2001)

Fyffes et Dole ont été les deux principales bénéficiaires de l'OCMB dans la période 1993-2000. Dans une certaine mesure, Fyffes a profité d'un régime d'importation qui favorisait les pays ACP importateurs traditionnels de bananes. Toutefois, la société irlandaise a également opté pour une intelligente et ambitieuse stratégie d'acquisitions et de partenariats. La priorité donnée aux investissements dans le circuit de la commercialisation plutôt que dans celui de la production a manifestement été payante. Fyffes a vu ses ventes de bananes augmenter: elles sont passées de 14 millions de caisses (18,14 kg/unité) en 1992 à plus de 45 millions de caisses en 1996 (tableau 29). Sa part du marché de la Communauté européenne est passée de quelques 10 pour cent en 1992 à 16-17 pour cent en 1997 (tableau 30). Le groupe était numéro un du marché au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne et au Danemark à la fin des années 90.

Tableau 29 - Ventes de bananes par Fyffes 1992-1996 (en millions de caisses)

Année

1992

1993

1994

1995

1996

Ventes de bananes

14

18

27

>35

>45

Source: Roche 1998

En ce qui concerne Dole, sa stratégie adroite et pragmatique de diversification et d'investissements dans la Communauté européenne et dans des compagnies ACP s'est reflétée dans l'augmentation de sa part de marché, comme le montrent les tableaux 28 et 30. La compagnie a détrôné Chiquita de son rang de premier commercialisateur de bananes dans le monde et sur le marché de la Communauté européenne en 1997. Elle représentait alors plus d'un quart des ventes mondiales de bananes et près d'un cinquième des ventes sur le marché de la Communauté européenne. La totalité de ses ventes de bananes en Europe était de plus d'1 milliard de dollars EU en 1996, contre 570 millions de dollars EU en 1993[97].

Inversement, Chiquita a nettement fait figure de perdante au milieu des années 90. Sa part du marché européen, qui était de plus de 30 pour cent en 1992, s'est rétrécie à quelques 15 pour cent en 1997 (tableau 30). Alors que la compagnie occupait depuis longtemps la première place sur le marché de la Communauté européenne, elle est passée troisième rang en 1997, derrière Dole et Fyffes. De même, sa part du marché mondial, qui était de plus d'un tiers en 1992, a chuté et n'était plus que d'un quart environ en 1997. Manifestement, sa stratégie de campagnes de pression politique et de poursuites menée dans les années 90 pour imposer une révision de l'OCMB n'a pas fonctionné. N'ayant pas eu la clairvoyance d'investir dans des sociétés de la Communauté européenne et des pays ACP, Chiquita n'a gagné aucune licence d'importation, et n'a pas amélioré son contrôle du marché. En tous les cas, son manque de ressources financières pour réaliser des acquisitions potentielles a sérieusement limité ses options.

L'effet global de l'OCMB sur Del Monte est plus difficile à quantifier, car la compagnie a traversé des difficultés d'ordre interne et changé de mains du milieu des années 80 à 1996 (voir ci-après). En dépit de cela, elle a réussi à augmenter sa part de marché de la Communauté européenne et ses bénéfices à partir de 1996 et au cours des années qui ont suivi.

La réforme de l'OCMB en 1999

La Communauté européenne a réformé l'OCMB deux ans après le jugement rendu en 1997 par l'OMC. Dans cette nouvelle version de l'OCMB, le principal changement pour les compagnies bananières transnationales concernait la réforme du précédent système d'attribution de licences. La période de référence choisie pour le calcul des attributions des licences était 1994-1996. La distinction entre catégories d'opérateurs était abandonnée en faveur d'un système simplifié distinguant «opérateurs traditionnels» et «nouveaux venus». Les premiers obtenaient 92 pour cent du contingent tarifaireA/B (contingent dollar). La nouvelle définition des opérateurs traditionnels n'a pas convenu à Chiquita, dans la mesure où elle favorisait les compagnies de la communauté européenne. Par conséquent, la réforme de l'OCMB en 1999 n'a guère modifié les rivalités de pouvoir entre les multinationales bananières.

La réforme de 2001

Cependant, la nouvelle version de l'OCMB a très vite été déclarée incompatible avec les règlements de l'OMC, et la Communauté européenne a dû procéder à une nouvelle réforme. Pour éviter d'essuyer un nouvel échec, la Communauté européenne a cherché cette fois à adopter une approche bilatérale. En avril 2001, elle est parvenue à deux accords séparés avec les États-Unis et l'Équateur, sur le principe d'un système acceptable par le plus grand nombre des parties et qui ne serait pas contesté devant l'OMC. Pour l'essentiel, cette réforme a maintenu les principaux aspects de l'OCMB dans sa version de 1993 (deux contingents tarifaires, l'un pour les fournisseurs ACP, et l'autre pour les «fournisseurs dollars») mais 83 pour cent du «contingent dollar» ont été attribués aux «opérateurs traditionnels». La nouvelle définition des «opérateurs traditionnels» ne s'appliquait qu'aux compagnies impliquées dans la production ou l'expédition de bananes dans les pays producteurs. L'attribution des licences d'importations est restée calculée sur la base sur leurs importations de la période 1994-1996. Ce nouveau système a procuré à Chiquita une plus grande part du marché, plus proche de celle qui était la sienne avant 1993. De surcroît, en janvier 2002, 100 000 tonnes ont été transférées du contingent ACP au «contingent dollar», probablement afin d'offrir aux compagnies équatoriennes une plus grande part du marché de la Communauté européenne, et ce à titre de compensation pour l'accord passé entre les États-Unis et la Communauté européenne. La CE a annoncé son intention de passer à l'application d'un régime uniquement tarifaire au plus tard en janvier 2006.

En un sens, Chiquita a obtenu de la Communauté européenne ce qu'elle recherchait depuis dix ans: une réforme de l'OCMB, et le retour de sa part de marché à un niveau proche de celui d'avant 1993. La compagnie a retrouvé son rôle prépondérant sur le marché de la Communauté européenne, avec une part qui est estimée varier entre 21 et 22 pour cent. Sa part des exportations mondiales est passée de 21,4 pour cent en 2001 à 22,5 pour cent en 2002. Les perdants des accords de 2001 ont été Dole et Del Monte. Dole avait soutenu la proposition initiale de la Commission d'un système basé sur le principe du «premier arrivé, premier servi», en attendant l'établissement du système uniquement tarifaire en 2006[98]. La compagnie a contesté les accords, mais ne pouvait pas faire grand chose, dans la mesure où les accords ont été scellés par les gouvernements. Le long conflit qui a agité le commerce de la banane a également créé beaucoup d'incertitudes et il a déstabilisé le secteur bananier. Nombreux étaient ceux, dans le secteur, qui n'étaient pas mécontents de voir ce différend commercial prolongé arriver à terme.

Tableau 30 - Parts (estimations) des compagnies bananières multinationales dans les importations de la Communauté européenne 1992-2003

Année

1992

1995

1997

2003

Chiquita

>30

19

15-16

21-22

Dole(1)

12

15-16

18-19

13

Del Monte

7-8

8

10-11

9-10

Fyffes-Geest(2)

9-11

17-18

16-17

20

Total des 4 principales
compagnie

58-61

59-61

59-63

64-65

Sources: Estimation du secteur pour 2003 et Van de Kasteele (1998)pour les autres années

(1) Dole estime sa part de marché à 17 pour cent en 2002

(2) En 1992 et 1995, Fyffes et Geest étaient deux compagnies indépendantes. Les données pour Fyffes incluent EuroBananCanarias

Paradoxalement, Fyffes n'a pas semblé pénalisé par les accords de 2001. La compagnie évoque dans son rapport annuel un effet «neutre» (Fyffes 2002). Ses importations en Europe ont même progressé en 2002. Bien que l'accord se soit soldé pour la compagnie par la perte de quelques licences, Fyffes a pu prendre le relais ou engager des partenariats avec suffisamment d'importateurs, de mûrisseurs et de distributeurs pour conserver une solide part du marché de la Communauté européenne. Le point d'orgue de cette approche aura été, fin 2002, le rachat de l'importateur allemand Interfrucht Weichert à Del Monte. D'après un porte-parole de la compagnie, cette acquisition porterait les parts de marché de Fyffes de 15 à 17 pour cent. Fyffes détient 50 pour cent de la EurobananCanarias SA, l'autre moitié étant détenue par Coplaca, une coopérative de planteurs de bananes des îles Canaries. Si on prend en compte les fruits commercialisés par EurobananCanarias, la part totale de Fyffes et de ses partenaires sur le marché de la Communauté européenne s'élève à plus de 20 pour cent, soit une part quasiment équivalente à celle détenue par Chiquita.

6.5 L'évolution économique et les compagnies bananières multinationales: incidences et réponses

a) L'excédent de l'offre et la crise des prix des années 90: origines de la crise

Ainsi qu'on l'a vu au Chapitre 1, la production mondiale de bananes a considérablement augmenté à partir du milieu des années 80 et ce jusqu'au début des années 90. Cette augmentation résulte de plusieurs facteurs, parmi lesquels le rôle des compagnies bananières transnationales a été d'importance. Premièrement, avec l'effondrement de l'Union Soviétique et la conversion de nombreux pays d'Europe Centrale et d'Europe Occidentale aux économies de marché, les compagnies bananières multinationales espéraient vivement voir émerger d'importants nouveaux marchés pour les bananes. Précédemment, le bloc de l'Est avait importé des bananes principalement des pays tropicaux à orientation socialiste (par exemple, Cuba et le Nicaragua) d'où les multinationales bananières étaient quasiment absentes. De même, la libéralisation progressive du commerce extérieur de la Chine dans les années 80 laissait entrevoir des promesses d'augmentions des exportations de bananes. Les compagnies bananières transnationales ont détecté ce potentiel de croissance et ont augmenté leur production en Amérique Centrale et en Amérique du Sud (Costa Rica, Honduras et Colombie). En Équateur, Noboa a pris en compte le potentiel de croissance des marchés de l'Europe de l'Est et de l'Asie et a augmenté sa production en conséquence. Aux Philippines, un comportement identique a été observé parmi les groupes de producteurs qui avaient des contrats pour fournir les compagnies bananières transnationales et attendaient une croissance du marché chinois.

Deuxièmement, les perspectives d'une libéralisation du marché de la banane de la Communauté européenne ont fait naître de grandes attentes dans les rangs des multinationales bananières, dont l'accès à certains pays européens (la France, le Royaume-Uni, l'Italie, la Grèce et l'Espagne) avait longtemps été soumis à des restrictions. Chiquita, en particulier, croyait que la Communauté européenne ouvrirait largement son marché aux «bananes dollars» et la compagnie s'est engagée dans un ambitieux programme de transport transatlantique pour sa production en expansion. Une fois que les compagnies bananières transnationales ont réalisé que ce marché ne s'ouvrirait que partiellement, et que les licences d'importations seraient attribuées sur des bases historiques, elles ont augmenté leur exportations à destination de la Communauté européenne pour s'assurer davantage de licences d'importations dans l'avenir[99]. La Communauté européenne (1994) a noté que «1992 a connu un pic du commerce spéculatif dans le secteur bananier, les négociants ayant tenté d'étendre au maximum leurs part de marché, dans l'anticipation du marché unique pour les bananes.» De ce fait, les importations dans la Communauté européenne en provenance de la «zone dollar» ont grimpé de 2,36 millions à 2,73 millions de tonnes entre 1990 et 1992[100].

Cependant, ces attentes d'une franche augmentation de la consommation mondiale de bananes ne se sont pas concrétisées. Le marché de la banane dans la Communauté européenne a fait l'objet d'une harmonisation, mais ne s'est pas totalement ouvert. Une libéralisation partielle a eu lieu dans des pays qui avaient appliqué des restrictions, mais des marchés autrefois en libre accès tels que ceux de l'Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas étaient désormais soumis à des restrictions. De ce fait, les importations communautaires des bananes de la «zone dollar» sont tombées à 2,44 millions de tonnes en 1994, et à 2,40 millions de tonnes en 1995. D'autres marchés dont on espérait une forte croissance se sont élargis, mais moins que prévu. Les importations chinoises de bananes ont considérablement augmenté, passant d'un zéro virtuel au début des années 90 à 2,40 millions de tonnes en 1996, et sont demeurées à ce même niveau les années suivantes. De même, les importations en Europe Centrale et en Europe de l'Est ont considérablement augmenté jusqu'en 1995, année où elles ont atteint un plateau, puis elles ont décliné à partir de 2000. Les importations russes ont chuté en 1998, après avoir connu plusieurs années de croissance.

Les marchés de la Chine, de l'Europe de l'Est et de l'Europe Centrale n'ont pas répondu aux attentes pour plusieurs raisons. L'hypothèse que la conversion des économies socialistes au capitalisme conduirait à une rapide augmentation du pouvoir d'achat s'est avéré exagérément optimiste. Une croissance économique a bien eu lieu dans plusieurs pays, mais elle a été plus faible que prévue, et l'augmentation des revenus n'était ni uniformément répartie, ni généralisée. De plus, l'absence d'une infrastructure appropriée pour le transport et la réfrigération signifiait que la livraison de bananes était limitée aux grandes villes et aux zones portuaires. Un des autres facteurs à avoir freiné la demande est la forte hausse du dollar dans la seconde moitié des années 90. Comme la plupart des producteurs et des expéditeurs sud-américains vendent leurs bananes en dollars, un dollar fort fait monter les prix à l'importation dans les pays qui utilisent d'autres devises.

En résumé, la crise des prix des années 90 était due au déséquilibre entre une demande statique et une offre en augmentation. Les prix mondiaux de la banane ont chuté de manière conséquente dans la première moitié des années 90, tout particulièrement en Europe, et se sont repris partiellement en 1998 quand l'offre a été diminuée par de mauvaises conditions climatiques en Amérique latine (fortes précipitations et inondations causées par le phénomène climatique El Niño en Équateur, ouragan Mitch au Honduras et au Guatemala). Toutefois, les prix ont chuté à nouveau en 1999 et ont enregistré leurs plus bas niveaux en 2000, tandis que le fossé se creusait entre l'offre et la demande.

b) Incidence sur les compagnies bananières transnationales

Toutes les compagnies bananières multinationales ont pâti de la crise économique, mais c'est Chiquita, dont la situation financière s'était trouvée affaiblie à la suite de l'OMCB, qui a été la plus affectée (tableau 31): compte tenu de la forte spécialisation de cette compagnie dans le secteur bananier, la perte de sa part de marché la Communauté européenne (où les prix sont plus stables et rémunérateurs) a détérioré plus encore sa santé financière. De 1991 à 1999, Chiquita a été en perte nette sur pratiquement trois ans, et en 2001, la compagnie a déposé une procédure de redressement de bilan (Chapitre 11) aux États-Unis.

La compagnie Del Monte s'est également retrouvée dans une situation délicate. En 1989, la société d'investissement KKR a réussi une OPA sur RJ Reynolds (propriétaire de Del Monte). Del Monte a été scindée en trois sociétés distinctes: Fresh Del Monte Produce, une société d'aliments transformés et une société internationale d'aliments et boissons. Le nouveau propriétaire de Fresh Del Monte, Polly Peck, a fait faillite en 1992, et la société a été vendue au Grupo Empresarial Agricola Mexicano (GEAM). Après plusieurs difficultés d'ordre légal, GEAM a revendu la société en 1996 au Grupo IAT, propriété de la famille Abu-Ghazeleh. Depuis, la société a bénéficié d'une gestion stable et sa situation financière s'est améliorée. GEAM poursuit actuellement les sociétés du Grupo IAT devant des tribunaux des États-Unis à propos des rachats.

Dole a été capable de surmonter la crise du secteur bananier à la fois grâce à sa taille et parce qu'elle commercialise des gammes plus diversifiées de fruits et légumes. Dole Food Co. a fait l'objet d'un rachat à titre privé par des capitaux d'emprunt en 2003 par David Murdock, qui contrôle aujourd'hui la compagnie.

Tableau 31 - Revenu net des quatre premières multinationales bananières 1992-1999 (en millions de dollars EU)

Compagnie

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Chiquita

-284

-51

-72

9

-51

0,3

-18

-58

Dole

16

78

68

23

89

160

12

49

Del Monte

-63

-58

-64

-72

-134

44

59

57

Source: Taylor (2003)

c) Les réponses des compagnies bananières transnationales à la crise

Si les impacts de la crise ont été variables d'une multinationale à l'autre, les réponses ont été, elles, relativement similaires. Les compagnies bananières transnationales ont mis en œuvre des stratégies de réduction des coûts, compressant les postes à la fois dans les pays exportateurs et dans les pays importateurs. Aux cargos possédés en propre, les compagnies ont préféré les cargos loués, qui permettent de réduire les investissements et qui offrent une meilleure flexibilité. Elles ont procédé à des modifications internes et à des restructurations visant à une concentration sur les fruits et légumes. Par exemple, en 1995, Dole a séparé son département des fruits et légumes frais de Castle and Cooke (son département des biens immobiliers) et s'est dessaisie de filiales qui n'étaient pas rentables (activités portant sur les jus de fruits et les fruits secs aux États-Unis). De même, dans les années 90, Chiquita a vendu son département viande et s'est retirée de ses activités portant sur les huiles alimentaires établies au Costa Rica.

La réponse des compagnies face à l'offre excédentaire a consisté en un désengagement partiel de la production: des exploitations ont été vendues à des parties intéressées locales et ont été remplacées par des contrats à long terme avec des producteurs indépendants. Chiquita s'est séparée de 1 200 hectares de terres moins productives au Honduras au milieu des années 90. Fyffes a vendu en 1996 sa participation dans des exploitations d'Amérique Centrale, et en 2000, la compagnie a liquidé ses derniers intérêts dans des exploitations de la région des Caraïbes (Belize)[101]. Dans l'ensemble, le pourcentage de bananes en provenance d'exploitations détenues par les compagnies bananières multinationales est tombé de 60 pour cent en 1984[102] à environ 50 pour cent en 1996[103]. Parallèlement, l'approvisionnement s'est déplacé vers des pays où les coûts de main d'œuvre sont moindres, et où, dans certains cas, la législation est plus favorable aux compagnies bananières multinationales. Elles ont réduit leurs achats au Panama et au Costa Rica, et ont augmenté leurs expéditions à partir du Guatemala et de l'Équateur. Des investissements ont également été réalisés dans la différenciation des produits, ainsi qu'on le verra dans la section suivante.

Les compagnies bananières multinationales ont cherché à étendre leur gamme de fruits frais pour minimiser l'impact des crises récurrentes du prix des bananes. Les plus remarquables réalisations ont été les alliances contractées par Fyffes avec de grands fournisseurs de fruits et légumes et des entreprises de commercialisation (Capespan en Afrique du Sud, Maroc au Maroc, ENZA et Zespri en Nouvelle-Zélande, Carmel). Fyffes est aujourd'hui le premier distributeur de fruits et légumes frais en Europe, et le second dans le monde. La compagnie propose, tout au long de l'année, une vaste gamme de fruits et légumes frais en provenance de nombreux pays. Dole, qui était déjà une société diversifiée, poursuit sa stratégie d'acquisitions dans le secteur des fruits et légumes frais. Dans les années 90, la compagnie a acheté, pour ne citer que quelques exemples: SAMAN (une entreprise française de fruits secs), Agrofruta (un exportateur chilien de fruits frais), ainsi que les activités de Chiquita en Nouvelle-Zélande. De ce fait, en 1999, les ananas, autres fruits frais (oranges, kiwi, raisins, pommes) et les aliments préparés représentaient 65 pour cent de ses ventes. De même, Chiquita a acheté quelques sociétés de fruits frais tels que les Blueberries Farms en Australie en 1997. Mais cette année là, les bananes ont représenté moins de 35 pour cent des ventes de Fyffes et Dole, contre une proportion supérieure pour Chiquita et Del Monte (tableau 32).

Tableau 32 - Ventes de bananes des compagnies bananières multinationales en pourcentage de leur chiffre d'affaire total (1999)

Compagnie

Ventes de bananes
(% du chiffre d'affaire)

Chiquita

40

Dole

35

Del Monte

55

Fyffes

30

Source: Rabobank 2001a

D'autres tentatives de diversification des activités ont été faites, mais rien n'indique clairement qu'elles aient toujours été couronnées de succès. Par exemple, en 1997 et 1998, Chiquita a investi dans le secteur des légumes en conserve par le biais de trois acquisitions. En 2000, les légumes en conserve représentaient environ 15 pour cent des recettes de la compagnie mais elle a revendu cette affaire en 2001[104]. Dole a investi dans les fleurs coupées. Inversement, Fyffes s'est concentrée sur le commerce des fruits et légumes frais, en liquidant ses autres activités. En 1999, la compagnie s'est séparée de sa participation dans United Beverage Holdings qu'elle a vendue à Guinness Ireland Group[105].

d) Concentration dans le secteur de la vente au détail

Dans le secteur de la vente au détail, le processus de concentration a commencé dans les années 80 et s'est accéléré dans les années 90. Pour les compagnies bananières multinationales, qui avaient été habituées à traiter avec une multitude de grossistes et de détaillants, cette situation était sans précédent. L'émergence de la grande distribution a fait basculer le rapport de forces. Le pouvoir de négociation des détaillants s'est trouvé renforcé par l'excédent de l'offre. La position des compagnies bananières multinationales face aux détaillants a été affaibli plus encore par l'émergence de grands exportateurs nationaux de bananes dans des pays comme l'Équateur et la Colombie. Les compagnies bananières transnationales ont vu leurs prix et leurs marges se contracter et leur réponse a consisté, ainsi qu'on l'a vu précédemment, à mettre en œuvre des stratégies de réduction des coûts.

Pour mieux servir les chaînes de supermarchés, les multinationales bananières mettent aujourd'hui l'accent sur l'expédition, la commercialisation et les services fournis. Ces activités génèrent des marges de profit plus importantes que la production. Des innovations dans les domaines commercial et logistique ont été adoptées pour mieux répondre aux besoins des détaillants. L'une d'elle a été l'utilisation de conteneurs frigorifiques en remplacement des traditionnels cargos réfrigérés pour le transport des bananes[106]. Cela a contribué à améliorer la qualité, à réduire les coûts de manutention et de distribution, et à mieux répondre aux besoins de la clientèle des détaillants.

Pour faire face à la crise d'une offre excédentaire et au pouvoir grandissant de la grande distribution, une autre réponse a consisté dans le développement de forts noms de marque. En 1990, United Brands International est devenu Chiquita Brands International, afin de capitaliser sur la forte reconnaissance de la marque Chiquita auprès des consommateurs. L'année suivante, Castle and Cooke a troqué son nom contre celui de Dole Food Company.

De plus, certaines compagnies bananières multinationales ont mis en œuvre une stratégie de diversification à l'intérieur du secteur des bananes. Dole a lancé une gamme de sachets de «mini-bananes» destinées à des collations et a commercialisé des bananes biologiques (voir ci-après). Fyffes a commercialisé des bananes du «commerce équitable» des Îles du Vent. Chiquita, pour sa part, s'est servie de son projet «Better Banana» comme argument de vente auprès des détaillants européens.

6.6 Les compagnies bananières multinationales et la responsabilité sociale

a) Pressions en faveur d'une meilleure durabilité environnementale et sociale

L'expansion de la production de bananes à la fin des années 80 et au début des années 90 s'est appuyée sur une utilisation plus intensive des intrants agricoles dans les grandes plantations, et a donné naissance à de multiples problèmes d'ordre environnementaux et sociaux. En 1992, le second Tribunal international de l'eau à Amsterdam a condamné la Standard Fruit Company (Dole) pour une très importante pollution causée par ses installations bananières de la Valle de la Estrella le long de la côte atlantique du Costa Rica. Dans les années 90, d'anciens ouvriers de Del Monte, Dole et Chiquita ont poursuivi ces compagnies, en même temps que des sociétés de produits agrochimiques, au motif de dommages corporels provoqués par le Nemagon, un nématicide contenant du dibromochloropropane (DBCP) et auquel ils ont été exposé entre 1965 et 1990. De plus, les syndicats ont déposé de nombreuses plaintes devant l'Organisation internationale du Travail. Les Conventions de l'OIT et les lois nationales ont été violées à de multiples égards, dont le travail des enfants, les temps de travail excessifs, le harcèlement sexuel, les entorses aux règlements en matière de santé et de sécurité. L'opposition entre responsables de plantations et syndicats indépendants de travailleurs a donné naissance à des confrontations tendues qui, parfois, ont dégénéré dans la violence. Les dirigeants syndicaux dénoncent le harcèlement, les menaces de licenciement et les agressions par des milices à la solde des compagnies.

En outre, au fil des années, les médias se sont fait l'écho de l'implication des compagnies bananières multinationales dans la politique intérieure de certains pays d'Amérique Centrale, et du soutien qu'elles ont apporté à des gouvernements non-démocratiques. Le terme «république bananière» dérive de cette association. Dans son Rapport de l'année 2000 sur la responsabilité sociale de l'entreprise, Steve Warshaw, alors P-DG de Chiquita écrivait:

«Mais au cours du temps, la United Fruit Company est devenue connue sous le nom de «la pieuvre», une société réputée pour avoir une telle extension et une telle influence qu'elle pouvait exercer sa souveraineté sur les états et sur la vie de ses employés. Divers facteurs expliquent la naissance de cette réputation, comme les allégations de la participation de la Société à la suppression des droits du travail en Colombie en 1928, ainsi que son implication dans le renversement du gouvernement au Guatemala en 1954, ou encore sa présence dans un scandale de corruption au Honduras en 1975. Au cours des années qui ont suivi, certains prétendaient que la Société était fermée et défensive dans le traitement des questions relatives à ses normes et à ses pratiques. [...] Les temps ont changé, tout comme notre Société.»
(Chiquita 2000)

De ce fait, de plus en plus souvent, des ONG œuvrant à la défense des droits de l'homme et de l'environnement ont pris les multinationales bananières pour cible de leur critiques. Plusieurs de ces ONG étaient basée en Europe et aux États-Unis, mais étaient soutenues également par des syndicats et des associations écologistes d'Amérique latine. Ces critiques ont atteint leur plus haut degré de virulence dans les années 90, lorsque le conflit de la banane qui a opposé la Communauté européenne et les États-Unis a fait l'objet d'une large couverture médiatique. Les deux polémiques se sont entrelacées quand quelques partisans de l'OCMB ont fait valoir que cette politique avait permis aux entreprises bananières des pays ACP de mieux traiter les travailleurs et de protéger l'environnement. Ces ONG et ces groupes des pays ACP ont soutenu que l'abandon de l'OCMB entraînerait un «nivellement vers le bas» de l'industrie bananière, où les pays ayant des lois laxistes sur l'environnement et la main d'œuvre seraient en mesure de mettre en péril leur concurrents par leurs coût plus bas.

Formé dans les années 80 par plusieurs ONG (Banana Link avec l'ONG britannique Farmers Link[107]), EUROBAN (European Banana Network) est devenu l'un des groupes les plus virulents et les plus réputés pour leur franc parler. Il exerce des pressions sur les compagnies bananières multinationales pour les forcer à améliorer leurs pratiques et il contrôle leur conduite environnementale et sociale. Banana Link a lancé une campagne commune avec un syndicat de travailleurs du secteur bananier du Costa Rica (SITRAP), le World Development Movement (une ONG britannique) et l'UITA. En 1998, il a organisé la Conférence internationale sur la banane pour proposer un accord international en faveur d'une plus grande responsabilité des sociétés dans le commerce des bananes[108].

Ces critiques à l'encontre des compagnies bananières multinationales ont trouvé de fervents partisans dans les rangs du mouvement du commerce équitable, dont l'objectif est d'aider les petits producteurs défavorisés de bananes à mieux accéder au marché (voir au Chapitre 5). Le commerce équitable œuvre en faveur des droits des travailleurs et de l'amélioration des conditions de travail dans les plantations, se bat contre les cas de préjudices sociaux et de dégâts environnementaux dans les grandes bananeraies, et fait pression sur les grands détaillants pour les amener à vendre des bananes du commerce équitable.

En plus des dénonciations dont elles ont été la cible de la part de la société civile, et peut-être encouragées par le succès qu'ont remporté ces campagnes de sensibilisation, les compagnies bananières multinationales ont également été incitées à améliorer leur conduite sociale et environnementale par leurs actionnaires, au fur et à mesure que les concepts de responsabilité sociale de l'entreprise et d'activités conformes à l'éthique se sont banalisés dans les milieux d'affaires.

Une poignée d'initiatives ont également été prises au niveau intergouvernemental. En 2000, les Nations Unies ont adopté le Pacte Mondial, un ensemble de règles volontaires sur la conduite des entreprises basé sur neuf principes fondamentaux afférents aux droit de l'homme, aux droits du travail et à l'environnement. Cependant, quelques critiques, dont celle portant sur la participation d'ONG au Pacte Mondial, ont souligné que cette initiative était trop floue et qu'elle n'incluait aucune disposition pour vérifier les allégations des compagnies d'obéissance aux règles[109]. De ce fait, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a élaboré un ensemble de propositions de normes sur les responsabilités de la personne morale des multinationales. Ces normes imposeraient aux multinationales de «se soumettre périodiquement à une surveillance et une vérification de l'ONU»[110]. Elles incluent des clauses concernant la discrimination, le travail des enfants, le travail forcé, la rémunération des travailleurs, la liberté d'association. La Sous-commission pour la protection et la défense des droits de l'homme a adopté ces propositions de normes en août 2003, mais elles restent encore à approuver par la Commission des droits de l'homme, constituée de 53 pays.

Enfin, les paramètres de marché tels que l'offre excédentaire, la compétition acharnée, les pressions exercées par les détaillants et l'évolution des préférences des consommateurs ont contraint les compagnies bananières transnationales à différencier leurs produits pour conserver leur part de marché. Proposer des bananes «respectueuses de l'environnement» et autres bananes «éthiques» a été perçu comme un moyen de gagner ou de conserver de la place sur les linéaires des supermarchés et d'attirer un plus grand nombre de consommateurs.

b) Réponses

N.B: le lecteur trouvera de plus amples informations sur les programmes de certification sociale et environnementale évoqués ci-après au Chapitre 5.

Des décennies durant, la réponse des compagnies bananières multinationales aux critiques des ONG a consisté en un mélange d'indifférence et de déni. Cependant, la pression s'est intensifiée au début des années 90. La première mesure adoptée a concerné l'établissement de codes de conduite au niveau de l'industrie ou de la compagnie (par exemple, le code du Groupement des importateurs de bananes britanniques). Les compagnies bananières multinationales ont elles-mêmes rédigé, mis en œuvre et contrôlé les codes, et de fait, elles se sont rapidement vues accuser d'être à la fois juge et partie. Elles ont également entrepris de faire vérifier par leurs clients que les codes étaient bien appliqués, mais des conflits d'intérêt potentiels nuisait à la fiabilité de ce type de contrôle.

Les compagnies bananières multinationales se sont donc progressivement tournées vers la certification à des normes établies par des organismes indépendants. Dans ce système, c'est un organisme indépendant de certification (vérification par une tierce partie) qui contrôle l'application des normes.

Chiquita a été la première des compagnies bananières multinationales à s'engager dans un programme de certification. Au Costa Rica, l'expansion de la production bananière avait hissé les préoccupations d'ordre environnemental à l'ordre du jour et au début des années 90, divers acteurs ont examiné l'idée de normes minimales. L'un de ces acteurs était Rainforest Alliance, une ONG écologiste basée aux États-Unis, qui possédait une expérience en matière de certification environnementale par le biais de son programme SmartWood. Au terme de négociations assidues, Rainforest Alliance et Chiquita ont lancé en 1992 le programme Better Banana Project. Dix-huit mois plus tard, deux premières exploitations (indépendantes) obtenaient la certification. En 2001, toutes les exploitations bananières de Chiquita en Amérique latine obtenaient à leur tour la certification. Même si le Better Banana Project était ouvert à d'autres compagnies (ReyBanPac s'y est affilié et a obtenu la certification pour toutes ses exploitations en 1999), ce programme a été considéré par certaines ONG et certains concurrents comme le programme de Chiquita.

Au milieu des années 90, à la fois Dole et Del Monte se sont engagées dans la démarche de certification de leurs exploitations en vue d'obtenir la norme ISO-14001 pour les systèmes de gestion de l'environnement. En 2002, la plupart de leur plantations en Amérique latine étaient certifiées. Les exploitations de Chiquita sont également certifiées à la norme ISO-14001. De plus, en 1990, Dole s'est tourné vers la production de bananes biologiques dans certaines de ses exploitations du Honduras. En 2001, la compagnie a passé des accords avec des producteurs en République dominicaine et au Pérou pour commercialiser sous sa marque leurs bananes biologiques.

En revanche, les compagnies bananières multinationales ont davantage traîné à s'engager dans des programmes certifiant le respect des normes liées à la main d'œuvre. La main d'œuvre est un délicat facteur stratégique dans l'industrie bananière et les compagnies redoutaient de perdre leur compétitivité si elles se conformaient à des pratiques plus exigeantes en matière de gestion de main d'œuvre. Ce n'est qu'en 2002 que Chiquita a eu ses premières plantations certifiées à la norme SA-8000 concernant la responsabilité sociale (au Costa Rica). La compagnie s'est maintenant engagée à obtenir la certification à la norme SA-8000 pour toutes ses plantations. Chiquita publie tous les ans depuis 2000 des rapports exhaustifs sur sa responsabilité sociale. Ces rapports fournissent un compte rendu détaillé du bilan social et environnemental, et ils signalent les domaines où des améliorations sont nécessaires. Les autres compagnies bananières multinationales ne sont pas très avancées en matière de certification aux normes internationales de travail. Bien que Dole soit membre signataire de la norme de la SAI (Social Accountability International) depuis 1999, une seule de ses divisions bananières (Stanfilco aux Philippines) est certifiée SA-8000.

Établir, après des décennies de controverses, des relations de collaboration avec les syndicats requiert des changements drastiques de la culture des entreprises. En 1997, Bandeco (une filiale de Del Monte au Costa Rica) a signé un accord avec SITRAP, le syndicat local des travailleurs du secteur bananier. Cependant, l'accord a rapidement échoué. En 2001, Chiquita a signé un accord avec l'UITA et COLSIBA, la fédération de syndicats des travailleurs du secteur bananier en Amérique Centrale, en présence du directeur général de l'OIT. Par le biais de cet accord, Chiquita a réaffirmé son engagement de respecter les conventions fondamentales du travail de l'OIT, la convention sur le droit d'association incluse[111]. D'après l'UITA, cet accord a porté concrètement ses fruits en Colombie et au Honduras[112].

c) Incidences de la certification sociale et environnementale sur les compagnies bananières transnationales.

Au départ, les compagnies bananières multinationales subissaient une pression considérable de la part des ONG, des détaillants et des actionnaires pour améliorer l'image de l'entreprise par le biais de la certification (certains détracteurs parlent à cet égard de «mascarade écologique»). Les certifications constituent de bons arguments de vente lors les négociations avec des acheteurs, tels que les chaînes de grandes surfaces. Elles sont également très utiles pour les campagnes de relations publiques[113]. Néanmoins, les compagnies bananières multinationales ne se sont ralliées qu'à contrecœur à la certification sociale et environnementale. Elles répugnaient à s'engager dans des systèmes de contrôle par une tierce partie parce qu'elles avaient une culture du secret et qu'elles n'avaient pas l'habitude de travailler avec des organisations de la société civile. De plus, les processus de négociation participative avec la société civile traînent souvent en longueur, d'où pour les compagnies, un conflit avec leur besoin de résultats rapides sur le terrain, ainsi que l'a montré Bendell[114]. À un stade ultérieur, quelques responsables de compagnies ont reconnu que la certification pourrait accroître les bénéfices au delà d'une simple amélioration de l'image de la société. En effet, la certification peut permettre de réduire les coûts par une moindre utilisation d'intrants agricoles et par le recyclage; en faisant chuter le taux de maladie ou d'accidents et le nombre de journées de travail perdues; en motivant davantage la force de travail et en réduisant l'absentéisme. La certification facilitait également les relations avec les communautés locales et les syndicats.

La collaboration avec des ONG et des programmes indépendants de certification a aidé les multinationale bananières a minimiser les critiques envers leurs agissements. Le plus frappant des revirement aura peut-être été celui de Chiquita, qui après avoir été la cible favorite des ONG, a développé une image en pleine évolution de compagnie responsable. Maintenant que les compagnies bananières multinationales ont commencé à produire d'une façon plus durable dans leurs plantations, les militants des droits de l'homme ont reporté leur attention vers les fournisseurs indépendants et des sociétés de commercialisation nationales jouissant d'une moindre visibilité. En 2002, Human Rights Watch, une ONG basée au États-Unis, a rendu public un rapport montrant qu'en Équateur, le travail des enfants et la répression des syndicats étaient un phénomène courant dans le secteur bananier[115]. D'après ce rapport, Chiquita, Dole et Del Monte étaient en violation de leurs propres politiques d'entreprise en s'approvisionnant auprès de producteurs qui commettaient les abus incriminés. Plus tard dans le courant de l'année 2002, la compagnie Noboa a été suspectée d'être l'instigatrice d'une agression à l'encontre de travailleurs syndiqués lors d'une grève sur l'une de ses plantations.

Certaines normes sont critiquées par les défenseurs de l'environnement au regard de leur manque d'exigence. ISO-14000, notamment, n'est qu'un système de gestion, qui laisse la compagnie libre de déterminer à sa guise ses objectifs de résultat. De toute façon, nulle étiquette n'indique que les bananes sont certifiées ISO-14001 ou BPP, et par conséquent, il est peu vraisemblable que ces certifications aient une grande influence sur les consommateurs.

6.7 Perspectives à moyen terme pour les compagnies bananières multinationales

En ce début de vingt-et-unième siècle, les compagnies bananières multinationales sont confrontées à plusieurs défis. Tout d'abord, elles vont devoir s'adapter à l'évolution du régime d'importation de bananes de la Communauté européenne. La Communauté européenne va accueillir en son sein dix nouveaux États membres d'Europe Centrale et de l'Est mi-2004, et leurs systèmes de marché en ce qui concerne les bananes, aujourd'hui d'accès libre, sera soumis à des contingents tarifaires. La Commission européenne a également dit qu'elle appliquerait un système uniquement tarifaire au plus tard en janvier 2006. En ce moment, les compagnies bananières multinationales bénéficient des rentes économiques générées par le système de contingent (appelée "rente de contingentement"). Un marché libre pourrait permettre aux compagnies bananières multinationales d'expédier de plus importantes quantités de bananes, mais les rentes de contingentement seront transformées en recettes douanières de la Communauté européenne et les prix pourraient chuter dans des proportions telles que le marché pourrait perdre de sa rentabilité.

Un second défi touche au renforcement des réglementations relatives à la sécurité des aliments dans divers pays (par exemple aux États-Unis, la loi sur le bio terrorisme, ou le règlement de la Communauté européenne sur les limites maximales de résidus), qui augmente les coûts et la charge administrative pour les compagnies produisant et commercialisant des bananes. De surcroît, la concentration dans le secteur de la vente au détail résultera vraisemblablement en des impératifs de qualité plus stricts (traçabilité et certification, par exemple) qui vont peser sur les marges de profit des compagnies bananières multinationales.

Un troisième défi concerne la chute attendue des prix de la banane dans le monde à moyen terme. La FAO estime que dans la décennie 2000, l'offre surpassera la demande, et en conséquence, il est prévu une baisse des prix d'environ 1,5 pour cent par an[116]. Les programmes nationaux et internationaux dont l'objectif est de réduire la superficie de la culture bananière et de promouvoir la diversification n'ont rencontré qu'un succès mitigé. On peut s'attendre à une concurrence exacerbée des exportateurs équatoriens à l'égard des compagnies bananières multinationales, surtout si la Communauté européenne abandonne en 2006 son système de contingent tarifaire et de licence d'importation. De plus, il est prévu que l'augmentation des importations de fruits, en hiver, en provenance de l'hémisphère sud pèse sur les bananes, et la réponse attendue des compagnies bananières multinationales consisterait en une diversification vers d'autres fruits et légumes frais, ou en la proposition d'autres variétés de bananes. Il est également attendu qu'une évolution à la fois en matière de préférences de consommation (habitude de manger au restaurant incluse) et en ce qui concerne les aliments transformés pèsent sur le prix des bananes.

L'évolution technologique a donné naissance à un quatrième défi. La réussite de Fyffes et de Dole, ainsi que les problèmes auxquels a dû faire face Chiquita dans les années 90 ont démontré qu'en cette ère de technologie de l'information et de globalisation, l'ancien paradigme de l'intégration verticale (qui a dominé dans le secteur bananier pendant presque un siècle) a perdu de sa pertinence. Dans le contexte actuel d'offre excédentaire et de faibles coûts de communication, maîtriser la production des fruits est aujourd'hui moins primordial. À la place, une stratégie de coordination verticale, par laquelle les compagnies bananières multinationales s'engagent dans des contrats à long terme avec des fournisseurs indépendants, louent (par le biais parfois d'un système de location-bail) des cargos, et maîtrisent les étapes à l'aval de la chaîne de commercialisation (l'importation, le mûrissage et la distribution) s'est avérée plus rentable. La coordination verticale permet aux entreprises de s'emparer d'une plus large portion de la valeur finale du produit, elle leur offre l'opportunité de diversifier leurs produits et elle les place sur un pied de plus grande égalité avec la grande distribution. Cependant, la plupart des études soulignent des bénéfices de plus en plus importants en faveur de la grande distribution, au détriment parfois des compagnies bananières multinationales. Quelques-uns des détaillants les plus importants s'engagent dans des contrats à long terme pour s'approvisionner auprès d'une seule compagnie bananière multinationale, à des prix que certains négociants estiment bas, introduisant une nouvelle inconnue dans l'équation de la concurrence pour les autres compagnies bananières transnationales.

Dernier aspect et non le moindre, les multinationales bananières sont encore confrontées à des problèmes d'ordre social et ont besoin de faire preuve d'un réel progrès en faveur de la durabilité environnementale et sociale. Elles ont lancé toute une série d'initiatives de certification, mais n'ont toujours pas réussi à convaincre de nombreux détracteurs que ces initiatives ont effectivement profité aux travailleurs, aux communautés locales et à l'environnement. Il se peut que les compagnies bananières multinationales doivent travailler plus étroitement avec les organisations de la société civile et les ONG afin de gagner leur confiance. Sinon, ces pressions pourraient accélérer le désengagement des compagnies multinationales de la production. Dole et Fyffes auraient l'intention de passer des accords d'expédition avec les importateurs européens de bananes du commerce équitable, ce qui montre que le progrès est en route.


[89] Des trois fondateurs de la United Fruit Company (UFC), l’un, Lorenzo Baker, était capitaine de marine, tandis qu’un autre, Keith Minor, était impliqué dans la construction d’une voie ferroviaire au Costa Rica; TG Taylor (2003); Evolution of the Banana Multinationals; In Banana Wars: the anatomy of a trade dispute; Josling, T.E. and Taylor, TG (eds); CABI Publishing, Wallingford, Royaume-Uni; pp. 67-96
[90] Rabobank (2001a) Fruit Traders in Trouble, Industry Note, numéro 002-2001, Utrecht, Pays-Bas
[91] FAO (1986) L’économie mondiale de banane 1970-1984, Rome, Italie. Chiquita (2002) Corporate Responsibility Report 2001, Chiquita Brands International, Inc., Cincinnati, États-Unis.
[92] Van de Kasteele, A. (1998) The Banana Chain: the macro-economics of the banana trade, article préparé pour le compte de l’UITA pour la Conférence Internationale sur la Banane, 1998
[93] Roche, J. (1998) The international banana trade, Woodhead publishing ltd, Cambridge, Angleterre
[94] Chambron, A.C, (2000) Straightening the bent world of bananas, Banana Link, publié par EFTA, Bruxelles, Belgique
[95] Time Magazine (2000) How to become a top banana? Numéro du 07/02/2000
[96] Roche (1998) The International Banana Trade, Woodhead Publishing Ltd, Cambridge, Angleterre
[97] Van de Kasteele, A. (1998) The Banana Chain: the macro-economics of the banana trade, papier préparé pour le compte de l’IUTA pour la International Banana Conference, 1998
[98] Dole (2001) Lettre à Charlene Barshesfky, USTR, 2 Janvier 2001
[99] Hallam, D. (1997) The Political economy of Europe’s banana trade, Université de Reading, Royaume-Uni
[100] CE(2003) L’offre de bananes dans l’Union européenne, DG AGRI/D.3, Mise à jour 2003, Bruxelles, Belgique
[101] Fyffes plc (2002) Rapport annuel 2001, www.fyffes.com
[102] FAO 1986
[103] Rabobank 2001
[104] Chiquita (2002) Rapport annuel 2001 www.chiquita.com
[105] Rabobank (2001) Strategies implemented by the top four listed fruit traders, Industry Note, numéro 011-2001, Utrecht, Pays-bas
[106] Dole est numéro un de la conteneurisation du marché américain. (voir Chapitre sur les Technologies)
[107] Farmers’ Link (1995) Just green bananas? Norwich, Royaume-Uni
[108] Kox, H. (1998) An international banana agreement to reconcile market benefits, development and ecological sustainability, Free University, Amsterdam, Pays-Bas
[109] Financial Times (2003) UN ethics guidelines may alarm multinationals, 13/08/03
[110] UNHCHR (2003) Draft norms on the responsibilities of transnational corporations and other business enterprises with regard to human rights, Geneva, www.unhchr.ch
[111] UITA (2001) IUF, Colsiba And Chiquita Sign Historic Agreement On Trade Union Rights For Banana Workers, www.iuf.org
[112] UITA (2003) IUF/COLSIBA/Chiquita Worker Rights Agreement bears fruit in Colombia and Honduras, www.iuf.org
[113] La commercialisation de bananes portant l’étiquette de produit biologique a certainement valu à Dole de gagenr une image de compagnie “ respectueuse de l’environneemnt” auprès de quelques consommateurs.
[114] Bendell, J. (2001) Growing pain?: a case study of a business-NGO alliance to improve the social and environmental impacts of banana production. New Academy of Business, Royaume-Uni.
[115] Human Rights Watch (2002), Tainted Harvest, Child labor and obstacles to organizing on Ecuador’s banana plantations, New York, États-Unis.
[116] FAO (2003) CCP: BATF 03 Projections relatives au commerce de la banane à l’horizon 2010; FAO, Rome

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