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Résumé


Les préoccupations croissantes relatives à la dégradation des terres, à l’utilisation irrationnelle des engrais minéraux, à la pollution de l’air, à la qualité du sol, à la biodiversité du sol et à la santé publique ont ravivé l’intérêt à l’égard des pratiques de recyclage des matières organiques telles que le compostage. Le potentiel offert par le compostage, qui permet de transformer les déchets de l’exploitation agricole en ressources pour cette même exploitation, se révèle être une proposition très intéressante. Le compostage présente des intérêts tels que l’amélioration de la fertilité et de la qualité du sol, provoquant ainsi une augmentation de la productivité agricole, une meilleure biodiversité du sol, une réduction des risques écologiques et un environnement plus favorable. Malgré cela, de nombreux agriculteurs, tout particulièrement dans les pays en voie de développement, ne réussissent pas à utiliser au mieux les possibilités offertes par le recyclage de la matière organique. Ces agriculteurs doivent faire face dans leur travail quotidien à diverses contraintes comme le manque de connaissance des techniques rapides et efficaces, des délais importants, un fort besoin de main-d’œuvre, de terres et d’investissement et des facteurs économiques.

Compte tenu du nombre important d’ouvrages consacrés aux méthodes de compostage, cette publication ne présente qu’un bref compte-rendu sélectif des principales approches tout en distinguant les pratiques de compostage à petite et à grande échelle. Alors que les systèmes de production à petite échelle utilisent des techniques et une infrastructure en général plus adaptées aux agriculteurs d’un point de vue technique et financier, les systèmes à grande échelle nécessitent un investissement pour des conteneurs et/ou pour le retournement, ainsi que de plus grandes connaissances et compétences pour surveiller le processus. Ainsi, les systèmes de production à petite échelle pourront aider les petits exploitants individuels avec des technologies adaptées aux circonstances spécifiques, alors que les systèmes de production à grande échelle permettront de satisfaire la demande d’un agriculteur ou d’un groupe d’agriculteurs.

La publication fait aussi une distinction entre les pratiques de compostage rapides et les traditionnelles. Cette distinction est principalement basée sur la différence entre les pratiques conventionnelles et celles ayant subi récemment des changements qui permettent d’accélérer le processus. Ces dernières impliquent l’application seule ou en combinaison de traitements tels que le broyage et des retournements fréquents, des composés minéraux azotés, des micro-organismes efficaces, l’utilisation de vers, d’organismes cellulolytiques, l’aération forcée et les retournements mécaniques.

Les méthodes traditionnelles adoptent généralement une approche basée sur la décomposition anaérobie ou sur la décomposition aérobie utilisant une aération passive par le biais de retournements limités et peu fréquents ou d’approvisionnements fixes en air tels que des bâtons ou tuyaux perforés. Ce processus prend plusieurs mois. Par contre, en utilisant les techniques récemment développées mentionnées ci-dessus, les méthodes rapides accélèrent le processus de décomposition aérobie et réduisent la période de compostage à environ 4 à 5 semaines. La plupart de ces méthodes permettent d’obtenir une température élevée donnant un produit final avec une plus grande valeur du fait de l’élimination des pathogènes et des graines d’adventices.

Les méthodes traditionnelles basées sur le compostage passif impliquent de disposer les matières en tas ou dans des fosses afin qu’elles se décomposent sur une longue période avec un minimum de retournement et de gestion. Utilisant cette approche, la méthode indienne de Bangalore utilise une décomposition anaérobie pour la majeure partie des opérations et nécessite entre 6 et 8 mois pour produire du compost. Cette méthode est principalement employée pour traiter les déchets urbains dans les pays en voie de développement. Le compostage passif des tas de fumier, utilisé dans les grandes exploitations agricoles des pays occidentaux, emploie une méthode similaire. La période active de ce processus de compostage peut prendre de un à deux ans.

Les méthodes indiennes Indore augmentent légèrement l’aération passive grâce à quelques retournements, permettant ainsi une décomposition aérobie et la production de compost dans un délai d’environ quatre mois. La méthode rurale chinoise de compostage en fosses utilise une aération passive par le biais de retournements afin d’obtenir un produit fini en deux ou trois mois. Ces méthodes sont fréquemment utilisées dans les pays en voie de développement. Bien que les besoins en main-d’œuvre soient très importants, ces méthodes n’impliquent pas de budgets considérables et ne nécessitent pas une infrastructure et des équipements sophistiqués. Les petits exploitants les considèrent comme facilement utilisables, surtout si la main-d’œuvre ne représente pas une contrainte. Cependant, le faible rendement et la longueur du processus sont les principaux inconvénients de ces méthodes.

Les méthodes rapides, telles que le compostage rapide Berkley et le compostage à chaud de l’université d’état du Nord Dakota, mettent en jeu une décomposition aérobie couplée à une série de techniques: broyage des matières premières en petits morceaux; utilisation de composés minéraux tels que le sulfate d’ammonium, les fientes de poulet et l’urine; et retournement quotidien du compost. Alors que le broyage est possible avec une assistance mécanique réduite pour de petites installations, la mécanisation pourra être nécessaire pour les applications à grande échelle. Alors que la méthode de compostage rapide Berkley demande une période active de compostage de deux à trois semaines du fait d’un retournement extrêmement fréquent, la méthode de compostage à chaud de l’université d’état du Nord Dakota peut nécessiter de quatre à six semaines.

Le processus de compostage rapide basé sur les micro-organismes efficaces (MEs) implique une décomposition aérobie, dans des fosses ou sur une surface plane, des matières premières telles que la balle ou le son de riz, la paille de riz et la bouse de vache. Cette méthode utilise les MEs comme activateurs pour accélérer le processus de décomposition. L’utilisation des MEs comme activateurs réduit la période de compostage de 12 à 4 semaines. Un exemple de méthode basée sur une culture cellulolytique est le compostage rapide développé par l’Institut des sciences biologiques aux Philippines. Ses principales caractéristiques sont les suivantes: broyage des matières organiques végétales, dépôt des matériaux broyés en andains, aération passive grâce à des conduits permettant le passage de l’air, et utilisation de champignons décomposant la cellulose (Trichoderma harzianum). Le processus prend environ quatre semaines.

La méthode des andains retournés a été utilisée dans les exploitations agricoles de grandes dimensions, tout particulièrement dans les pays développés. Les andains sont retournés périodiquement grâce à un chargeur à godet ou grâce à une machine spéciale permettant de retourner les andains. L’opération de retournement mélange les matériaux en compostage, augmente l’aération passive et offre de bonnes conditions pour la décomposition aérobie. Les opérations de compostage peuvent prendre jusqu’à huit semaines. Les andains aérés de façon passive évitent le retournement car l’air est fourni au compost via des tuyaux qui font office de conduit. La période active de compostage dure de 10 à 12 semaines.

Les méthodes d’aération mécanique forcée, telles que la technique des tas immobiles aérés, réduisent les durées de compostage de façon significative, permettent d’obtenir des tas plus larges et plus hauts, et ont besoin de moins de surface que les méthodes utilisant le retournement du fourrage et d’andains aérés passivement. Cependant, les connaissances relatives à l’utilisation de tas aérés immobiles avec les déchets agricoles sont limitées. Cette technologie est communément utilisée pour traiter les boues d’épuration urbaines. La période active de compostage dure de trois à cinq semaines.

Les méthodes d’aération mécanique forcée et de retournement mécanique accéléré telles que le compostage en conteneurs sont des systèmes commerciaux spécialement conçus, et dont les avantages potentiels comprennent: une main-d’œuvre réduite, une moindre sensibilité aux intempéries, un contrôle efficace du processus, un compostage plus rapide, de faibles exigences en surface occupée, et une bonne qualité du produit final. Parmi ces systèmes, le bac à compost et les lits rectangulaires remués ont été utilisés dans certaines grandes exploitations agricoles de pays développés. Le compostage en bacs implique: une aération forcée dans le bas du bac; un léger retournement du compost; et le transfert du compost d’un bac à un autre. Bien que l’investissement initial soit élevé et que les coûts récurrents de fonctionnement et de maintenance nécessaires au compostage en bacs puissent limiter son adoption, il existe des pratiques techniquement et financièrement abordables pour les pays en voie de développement telles que le compostage des déchets urbains en bacs aérés passivement (à Phnom Penh).

De plus, il existe une autre approche récemment introduite, appelée vermicompostage (ou lombricompostage). Le vermicompostage n’est pas un compostage en tant que tel car les matières organiques ne sont pas décomposées par les micro-organismes, mais par dégradation enzymatique via le système digestif des vers de terre. Ce sont les déjections des vers qui sont utilisées. Le vermicompostage donne un compost de haute qualité et ne nécessite pas un retournement physique du tas de compost. Afin de maintenir les conditions aérobies et de limiter l’augmentation de la température, le tas de compost doit être de taille limitée. Les températures ont besoin d’être régulées afin de favoriser la croissance et l’activité des vers. Cependant, cette approche a un rendement plus faible que d’autres méthodes rapides et le processus de compostage prend de six à douze semaines.

Dans certains cas, une combinaison des méthodes de décomposition aérobie, anaérobie et vermicompostage peut être utile pour obtenir une production plus efficace d’un compost de haute qualité. Par exemple, le compostage traditionnel peut être associé au vermicompostage. En effet, alors qu’une température élevée assure une meilleure qualité de compost grâce à la destruction des pathogènes et des graines d’adventices, les vers se chargent du retournement et de l’aération, réduisant ainsi les besoins de main-d’œuvre et d’investissement.


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