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Chapitre 4. Vermicompostage


Le terme vermicompostage (ou lombricompostage) se réfère à l’utilisation de vers de terre pour composter les résidus organiques (photographie 9). Les vers de terre peuvent consommer pratiquement tous les types de matière organique et peuvent absorber l’équivalent de leur propre poids par jour, par exemple 1 kg de vers de terre peut consommer un kg de résidus chaque jour. Les excréments (turricules) des vers de terre sont riches en nitrates, et en formes disponibles de P, K, Ca et Mg. Le passage du sol à travers les vers de terre favorise la croissance des bactéries et des actinomycètes. Les actinomycètes se développent en présence de vers de terre et leur teneur dans les déjections de vers de terre est six fois supérieure à celle du sol d’origine.

Types de vers de terre

Un tas de compost humide de 2,4 m × 1,2 m × 0,6 m de haut peut supporter une population de plus de 50 000 vers de terre. L’introduction de vers de terre dans un tas de compost permet de mélanger les matières, aérer le tas et accélérer la décomposition. Si des vers de terre sont présents, le tas peut ne pas être retourné car ceux-ci se chargent de mélanger et d’aérer. L’environnement idéal pour les vers de terre est une fosse peu profonde, mais une bonne sélection de vers de terre est nécessaire. Lumbricus rubellus (ver rouge) et Eisenia foetida tolèrent la chaleur et sont donc particulièrement utiles. Les vers des champs (Allolobophora caliginosa) et les lombrics (Lumbricus terrestris) attaquent la matière organique par en dessous, mais ces derniers ne se développent pas au cours du compostage actif, car il sont éliminés plus facilement que les autres par les températures élevées.

Les vers de terre européens (Dendrabaena veneta ou Eisenia hortensis) sont produits commercialement et ont été utilisés avec succès sous la plupart des climats. Ces vers de terre atteignent une dimension d’environ 10 à 20 cm. Le vers de terre africain (Eudrilus eugeniae), est une espèce tropicale de grande taille. Il résiste à des températures plus élevées que ne peut le faire Eisenia foetida, dans la mesure où il y a suffisamment d’humidité. Cependant, sa tolérance à la température est plus restreinte, et il ne peut survivre à des températures inférieures à 7°C. Le vermicompostage est utilisé dans de nombreux pays. Des expériences provenant de pays sélectionnés sont décrites comme études de cas.

Photographie 9
Élevage de vers de terre

ODOUL/FAO/17449

Études de cas

Vermicompostage aux Philippines

Les vers utilisés dans cette étude (FAO, 1980) ont été les suivants: Lumbricus rubellus et/ou Perionyx excavator. Ceux-ci ont été élevés et multipliés, grâce à des reproducteurs obtenus commercialement, dans des boîtes en bois peu profondes conservées dans un hangar. Les boîtes avaient approximativement les dimensions suivantes: 45 cm × 60 cm × 20 cm, et étaient dotées de trous de drainage. Elles étaient conservées sur des étagères et disposées en rang et sur différents niveaux.

La litière était composée de divers résidus organiques tels que sciure de bois, paille de céréales, balle de riz, bagasse et carton, bien humidifiés avec de l’eau. Le mélange humide a été conservé pendant environ un mois, recouvert par un sac humide afin de minimiser l’évaporation, et a été mélangé plusieurs fois minutieusement. Une fois la fermentation achevée, des fientes de poulet et des déchets verts, comme les feuilles de leucaena ou de jacinthe d’eau, ont été ajoutés. Les matières ont alors été disposées dans des boîtes. Les matériaux n’étaient pas compactés afin de permettre aux vers de creuser et conservaient l’humidité. Les proportions des différentes matières ont varié selon la nature des composants, mais l’objectif était d’atteindre une teneur finale en protéines d’environ 15 pour cent. Une valeur de pH aussi neutre que possible était nécessaire et les boîtes ont été gardées à une température variant entre 20 et 27°C (à des températures plus élevées, les vers entrent en estivation; à des températures plus basses, ils hibernent).

Bien que les vers soient capables de se nourrir de la litière, ils ont été régulièrement alimentés à ce stade: chaque kilogramme de vers de terre a reçu 1 kg de nourriture chaque 24 heures. Pour 0,1 m2 de surface, 100 g de vers reproducteurs ont été ajoutés aux boîtes. Les aliments incluaient les fientes de poulet, le leucaena et les déchets végétaux. Dans une exploitation agricole, la jacinthe d’eau a été spécialement cultivée et utilisée fraîche (hachée) comme unique source d’alimentation. Certaines formes de protection ont été nécessaires vis-à-vis des prédateurs (oiseaux, fourmis, sangsues, rats, grenouilles et mille-pattes).

Procédure de compostage

Des séries de fosses de 3 m × 4 m (le nombre dépend de l’espace disponible) ont été creusées à approximativement 1 m de profondeur, avec des parois inclinées. Des tiges de bambous ont été disposées en une rangée parallèle à la base de la fosse et recouvertes avec un treillis composé de bandes de bois. Ceci permettait le drainage nécessaire compte tenu du fait que les vers n’auraient pas pu survivre dans un environnement engorgé.

Les fosses ont été bordées de vieux sacs d’aliments afin d’éviter aux vers de s’échapper dans les sols environnants mais aussi pour permettre de drainer le surplus d’eau. Les fosses ont alors été remplies de résidus agricoles organiques comme de la paille et autres résidus de récolte, du fumier animal, des adventices et des feuilles. Les fosses ainsi remplies ont été recouvertes de sol non compacté et l’humidité a été conservée pendant environ une semaine. Un ou deux emplacements au sommet du tas ont été bien arrosés et les vers provenant des boîtes de reproduction ont alors été placés au sommet du tas. Ils se sont alors immédiatement enfoncés dans le sol humide.

Afin de récolter les vers présents dans la boîte, les deux tiers de celle-ci ont été vidés dans une autre boîte tapissée de feuilles de bananier ou de vieux journaux. La boîte d’origine a alors été remplie de litière fraîche et les vers restants se sont multipliés de nouveau. Les vers retirés de la boîte ont été ramassés à la main et ajoutés au tas.

Les fosses à compost ont été laissées pendant une période de deux mois. Idéalement, de telles fosses devraient être gardées à l’abri du soleil et toujours humides. Au bout de deux mois, environ 10 kg d’excréments sont produits par kilogramme de vers. Les fosses sont alors creusées des deux tiers aux trois quarts, et la plupart des vers sont retirés à la main ou tamisés. Ainsi, suffisamment de vers restent dans la fosse pour un nouveau compostage, et la fosse peut être ainsi remplie avec de nouveaux résidus organiques frais. Le compost est séché au soleil et tamisé pour produire un matériel de bonne qualité, avec une composition type représentant: matière organique, 9,3 pour cent; N, 8,3 pour cent; P, 4,5 pour cent; K, 1,0 pour cent (soluble dans l’eau); Ca, 0,4 pour cent; et Mg, 0,1 pour cent.

Le surplus de vers cultivés dans les fosses est alors utilisé dans d’autres fosses, vendus à d’autres agriculteurs à des fins identiques, utilisés ou vendus en tant que complément d’alimentation animale ou comme aliment pour poisson ou utilisés pour certaines préparations culinaires.

Vermicompostage à Cuba

A Cuba, différentes méthodes sont utilisées pour la propagation des vers et le vermicompostage (Cracas, 2000).

Rangées de bacs à vers

La méthode la plus courante utilise des bacs en ciment (60 cm × 180 cm) pour élever des vers et créer du compost avec les vers de terre. En raison du climat, ces bacs sont arrosés d’eau chaque jour. Dans ces bacs, le seul aliment pour les vers est le fumier. Celui-ci est mûri pendant environ une semaine avant d’être ajouté au bac. En premier lieu, une couche de 7,5-10 cm de fumier est disposée dans le bac vide, et les vers sont alors ajoutés. Au fur et à mesure que les vers consomment le fumier, une couche supplémentaire de fumier est ajoutée, environ tous les dix jours jusqu’à ce que le compost soit à environ 5 cm du haut du bac (environ deux mois). Les vers sont alors séparés du compost et transférés dans un autre bac.

Andains

Une autre méthode de vermicompostage est l’andain. Du fumier de vache est entassé sur environ 90 cm de large et 90 cm de haut et des vers sont alors ensemencés. Au fur et à mesure que les vers passent au travers du compost, du fumier frais est ajouté à l’extrémité de l’andain, et les vers avancent ainsi. Les andains sont recouverts de frondes ou de feuilles de palmier afin de les conserver à l’abri de la lumière et au frais. Certains de ces andains ont un système de goutte à goutte (un tuyau percé de trous passant à côté des andains) mais la plupart sont arrosés à la main. Certains de ces andains s’étalent sur des dizaines de mètres de longueur. Le compost est rassemblé à l’extrémité opposée une fois que les vers ont avancé. Il est alors emballé et vendu. Le fumier frais, ensemencé de vers, initie un andain et le processus reprend. Certains andains sont entourés de briques, mais la plupart sont de simples tas de fumier sans murs ou protections. Le fumier est composté de façon statique pour 30 jours, et est alors transféré aux andains pour que des vers y soient ajoutés. Après 90 jours, les tas atteignent une hauteur d’environ 90 cm. Les andains sont aussi utilisés pour composter les balles de riz et la bagasse (la bagasse est ce qui reste une fois terminé le processus de traitement de la canne à sucre), mais cette dernière est mélangée avec du fumier animal. De petits morceaux de nourriture sont quelquefois ajoutés aux lits de vers de terre.

Vermicompostage en Inde

Cette approche (Jambhhekar, 2002) utilise les matières suivantes: des vers reproducteurs, un lit en bois et des déchets organiques. Le lit devrait avoir la longueur désirée et environ 75 cm de haut sur 120 cm de large. Les vers devraient être appliqués partout où sont présents les déchets. Les autres étapes du processus sont les suivantes:

Le compost est prêt un mois plus tard. Il est noir, granuleux, léger et riche en humus. Afin de faciliter la séparation des vers du compost, l’arrosage devrait cesser deux à trois jours avant que les lits ne soient vidés. Ceci pousse environ 80 pour cent des vers à se déplacer vers le fond du lit. Les vers restants peuvent être retirés à la main. Le vermicompost est alors prêt à être utilisé.

Certains producteurs ont opéré des modifications, par exemple en rendant le sol imperméable aux fuites et en offrant de l’ombre afin d’assurer une régulation de la température et une protection contre l’accumulation d’eau lors de la saison des pluies. Bien que ceci provoque un coût supplémentaire, l’efficacité améliorée du vermicompostage et le taux de croissance accéléré des vers terre compensent largement ces coûts additionnels.

Le surplus d’eau, qui risque de s’écouler en lessivant les extraits de vers de terre, est également recueilli sur le revêtement de sol en béton et est remis en circulation. Ceci garantit une teneur élevée en azote dans le produit fini et également une meilleure qualité en raison de la préservation des extraits de vers de terre. Les étapes de ce processus sont:

Amélioration de la production de vermicompost

La production de vermicompost, utilisant des vers épigés tels que Eisenia foetida, Lumbricus rubellus et Eudrilus eugeniae, peut être efficacement améliorée en ajoutant aux déchets organiques utilisés pour le vermicompostage de l’urine de vache. De l’urine non diluée peut être utilisée pour humidifier les déchets organiques au cours de la période préliminaire de compostage (préalablement à l’addition de vers). Après le début de l’activité des vers, l’urine peut être diluée avec une quantité équivalente d’eau. Aucun problème n’a été observé suite à l’utilisation quotidienne d’urine de vache diluée pour humidifier le lit de vermicompost. Cette simple technique peut produire un vermicompost ayant une teneur azotée plus élevée. De plus, il a été découvert que les vers deviennent très actifs et le vermicompost peut être récolté une dizaine de jours en avance.

Intégration du compostage traditionnel au vermicompostage

Les problèmes associés au compostage thermophile traditionnel ont traits: à la longueur du processus, au retournement fréquent des matières, à la réduction de la taille des matières pour augmenter la superficie, à la perte d’éléments nutritifs lors du processus prolongé, et au produit hétérogène obtenu. Cependant, le principal avantage du compostage thermophile est incarné par le fait que les températures atteintes lors du processus sont suffisamment élevées pour une élimination satisfaisante des pathogènes.

Lors du vermicompostage, les vers de terre permettent aussi bien de retourner que de conserver le matériel dans des conditions aérobies, réduisant par la même occasion le besoin d’opérations mécaniques. De plus, le produit obtenu (vermicompost) est homogène. Cependant, la température atteinte n’étant pas suffisamment élevée pour éliminer les pathogènes de façon acceptable représente le principal inconvénient du processus de vermicompostage. Alors que la température atteinte dépasse les 70°C lors du compostage thermophile traditionnel, au cours des processus de vermicompostage, la température doit être maintenue à moins de 35°C.

Une étude a examiné la possibilité d’intégrer le compostage traditionnel thermophile et le vermicompostage (Ndegwa et Thompson, 2001). Les caractéristiques de chacun des deux processus ont été combinées afin d’améliorer l’ensemble du processus ainsi que les qualités du produit. Les deux approches examinées dans cette étude ont été les suivantes: (i) pré-compostage suivi du vermicompostage; (ii) pré-vermicompostage suivi du compostage. La durée de chacune des opérations combinées, à savoir le compostage et le vermicompostage, a été de quatre semaines. Une comparaison a été établie dans le cas de figure où il n’y a eu que le vermicompostage (durée: 56 jours). Les résultats ont indiqué que la combinaison des deux processus réduit le temps de stabilisation et améliore la qualité du produit. De plus, le produit obtenu est plus stable et homogène, a un impact potentiel moins important sur l’environnement, et répond aux exigences de réduction du nombre de pathogènes.


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