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Comment procéder: le matériel et les méthodes de transformation au village


L'entreposage du grain

Il est important de choisir un contenant hermétique, qui empêche les rats et les insectes de passer, et dans lequel les récoltes peuvent être entreposées pendant un minimum de neuf mois. Les silos de bonne qualité sont en acier galvanisé, généralement importé, ce qui représente un investissement important. Mais les économies ainsi réalisées permettent de rembourser l'emprunt plus rapidement grâce à la vente du grain excédentaire. Après remboursement, l'excédent devient générateur de profit. Les communautés ont, pour la plupart, imaginé un système d'entreposage, mais les pertes causées par les rats et les insectes nuisibles sont généralement considérables. En Inde, on estime les pertes à plus de 50 pour cent des récoltes. Cette estimation est difficile à prouver mais l'auteur affirme avoir vu des silos entiers pleins de grain endommagé. Les avantages d'un système d'entreposage efficace sont énormes. Même l'utilisation de silos de fabrication locale améliorée, munis de garde-rats faits de grillage de basse-cour recouvert de boue, ou mieux de ciment, pourrait apporter une amélioration considérable à la conservation des récoltes.

FIGURE 5 Un silo à grains amélioré fabriqué à l'aide de matériaux locaux au Malawi.

On peut fabriquer des petits silos avec des anciens barils à pétrole de 200 litres de capacité. Ils sont particulièrement utiles pour entreposer les quantités de semences nécessaires à la prochaine campagne de semis. Un couvercle hermétique empêche l'eau et les insectes d'entrer. D'autres silos sont entièrement fabriqués à partir de matériaux locaux. De la boue appliquée sur un tissage de bâtons souples et séchée au soleil permet de fabriquer un réservoir à grains très efficace dans une grande variété de modèles locaux. Certains sont plus efficaces que d'autres, et il y a tout avantage à partager le savoir concernant les techniques les plus rentables.

FIGURE 6 Une presse à levier de type Bielenberg extrait l'huile des graines hybrides de tournesol au Zimbabwe.


FIGURE 7 Le malaxage traditionnel des fruits du palmier à huile pour en extraire l'huile après traitement à la vapeur, dans un village du Bénin.

L'extraction de l'huile

Au cours des dernières années, des progrès énormes ont été accomplis dans le domaine de l'extraction de l'huile des graines d'arachides, de tournesol et de palmier. Les procédés traditionnels de transformation de ces graines - pilonnage, torréfaction ou malaxage - sont fastidieux et inefficaces. La presse à levier de type Bielenberg, de fonctionnement manuel qui remplace les autres procédés, est une option intéressante. Elle permet à son opérateur de produire 2 à 3 litres d'huile à l'heure à partir du tournesol, du coprah, du sésame, et plusieurs autres types d'oléagineux. Il importe de noter que cette machine est fabriquée dans les pays en développement et qu'elle donne de bons résultats en Afrique de l'Est et dans d'autres régions. A une échelle villageoise légèrement plus grande, un groupe d'agriculteurs peut envisager d'acheter, d'alimenter et d'exploiter une presse à vis motorisée dont le rendement pour les mêmes oléagineux est de 15 litres à l'heure pour un travail manuel minime. Après un filtrage soigné, il est même possible d'utiliser l'huile ainsi pressée pour actionner le moteur diesel.

FIGURE 8 Le lavage traditionnel de l'huile après le malaxage.


FIGURE 9 La sélection des fruits pour l'extraction de l'huile de palme à grande échelle au Bénin.

L'huile de palme est traditionnellement obtenue par ébullition, malaxage et lavage. Le procédé de pressurage à vapeur avec une presse à vis manuelle est une option plus simple. Beaucoup de ces machines sont disponibles et fabriquées dans les ateliers ruraux de nombreuses régions tropicales humides. En ce qui concerne les arachides, les meilleurs résultats sont obtenus avec la presse à cric, après que les grains aient été grossièrement écrasés, humidifiés et torréfiés. C'est une machine simple qui produit jusqu'à 3 litres d'huile à l'heure.

Figure 10 L'extraction de l'huile de palme à grande échelle au Bénin, à l'aide d'une presse à vis.

L'usinage du riz

Le riz, première denrée en Asie, peut être entreposé non usiné jusqu'à ce qu'on en ait besoin. Au moment de la consommation, on utilise un décortiqueur qui sépare le grain de l'enveloppe et le polit. Ce système permet à la machine d'être en marche toute l'année, tant que les stocks de riz non usiné sont disponibles. Comme la transformation traditionnelle du riz ne concurrence pas vraiment le procédé mécanique, les propriétaires de décortiqueurs n'affectent pas l'équilibre local de l'emploi mais ils peuvent affecter les habitudes alimentaires. Il existe différents types de décortiqueurs. En fonction des préférences nationales, on choisit le décortiqueur à meule en pierre, le décortiqueur à rouleaux de caoutchouc ou le décortiqueur Engelberg. Le choix dépend souvent de l'information existante, de l'expérience et de la possibilité de trouver facilement de l'aide en cas de problèmes. Par exemple, le décortiqueur à meule en pierre qui est très populaire dans le sous-continent indien est pratiquement inconnu en Afrique; il y a cependant de fortes pressions pour l'adoption du décortiqueur à rouleaux de caoutchouc, qui meurtrit moins le grain. Au-delà des préférences ou des contraintes, l'auteur recommande le modèle Engelberg comme décortiqueur le mieux adapté à l'échelle villageoise. Il est de coût relativement abordable, robuste et facile à réparer. Il possède peu de pièces mobiles susceptibles de s'user et il produit un riz de qualité satisfaisante. Les compétences nécessaires au maniement et à l'entretien de la machine peuvent être acquises rapidement. En revanche, seules les machines de faible capacité et d'usage domestique sont manuelles; les autres fonctionnent au diesel, et sont trop chères pour certains villages. Etant donné qu'un décortiqueur à moteur coûte environ 3 000 dollars EU, ce qui représente une somme importante pour un agriculteur de subsistance, c'est un achat qui doit être soigneusement planifié.

FIGURE 11 L'étuvage du riz dans des réservoirs en ciment au Sri Lanka.

D'une façon générale, ce sont davantage les agriculteurs qui tendent à acheter un décortiqueur. Ils possèdent le riz brut, non usiné; ils réalisent la valeur qui s'y ajoute après usinage du grain et peuvent facilement installer le matériel dans leur exploitation. Ils aménagent un petit local et peuvent engager de la main d'œuvre ou un membre de la famille pour actionner la machine. Ils peuvent transférer certaines de leurs activités existantes pour se consacrer davantage au décorticage qui nécessite des compétences techniques et gestionnaires. La plupart des agriculteurs préfèrent gérer eux-mêmes la machine en raison de l'investissement important qu'elle représente pour eux.

Ultérieurement, des installations d'étuvage, de séchage, de nettoyage ou de polissage du riz usiné peuvent être associées à l'entreprise pour ajouter de la valeur au produit fini. A ce stade, le riz peut être vendu directement sur le marché du détail; le riz non usiné est principalement acheté par les négociants intermédiaires.

FIGURE 12 Un décortiqueur à rouleaux de caoutchouc au Libéria

L'usinage du maïs

Le broyeur à maïs qui produit la farine fine est probablement la machine de transformation la plus largement adoptée en Afrique, pour les avantages évidents qu'elle présente par rapport au pilon et à la meule. Les moulins à grains sont actionnés manuellement, mais il est facile de les motoriser, permettant ainsi de réaliser une économie d'effort physique non négligeable. Les procédés manuels les plus efficaces, tout en étant néanmoins laborieux, sont le moulin à meules verticales ou le broyeur en pierre, qui produisent un rendement de l'ordre de 5 kg de farine grossière à l'heure ou 1 kg de farine fine. Le plus petit broyeur à marteaux muni d'un moteur diesel de 3 kW produit environ 150 kg de farine grossière à l'heure, ou 50 kg de farine fine. L'économie de main d'œuvre est immense. La semoule passe à travers un tamis dont les mailles égales garantissent une qualité constante; en revanche, la farine préparée manuellement est de qualité variable. Le moulin à meules verticales et le moulin à marteaux sont les deux choix principaux de machines. Le plus connu des deux est le moulin à marteaux, qui est disponible également en grand modèle si besoin est; il en existe une version économique de fabrication locale dont les pièces de rechange sont facilement remplaçables, bien que certaines d'entre elles doivent être importées. Le moulin à meules verticales a une puissance maximale de 7 kW. La machine entière doit être importée, et même les pièces de rechange sont difficiles à fabriquer. Le choix du moulin dépend essentiellement des disponibilités et des préférences locales. Le moulin à meules verticales peut moudre les produits humides et secs; le moulin à marteaux ne traite que les produits secs. Les deux machines peuvent moudre une grande variété de matériaux, ce qui offre à l'entreprise la possibilité d'élargir ses activités.

FIGURE 13 Un moulin à meules verticales de fabrication locale, utilisé pour le traitement des produits secs et humides, au Nigeria.

Les nettoyeurs à grains

Il est plus facile de nettoyer les grains mécaniquement que manuellement. Les plateaux perforés ou les tamis en treillage métallique ne sont pas fabriqués localement, mais on peut les importer à moindre coût et ils garantissent un produit bien calibré. Les noix, les graines, les céréales, le café, les épices et divers types d'aliments fragmentés ou extrudés se prêtent bien au nettoyage mécanique. Beaucoup de modèles de nettoyeurs sont équipés d'une vanneuse qui ventile les matériaux légers, comme la balle et la poussière, à l'aide d'un courant d'air qui circule pendant le tamisage. Le rendement du plus petit nettoyeur motorisé de 3 kW est d'environ 5 tonnes à l'heure.

Le matériel de transformation du manioc

La transformation du manioc se prête bien à la mécanisation, notamment en ce qui concerne la production de certains produits comme les copeaux de manioc séchés, l'amidon et le gari. Le gari est un aliment très prisé en Afrique de l'Ouest et en Amérique du Sud où il est connu sous le nom de farinha de mandioca. Les copeaux sont produits à l'aide d'une machine à réduire en copeaux, qui consiste normalement en une grande roue verticale munie de dents grossières ou de lames grâce auxquelles le tubercule du manioc est réduit par pression en morceaux de la taille voulue qui sont ensuite séchés. Il s'agit d'une machine simple, souvent de fabrication locale, et de fonctionnement manuel, à pédale ou à moteur.

Il existe aussi des machines à produire le gari. Le manioc est lavé, épluché, râpé, fermenté, pressé pour en éliminer l'eau, torréfié, tamisé et emballé. Une gamme d'outils et de matériel simples permet de multiplier considérablement le rendement. Les particules de terre sont éliminées par lavage des tubercules dans des bacs en ciment traversés par de l'eau courante. Même dans les usines plus importantes, les tubercules sont toujours nettoyés à la main. Il faut veiller à ce que les tables et les sièges de travail soient à la bonne hauteur et que l'approvisionnement en tubercules et le déblaiement des épluchures soient réguliers.

Le couteau qui sert à éplucher les tubercules doit être tranchant et de taille moyenne, muni d'un bon manche, suffisamment solide pour supporter le mouvement de torsion constant nécessaire pour faire levier dans l'écorce épaisse. Les tubercules épluchés sont lavés une seconde fois afin d'éliminer toute salissure due à l'épluchage, bien que ce ne soit pas absolument nécessaire. Les tubercules épluchés subissent ensuite une des nombreuses techniques de râpage pour être transformés en pâte de bonne qualité. Parmi les techniques de râpage, il y a celles du moulin à marteaux motorisé d'usage courant, des râpeuses à tambour de fabrication locale ou même des râpes à main. La pâte ainsi obtenue fermente pendant trois à cinq jours dans des contenants anticorrosion comme les sacs en polyéthylène, les fûts en fibres de verre, les coffres en bois ou les cuves en acier inoxydable; le type de contenant choisi affecte le coût de l'investissement, mais quel qu'il soit, le produit final est de qualité quasi égale.

FIGURE 14 Une râpeuse à manioc de fabrication locale au Nigeria.

On presse ensuite la pâte pour en éliminer l'eau. Au niveau du village, c'est un procédé bon marché basé sur un système de simple levier à base de cordes et de poutres en bois, ou plus sophistiqué comme la presse à vis ou la presse hydraulique. Ces dernières sont généralement fixées sur un vérin de camion, et sont par conséquent d'utilisation facile et de prix abordable. La pâte de manioc obtenue par pressage se présente sous la forme d'un gâteau dont la teneur en eau est d'environ 50 pour cent et qu'il faut ensuite émietter. Pour ce faire, on utilise des cribles, des bâtons ou de simples racloirs avant de le torréfier dans un rôtisseur pour préparer et sécher le gari. L'amidon se gélatinise au cours du processus et se transforme en une poudre dure et sèche qui peut être entreposée pour un maximum d'un an.

FIGURE 15 Une machine à bac large pour la fabrication du gari à l'échelle villageoise au Nigeria.

Le rôtissage peut être réalisé dans un petit bac ou un plat d'usage domestique, mais même les plats plus grands sont facilement maniables. A l'échelle villageoise, des plats à rôtir de 2 à 3 m de long montés sur des blocs de ciment au-dessus du feu forment un transformateur à gari de grande taille et facile à gérer. Le même plat peut servir au séchage en balayant la poudre vers la partie du plat la moins chaude. Ces grands plats permettent de produire jusqu'à 500 kg de gari par jour.

Les décortiqueurs à noix de cajou

La noix de cajou est un produit de valeur qui se prête bien à la transformation à l'échelle villageoise, malgré les contraintes liées au rendement de la transformation. En Inde, le marché de la transformation manuelle est en majeure partie fermé. La compétence et la rapidité des transformateurs indiens et le coût modique de la main d'œuvre en font un marché difficilement pénétrable; il arrive que des noix produites en Afrique soient exportées en Inde à l'état brut pour y être décortiquées. Les noix de cajou présentent une coquille épaisse qui contient un liquide collant, plutôt répugnant, qui a lui-même une certaine valeur. Pour décortiquer les noix brutes, on se sert de petits outils manuels. Après rôtissage de la coquille remplie de liquide, on l'ouvre en la cassant. On se sert généralement d'un petit maillet, qui donne un rendement de l'ordre de 10 noix par minute. Environ 75 pour cent des noyaux restent entiers et leur valeur est supérieure à celle des noyaux cassés. Outre le maillet, il existe un système de chaîne automatisée où les noix sont guidées et maintenues avec une pince pendant qu'un couteau exerce une torsion pour les fendre et libérer le noyau; d'autres options existent, mais elles n'ont pas encore été commercialisées. Les noix de cajou offrent la possibilité d'introduire une culture marchande à rapport intéressant au niveau du village, à moindre investissement.

L'approvisionnement en noix de cajou brutes est quelque peu irrégulier, ce qui est sans grandes répercussions sur un village, mais une mauvaise récolte pourrait néanmoins entraîner la faillite d'une usine qui aurait investi dans du matériel automatisé sophistiqué et serait obligée de continuer à rémunérer son personnel.


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