Les contraintes subies par les transformateurs daliments à petite échelle sont multiples mais les trois plus importantes sont 1) lapprovisionnement en matières premières et la planification de la production; 2) le matériel demballage; 3) la distribution et les ventes.
En raison dun nombre de problèmes particuliers, la transformation des aliments est une entreprise qui diffère des autres entreprises industrielles. Par exemple, la composition et le rendement des cultures et de lélevage varient selon les variétés, les conditions climatiques et pédologiques, les intempéries, les dégâts causés par les animaux nuisibles et les effets des maladies. Beaucoup de matières premières se détériorent rapidement après la récolte ou labattage à moins dêtre immédiatement transformées (tableau 7). Certaines sont saisonnières et ne peuvent être transformées que pendant une partie de lannée. Chacun de ces facteurs rend les approvisionnements imprévisibles et entraîne des variations importantes de la qualité et du coût des matières premières. Il en résulte que la planification en matière de finances et de production devient plus difficile.
Les transformateurs doivent planifier convenablement la production pour éviter que des retards dans la transformation nentraînent la dégradation des aliments. Beaucoup de transformateurs nont pas les compétences et les connaissances nécessaires pour assurer la disponibilité journalière des intrants de production. Labsence dun ingrédient, le manque de personnel ou la panne dune machine due à un entretien insuffisant sont autant de causes de retard et de perte de production qui peuvent conduire lentreprise à léchec. Dans certaines régions, la pénurie de carburant est la contrainte majeure; dans dautres, ce sont les pénuries saisonnières deau qui perturbent les activités de transformation. Certains aliments transformés font aussi lobjet dune demande saisonnière (par exemple, les aliments servis aux fêtes et aux cérémonies, ou ceux qui sont consommés à certaines périodes de lannée) ce qui complique davantage la planification et le fonctionnement des entreprises de transformation des aliments.
TABLEAU 7 Détérioration des aliments
Type daliments |
Vitesse de détérioration et durée maximum dentreposage |
Produits animaux (viande, poisson, lait). |
Très rapide: quelques heures. |
Légumes feuilles (laitue, quelques herbes et choux) |
Rapide: de 24 à 48 heures. |
Fruits fragiles (groseilles, fraises) |
Rapide: de 24 à 48 heures. |
Fruits durs (pommes, agrumes, ananas, bananes) |
Lente: des jours ou des semaines |
Racines et tubercules (ignames, pommes de terre, manioc). |
Lente: des jours ou des semaines. |
Graines (épices, céréales, noix, oléagineux). |
Très lente: des mois ou des années sils sont séchés. |
(Source: Fellows and Axtell, 2001).
Lemballage sert à contrôler la durée dentreposage de certains produits, mais dans la plupart des pays en développement, le manque de film en plastique, de pots, de bocaux, de bouteilles, de cartons, etc. est une des contraintes les plus difficiles à gérer par les transformateurs daliments à petite échelle. Les matériaux demballage traditionnels comme les feuilles et les pots en terre noffrent pas la même efficacité que les contenants en plastic, en métal ou en verre et les acheteurs tendent à les percevoir comme étant de moins bonne qualité ou moins attrayants. Pour des raisons de commercialisation, il est important que les petits transformateurs utilisent des emballages plus attractifs pour concurrencer les gros producteurs ou les produits importés.
Après transformation, la durée de conservation des produits transformés peut varier de quelques jours à plusieurs mois ou années. Ceci, ajouté à létat des routes et à la disponibilité et au coût du transport permet de déterminer létendue de la zone de distribution du produit transformé. Les produits qui doivent être transportés et entreposés réfrigérés ou congelés ne conviennent pas à la transformation villageoise dans les pays où il est difficile de mettre en place et de gérer la chaîne de froid du circuit de distribution. Certains problèmes sont dus au fait que les transformateurs ont peu demprise sur les activités des détaillants et autres acheteurs. Les produits sont parfois mal présentés, ou proposés à la vente après leur date de péremption; ils peuvent être entreposés dans de mauvaises conditions, ce qui accélère la détérioration, ou bien les acheteurs ne payent pas à temps, ce qui posent des problèmes de liquidités aux transformateurs. Les producteurs doivent par conséquent être prudents à légard des vendeurs de leurs produits et les inciter à en prendre soin et à en faire la promotion.
Les autres contraintes qui pèsent sur les transformateurs daliments à petite échelle sont les contraintes intrinsèques - cest à dire qui sont du ressort de lentreprise:
le manque de capitaux pour lexpansion, linefficacité de la gestion financière;
létude de marché incomplète ou la connaissance insuffisante des concepts de commercialisation;
des compétences insuffisantes dans le domaine des entreprises, des ventes et de la négociation;
labsence de réseaux pour les fournisseurs et les détaillants;
la connaissance insuffisante des exigences des consommateurs en matière de qualité, le manque dhygiène et de contrôle de la qualité;
la connaissance insuffisante des perspectives de diversification du produit.
Quant aux contraintes extrinsèques - c'est-à-dire qui ne sont pas du ressort de lentreprise - elles comprennent:
linsuffisance de linformation concernant les différentes technologies, le manque de matériel de production chez les forgerons locaux;
le soutien insuffisant de la part des institutions de recherche et le manque dadaptation des cours de formation dispensés par les institutions denseignement;
peu dinfluence sur les services fournis par les organismes de soutien ou les employés de terrain du gouvernement;
le coût élevé du financement des petits prêts, lexigence des titres de propriété comme garanties des prêts;
la mauvaise coordination entre les institutions gouvernementales et les ONG et les politiques gouvernementales conflictuelles (par exemple, en matière de taxation vis-à-vis de la promotion des petites entreprises).
ÉTUDE DE CAS 6 Aide dune agence de développement Les produits de boulangerie sont de plus en plus appréciés des populations rurales de Malawi, où le marché a été sous la domination de quelques grandes boulangeries industrielles des grandes villes. Toutefois, le ravitaillement des zones rurales est irrégulier et insuffisant. Depuis 1989, le Development of Malawi Traders Trust (DEMATT) crée des boulangeries à petite échelle, progressistes et bien structurées, dans les zones rurales à travers le pays, et dont les résultats sont encourageants. Il assure la formation relative à la fabrication des petits pains, du pain et des gâteaux, à la planification de la production, au contrôle de la qualité, à létablissement des coûts et des prix, à la comptabilité, à la gestion des affaires, à la promotion et la commercialisation. Il introduit des fours à bois à faible consommation fabriqués avec les matériaux disponibles localement grâce à lexpertise existante dans les zones rurales. Les boulangeries produisent entre 80 et 100 pains et 150 petits pains par jour dans les petits fours, et entre 800 et 1000 pains par jour dans les fours plus grands. A ce jour, 33 particuliers et un groupe de femmes ont créé une nouvelle boulangerie. Les principaux problèmes rencontrés concernent les pénuries de farine et des autres ingrédients et le prix contrôlé du pain. Les boulangeries industrielles ont des coûts à lunité plus bas parce quelles achètent en grande quantité, à des prix inférieurs. Les boulangers ruraux ont des coûts plus élevés en raison des frais de transport et de leurs achats en plus petite quantité, ce qui réduit considérablement leur marge bénéficiaire. DEMATT a demandé aux fournisseurs de vendre les ingrédients aux boulangers en tant que groupe plutôt quindividuellement, donc à un meilleur prix. Les autres facteurs qui contribuent au succès des boulangeries rurales sont le coût peu élevé de linvestissement de départ, de lordre de 46 à 460 dollars EU par boulangerie, la forte demande pour les produits fabriqués, et les fours dont lefficacité permet de réduire les frais de combustible. (Source: Makoko, 1994) |
Contrairement aux sociétés officielles et plus grandes et aux conglomérats internationaux, la plupart des petites entreprises de transformation des aliments ont une influence politique limitée et ne bénéficient pas du soutien gouvernemental (comme les subventions, les allocations de change, les politiques de garantie des prix ou laccès aux experts-conseils des institutions gouvernementales). Certaines dentre elles adhèrent à des associations pour augmenter leur pouvoir économique et leur force de négociation. Dautres cherchent lassistance financière ou technique extérieure des agences de développement, des associations commerciales ou des institutions gouvernementales pour pouvoir résoudre leurs problèmes individuels (étude de cas 6). En Asie du Sud et notamment en Inde, les petites entreprises alimentaires sont activement soutenues par le gouvernement central depuis de nombreuses années et il existe des centaines de milliers dentreprises rurales prospères.