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INTRODUCTION


Le pays imaginaire - le Southland - décrit ici, est un pays se trouvant dans la tranche inférieure des pays à revenu moyen. Son histoire économique et sociale montre un progrès irrégulier. Depuis l’indépendance jusqu’aux années 90, l’étatisme a constitué un des traits fondamentaux de l’économie. Cependant, à partir des années 80, le taux de croissance économique a décliné alors que les conditions macroéconomiques devenaient moins stables, se traduisant par une croissance du déficit de la balance des paiements, la hausse de l’inflation, la dévaluation du taux de change, la chute des dépenses publiques réelles et, en particulier, la diminution des investissements. Tout au long des années 80 et jusqu’au début des années 90, l’impression prédominante était que la qualité des services offerts par l’état aux populations tant rurales qu’urbaines se détériorait, et que le gouvernement n’arrivait pas à entretenir les infrastructures publiques (routes, chemins de fer, périmètres d’irrigation et infrastructures de santé et d’éducation, etc.) d’une manière satisfaisante. Plus préoccupant, les progrès faits sur le front de la réduction de la pauvreté au cours des décennies précédentes paraissaient compromis alors que la consommation alimentaire par habitant suivait une tendance négative. Les moyens d’existence en zone rurale souffraient de la stagnation de l’agriculture familiale et de l’absence d’un autre moteur de croissance. Enfin, plus inquiétant encore, le VIH/SIDA gagnait régulièrement du terrain dans la population. Ainsi, on évaluait à environ 9,5 pour cent le taux de séropositivité en 2000, et l’on estime qu’entre 15 et 20 pour cent des décès peuvent aujourd’hui être attribués au SIDA.

Au début des années 90, un débat s’était instauré sur les causes structurelles de la détérioration des résultats obtenus dans les domaines du développement et de la réduction de la pauvreté. Un courant de pensée critique, connu sous le nom de «Courant pro-globalisation» (CPG) était énergiquement soutenu par les agences externes telles que Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) desquelles le Southland était devenu dépendant pour l’obtention de soutiens financiers à des conditions favorables. Le courant CPG avait aussi des sympathisants parmi une minorité, encore limitée mais en constante augmentation, de l’élite nationale. L’essence de la solution proposée par le CPG peut se résumer en quelques points: libéralisation du commerce et de l’économie nationale; privatisation et réduction du rôle de l’état dans les secteurs productifs et dans la provision de services; encouragement à l’Investissement direct étranger (IDE); et orthodoxie macroéconomique pour vaincre l’inflation et, par ce biais, renforcer la confiance des investisseurs et l'efficacité de l’allocation des ressources. Un thème transversal plaidé par le courant CPG était celui de la «réforme institutionnelle», non pas simplement pour réduire le rôle de l’état, mais pour le rendre plus apte à répondre aux besoins de la société - notamment par la décentralisation, le renforcement de la démocratie et une coopération plus étroite avec les organisations de la société civile - et à faire face à de nouveaux défis tels que la réglementation des industries privées et des fournisseurs des service, capable d’améliorer la qualité des services qui restent sous le contrôle de l’état.

A partir des années 90, le gouvernement mit en œuvre des réformes typiquement CPG mais, au début tout au moins, sans beaucoup d’enthousiasme ou d’engagement, ce qui portait les observateurs à commenter que l’appropriation des réformes était très faible et que celles-ci semblaient davantage résulter du besoin du Southland d’avoir accès aux ressources financières du FMI et de la Banque mondiale. La réponse de l’économie à ce premier cycle de réformes fut mitigée: augmentation de l’agriculture d’exportation (essentiellement sur les grandes exploitations) alors que la production vivrière sur les petites exploitations déclinait; stimulation initiale de l’industrie, grâce à un meilleur accès aux devises, mais qui par la suite n’a pas réussi à croître fortement et à attirer un IDE substantiel; contraction brusque de certains sous-secteurs face à la concurrence étrangère résultant de la libéralisation du commerce. La dette extérieure continuait à grimper. Les défenseurs de la CPG expliquèrent que ces résultats peu satisfaisants provenaient de ce que les réformes avaient été retardées et seulement partiellement mises en œuvre. Leurs critiques au contraire invoquaient la mauvaise conception des réformes.

En novembre 2001, le Southland fut désigné comme l’un des «Pays pauvres très endettés (PPTE)» suite à une analyse de la dette menée conjointement par la Banque mondiale et le FMI. A ce stade, il fut convenu que la Banque mondiale et le FMI fourniraient une assistance intérimaire, tandis que le gouvernement du Southland, en coopération avec la société civile et le secteur privé, développeraient un «Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP)». On estime qu’un programme complet de réduction de la pauvreté sera prêt en début 2004, et qu’il sera présenté pour approbation à l’Assemblée nationale et aux partenaires intérieurs et étrangers afin d’obtenir leur appui pratique. Parmi les partenaires extérieurs se trouvent bien sûr le FMI et la Banque mondiale dont l’approbation est nécessaire pour atteindre le stade de prise de décision et ainsi déclencher un mécanisme d’allègement de la dette par différents créditeurs.

Dans l’attente de la mise en place d’un programme complet de réduction de la pauvreté, le FMI a étendu son assistance intérimaire sous la forme d’un crédit alloué dans le cadre de la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance. En plus, des donateurs bilatéraux et la Banque mondiale ont apporté un appui sous la forme de crédits et de dons. Toutes ces aides étaient conditionnées à la production par le gouvernement d’un «Document intérimaire de stratégie pour la réduction de la pauvreté (I-DSRP)». La première version du I-DSRP fut produite avec précipitation en début 2002 afin d’avoir accès aux prêts extérieurs dont le pays avait un besoin désespéré. Cependant, cette première version comprenait un chapitre sur «La réduction de la pauvreté rurale et l’agriculture» lequel, avec l’accord de la Banque mondiale, était resté vide dans l’attente de consultations avec les parties prenantes programmées pour le début 2003 qui devait également contribuer à la révision et à la réactualisation des stratégies et politiques nationales pour l’agriculture et la sécurité alimentaire que le gouvernement avait décidé d’entreprendre suite au Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après, tenu en juin 2002.

1. Notes pour les participants et les formateurs

Cette étude de cas a été conçue pour que les personnes travaillant dans les domaines de l'agriculture, de l’alimentation et du développement rural puissent se familiariser avec:

Cette étude de cas n’est pas centrée sur l’apprentissage des méthodes d’analyse, comme par exemple l’estimation des niveaux de protection, la modélisation des marchés ou l’impact des changements des politiques. Néanmoins, les donnés fournies et le contexte institutionnel et politique pourraient être utilisés à cette fin, si c’est l’objectif que l’on se fixe, bien que l’étude ne cherche pas à enseigner ces méthodes. L’information contenue dans la Note contextuelle, dans les dix documents et dans les fichiers de données statistiques donne une vision du pays qui, volontairement, n’est ni structurée ni complète. Elle comporte des répétitions, des contradictions et des lacunes, comme c’est le cas pour les documents dont l’analyste peut disposer dans la réalité. On a donc essayé de mettre les participants dans une situation de travail «réaliste». Encore une fois, aucun effort n’a été fait pour organiser ce matériel sur le Southland de façon bien structurée et logique, mais plutôt, on a cherché à fournir aux lecteurs une variété d’éléments susceptibles de stimuler la réflexion sur les problèmes de politique à laquelle les participants sont conviés.

Au cours des années récentes, l’environnement politique a fait l’objet d’un intérêt croissant en tant que facteur critique déterminant les bénéfices pouvant être retirés des investissements publics et privés et de l’assistance technique. Comme cela est reconnu, par exemple dans le «Cadre global pour le développement» de la Banque mondiale, le consensus s’est fait sur la nécessité d’une pleine appropriation des stratégies de réduction de la pauvreté par les parties prenantes au niveau national, et que cela requiert aussi une large participation de la société civile et des institutions démocratiquement élues. Néanmoins, le soutien extérieur reste nécessaire, notamment celui des grands pays donateurs et des institutions financières internationales.

Le principal défi pour qui travaille dans le développement agricole est d’approfondir la compréhension de l’interaction entre les aspects macro-économiques, sectoriels, micro-économiques, institutionnels et technologiques des réformes. Par exemple, beaucoup de réformes affectant les institutions et/ou la technologie sont guidées par les impératifs macroéconomiques, comme la nécessité de réduire les dépenses publiques, de dévaluer la monnaie nationale, ou de changer le niveau et la structure de la protection économique. La compréhension de ces impératifs, et de leur probable magnitude, de leur programmation et leur enchaînement, et de leurs effets sur l’environnement économique est absolument critique pour une conception des programmes d’assistance (qu’ils soient financiers ou d’assistance technique). D’autre part, les problèmes macroéconomiques peuvent trouver leur origine au niveau de la politique sectorielle, sous-sectorielle ou institutionnelle. Les subventions sur la nourriture, les intrants agricoles, l’eau, les organisations monopolistiques de prestation de services agricoles, les contrôles des prix, et les mesures de protection aux frontières, telles que les interdictions d’importation ou d’exportation, les quotas et les tarifs, sont autant d’exemples de cette nature au sein du secteur agricole.

De même, les réformes institutionnelles, à moins qu’elles ne soient très soigneusement conçues sur la base de théories appropriées et de l’expérience acquise au niveau international, peuvent avoir des conséquences inattendues. La libéralisation des marchés des intrants agricoles, de la commercialisation des produits agricoles et du crédit, l’élimination des subventions, et le développement du marché pour des services précédemment fournis par l’état, comme l’eau ou la vulgarisation, peuvent être cités dans ce contexte pour le secteur agricole.

Cette étude de cas vise à explorer toutes ces questions en les prenant à bras-le-corps et en se jetant à l’eau. Cet exercice a été conçu selon la notion «d’apprentissage par la découverte». De nombreux indices sur les connections entre les problèmes traités sont dispersés dans le texte. Certains sont évidents, d’autres sont bien cachés. Les participants auront tout intérêt à bien lire le matériel, de l’analyser et le discuter avec leurs collègues. Ils pourront produire ensemble un rapport commun et discuter avec les animateurs les résultats obtenus ainsi que les problèmes qu’ils ne manqueront pas de rencontrer.

2. Quelques conseils pour les formateurs

Ce matériel peut être employé de diverses façons selon notamment les objectifs du programme de formation pendant lequel il est utilisé, le temps disponible et l’expérience des participants. De plus, s’il est utilisé dans un pays ou une région spécifiques, il pourrait être possible d’éliminer les parties qui ne seraient pas adaptées au contexte. Les formateurs sont encouragés à adopter une approche convenant à leurs besoins, et les notes présentées ici donnent quelques suggestions à cet égard.

Comme déjà dit auparavant, la philosophie générale de cet exercice est simple: «apprendre à nager en se jetant à l’eau». C’est là une bonne image des défis auxquels sont confrontés ceux qui travaillent dans le domaine du développement agricole et rural et de la sécurité alimentaire. Ils sont amenés à traiter des questions sur lesquelles ils n’ont pas forcément bénéficié d’une formation théorique et méthodologique approfondie et ils ne disposent ni du temps ni des ressources nécessaires pour les acquérir. Une capacité particulièrement importante que doivent avoir les cadres moyens et supérieurs s’occupant de développement est de pouvoir comprendre l’essence d’un ensemble de questions de politique qui se présentent à eux sans bénéficier d’un recyclage approfondi. En effet, ce n’est qu’après avoir acquis une vision globale du problème auquel ils ont à faire face qu’ils sont équipés pour comprendre quels sont les domaines où leur propre expertise et celle de leurs collègues est déficiente, et comment ces lacunes peuvent être comblées de la façon la plus efficace.

Le principe de base de l’exercice est que les participants prennent part à un jeu de rôle en tant que membres d’un Secrétariat à qui l’on a donné la tâche d’organiser le débat national et d’aboutir à un consensus national sur la Stratégie agricole et de réduction de la pauvreté. Comme expliqué ci-dessous (voir Termes de référence du travail à effectuer) les membres de ce Secrétariat proviennent d’un éventail de groupes d’intérêt et de spécialités professionnelles. L’idée est que les participants analyseront et débattront en groupe les questions de politiques auxquelles le Southland fait face, mais chaque participant gardera à l’esprit les préoccupations et les intérêts des personnes dont ils jouent le rôle.

L’exercice est conçu pour environ sept à dix membres. Si le nombre de participants dépasse dix, le formateur pourra envisager de scinder le groupe en deux. Dans le cas où les participants seraient au nombre de six ou moins, le formateur devra repenser l’exercice et chercher à combiner les rôles des membres du Secrétariat. Les formateurs devront être souples et créatifs, n’hésitant pas à se démarquer du schéma indiqué ici si cela s’avère souhaitable.

Les rôles qui pourraient être assignés aux participants sont: (1) fonctionnaire de haut rang du Ministère des finances ayant la responsabilité de supervision des dépenses publiques pour le secteur agricole et rural; (2) fonctionnaire principal chargé des politiques économiques au Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des ressources naturelles (y compris l’irrigation); (3) fonctionnaire principal chargé des politiques économiques au Ministère du plan ayant la responsabilité de dialoguer avec les organisations internationales sur les thèmes du développement économique et de la réduction de la pauvreté; (4) représentant d’une des organisations paysannes (Association des exploitants agricoles du Southland - SCFA - ou Union nationale des petits exploitants agricoles - NSFU); (5) un représentant d’une ONG nationale travaillant dans le domaine des services en zone rurale; (6) un représentant d’une organisation de consommateurs; (7) un représentant de la Chambre de commerce, de l’industrie et de l’agriculture; (8) un représentant d’un gouvernement local; et (9) le président d’un institut d’études de politiques qui est connu pour avoir de la sympathie pour les thèses de l’opposition.

Le temps qui devrait idéalement être imparti à ce travail est de quatre jours pleins, y compris l’introduction et la présentation du rapport final. Dans le cas où les participants sont expérimentés ou si la tâche demandée est simplifiée, il devrait être possible de comprimer l’exercice en deux jours.

Evidemment, le groupe doit être bien géré: les tâches doivent être distribuée, les discussions organisées, le consensus ou les points de divergence enregistrés. L’on peut former des sous-groupes pour étudier des points particuliers avant de faire un rapport au groupe principal. Un rapport final devra être rédigé, édité et sa cohérence interne devra être assurée. Les formateurs devront voir dans quelle mesure ils devraient intervenir dans les travaux des groupes et leur gestion interne. Dans certains cas, les formateurs estiment que l’expérience de gestion du groupe constitue un objectif d’apprentissage supplémentaire: il s’agira alors d’adopter une approche «légère». Une solution extrême pourra laisser les groupes entièrement libres de décider sur leur organisation interne, les tâches à effectuer et leur programmation dans le temps. A l’autre extrême, les formateurs pourront décider d’adopter une approche plus directive, par exemple, en distribuant les rôles et les responsabilités de direction du groupe et en fixant un programme des tâches à accomplir.

Le groupe devra produire du matériel écrit et faire une présentation orale suivie d’une discussion qui pourra prendre une heure ou davantage. Le rapport écrit et la présentation devraient être d’excellente qualité, cette dernière comprenant notamment, si possible, l’utilisation de logiciels appropriés (PowerPoint ou autres). Il est extrêmement important que les participants reçoivent immédiatement des commentaires sur leur présentation et que leurs propositions soient discutées. Le contexte de la présentation dépendra des ressources humaines disponibles. De façon idéale, la présentation devrait se faire devant un panel de trois experts de haut niveau comme par exemple le responsable national du DSRP, le Secrétaire général du Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des ressources naturelles, et un représentant de la présidence.

Une session typique de quatre jours pourrait ainsi être organisée de la façon suivante:

Enfin, le Glossaire constitue une partie importante de l’exercice de formation et représente une ressource utile que les participants peuvent garder avec eux et utiliser comme référence dans leur travail futur. En présentant l’exercice «Southland», les formateurs devraient insister sur le fait que le Glossaire représente un outil que les participants devraient utiliser fréquemment. Lors des discussions finales, les participants devraient essayer de dominer tout le matériel présenté dans le Glossaire.


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