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CONCLUSIONS DE LA RÉUNION


Cette Consultation d’experts s’inscrivait dans un contexte marqué par plusieurs autres manifestations du même ordre, notamment le deuxième Forum international sur la pêche (2002), l’Atelier technique d’experts internationaux sur les prises accidentelles de tortues de mer par les palangriers organisé par le Service national américain des pêches marines (2003), et la Conférence de Bellagio sur la conservation des tortues de mer dans le Pacifique (2003) où avaient été abordées diverses questions concernant les tortues, en particulier leur interaction avec les opérations de pêche. Les recommandations adoptées à la récente conférence de Bellagio ont servi de trame aux délibérations de cette Consultation d’experts.

La Consultation d’experts avait pour principal objectif de faire le point des connaissances sur l’état de conservation des tortues de mer, leurs tendances démographiques, les principales causes de mortalité et leur importance relative, le rôle des pêches dans la conservation des tortues de mer lorsque les deux coexistent, les mesures d’aménagement envisageables et les aspects juridiques et socioéconomiques de la gestion de la mortalité par pêche des tortues de mer.

Synthèse des connaissances actuelles sur l’état de conservation des stocks de tortues de mer (océan Atlantique, océan Pacifique, océan Indien et mer Méditerranée)

Avant la tenue de la réunion, quatre rapports avaient été préparés sur l’état des stocks de tortues de mer et leur exposition aux différents types de pêche. Ils portaient sur les régions suivantes:

- Méditerranée
- océan Indien
- océan Pacifique
- océan Atlantique

La Consultation d’experts a examiné et révisé les conclusions de ces rapports à partir desquels elle a ensuite dressé la liste suivante, qui récapitule les principaux périls ou menaces pesant sur les tortues de mer.

Dangers sans rapport avec la pêche

- prélèvement des œufs;

- prédation des œufs par les animaux ensauvagés, tels que les cochons et les renards;

- destruction des habitats sur les zones de plage, résultant notamment de la construction et de l’aménagement des zones côtières;

- destruction des aires d’alimentation;

- prélèvements directs, pêche ou téléscopages avec des bateaux.

Dangers liés à la pêche côtière

- Filets maillants
- Chaluts
- Pêche pélagique à la palangre
- Pêche profonde à la palangre
- Filets dormants
- Pièges (pour crabes ou langoustes, par exemple)

Dangers liés à la pêche hauturière

- Pêche pélagique à la palangre
- Pêche à la senne

Une note de risque relatif a été attribuée aux différents groupes de stocks régionaux exposés aux 13 périls énumérés ci-dessus. Le groupe de travail a appliqué le barème de notation suivant:

- E = Élevé: niveau spécifique de prise ou de mortalité hautement préjudiciable pour les stocks du groupe.

- M = Moyen: niveau spécifique de prise ou de mortalité ayant un effet nuisible sur un ou plusieurs stocks, sans atteindre 50 pour cent de l’ensemble des stocks du groupe.

- F = Faible: niveau spécifique de prise ou de mortalité n’ayant pas ou guère d’effet sur les populations/stocks du groupe.

-? = Informations non disponibles, ou un certain degré de mortalité supposé.

- s.o. = sans objet.

Pour obtenir des estimations fiables de l’abondance des tortues de mer en vue de l’évaluation des stocks et de la planification des mesures de conservation et de gestion - ainsi que pour l’élaboration de l’Annexe E - il faudrait échantillonner l’intégralité de la structure démographique d’une population résidant sur une aire d’alimentation. Or, on dispose de telles estimations d’abondance pour seulement trois stocks de tortues de mer: la métapopulation de tortues vertes du sud de la Grande barrière de corail (Chaloupka et Limpus 2001, Chaloupka 2002), la métapopulation australienne de caouannes (Chaloupka et Limpus 2001) et la métapopulation de tortues vertes d’Hawaï (Balazs et Chaloupka 2004).

Toutes les évaluations régionales de l’abondance des tortues de mer réalisées jusqu’ici reposaient principalement sur des informations anecdotiques ou qualitatives (Spotila et al. 1996, Meylan et Donnelly 1999, Seminoff 2002). En s’appuyant sur les meilleures informations qualitatives disponibles, le groupe de travail a examiné les tendances de l’abondance des sept espèces de tortues de mer (tortues vertes, caouannes, tortues luth, tortues caret, tortues olivâtres, tortues à dos plat et tortues de Kemp) pour les principaux bassins océaniques. La plupart des données reposent toutefois sur le suivi des plages de ponte et doivent donc être considérées avec la plus grande prudence. Il existe cependant des séries de données utiles sur les tendances de la ponte pour certains stocks de tortues de mer, notamment les populations reproductrices de tortues de Kemp et de caouannes de l’Atlantique nord-ouest (TEWG 2000), et principalement pour les tortues vertes de Tortuguero (Bjorndal et al. 1999), les tortues vertes du sud de la Grande barrière de corail (Chaloupka et Limpus 2001) et les tortues vertes d’Hawaï (Balazs et Chaloupka 2004).

Compte tenu de ces considérations, l’état et la tendance des différents stocks ainsi que la note de risque attribuée à chacun d’eux ont ensuite été récapitulés dans le tableau présenté à l’Annexe E. Soulignons de nouveau que ces informations reposent sur les données publiées et sur les connaissances collectives des membres du groupe de travail. Toutefois, aucun des experts du groupe ne connaissait précisément la situation de certaines grandes régions, telles que l’Afrique occidentale. Ce rapport doit donc être considéré comme un projet de document de travail qui permet d’attirer utilement l’attention sur les grandes lacunes de l’information et sur les zones d’ombre identifiées par cette Consultation d’experts.

Le groupe de travail a évalué l’état actuel des stocks (pour les cinq dernières années) et les tendances de chaque groupe de stocks en se fondant sur les meilleures informations scientifiques disponibles ou sur leur jugement professionnel lorsqu’il n’existait pas de données. Les tendances des stocks ont été notées qualitativement de la manière suivante:

- En augmentation
- Stable
- En baisse
-? = Données insuffisantes

L’état des stocks a été indiqué dans le tableau présenté à l’Annexe E afin de situer l’évaluation des tendances dans un contexte historique. Ainsi, les tortues de Kemp affichent une tendance à la hausse depuis quelques années, mais elles partaient de très bas car leur stock était très appauvri avant la mise en œuvre des mesures de protection dans les années 60.

Le tableau présenté à l’Annexe E permet de formuler les conclusions suivantes:

- les grands périls pesant sur les tortues de mer ne sont pas tous associés à la pêche;

- parmi ces grands périls figurent des dangers sans rapport avec la pêche, comme la destruction des plages de ponte ou le prélèvement des œufs;

- la pêche côtière constitue elle aussi une grave menace pour les tortues de mer, mais son impact n’a guère été étudié;

- les stocks de caouannes du Pacifique ont enregistré une forte baisse et plusieurs formes de pêche les mettent en danger;

- il en va de même pour les tortues luth du Pacifique;

- les populations de tortues olivâtres vivant le long de la côte orientale de l’Inde sont menacées par plusieurs types de pêche;

- les tortues caret de l’Atlantique sont menacées par plusieurs types de pêche;

- la pêche pélagique à la palangre constitue une menace pour les caouannes de Méditerranée.

Des descriptions détaillées des risques et des mesures d’atténuation du risque potentiel sont présentées dans la section intitulée «Études de cas» pour les stocks cités ci-dessous:

- les caouannes du Pacifique Nord
- les tortues luth du Pacifique occidental
- les tortues luth du Pacifique oriental
- les tortues caret des Caraïbes
- les tortues olivâtres de l’océan Indien
- les caouannes de Méditerranée.

Mesures et approches de gestion

Les mesures de gestion que l’on pourrait utilement instaurer pour réduire la mortalité par pêche des tortues de mer s’inscrivent globalement dans le prolongement de celles déjà appliquées ou mises à l’essai en vue de l’aménagement des pêches; mesures techniques, contrôle des moyens de production et de la production et stratégies d’incitation. Il faudra recourir à une large palette de mesures de gestion pour favoriser le rétablissement des populations qui ont gravement décliné, comme les tortues luth et les caouannes du Pacifique. Dans de tels cas, la réduction, voire l’élimination, de la mortalité par pêche ne sera efficace que si elle est associée à la protection des populations pondeuses. Les approches fragmentées, axées sur un seul aspect isolé, comme la protection des lieux de ponte ou la réduction des captures accidentelles, ne sauraient suffire. En outre, certains types de pêche n’ont individuellement que peu d’incidence, mais l’association de tous les impacts met sérieusement en péril les efforts de reconstitution des stocks.

Mesures techniques

Modification des engins de pêche

On a recours à la modification des engins de pêche pour favoriser la capture sélective des espèces cibles, tout en réduisant l’impact sur les espèces non visées et sur les habitats. Pour l’essentiel, les travaux visant à réduire les captures accidentelles de tortues de mer sont axés sur le chalutage. Récemment, des efforts semblables ont été engagés pour la pêche pélagique à la palangre. Les mesures instaurées dans ces deux types de pêche donnent des résultats prometteurs et il conviendrait de les mettre à l’essai dans d’autres régions ou pêcheries où les prises accidentelles posent un problème. Divers travaux visant à modifier les filets dormants ont également démarré afin de limiter les captures accidentelles. Il est rare que des tortues soient capturées dans les opérations de pêche industrielle à la senne et la plupart sont encore vivantes à la remontée du filet. Dans ce cas, on recommande simplement de les relâcher vivantes.

a) Modification des chaluts: les dispositifs d’exclusion des tortues (DET)

Les premiers engins de pêche sélectifs ont été mis au point pour éviter aux chalutiers exploitant les stocks démersaux de poissons ou de crevettes de capturer des juvéniles. Les premiers essais ont été réalisés par des pays européens dans les années 60. Dans les années 70, les chalutiers qui pêchaient la crevette dans le Golfe du Mexique considéraient les tortues de mer comme des prises accessoires, tout comme les méduses et les poissons. Le Service américain des pêches marines (NMFS), en collaboration avec d’autres intervenants, a mis au point une modification des chaluts appelée «dispositif d’exclusion des tortues» (DET). Fondé sur le même principe que la grille de Nordmøre, ce dispositif est constitué d’une grille rigide ou d’un panneau séparateur à larges mailles présentant une ouverture par laquelle les grands poissons et les tortues de mer peuvent s’échapper. Les crevettes s’introduisent dans le chalut par le fond en passant par la grille ou les mailles du panneau séparateur, tandis que les tortues de mer et les grands poissons sont refoulés vers l’ouverture de la grille ou du panneau séparateur d’où ils peuvent s’échapper.

Pour que les DET soient effectivement adoptés, il faut démontrer aux pêcheurs qu’ils permettent de réduire la mortalité d’une espèce donnée, tout en présentant des avantages pour eux. Outre qu’ils permettent de libérer les tortues de mer, les DET réduisent les pertes de crevettes s’ils sont correctement construits, installés et adaptés aux conditions de pêche. Au cours des essais de pêche et de leur utilisation dans des opérations réelles, les DET ont permis un taux de rétention des captures de 97 pour cent, voire davantage dans certains cas, par rapport à des chaluts sans DET. Du fait de leur sélectivité, les filets équipés de DET réduisent les opérations de tri et améliorent la qualité des prises (et donc leur valeur) en excluant les captures accidentelles et les débris de grosse taille. Des expériences associant des DET et d’autres dispositifs de réduction des captures accessoires ont été réalisées et se sont révélées très efficaces.

Les DET sont utilisés aux Etats-Unis depuis de nombreuses années; du fait de leur utilisation généralisée, le concept d’origine a été plusieurs fois modifié pour accroître leur efficacité et leur performance, tant du point de vue de l’exclusion des tortues que de la rétention de l’espèce ciblée.

Des efforts majeurs ont été engagés en Australie pour doter les chalutiers de DET («AusTED») et de dispositifs de réduction des captures accessoires et dans l’ensemble, les résultats sont très satisfaisants. Le concept australien est unique en son genre; il se compose d’une grille flexible en fil d’acier revêtu de plastique conçue pour éviter les risques de blessures que craignaient les pêcheurs lors de la remontée du chalut. Les DET se sont également généralisés dans les pays d’Asie du Sud-Est, notamment en Thaïlande, en Malaisie, aux Philippines, en Indonésie et à Brunei, principalement grâce aux initiatives du Centre de développement des pêches de l’Asie du Sud-Est (SEAFDEC).

Dans les années 90, l’Inde a engagé des expérimentations visant à évaluer l’efficacité des DET dans l’Etat d’Orissa. Par la suite, elle a développé et favorisé leur utilisation. Un nouveau modèle de DET a été mis au point par l’Institut central de technologie halieutique (CIFT) et des centaines de dispositifs ont été gratuitement distribués le long de la côte est du pays. Le DET mis à l’essai en Iran et au Koweït vient d’Australie et a donné de bons résultats, excluant les grosses prises du chalut en réduisant à peine les captures de crevettes.

Des activités visant à encourager l’utilisation des DET ont été menées au Kenya, au Nigéria et dans d’autres pays d’Afrique. Il se pourrait que des expériences analogues soient en cours dans d’autres pays, mais il n’existe pas de données complètes sur l’utilisation de ces dispositifs, leur déploiement et les différents modèles utilisés.

b) Pêche à la palangre

Les expérimentations pratiques visant à tester l’effet des modifications techniques sur les prises accidentelles de tortues de mer ont principalement été réalisées à bord de palangriers pêchant l’espadon dans l’Atlantique Nord-Ouest. Elles ont montré que les types d’appât et d’hameçon sont les deux principaux paramètres de l’engin de pêche ayant une incidence sur les taux de capture de tortues, avec des réductions des prises de 90 pour cent pour les caouannes et de 75 pour cent pour les tortues luth (Watson et al. 2003; Bolten et al. 2001). Du point de vue de la technique de pêche, la profondeur de mouillage est de loin la plus importante modification à opérer pour réduire les prises accidentelles de tortues de mer, les captures étant d’autant plus nombreuses que la profondeur de mouillage est faible (données relevées par un observateur dans le Pacifique). Le Département des sciences biologiques marines (Université de Tokyo de science et de technologies marines) a mis au point une palangre modifiée où des flotteurs de pleine eau sont attachés à la ligne-mère, de façon que tous les hameçons soient mouillés à la même profondeur, en dessous de la couche où nagent habituellement les tortues de mer. Les modifications techniques dont on a pu démontrer qu’elles avaient une incidence positive sur les prises accidentelles de tortues de mer sont résumées au Tableau 1. Pour savoir comment fonctionneraient les mêmes modifications dans d’autres circonstances, il conviendrait de mettre à l’essai les adaptations les plus prometteuses d’autres régions ou pêcheries, par exemple dans les pêches pélagiques à la palangre dans le Pacifique et en Méditerranée. Il faudrait aussi tenir compte, bien évidemment, de leurs retombées éventuelles sur les taux de capture des espèces ciblées.

Tableau 1

Modifications des engins et des techniques de pêche éprouvées ayant permis de réduire les prises accidentelles de tortues de mer dans les opérations de pêche pélagique à la palangre

Modifications des engins de pêche

Modifications des techniques de pêche

Type d’hameçon (hameçon circulaire contre hameçon en J par exemple)

Profondeur de mouillage

Taille de l’hameçon

Température de l’eau

Type d’appât (par exemple maquereau contre calmar)

Temps de mouillage de jour

Appât coloré au bleu *


* Résultats d’études comportementales qui n’ont pas encore été confirmés par des essais de pêche

c) Filets dormants

Il est connu que les tortues de mer sont accidentellement capturées dans de nombreux pays par les filets dormants posés à proximité des plages de ponte. Certains filets à poche sont ouverts en surface, tandis que d’autres sont posés sous l’eau. Dans ce dernier cas, les tortues de mer ne peuvent pas respirer et se noient. Des recherches ont été entreprises au Japon pour modifier les filets dormants en ménageant sur la poche du filet une ouverture semblable à celle des DET de chalut; les résultats ont été concluants. Toutefois, il existe tant de filets fixes différents dans le monde qu’il faudrait mettre au point des dispositifs d’échappement pour chacun d’eux.

d) Filets maillants

Bien qu’aucune modification de l’engin - autre que la diminution des mailles - n’ait clairement permis de réduire les interactions entre les filets maillants et les tortues de mer, d’autres mesures de gestion devraient être envisagées, en particulier des mesures de contrôle spatio-temporel.

Mesures de contrôle spatio-temporel de la pêche

On peut réduire la mortalité par pêche en limitant l’activité à certaines périodes ou saisons ou en interdisant la pêche dans certaines zones, en fonction des schémas de répartition et de comportement connus des tortues de mer. Il est important d’évaluer l’ensemble des retombées de ce type d’interdiction et de déterminer notamment si cette mesure ne fait que déplacer l’effort de pêche et donc augmenter la mortalité d’autres espèces en d’autres lieux. Les questions liées au respect et à l’application des mesures doivent aussi être examinées. Le recours aux systèmes de surveillance des navires par satellite facilite le contrôle lorsque la gestion se fait par zone ou par période.

Mesures visant à modifier les techniques de pêche pour réduire la mortalité

Lorsque les tortues sont prises dans l’engin de pêche et ramenées vivantes à bord à la remontée de l’engin, plusieurs méthodes permettent de réduire les risques de mortalité. Le principe de base est de dégager les tortues et de les libérer vivantes; il existe également des directives concernant leur manipulation et leur traitement - notamment la manière de les libérer d’engins spécifiques, les mesures d’aide et de réanimation - le matériel qu’il faut transporter et utiliser pour relâcher les tortues capturées accidentellement, en particulier les outils permettant de les décrocher des hameçons et de couper les lignes, et la formation à ces techniques.

Contrôle des moyens de production (effort) et de la production (capture)

Les limitations de la capacité et de l’effort de pêche sont communément utilisées pour réduire l’activité de pêche et la mortalité par pêche concomitante. La diminution de l’activité de pêche a une incidence positive à la fois sur les espèces ciblées et sur les prises accidentelles et accessoires (FAO 2003).

Les contrôles axés sur la production (capture) visent généralement les espèces ciblées mais peuvent aussi se rapporter aux prises accessoires. Des contrôles visant les captures de tortues de mer considérées comme prises accessoires dans les opérations de pêche seraient utiles pour compléter les mesures d’atténuation visant à limiter les interactions entre les tortues de mer et les engins de pêche. Ces contrôles permettraient de maintenir les prises accessoires en deçà des niveaux établis.

Stratégies d’incitation

Plusieurs initiatives peuvent être utilement adoptées pour créer un environnement porteur sur les marchés et au niveau des institutions:

a) améliorer le cadre institutionnel grâce à la coordination des politiques menées par les différents organismes/autorités;

b) promouvoir des valeurs collectives (éducation, information et formation);

c) examiner le bien-fondé des mesures commerciales d’incitation (comme l’étiquetage écologique) ou des incitations économiques sans rapport avec le marché;

d) envisager des mécanismes de soutien financier et technique direct aux pays en développement, peut-être par le biais de cadres de coopération internationale, de fonds de soutien volontaire ou de structures analogues relevant des organismes régionaux des pêches, et des programmes de coopération pour les activités de recherche et de conservation, notamment dans les zones côtières et océaniques et les habitats essentiels.

Aspects socioéconomiques

La Consultation d’experts a examiné un document sur les principes à suivre pour introduire des considérations socioéconomiques dans le contrôle des interactions entre les tortues de mer et la pêche. Les programmes de gestion et de conservation des tortues de mer devraient tenir compte de l’importante contribution de la pêche à l’emploi, au revenu et à la sécurité alimentaire et être efficacement intégrés aux programmes de gestion halieutique. L’élaboration, la conception et l’application des mesures de gestion et de conservation des tortues de mer doivent intégrer les conditions socioéconomiques des pêcheurs et de leurs communautés. L’existence et les moyens de subsistance de ces derniers reposent sur les ressources halieutiques marines et il convient de trouver un équilibre entre la gestion et la conservation des tortues de mer, d’une part, et la préservation des moyens de subsistance et la lutte contre la pauvreté, d’autre part.

Des indications sont fournies ci-après pour la prise en compte de ces aspects.

L’application des principes ci-dessus est attestée, entre autres, par les indicateurs suivants:

Aspects juridiques

La Consultation d’experts a identifié plusieurs facettes juridiques de la question des interactions entre les tortues de mer et les principaux types de pêche particulièrement pertinentes. Il s’agit tout d’abord des instruments et cadres juridiques internationaux en fonction desquels il convient d’examiner les interactions entre les tortues de mer et la pêche. Viennent ensuite les accords et arrangements juridiques régionaux régissant les compétences ou les capacités en matière de gestion des pêches ayant une interaction avec les tortues de mer, et les organes régionaux chargés de la conservation des tortues de mer qui ont des compétences en matière de pêches. En troisième lieu, il convient d’examiner comment les mesures de conservation des tortues de mer et de réduction des prises accidentelles peuvent être efficacement appliquées dans le contexte des lois, réglementations et politiques nationales, provinciales et locales.

Instruments internationaux

Plusieurs instruments et accords internationaux déterminent le contexte juridique dans lequel les Etats doivent assurer la conservation et la gestion durables des ressources biologiques marines, tant individuellement qu’à l’échelon régional; les pays peuvent utilement s’y référer avant d’engager des actions ciblées pour réduire les interactions entre les tortues de mer et la pêche:

Les organismes régionaux des pêches

Les organismes régionaux des pêches ont pour raison d’être de répondre aux besoins spécifiques de leurs membres et des stocks halieutiques relevant de leur compétence. Toutefois, ils sont aussi la principale autorité en matière de gestion et le principal centre d’échange d’informations et de résultats scientifiques pour de nombreuses pêches hauturières, et dans certains cas, côtières. S’ils ne le sont pas déjà, ils peuvent être habilités à prendre des mesures directes pour enrayer les prises accidentelles de tortues de mer dans les opérations de pêche; c’est à ces organismes que doit revenir la responsabilité première de l’application des mesures prises à cet effet dans le cadre d’une approche écosystémique.

Les principaux organismes régionaux des pêches compétents pour gérer les interactions entre les pêches et les tortues de mer sont la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI), la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA), la Commission interaméricaine du thon tropical (CITTC) et la Commission des pêches pour le Pacifique central et occidental (WCPFC). Certains de ces organismes ont commencé à se pencher sur la question des prises accidentelles de tortues de mer ou ont d’ores et déjà adopté des mesures dans le cadre de leurs régimes de gestion halieutique globale.

D’autres organismes régionaux des pêches interviennent en tant qu’organes consultatifs dans la conduite de recherches scientifiques en coopération et conseillent leurs membres. Citons notamment la Commission des pêches pour l’Atlantique Centre-Ouest (COPACO) et le Comité des pêches pour l’Atlantique Centre-Est (COPACE).

Accords sur les tortues de mer

Il existe à l’heure actuelle trois accords multilatéraux ayant la conservation régionale des tortues de mer pour vocation première. Ce sont la Convention interaméricaine pour la protection et la conservation des tortues marines, le Protocole d’accord sur la conservation et la gestion des tortues marines et de leurs habitats de l’océan Indien et de l’Asie du Sud-Est et le Protocole d’accord sur les mesures de conservation des tortues marines de la côte Atlantique de l’Afrique; ces instruments abordent l’ensemble des questions posées par la conservation et la protection des tortues de mer et contiennent des dispositions relatives à leurs interactions avec les pêches. Bien qu’ils ne prévoient aucune attribution de compétence en matière de gestion halieutique, ils imposent aux Etats membres d’adopter des mesures pour enrayer les prises accidentelles de tortues de mer dans les zones relevant de leur juridiction.

Aspects et considérations liés à la législation nationale

Les gouvernements qui souhaitent protéger les tortues de mer des effets de la pêche doivent tenir compte de multiples facteurs juridiques et institutionnels. Ceux-ci posent bien des défis pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Les gouvernements sont souvent dotés de structures de gestion différentes, l’aménagement des pêches et la gestion environnementale incombant à des départements distincts, et cette disparité se répercute souvent sur la responsabilité des mesures de protection des tortues de mer. Dans de nombreux pays, il existe plusieurs organes de gestion des pêches et de l’environnement, en raison de la division des pouvoirs et des compétences entre les différents niveaux de gouvernement, national, provincial et local. Ces facteurs institutionnels freinent bien souvent la mise en œuvre des mesures de conservation.

Lorsque les gouvernements veulent s’assurer de l’efficacité des mesures qu’ils adoptent, l’un des aspects primordiaux est de veiller à la cohérence des politiques de gestion et de conservation appliquées par les différents organismes publics. C’est notamment important dans les cas où la responsabilité des habitats des tortues de mer et celle des activités humaines mettant leurs populations en péril incombent à des services publics différents (le service des pêches étant, par exemple, responsable de l’eau, tandis que le ministère de l’environnement est chargé des plages). Dans certains cas, les compétences de police incombent aussi à des organismes différents (les politiques de gestion relevant, par exemple, du service des pêches, alors que la marine nationale ou les garde-côtes sont chargés de leur application et que les juridictions civiles ou pénales jugent les infractions à la réglementation).

De nombreux pays qui pratiquent la pêche ou d’autres activités ayant une incidence sur les tortues de mer ont déjà voté des lois et des réglementations régissant les prises directes de tortues de mer ou imposant au secteur de la pêche des mesures destinées à réduire les captures accidentelles de tortues. Il est toutefois évident que nombre d’entre eux ne veillent pas au respect de ces textes ou ne sont pas en mesure de le faire. Ils devraient commencer par procéder à une évaluation des réglementations en vigueur et examiner la manière d’en améliorer l’efficacité en renforçant les actions de suivi, de contrôle et de surveillance.

En cas d’échec de la réglementation en place, par manque de financement ou de ressources pour en assurer le respect, les gouvernements doivent envisager d’autres approches, notamment en associant les secteurs et/ou les communautés concernés aux actions de police ou en adoptant des dispositifs fondés sur le principe de l’utilisateur-payeur afin de favoriser le respect de la réglementation ou la prise en charge communautaire des actions d’application.

Le respect de la réglementation est aussi un aspect fondamental pour l’élaboration de nouvelles mesures de conservation des tortues de mer. La police de la réglementation halieutique est un exercice coûteux, tant en personnel qu’en ressources financières. Les gouvernements cherchent donc généralement à adopter les mesures les plus simples à appliquer. C’est logique du point de vue des services responsables qui sont souvent mal dotés, mais dans bien des cas les mesures d’ordre général que passent les gouvernements ont des retombées différentes selon les communautés considérées. Les mesures de limitation des prises accessoires de tortues de mer dans les opérations de pêche peuvent avoir des retombées sur la pêche commerciale comme pour les artisans-pêcheurs, deux groupes d’utilisateurs ayant des intérêts économiques et des modes d’intervention différents. Les fermetures de la pêche dans certaines zones touchent davantage certaines communautés ou certains groupes d’utilisateurs que d’autres. Il peut être complexe de veiller au respect des mesures de conservation et de gestion du fait de la diversité des groupes sur lesquels elles ont une incidence. Cela montre encore à quel point il est important d’associer les communautés et le secteur privé à l’élaboration des mesures de conservation, notamment en matière de pêches.

Il convient parallèlement de sensibiliser tous les intervenants aux problèmes de conservation et aux avantages que présente l’approche réglementaire préconisée et de favoriser les consultations et la communication afin d’intégrer les retours d’information des utilisateurs/communautés dans les régimes qui seront mis en œuvre.

Etudes de cas

La Consultation d’experts a estimé que la présentation d’études de cas était la meilleure façon d’illustrer la complexité des questions de conservation et de gestion et des aspects juridiques et socioéconomiques liés aux efforts de reconstitution des stocks de tortues de mer. Les études de cas présentées ici ne visent pas à fournir un tableau exhaustif des situations prioritaires, mais à donner des exemples concrets et actuels des interactions entre la conservation des tortues de mer, la pêche et les questions connexes dans plusieurs régions et stocks clés.

Etude de cas sur les prises directes: les tortues caret des Caraïbes

Problématique

La situation des tortues caret des Caraïbes est hautement variable. Les populations sont très appauvries dans certaines zones, tandis qu’ailleurs comme au Mexique, à Cuba, en République dominicaine, à Puerto Rico et dans d’autres îles, on trouve d’importantes colonies reproductrices ou de vastes aires d’alimentation. Malgré les réglementations en vigueur dans plusieurs des pays de la région, la capture commerciale et vivrière des tortues de mer et de leurs œufs est encore fréquente dans la région. Des objets en écaille de tortue caret ou «caret» sont souvent vendus sur les marchés artisanaux. Les tortues sont principalement capturées au filet, au harpon et au fusil sous-marin. Trois espèces sont principalement visées: les tortues vertes, les caouannes et les tortues caret, ainsi que les œufs de toutes les espèces. La capture des tortues qui viennent pondre sur les plages est elle aussi monnaie courante.

Les prises accidentelles sont essentiellement dues aux filets maillants et aux opérations de chalutage des crevettiers, bien que des tortues - principalement des tortues vertes et des caouannes - soient aussi capturées par les palangres ciblant les requins et les thonidés. La surpêche des tortues est l’une des principales causes du déclin des populations. À l’heure actuelle, les prises accessoires ont un impact déterminant sur la survie de ces animaux étant donné que les populations sont gravement décimées et que les réglementations existantes ne sont pas appliquées. Enfin, il est difficile de déterminer l’origine des produits en raison du libre-échange commercial entre les îles.

Cadre juridique existant

Outre les instruments juridiques internationaux mentionnés plus haut, des lois et des réglementations visant à protéger les tortues de mer ont été votées dans tous les pays de la région.

Mesures d’atténuation possibles

Poursuivre le dialogue sur la protection des tortues caret engagé dans l’ensemble des Caraïbes sous l’égide de la CITES et qui a déjà permis des progrès significatifs, et examiner des questions telles que:

Bien que ces renseignements soient pour la plupart indisponibles ou sans rapport avec les tortues caret, il serait utile de mettre au point des systèmes nationaux intégrant toutes les données sur les prélèvements, l’utilisation et le commerce des tortues de mer.

La réalisation de ce genre de travaux dans la région facilitera la réglementation de la pêche et la conservation des espèces.

Aspects socioéconomiques

Etude de cas sur les prises: les tortues luth du Pacifique occidental

Problématique

Les tortues luth ont une grande valeur culturelle pour les groupes coutumiers locaux des Iles Kei, dans l’archipel indonésien des Moluques. Depuis de nombreuses générations, elles constituent un aliment sacré pour les villageois. Les communautés locales partent du principe que les tortues luth ont toujours vécu dans les eaux avoisinantes, en raison même du rôle qu’elles assument dans leur culture, et qu’elles ne disparaîtront jamais. Plus de 100 adultes, mâles et femelles, sont pêchés à chaque saison (novembre à février) dans leur aire d’alimentation. Etant donné que les tortues luth du Pacifique frôlent l’extinction pour des raisons diverses - dont les apparentes captures accidentelles par les engins de pêche - cette pêche traditionnelle de subsistance devrait être freinée. Cette mesure accompagnée par la réduction des prises accidentelles et du prélèvement des œufs devrait contribuer à la régénération des stocks.

Cadre juridique existant

Décret ministériel (Agriculture) No. 327, 1978; protection de plusieurs espèces de faune sauvage (baleines, dauphins, crocodiles, tortues luth).

Mesures d’atténuation possibles

Aspects socioéconomiques

Coûts

Avantages

Etude de cas sur les prises accidentelles de tortues de mer dans les opérations de pêche pélagique à la palangre: le stock de caouannes du Pacifique Nord

Problématique

Les caouannes du Pacifique se divisent en deux stocks ou unités de gestion (Bowen et al. 1994). Le stock du Pacifique Nord comprend plusieurs grandes colonies établies le long de la côte méridionale du Japon et dans l’archipel des Ryukyu (Kamezaki et al. 2003). Ce stock décline (Kamezaki et al. 2003) du fait de son exposition à de sérieuses menaces telles que les prélèvements de tortues (Gardner et Nichols 2001), la disparition des lieux de ponte et les prises accidentelles dans les opérations de pêche côtière (Cheng et Chen 1997, Julian et Beeson 1998) et pélagique (Wetherall et al. 1993, Polovina et al. 2000).

Cadre juridique existant

La Commission interaméricaine du thon tropical (CITTC) s’emploie à réduire les prises accidentelles de tortues de mer dans les opérations de pêche thonière du Pacifique tropical oriental.

Mesures d’atténuation possibles

Aspects socioéconomiques

Coûts

Avantages

Etude de cas sur les prises accidentelles de tortues de mer dans les opérations de pêche pélagique à la palangre: les caouannes de Méditerranée

Problématique

Les caouannes sont l’une des deux espèces de tortues de mer ayant des plages de ponte en Méditerranée. Les principaux lieux de ponte se situent dans les pays de Méditerranée orientale. Les grandes flottilles de pêche pélagique sont le principal péril menaçant ces populations (Margaritoulis et al. 2003). Les navires de la plupart des pays méditerranéens et des pays extérieurs au bassin méditerranéen y exploitent les grands pélagiques, en particulier l’espadon, le thon rouge du sud et le germon. Les palangriers de pays non méditerranéens, les flottilles de pêche illicite et les navires ciblant les thonidés aux fins d’engraissement exploitent également les stocks de grands pélagiques.

La pêche en Méditerranée a des effets majeurs sur les stocks locaux de tortues de mer: plus de 60 000 tortues sont accidentellement capturées chaque année du fait des pratiques de pêche, avec des taux de mortalité de 10 à 50 pour cent (Tudela 2000). Des études expérimentales sur les taux de mortalité des individus blessés par les palangres de surface ont montré que 20 à 30 pour cent des tortues capturées par les palangres finissent par mourir (Aguilar, Mas et Pastor 1993). On a récemment constaté que 80 pour cent des tortues prises aux hameçons des palangres sont relâchées vivantes mais avec l’hameçon toujours accroché à l’intérieur de la bouche, du pharynx ou de l’œsophage (Laurent et al. 2001). On ne connaît pas l’ampleur de la mortalité différée.

Cadre juridique existant

Les pays où existent des plages de ponte ont pour la plupart adopté des lois nationales pour la protection des tortues de mer. Les caouannes figurent en outre dans plusieurs annexes sur les espèces protégées de conventions internationales telles que celles de Bonn, de Berne et la CITES. La majorité des pays méditerranéens sont signataires de ces conventions. Les activités halieutiques relèvent souvent des mesures de conservation et de gestion de la CGPM et/ou de la CICTA.

Mesures d’atténuation possibles

Les pêcheurs conviennent que les interactions entre les tortues de mer et les engins de pêche sont à l’origine de pertes importantes au plan économique. Il faut trouver une solution à la perte des hameçons, des appâts, des avançons et d’autres composants des engins. La capture de tortues de mer limite aussi l’effort de pêche et les rendements du fait de la réduction du nombre d’hameçons et du temps nécessaire pour réparer ou remplacer les composants. Les mesures d’atténuation envisageables pour limiter les prises de tortues ont un coût économique que l’on doit prendre en compte. Ces mesures pourraient entre autres consister à:

Ces mesures ne sont guère faciles à appliquer car les pêcheurs ne remontent généralement pas les tortues à bord - pour des raisons évidentes dont la perte de temps, l’effort requis, etc. - et elles auraient sans doute un effet préjudiciable sur le rendement de la pêche.

Aspects socioéconomiques

Comme on l’a mentionné plus haut, les palangriers des pays méditerranéens qui exploitent les stocks de thonidés en surface dans les eaux nationales et internationales sont en concurrence avec les palangriers de pays pratiquant la pêche hauturière, avec les senneurs et encore d’autres flottilles pêchant dans les eaux internationales. L’instauration de restrictions exclusives de l’effort de pêche - comme des fermetures saisonnières ou spatiales imposées aux flottilles méditerranéennes - pourrait provoquer des conflits avec les flottilles de pays pratiquant la pêche hauturière dans cette région. Des problèmes analogues pourraient se poser si l’on venait, par exemple, à accorder aux palangriers une licence autorisant la pêche avec des engins modifiés pendant les périodes de fermeture pour compenser les clôtures saisonnières ou localisées de la pêche. Des conflits risqueraient de se poser avec les administrations des pêches dans la mesure où l’application exclusive des mesures de gestion à ces flottilles aurait certainement un coût socioéconomique élevé. Toute tentative de réduction des effets de la pêche à la palangre sur les tortues de mer en région méditerranéenne exigera de réunir davantage d’informations et de s’appuyer sur de bons outils de gestion. Il faut notamment:

Etude de cas sur les prises accidentelles: les tortues olivâtres de l’Etat d’Orissa

Problématique

Les tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea) ont la particularité de pondre en même temps, lors de phénomènes de masse appelés arribadas. En Inde, les plages de ponte où elles s’assemblent à cette occasion se situent dans l’Etat d’Orissa, sur la côte est de l’Inde, à Gahirmatha, à Rushikulya et à l’embouchure de la Devi (Pandav, Choudhury et Shanker 1998). La population de la côte orientale de l’Inde est constituée d’un stock distinct au plan génétique (Shanker et al. sous presse). Les arribadas sont désormais moins fréquentes et on a constaté une nette diminution de la taille des adultes laissant présager un déclin possible ou imminent, ce qui serait conforme au fait que 90 000 tortues au moins ont disparu depuis 1994 et qu’il en meure entre 10 000 et 15 000 chaque année depuis 1999 (Shanker, Pandav et Choudhury 2004). D’autres dangers les menacent, notamment les plantations le long de la côte qui sont à l’origine de la diminution des habitats à l’embouchure de la Devi et les éclairages publics des zones urbaines et des routes autour de Rushikulya. Les nouveaux ports et les autres projets de développement à proximité des plages de ponte constituent également une menace majeure pour cette population. Les problèmes de gestion tiennent principalement au fait que les lois et réglementations existantes ne sont pas appliquées:

Cadre juridique existant

Mesures d’atténuation possibles

Etude de cas sur les prises accessoires gardées: les tortues luth du Pacifique Sud-Est

Problématique

Il existe très peu de données sur l’ampleur des prises accessoires de tortues de mer dans les opérations de pêche côtière. Une étude systématique de la pêche artisanale engagée au Pérou depuis 2000 a toutefois montré que les palangriers et les trémailleurs de petit tonnage sont à l’origine de prises importantes de tortues de mer (Alfaro-Shigueto et al. sous presse a). La pêche artisanale au filet maillant a des effets significatifs sur ce stock de tortues luth si l’on en juge par l’ampleur des captures et le grave recul du stock (Annexe E). Environ 60 pour cent des prises de tortues luth sont gardées pour la consommation et on ne connaît pas le taux de mortalité des tortues rejetées à la mer (Alfaro-Shigueto et al. sous presse b). Bien que la pêche des tortues luth ait été interdite au Pérou depuis 1976, cette interdiction et les autres mesures de conservation adoptées sont restées sans effet faute de moyens financiers pour en assurer l’application. De plus, la pauvreté des communautés côtières aggrave leur dépendance à l’égard des ressources marines, dont les tortues luth, d’où elles tirent leur subsistance. Les questions socioéconomiques et culturelles sont donc des facteurs majeurs s’opposant, dans ce cas précis, à l’instauration de mesures de conservation des tortues de mer.

Cadre juridique existant

Lois nationales protégeant les tortues de mer dans les eaux du Pérou.

Mesures d’atténuation possibles

Aspects socioéconomiques

Recommandations

La pêche a de graves conséquences sur certains stocks de tortues de mer qui requièrent une attention urgente. Étant donné la situation critique de ces stocks, il est recommandé d’adopter un vaste train de mesures, comprenant notamment l’adoption de normes technologiques pour diminuer la mortalité par pêche, en plus des mesures de conservation des plages.

1. Stocks prioritaires

1.1 Il convient de prendre des mesures urgentes en faveur des stocks suivants:

i) les caouannes du Pacifique;
ii) les tortues luth du Pacifique;
iii) les tortues olivâtres de la côte est de l’Inde.

1.2 Afin de réduire sensiblement l’impact de la pêche sur les stocks de tortues de mer les plus menacés, il est recommandé d’axer la gestion halieutique sur les pêcheries régionales suivantes:

i) chalutiers pêchant en zones côtières en Asie du Sud-Est;

ii) trémailleurs pêchant en zones côtières en Asie du Sud-Est;

iii) trémailleurs pêchant en zones côtières en Asie du Sud;

iv) chalutiers pêchant en zones côtières en Asie du Sud;

v) trémailleurs pêchant en zones côtières dans le Pacifique Sud-Est;

vi) trémailleurs pêchant en zones côtières en Basse Californie;

vii) palangriers pratiquant la pêche pélagique dans le Pacifique oriental.

Outre ces pêcheries, les interactions entre la pêche pélagique à la palangre et les caouannes en Méditerranée méritent elles aussi une attention particulière.

2. Insuffisance des données

La Consultation d’experts a identifié des lacunes majeures dans les données sur les interactions entre la pêche et les tortues de mer et recommande de remédier à cette situation au moyen des actions prioritaires suivantes.

2.1 Pour mieux évaluer les effets de la pêche, il est recommandé de recueillir d’urgence des informations sur les tortues de mer, sur leurs interactions avec les opérations de pêche et sur leur mortalité par pêche pour les pêcheries suivantes:

i) chalutiers et trémailleurs pêchant en zones côtières dans l’ouest de l’océan Indien;
ii) pêche côtière en Méditerranée orientale;
iii) pêche côtière et hauturière en Afrique de l’ouest.

2.2 Pour appuyer la prise de décisions scientifiquement fondées, il est recommandé d’apporter diverses améliorations à la collecte de données en vue de la réalisation d’évaluations quantitatives des risques, notamment:

i) Mise en place de procédures fiables de collecte de données sur les interactions entre la pêche et les tortues de mer et les autres sources de mortalité.

ii) Améliorer la qualité et la fiabilité des procédures de collecte existantes.

iii) Améliorer l’information sur les populations de tortues de mer, leur état et les tendances de l’abondance des populations.

3. Mesures d’aménagement

Diverses mesures ont été préconisées pour réduire les prises accidentelles et la mortalité des tortues de mer. Il est recommandé d’en généraliser le développement et l’adoption, dans les cas appropriés.

3.1 La Consultation d’experts a identifié deux modifications des engins de pêche qui ont clairement prouvé leur efficacité, justifiant ainsi leur adoption:

i) le recours aux dispositifs d’exclusion des tortues (DET) dans le chalutage;

ii) l’utilisation d’hameçons circulaires dans les opérations de pêche pélagique à la palangre.

3.2 Elle a en outre jugé potentiellement efficaces les mesures de gestion halieutique suivantes:

i) contrôles spatio-temporels de la pêche;

ii) maîtrise des moyens de production (effort) et de la production (prises);

iii) restrictions de capacité/d’effort;

iv) mesures après capture visant à réduire la mortalité.

4. Stratégies d’alignement des incitations

La Consultation d’experts a considéré que l’absence de stratégies d’alignement des incitations constitue un obstacle majeur à la bonne application des mesures de conservation des tortues de mer et a recommandé la conception et la mise en œuvre des mesures d’intervention suivantes:

4.1 Améliorer le cadre institutionnel et veiller à la coordination des politiques entre les différents organismes et autorités.

4.2 Développer les valeurs collectives (éducation, information, formation).

4.3 Examiner le bien-fondé d’éventuelles mesures d’incitation commerciales (par exemple l’écoétiquetage) ou d’incitations économiques sans rapport avec le marché.

5. Assistance aux pays en développement

Prenant note de l’article 5 du Code de conduite pour une pêche responsable, la Consultation recommande de:

5.1 mettre au point des mécanismes permettant d’acheminer un soutien financier et technique direct aux pays en développement, peut-être par l’intermédiaire de cadres de coopération internationale, de fonds d’aide volontaire ou de structures analogues relevant des organismes régionaux des pêches.

5.2 Rechercher les moyens de créer des programmes de coopération pour les activités de recherche et de conservation, notamment dans les zones côtières et océaniques et les habitats essentiels.

6. Promouvoir un large train de mesures de conservation des tortues de mer afin d’atténuer l’ensemble des causes de mortalité par pêche:

i) protection des plages de ponte;

ii) réduction de la mortalité en mer;

iii) définition d’un cadre et de sources de financement visant à atténuer la mortalité des tortues
de mer imputable au secteur de la pêche et aux nations développées (par exemple exploitation forestière, pêche en haute mer), et d’autres mécanismes tels que la constitution d’un fonds fiduciaire mondial (Bellagio).

7. Aspects socioéconomiques

7.1 Il est recommandé que les programmes de gestion et de conservation des tortues de mer reconnaissent l’importante contribution de la pêche à l’emploi, au revenu et à la sécurité alimentaire et qu’ils soient efficacement intégrés aux programmes de gestion halieutique.

7.2 Les programmes de gestion et de conservation des tortues de mer doivent encourager les acteurs du secteur de la pêche, les communautés de pêcheurs et les autres intervenants à participer à leurs activités, en particulier à la protection des plages de ponte et aux programmes de pêche, et doivent également s’inspirer des savoir-faire écologiques traditionnels des communautés locales.

7.3 Etant donné l’importance des facteurs socioéconomiques pour le succès des mesures de conservation et de gestion mises en œuvre, il est également recommandé de recueillir des données socioéconomiques fiables et des données sur les tendances de la pêche et des communautés des pêcheurs pour assurer le suivi de l’impact socioéconomique de ces mesures.

7.4 Elaboration d’indicateurs biologiques et socioéconomiques.

8. Recherches complémentaires

Il est recommandé d’engager des études/travaux de recherche complémentaires sur les moyens de réduire la mortalité par pêche des tortues de mer, portant notamment sur:

8.1 L’identification de l’utilisation spatio-temporelle des habitats des tortues de mer, des lieux de pêche et des pratiques et stratégies de pêche.

8.2 Les modifications d’engins pouvant améliorer la sélectivité des filets maillants (par exemple diamètre et type de fil, taux d’armement, taille des mailles).

8.3 Les effets de la profondeur de pose des palangres sur les prises accidentelles de tortues de mer et les taux de capture des espèces ciblées.

8.4 Les hameçons circulaires et les autres types d’appât pouvant être utilisés pour la pêche pélagique à la palangre dans le Pacifique et en Méditerranée.

8.5 La réalisation d’expériences de terrain à partir d’études comportementales prometteuses portant sur la taille des hameçons et les appâts colorés.

8.6 La faisabilité de l’utilisation de palangres modifiées dans divers pays et régions.

8.7 L’utilisation d’hameçons circulaires par les petits palangriers pêchant en zones côtières.

8.8 L’adaptation des DET pour les flottilles régionales de chalutiers.

9. Directives

9.1 Rédaction de directives sur les techniques de manipulation et de lâcher ou amélioration des textes existants (activité hautement prioritaire).

9.2 La FAO doit envisager de produire un ensemble de directives fondées sur les meilleures méthodes et informations actuellement disponibles.


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