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III. ETAT DE L'AGRO-BIODIVERSITE


Le Mali présente une grande diversité des écosystèmes liée à la diversité des conditions écologiques. Le potentiel global, estimé sur la base de la vocation et de l'utilisation des terres à 46,6 millions d'hectares (FAO, 1996), se répartit comme suit:

12,2 millions d'hectares de terres agricoles,

30,0 millions d'hectares de terres de pâturage,

3,3 millions d'hectares de réserves de faunes,

1,1 millions d'hectares de réserves forestières.

Les cours d'eau du pays sont riches de près de 143 espèces de poissons appartenant à 67 genres et 26 familles (Daget, 1954).

Le cheptel dont le dernier recensement remonte à 1992, se compose de plusieurs races et de sous-races de bovins, d'ovins, de caprins, de camelins, d'équins, d'asins, de porcins, etc.

Le Mali est un centre important de domestication de nombreuses espèces de plantes cultivées pour lesquelles il existe plusieurs écotypes locaux et espèces apparentées. Il s'agit, entre autres, du riz, du mil, du sorgho, du niébé, du voandzou.

La diversité biologique contribue à la réduction de la pauvreté à travers la sécurité alimentaire, l'amélioration de la santé, la génération de revenus, la réduction de la vulnérabilité et le maintien de l'équilibre des écosystèmes.

3.1 Les productions animales

Les ressources animales représentent une source essentielle d'apport protéinique. Le Mali est compté parmi les grands pays d'élevage de la sous-région (tableau n°1).

Tableau n° 1: Effectif du cheptel national par région en 1999

Région

Bovins

Petits ruminants

Equins

Asins

Camelins

Porcins

Kayes

976.895

1.169.324

56.485

78.921

140


Koulikoro

899.772

1.431.000

25.425

73.546

280

4.252

Sikasso

1.266.108

1.091.315

2.538

56.537

12.650


Ségou

942.190

2.351.858

38.145

108.176

280

48.715

Mopti

1.442.206

3.794.777

32.246

134.709

4.809

204

Tombouctou

591.279

3.661.802

3.625

131.580

157.870


Gao-Kidal

295.639

2.464.982

6.014

96.814

303.552


District

12.854

20.930

297

68


99

Total

6.496.943

15.985.988

164.774

680.350

466.932

65.920

Source: CPS /MDRE -2000.

La production de viande qui était estimée à 168.000 tonnes en 1997 (FAO, 1997) est assurée par les bovins (51 %), les petits ruminants (32 %), les volailles (15 %) et les porcins (2 %).

La production laitière est assurée essentiellement par l'élevage traditionnel: 139.000 tonnes (FAO, 1997) et constitue la base de l'alimentation des populations dans les zones d'élevage. Cette production varie d'une saison à l'autre, en fonction de la quantité et de la qualité des ressources fourragères d'une part et de la disponibilité d'eau d'abreuvement d'autre part.

3.2 La production halieutique

Les bassins fluviaux du Niger et du Sénégal, les lacs (Débo, Faguibine, Horo, etc.) et mares permanentes à semi-permanentes (Gossi, Tessit, etc...), ainsi que les lacs liés aux barrages et retenues d'eau (Manantali, Sélingué), constituent d'importantes zones de capture de poissons. D'une manière générale, les captures sont liées à l'amplitude des crues et à la durée des inondations.

La production moyenne annuelle varie entre 100.000 et 160.000 tonnes (année normale à bonne), dont plus de 80 % proviennent du delta central du Niger qui constitue également une zone importante de frayère. Pour la période 1989/91, la production a chuté à 66.000 tonnes (Coulibaly, 1998).

Le potentiel pour la pisciculture en étang est important dans la zone de l'Office du Niger, où 250 étangs villageois sont actuellement en exploitation (DNRFFH, 1995). Ce potentiel est également important dans la région de Sikasso grâce aux retenues d'eau.

3.3 Utilisation des plantes sauvages

L'homme tire des plantes sauvages des ressources pour son alimentation, des médicaments, de l'énergie, des fertilisants pour l'agriculture, des ressources fourragères, des matières premières pour l'industrie et pour l'artisanat, des produits cosmétiques et odorants, des supports culturels et touristiques, etc.

3.3.1 Aliments

Plusieurs plantes sauvages constituent des sources régulières d'alimentation (Baumer, 1995). Leur valeur nutritive est souvent plus importante que celle des plantes cultivées. Les principales plantes sauvages consommées sont:

en ligneux: Adansonia digitata (Baobab), Boscia senegalensis, Vitellaria paradoxa (karité), Parkia biglobosa (neré), Saba senegalensis (zaban), Tamarindus indica (n'tomi), Lannea microcarpa (n'pékou), Borassus aethiopium (sébé), Sclerocarya birrea (n'gunan), Detarium microcarpum (n'taba coumba);

en herbacées: Nymphea sp (n'gokou), Panicum laetum (fonio sauvage), Cenchrus biflorus (cram cram), Eragrostis pilosa, Echinochloa stagnina (bourgou), et le Corchorus spp (fakouhoï en sonrhaï)

3.3.2 Fourrages

La production du tapis herbacé varie de 0,5 t MS/ha/an en zone nord sahélienne à 2,4 t MS/ha/an en zone nord soudanienne. Parmi les espèces herbacées les plus appétées, on retient: Cenchrus biflorus, Cenchrus ciliaris, Schoenefeldia gracilis, Andropogon gayanus, Echinochloa stagnina, Eragrostis tremula, Aristida spp.

Les principaux ligneux fourragers sont: Pterocarpus erinaceus, Pterocarpus lucens, Acacia albida, Balanites aegyptiaca, Acacia seyal. La production de la strate ligneuse varie de 0,2 t MS/ha avec une teneur en azote de 18,2 g/kg en zone nord sahélienne à 1,2 t MS/ha avec une teneur en azote de 15,4 g/kg en zone nord soudanienne. Certaines plantes cultivées (le niébé, l'arachide, le dolique et le voandzou) jouent un rôle important dans l'alimentation animale. Leurs graines et fanes ont une forte teneur en azote.

3.3.3 Pharmacopée traditionnelle

La grande majorité de la population, non seulement en milieu rural, mais aussi en milieu urbain, se soigne avec les plantes médicinales. La plupart des espèces végétales, tant ligneuses qu'herbacées sont utilisées comme médicaments. Une croyance bien répandue est que toute plante soigne. Les substances végétales sont utilisées non seulement en médecine humaine mais aussi en médecine vétérinaire.

3.3.4 Industrie et artisanat

Certaines ressources biologiques ont joué un rôle important dans le développement de la jeune industrie du Mali. L'arachide, dont la production est de 81.927 t/an, est exploitée pour la fabrication d'huile et de savon. Le coton dont la production a atteint les 500.000 t en 1998 rentre dans l'industrie textile et les sous-produits servent à la fabrication de savon, d'huile et d'aliments bétail.

Une frange importante de l'artisanat vit de l'exploitation des ressources ligneuses: bois (meubles, sculpture, instruments de musique, etc.). Les stipes du rônier (Borassus aethiopium) et du doumier (Hyphaena thebaica), imputrescibles et résistants aux attaques des insectes, sont utilisés comme poutres, chevrons, lattes et dans la fabrication de petites embarcations. Les bois de Khaya senegalensis, de Acacia albida, de Cordylia pinata servent à la confection de pirogues, mortiers, pilons, manches d'instruments agricoles et de musique, etc. Les bois durs de Balanites aegyptiaca, Pterocarpus erinaceus, Dalbergia melanoxylon, Acacia albida sont exploités en menuiserie et en ébénisterie locale.

Les feuilles et écorces de Anogeissus leiocarpus, Terminalia spp. sont utilisées comme matières premières dans la teinturerie locale (bogolan) et les fruits de Acacia scorpioïdes variété nilotica dans la tannerie. Les feuilles de Hyphaenae thebaica et de Borassus aethiopium entrent dans la fabrication de multiples objets de vannerie et la confection de cordes et de nattes.

Les rhizomes de vétivers et les écorces de certaines espèces servent de déodorant et pour la décantation de l'eau. La gomme arabique est utilisée dans la confiserie et dans l'industrie de fabrication de la colle et du cirage. Le karité et les dattes sauvages fournissent des graisses servant à la fabrication du savon, du chocolat et des produits cosmétiques.

3.4 Utilisation de la faune sauvage

3.4.1 Aliments

Les ressources fauniques, variées et diversifiées, constituent une source importante de protéines. Elles contribuent pour plus de 80 % à la consommation de protéines animales dans certaines zones rurales du sud (région de Sikasso et sud des régions de Kayes et Koulikoro).

3.4.2 Pharmacopée traditionnelle

Les produits de la faune sont des éléments thérapeutiques. Les résultats d'études de l'UICN (1990) ont révélé que 8 % des produits de la faune sauvage au Mali entrent dans la pratique thérapeutique traditionnelle. Au niveau des tradithérapeutes de Bamako, 37 maladies courantes sont traitées par des organes de 26 espèces animales.

A titre d'exemples, la poudre de l'ivoire de l'éléphant soignerait les rhumatismes, sa peau certaines dermatoses, les extraits de placenta soignerait la stérilité féminine et les accouchements difficiles, et le sperme la stérilité masculine. La graisse de l'hyène serait utilisée contre les otites et sa viande contre la cécité. La viande de python soignerait certaines formes d'ictère.

Bien qu'intégralement protégé, le lamantin (Trichecus senegalensis) est utilisé en médecine traditionnelle. Compte tenu de la rareté de l'espèce, cette forme d'exploitation est une menace pour sa survie.

3.4.3 Industrie et artisanat

En plus de leur importance alimentaire, médicinale, industrielle et artisanale, les ressources biologiques remplissent des fonctions culturelles dans la société malienne et jouent un rôle prépondérant dans le développement de l'industrie touristique.

3.5 Systèmes de production agricole

Au Mali on distingue trois groupes de systèmes de production: les systèmes agropastoraux, les systèmes pastoraux et les systèmes péri-urbains. Le système est défini par la spéculation la plus importante.

3.5.1 Systèmes agropastoraux basés sur la riziculture

Ces systèmes associent cultures vivrières pluviales en zones exondées, culture rizicole sous irrigation, cultures de décrues, maraîchage et élevage. En fonction du degré de contrôle de l'eau, on peut distinguer plusieurs modes d'irrigation:

irrigation par submersion libre, rencontrée autour des mares et lacs et dans le delta vif, pratiquée sur 150.000 ha. Les rendements en riz sont généralement faibles et très aléatoires (environ 500 kg/ha). Ils varient en fonction de la pluviométrie et/ou de l'importance des crues. Ce sous-système est confronté à un grave problème d'insécurité foncière;

irrigation par submersion contrôlée notamment encadrée par l'Office riz Mopti (ORM) et l'Office riz Ségou (ORS), couvrant environ 50.000 ha de delta vif. L'ORM et l'ORS ont aménagé des grands casiers et encouragé la pratique de la traction attelée et l'utilisation de semences sélectionnées. Cependant, les rendements en riz sont restés faibles et aléatoires (700 à 1.200 kg/ha), essentiellement en raison de l'irrégularité des crues, de la pluviométrie et de l'absence d'utilisation de la fumure minérale et organique;

irrigation avec maîtrise totale: on rencontre ce système au niveau:

- des petits périmètres villageois irrigués à l'aide de moto-pompes où les rendements sont très élevés, de l'ordre de 4,5 à 5 t/ha.

- des grands et moyens périmètres hydro-agricoles aménagés type Office du Niger et Sélingué, dans la zone du delta occidental mort et sur terrain aplani (Canal du Sahel: 40.000 ha; Canal du Macina: 15.000 ha; Canal de Costes-Ongoïba: 5.000 ha, utilisés pour la culture industrielle de la canne à sucre). Dans cette zone appartenant à la zone sahélienne Sud (pluviométrie proche de 500 à 600 mm), les cultures vivrières (mil/maïs, sorgho) sont pratiquées sur les zones exondées (rendements très faibles, pas d'utilisation d'engrais), ainsi que du maraîchage intensif le long des canaux.

La riziculture se pratique dans les périmètres hydro-agricoles, où l'irrigation contrôlée (par gravité) se fait à partir d'un système de canaux d'irrigation. Les rendements ont fortement augmenté depuis 10 ans et sont passés de 1.500 à 5.500 kg/ha en moyenne en 1995/96. Le foncier est géré par l'Office du Niger qui octroie des droits d'usufruit aux exploitants moyennant paiement d'une redevance eau variant, suivant la nature des aménagements, de 52.000 à 62.000 Fcfa environ.

Ce système rencontre plusieurs problèmes importants, liés à:

une gestion non optimale de l'eau (gaspillage, problèmes de drainage), avec une remontée importante de la nappe phréatique: située de 40 à 50 m en 1940 (au moment des premiers aménagements), elle est actuellement de 0 à 3 m de la surface;

une dégradation des aménagements et canaux d'irrigation;

une dégradation des sols, par salinisation et alcalinisation, à mettre en liaison avec la remontée des nappes et l'utilisation des engrais minéraux. Une carence généralisée en phosphate et potassium a été notée et localement en zinc. Ce phénomène touche à l'heure actuelle gravement de 7 à 15 % des terres aménagées qui sont en voie d'être abandonnées.

3.5.2 Système agropastoral basé sur la culture de coton (zone CMDT)

La zone CMDT couvre la région Mali-Sud et le cercle de Kita. Elle englobe la région de Sikasso, une partie des régions de Koulikoro et de Ségou et appartient à la zone soudanienne (pluviométrie variant entre 600 mm au Nord et plus de 1.100 mm au Sud).

Le système est basé sur la rotation coton/maïs/mil/sorgho/arachide/niébé, ou plus simplement coton/céréale/céréale. Les cultures céréalières profitent des arrière-effets de la fumure pratiquée sur le coton. Les techniques culturales sont bien maîtrisées par les populations, mais ne sont pas toujours respectées, notamment au niveau du dosage des engrais et pesticides. La production de coton a fortement augmenté ces dernières années, mais surtout grâce à une augmentation des superficies (la superficie cultivée en coton, par exploitation, a presque triplé depuis 1989/90, avec une tendance à la stagnation/régression des rendements (de 1.230 kg/ha en 1989/90 à 1.083 kg/ha en 1995/96). La traction animale est fortement développée. Dans la zone, les tubercules sont également cultivés et l'arboriculture fruitière bien développée.

L'ensemble de la zone CMDT présente des signes de dégradation et de pression excessive sur les ressources. Elle peut être subdivisée en fonction des problématiques différentes (MDRE, 1998).

Bassin cotonnier ancien (Koutiala), caractérisé par une forte dégradation des terres liées à la saturation de l'espace et à une forte densité de population et du bétail. Les pratiques culturales, dont la culture attelée, le dessouchage et une fertilisation inadaptée (exportations supérieures aux restitutions) ont conduit à un épuisement des sols, qui se traduit par une stagnation ou une régression des rendements. Au Nord, les rendements sont aléatoires en raison du climat. Dans le Moyen Bani, la pression sur les terres arables est forte à très forte, les réserves en terres sont de plus en plus limitées: l'extension des superficies de coton se fait sur des terres marginales et au détriment des formations forestières naturelles (ou sur de très vieilles jachères);

Auréole d'extension du bassin cotonnier (Sikasso): zone où la culture de coton est en forte extension. L'occupation de l'espace est globalement dense et localement très dense, avec des problèmes de fertilité dans certaines zones et une baisse ou stagnation des rendements. L'élevage autochtone est très important dans la zone, qui est également zone d'accueil pour les troupeaux transhumants;

Frange Nord (San): zone présentant des contraintes climatiques et de fertilité importantes, notamment au Nord; au Sud, la culture de coton représente 25 % des superficies cultivées. La pression démographique est localement très élevée. La pression agricole se conjugue avec une forte pression du bétail.

3.5.3 Systèmes pastoraux

Ces systèmes sont caractérisés par l'élevage extensif de bovins, camelins, ovins et caprins. Ils constituent les moyens de subsistance des populations dans les zones les plus sèches du pays.

La variabilité de la disponibilité du pâturage et de l'eau fait que la mobilité et la flexibilité sont les clefs du système. Le pastoralisme fonctionne sur la base de la recherche de pâturage naturel avec des déplacements fréquents. Cette situation peut se faire avec des séjours courts ou par la transhumance qui peut durer 6 mois. Pendant la période pluvieuse, les pasteurs se déplacent vers les zones les plus sèches pour éviter les dégâts sur les cultures et profiter de la grande qualité des plantes annuelles. Pendant la saison sèche, ils ont accès aux résidus de récolte. Ce caractère migratoire du système crée des bénéfices mutuels mais parfois aussi des relations de conflits entre pasteurs et cultivateurs. L'échange de grain, de résidus de récolte, d'eau et de fumier a lié longtemps l'agriculture et l'élevage. Malgré les difficultés de ces systèmes, dans les parties sèches de la zone semi-aride et dans les zones arides, le pastoralisme reste le système rationnel profitable pour l'utilisation des terres.

3.5.4 Système péri-urbain

Le système péri-urbain se caractérise par la production agricole autour des grandes villes dans un rayon de 15 à 30 km. Le système péri-urbain se caractérise généralement par une diversité de production avec une prédominance de l'arboriculture, de l'aviculture, de la production laitière et de l'horticulture.

La dynamique économique de la ville conditionne la mise en place d'un système péri-urbain, car cette dynamique détermine le marché qui est le moteur des systèmes péri-urbains. Au niveau du système péri-urbain, les études de caractérisation sont assez limitées. Une étude sommaire a été effectuée à Niono pour la région de Ségou et une étude est en cours pour la région de Koulikoro et le District de Bamako.

L'étude de Bamako a caractérisé avec plus de détails le système péri-urbain en classant les systèmes suivant les niveaux d'intensification, l'objectif de production (commercial, non commercial) et le produit de base (lait, viande, produits avicoles, fruits et légumes).

Le système péri-urbain est un système qui dépend beaucoup de la disponibilité de la nappe phréatique avec une utilisation importante d'intrants agricoles. Ce système permet une bonne diversification de l'alimentation dans les villes à moindre coût et assure un revenu à une population n'ayant pas accès à d'autres emplois salariés.


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