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CHAPITRE 5
POLITIQUES FONCIÈRES1 (Cont.)

5.5.2 Sécurité foncière et droits fonciers

Pour atteindre l'objectif d'efficacité économique, il faut assurer la sécurité du mode de possession des terres. Sécurité s'entend ici au moins au sens élémentaire que a) la société reconnaît le droit d'un individu à la terre; et b) il existe des mécanismes juridiques ou d'autres mécanismes institutionnels pour défendre ce droit sans normalement supporter de coûts excessifs. Ce type de sécurité nécessite à son tour la définition claire d'un droit de l'utilisateur aux terres et la stabilité de ce droit dans le temps.«La définition déficiente des droits fonciers est jugée responsable d'un grand nombre des problèmes des pays en développement et des économies de transition»33. Parlant de l'Afrique, Platteau a dit: «On voit apparaître des coûts d'inefficacité et d'inéquité [quand] les lois foncières sont vagues, utilisent des concepts flous, contradictoires ou non-opérationnels, sont mal appliquées ou fréquemment modifiées, laissent trop de place aux décisions arbitraires ou font appel à des procédures trop lourdes»34. À l'inverse:

… l'efficacité requiert de reconnaître les droits fonciers individuels d'une manière qui assure une sécurité suffisante (sous forme de baux de longue durée ou de titres fonciers). Certaines parties de l'Afrique subsaharienne ne sont peut-être pas encore parvenues à cette étape. Mais dans d'autres (parfois une seule région d'un pays), la modification des dispositions foncières se justifie déjà35.

Feder et Noronha établissent une distinction entre deux types de sécurité foncière:

Le terme «sécurité» est souvent mal compris dans la littérature. Lorsqu'il fait référence à la possibilité d'utiliser les terres sans perturbation pendant une certaine période et dans un but défini, la sécurité de propriété est généralement assurée dans les systèmes indigènes. Dans la plupart des sociétés de l'Afrique subsaharienne, il est clair qu'on ne peut pas retirer les terres à la personne à laquelle elles ont été allouées. Eckert (198036) note qu'au Lesotho, la durée moyenne de détention des terres est de 18 ans, ce qui, ajoute Doggert, est «davantage que ce qui prévaut aux États-Unis d'Amérique»37.

La situation change cependant du tout au tout lorsque l'on définit la sécurité comme l'aptitude d'un occupant à entreprendre les transactions foncières correspondant à ses intérêts - par exemple, proposer des terres en garantie d'un prêt38.

Munro-Faure et al. ont décrit différentes facettes de la sécurité foncière dans les termes suivants:

La sécurité foncière constitue le complément de l'accès aux terres parce qu'elle assure que les prétentions d'une personne à des droits seront reconnues par d'autres en général et respectées en cas de menaces spécifiques. La sécurité implique la certitude; l'opposé de la sécurité est le risque que les droits soient menacés par des prétentions concurrentes et même perdus suite à une expropriation…
On peut interpréter la sécurité foncière de différentes manières. La sécurité est directement apparentée à la protection contre la perte de droits. Par exemple, une personne pourra avoir le droit d'utiliser une parcelle de terre pendant une saison de culture de six mois et si elle ne risque pas l'éviction pendant cette période, cette tenure est sûre.
Par extension, la sécurité foncière peut être liée à la durée de la tenure, dans le contexte du temps nécessaire pour récupérer le coût de l'investissement. Ainsi, la personne bénéficiant de droits d'utilisation pendant six mois ne plantera pas d'arbres et n'investira pas dans des mesures de prévention de l'érosion et des travaux d'irrigation puisqu'elle ne dispose pas d'assez de temps pour tirer profit de tels investissements. Cette tenure n'est pas sûre pour les investissements à long terme, même si elle l'est pour des investissements à court terme.
L'importance de la sécurité à long terme a incité certains auteurs à avancer que la sécurité totale est indissociable de la pleine propriété privée (par exemple, terres détenues en libre propriété) puisqu'alors la durée de détention des droits n'est pas limitée dans le temps. Ils avancent que seul un propriétaire bénéficie de droits sûrs et que la tenure des détenteurs de droits moindres, tels que les locataires, n'est pas sûre parce qu'elle dépend de la volonté du propriétaire. Il en découle que la sécurité de possession des terres n'est possible qu'avec des droits de cession, c'est-à-dire le droit d'acheter, d'hypothéquer, etc. Dire que sécurité égale droits de cession est vrai dans certaines régions du monde, mais pas partout. Là où existent des régimes fonciers forts basés sur la collectivité, les personnes pourront bénéficier de la sécurité foncière sans souhaiter vendre leurs terres ou sans avoir le droit de le faire ou en ayant des droits de vente strictement limités, par exemple, restreints aux membres de la communauté39.

Certains régimes fonciers coutumiers sont à même d'assurer la sécurité foncière au sens de certitude de pouvoir utiliser des terres pendant une période donnée et, dans une certaine mesure, de pouvoir les céder:

Les droits d'utilisation individuels qui caractérisent la plupart des régimes fonciers africains sont le plus souvent sûrs … Ils tendent à être héritables … De nombreuses dispositions foncières coutumières africaines autorisent la cession des terres et cette tendance s'est renforcée avec l'intégration croissante des régions rurales dans l'économie de marché. Emprunter, gager40, louer et vendre sont des pratiques très répandues et souvent le sont depuis un certain temps41.
La sécurité assurée par les droits coutumiers a été résumée par Platteau:
Un autre aspect important des droits coutumiers en Afrique subsaharienne a été souvent mal interprété par les tenants du point de vue classique de l'inadéquation actuelle de ces droits. De fait, comme de nombreux auteurs l'admettent maintenant … la sécurité de possession des terres était en général tout à fait satisfaisante dans le cadre des régimes fonciers traditionnels africains… sauf dans des cas extrêmes (conflit ouvert avec les autorités coutumières ou autres situations extraordinaires justifiant l'exclusion d'un individu de son groupe social, par exemple), le droit de l'attributaire à utiliser certaines terres demeure tant qu'il la cultive. On rapporte même qu'au Lesotho, les chefs et leurs sujets sont toujours convaincus que «les terres ne seraient réattribuées qu'après plusieurs années» de négligence, quelle que soit l'importance de la pression démographique et les prétentions d'autres demandeurs(Robertson, 198742 – souligné par nous). En outre … il n'est pas rare que les héritiers reçoivent les terres qui étaient (plus ou moins intensivement) cultivées lors du décès des attributaires, bien que leurs droits ne s'étendent en général pas aux terres qui ont été cultivées par le défunt mais se trouvaient en jachère à sa disparition43.

Les régimes fonciers coutumiers présentent une considérable diversité et, dans certains cas, les droits ne concernent que des parcelles d'une taille permettant la subsistance et guère plus. En principe, les droits coutumiers ne peuvent pas servir de garantie aux demandes de financement d'investissements auprès des banques parce que la vente à des personnes extérieures à la communauté n'est pas autorisée. De ce point de vue, l'accès coutumier aux terres peut être strictement lié à l'appartenance à une communauté rurale. Ce type de terres ne peut pas constituer pour le cultivateur un actif économique dont la valeur serait transférable à d'autres secteurs, comme pour un investissement dans une petite affaire en zone urbaine, et ne peut pas générer beaucoup d'emploi salarié en zones rurales:

Dans les régimes fonciers coutumiers, l'agriculture n'est pas une activité économique mais un mode de vie. C'est pourquoi ils n'assurent qu'une utilisation plus importante de la main d'œuvre [familiale] disponible. La force des régimes fonciers privatisés est de créer davantage d'emplois salariés44.

Toutefois, il faut reconnaître que les régimes coutumiers peuvent offrir une sécurité foncière satisfaisante pour la plupart des objectifs de production. Chinene et al. résument bien les différences entre régimes fonciers coutumiers et modernes dans le cas de la Zambie, mais en des termes valables ailleurs:

Le régime foncier coutumier a, dans l'ensemble, mieux répondu aux besoins des populations que la location de terres [de longue durée]. Les procédures administratives sont simples et facilement mises en œuvre. Les problèmes fonciers sont traités rapidement et de manière décisive. Le problème, cependant, c'est que les droits fonciers ne sont jamais enregistrés, bien que leur reconnaissance soit garantie …
Par nature, la tenure à bail facilite l'adoption d'approches commerciales de l'agriculture. La durée du bail encourage les investissements à long terme. Le potentiel de génération de revenus est donc plus élevé qu'avec les régimes coutumiers. L'accès accru aux marchés facilite la génération de revenu sur les terres [louées à bail].
Un avantage majeur de la tenure à bail sur le régime foncier coutumier est que les titres de propriété facilitent la vente des terres, ce qui, à la fois, génère du revenu et déplace les ressources agraires vers des producteurs efficaces45.

5.5.3 Droits fonciers, taille des exploitations et productivité agricole

Il n'existe pas d'étude approfondie de la relation entre sécurité foncière et productivité agricole; la plupart des résultats disponibles portent sur la relation entre la taille et la productivité des exploitations. Les preuves empiriques existantes du rôle du régime foncier ont toutes confirmé que la relation entre sécurité foncière et mesures de productivité est positive. Gershon Feder et ses collaborateurs ont effectué un travail de pionniers à cet égard en Thaïlande. Feder et Tongroj Onchan ont conclu de l'analyse de plus de 500 exploitations dans trois provinces de Thaïlande que l'émission de titres fonciers s'était traduite par une augmentation des investissements sur l'exploitation dans deux des provinces et par l'acquisition de terres dans la troisième46. Feder et Noronha citent une étude menée au Costa Rica et au Brésil qui a montré une relation positive entre la sécurité de propriété et le montant des investissements par unité de terre47. En Jamaïque, on a observé que l'intensité d'utilisation des terres réagissait positivement à la sécurité foncière48. Atwood a cité une étude démontrant l'existence d'un lien entre sécurité foncière et revenu agricole dans le cas du Kenya (D. A. Atwood, 1990, p. 659). Binswanger et al. citent également les résultats d'une étude moins formalisée menée en Équateur, qui vient appuyer la relation entre titres de propriété et niveau des revenus agricoles.

Feder et ses collègues ont découvert une relation claire et positive entre l'existence de titres fonciers et le crédit mis à la disposition de l'exploitant. Ils rapportent des faits observés en Inde, en Thaïlande et en République de Corée, qui montrent que les institutions formelles et informelles hésitent moins à prêter aux agriculteurs lorsque les terres servent de garantie49. En outre, ils concluent de leur analyse des données recueillies dans la province thaïlandaise de Lop-Buri à l'aide de deux modèles économétriques différents (page 243): «dans la région étudiée, le nantissement de garanties foncières augmente la quantité de crédit institutionnel offerte de 43 pour cent … ou de 55 pour cent … par rapport aux prêts non garantis».

Feder et Noronha mentionnent qu'«une étude menée au Costa Rica par Seligson (198250) a montré que, après le lancement d'un programme d'émission de titres fonciers, 31,7 pour cent des exploitations de l'échantillon obtenaient du crédit, contre 18 pour cent auparavant … [et que] des données portant sur la Jamaïque (Banque interaméricaine de développement, 198651) indiquaient que près de la moitié des détenteurs de titres d'un nouveau programme avait pu augmenter le montant de ses emprunts»52.

Dans une analyse de l'expérience du Nicaragua en matière d'attribution de droits fonciers, Deininger et Juan Sebastian Chamorro ont observé qu'un programme conférant des titres enregistrés (ayant force légale) aux petites exploitations avait accru la valeur des terres de 30 pour cent en moyenne, et fait augmenter la propension à investir sur les terres de 8 à 9 pour cent53.

L'étude empirique peut-être la plus approfondie de la relation entre taille des exploitations et productivité a été menée par Rasmus Heltberg pour le Pakistan. À partir des données recueillies auprès d'un échantillon d'agriculteurs, il a analysé les effets de la taille de l'exploitation sur la valeur ajoutée et le rendement des terres à l'hectare, en tenant compte des différences de qualité de sol, des imperfections du marché de la main d'œuvre et du crédit, ainsi que d'autres variables. Il obtient des résultats statistiques «hautement significatifs», qui indiquent une relation en U entre la taille de l'exploitation et chacune des deux mesures de productivité, à savoir la valeur ajoutée et le rendement à l'hectare. Cependant, dans une plage de tailles d'exploitations représentant 90 pour cent des exploitations et 65 pour cent des terres cultivées, ses résultats donnent une relation inverse. Il pose l'hypothèse (comme d'autres auteurs) que cette relation inverse provient avant tout du fait que la main d'œuvre salariée est un substitut imparfait à la main d'œuvre familiale. Ses principales conclusions sont les suivantes:

La littérature émet trois types de critiques à l'égard de l'hypothèse de la RI [relation inverse entre taille des exploitations et productivité]: (a) les preuves empiriques sont faussées par la non-prise en compte de biais des variables; (b) la relation n'est peut-être plus vraie après la Révolution verte; et (c) la relation inverse manque d'explication cohérente.
Concernant la première critique, cet article a présenté des preuves convaincantes appuyant l'existence d'une relation taille-production inversée, même lorsque l'on tient compte de l'hétérogénéité des sols et d'autres facteurs… Concernant la seconde critique, on s'est aperçu que les petites exploitations demeurent significativement plus productives que les grandes, même dans les régions irriguées et relativement développées du Pakistan. Concernant le troisième point … un faisceau d'hypothèses raisonnables relatives aux dysfonctionnements des marchés foncier, du crédit et de l'assurance a été émis pour rendre compte des relations systématiques entre taille et production et taille et profit … le cadre explicatif en termes d'imperfections de marché correspond bien aux données54.

Heltberg trouve des imperfections dans le marché du crédit et de la main d'œuvre agricole. Il existe également une relation en U entre le crédit à l'hectare et la taille de l'exploitation, avec un déclin de la variable crédit sur une plage considérable de tailles d'exploitations. Lorsque le crédit à l'hectare commence à augmenter avec la taille de l'exploitation, il pose l'hypothèse que cela peut contribuer à la productivité supérieure des très grandes exploitations par rapport à celles de taille moyenne.

Une autre étude empirique sérieuse de la relation entre taille des exploitations et productivité a été menée par Fidele Byiringiro et Thomas Reardon pour le Rwanda. Leurs principaux résultats se sont avérés en cohérence avec ceux de Heltberg, y compris la découverte d'une relation en U sur une vaste plage de tailles d'exploitations. Leurs conclusions sont les suivantes:

Nous nous sommes penchés sur les points suivants: (1) la productivité agricole moyenne et marginale des petites exploitations est-elle supérieure à celle des grandes exploitations et les petites exploitations présentent-elles une moindre efficacité d'allocation? (2) … l'érosion des sols entraîne-t-elle une diminution de la productivité agricole et les investissements consacrés à la protection des sols l'augmentent-ils? La réponse à ces deux questions a été nettement affirmative. En outre, la relation inverse n'est pas atténuée par l'érosion plus importante des petites exploitations, en dépit de leurs pratiques agricoles plus intensives (moins de jachères). En fait, les petites exploitations ne sont pas plus érodées que les grandes. De plus, la relation inverse n'est pas atténuée par l'utilisation dans les grandes exploitations de davantage d'intrants autres que la main d'œuvre ou par l'augmentation des superficies consacrées à des cultures pérennes commerciales. En fait, les grandes exploitations ne pratiquent pas davantage l'une ou l'autre que ne le font les petites.
… nous trouvons une valeur de production marginale agricole des petites exploitations très supérieure au prix de location des terres, ce qui implique inefficacité d'utilisation des facteurs et contraintes sur l'accès aux terres. À l'inverse, la valeur du produit marginal du travail dans les petites exploitations est très inférieure au salaire du marché. Cela implique un «blocage» de la main d'œuvre sur les petites exploitations et des contraintes d'accès aux opportunités du marché de la main d'œuvre …55

Outre ces études économétriques, le dépouillement de données provenant de recensements agricoles et d'enquêtes dans plusieurs pays montre une productivité à l'hectare nettement plus élevée pour les petites exploitations que pour les grandes. Binswanger, Deininger et Feder ont cité des résultats équivalents obtenus depuis longtemps par Albert Berry et William Cline, qui ont montré que la valeur de la production à l'hectare est 5,6 fois plus importante sur les petites exploitations que sur les grandes dans le nord-est du Brésil, 2,7 fois plus importante dans la province pakistanaise du Punjab et 1,5 fois plus importante dans le programme d'irrigation Muda en Malaisie56. De la même manière, les données du recensement mené au Honduras au milieu des années 70 ont montré que «pour les exploitations de 0 à 2 hectares, le revenu agricole à l'hectare se montait à 584 lempiras, [alors que] pour les exploitations de 10 à 20 hectares, il n'était que de 215 lempiras»57. Des résultats comparables ont été trouvés dans d'autres pays. L'existence d'une relation inverse entre taille de l'exploitation et productivité à l'hectare dans les pays en développement est maintenant largement reconnue et acceptée dans la plupart des cas, bien que l'on puisse toujours y trouver des exceptions.

5.5.4 Cessibilité des droits fonciers traditionnels

Aux stades anciens des régimes fonciers traditionnels, la cession des droits fonciers existe parfois, mais au sein de la communauté, en particulier entre parents proches. Les transferts à des personnes de l'extérieur sont, soit interdits, soit assujettis à l'approbation de toute la communauté. Cependant, les sociétés tribales ont souvent trouvé moyen de contourner l'interdiction officielle de vendre les terres58. On peut également citer d'autres cas: au Niger, les ventes de terres sont en augmentation, bien que les règles indigènes l'interdisent59 … Nkunya60 dit, de la région de la Volta au Ghana, que la vente pure et simple est en train de s'y généraliser61.

L'évolution des droits fonciers, suite à la raréfaction des terres relativement à la main d'œuvre, n'est pas confinée à l'Afrique et l'Amérique précolombienne. Gershon Feder et David Feeny résument ainsi le processus historique en Thaïlande au XIXe siècle:

… dans la Thaïlande du début du XIXe siècle, où les terres abondaient et la main d'œuvre était rare, les esclaves servaient plus fréquemment que les terres de garantie sur les marchés financiers. Un système juridique bien développé régissait les transactions d'engagements de main d'œuvre. À l'inverse, le système des droits d'usufruit des terres n'était pas aussi développé… À mesure que la terre a pris de la valeur et que des régions nouvelles ont été mises en culture, les conflits fonciers sont devenus endémiques. Le gouvernement thaï a réagi par une série de changements procéduraux et administratifs. Une nouvelle loi très importante sur les droits fonciers fut mise en application en 1892 … l'absence de levés et de registres adéquats a continué d'empêcher une documentation précise des droits; les conflits fonciers ont continué. En 1896, le gouvernement a réagi en effectuant un levé cadastral dans une région où d'importants cadres du gouvernement possédaient également des terres et, en 1901, il a créé un système formalisé d'émission de titres de propriété62.

Cependant, il faut reconnaître que, dans la plupart des régimes fonciers coutumiers, la vente de terres demeure difficile, si ce n'est impossible. La tendance historique à l'individualisation progressive des droits fonciers soulève, non seulement la question de leur nature dans une économie de marché, mais aussi de la mesure dans laquelle il convient de les réglementer. La réglementation de l'utilisation des terres existe dans les sociétés traditionnelles, en particulier en matière de droits de cession de terres et de périodes de jachère, ainsi que d'autres mesures de protection de la fertilité des sols; ce type de réglementation est plus souvent exercé par des conseils de village que promulgué par des lois écrites et l'action d'une bureaucratie impersonnelle.

5.5.5 Problèmes de la transition des régimes coutumiers aux régimes institutionnalisés

Qu'elle passe par la mise en place de droits fonciers formels ou d'autres moyens, la transition de régimes fonciers coutumiers vers des régimes fonciers institutionnalisés est en marche dans le monde entier. Le processus de transition d'un type de régime foncier à un autre peut lui-même engendrer des incertitudes sur les droits fonciers, sauf s'il est dirigé avec beaucoup de soin. Ce type d'incertitudes sape la sécurité foncière.

L'une des préoccupations suscitées par ce type de transition est l'approche à adopter pour éviter que les membres fortunés de la société manipulent les nouvelles institutions et procédures de gestion des terres pour priver de droits fonciers les familles à faible revenu. Par exemple, «l'expérience de l'ancienne Union soviétique montre que, même après une réforme juridique, il est difficile de déloger de leur poste les bureaucrates qui fournissent aux propriétaires des informations trompeuses afin de garder le contrôle, ce qui se traduit par la confusion et l'insécurité des droits fonciers»63. Pour citer un autre observateur:

En Europe de l'est … une raison majeure de l'inefficacité de l'allocation des ressources est le contrôle excessif que les politiciens et les bureaucrates ont le droit d'exercer sur l'essentiel de l'économie… [en Russie] la réforme agraire a été … paralysée par les organismes gouvernementaux qui contrôlaient de fait l'ensemble des transactions foncières64.

Ce problème se pose également dans le contexte de la transformation de régimes fonciers coutumiers en régimes modernes avec titres formels, comme dans le cas de la Zambie:

On craint non sans raison que les réformes agraires proposées ne facilitent l'accès de personnes extérieures à des titres fonciers sur des terres de réserves et sous tutelle, au détriment des populations locales. Lors de la mise en place des titres fonciers, il est possible que des individus plus riches et mieux informés en profitent pour prétendre à des terres sur lesquelles d'autres personnes, moins bien informées, ont des droits coutumiers65.
Platteau a commenté:
… la superposition d'un nouveau régime de droits fonciers appuyé par l'État tend à créer de graves incertitudes quant à l'application des règles indigènes tandis que, à l'inverse, la persistance de dispositions foncières coutumières crée des incertitudes quant à la réelle validité de la législation foncière institutionnalisée. L'ambivalence du dualisme des droits fonciers génère divers coûts d'efficacité, tant statiques que dynamiques66.

S. Berry a attiré l'attention sur le problème de «l'accumulation politisée» des terres en Afrique67. Platteau remarque que, souvent, les groupes urbains, en particulier les fonctionnaires, maîtrisent beaucoup mieux les procédures d'attribution de titres fonciers que l'agriculteur moyen et peuvent donc les utiliser à leur avantage:

Les biens immobiliers semblent être le secteur privilégié d'accumulation de la classe politique et de ses alliés… En Côte d'Ivoire, par exemple, le Code foncier de 1971 a déclenché un processus d'appropriation des terres par l'élite politico-administrative … Les demandes [de titres de propriété], d'abord confinées à la périphérie des grandes villes, se sont progressivement étendues aux régions rurales et, par voie de conséquence, une superficie croissante de terres coutumières est passée des communautés villageoises à l'élite urbaine … Au Sénégal … [la Loi foncière nationale] autorisait les résidents à apporter la preuve de leur titre de propriété et à en demander l'enregistrement dans les six mois suivant la date du vote de la loi. Cette mesure a fonctionné clairement à l'avantage des personnes riches et mieux informées, qui ont utilisé la période de transition légale pour agrandir leurs biens immobiliers en ayant recours à toutes les manigances possibles: prise en gage et emprunt traditionnels de terres qui, une fois cultivées, seraient considérées comme leur appartenant quand la [loi foncière] serait appliquée; édification de constructions précaires sur des terres non cultivées; création de prétendus groupements agricoles ou associations, supposés exploiter les terres convoitées … À l'inverse, la plupart des ruraux ignoraient les nouvelles dispositions de la loi et personne ne les a informés qu'il fallait déposer des demandes68.

… le processus d'émission ou d'enregistrement de titres de propriété peut, comme au Kenya, permettre à quelques uns de s'approprier des droits de propriété exclusifs sur des terres communales auparavant ouvertes à tous les membres de la communauté ou sur des terres détenues collectivement par des familles … l'émission ou l'enregistrement de titres fonciers, quand ils sont mal gérés ou quand les droits coutumiers n'ont pas servi de base à l'enregistrement, ont permis à des individus puissants de s'emparer des terres des agriculteurs pauvres dans certaines situations africaines. (D. A. Atwood, 1990, p. 661)

Binswanger, Deininger et Feder ont résumé ce problème en termes généraux, soulignant que l'introduction de titres fonciers peut conduire à une plus grande concentration des propriétés et à la dépossession de ceux qui bénéficiaient de droits fonciers dans le cadre du régime coutumier antérieur. Avec l'introduction de titres fonciers, des individus riches et influents profitent de leur meilleure information pour prétendre à des terres sur lesquelles d'autres, moins bien informés, détiennent des droits coutumiers69.

Une conclusion importante en ce qui concerne la politique agricole est que l'incertitude associée au changement de régime foncier est moindre lorsque la transition se limite à légaliser les droits coutumiers.

Le processus de transition génère parfois un autre problème, celui du risque d'affaiblissement des droits des agriculteurs sur les terres coutumières, lorsque l'État s'en voit attribuer le titre de propriété. Par exemple, les agriculteurs (ou la communauté) risquent de perdre le droit de décider de l'héritier de chaque parcelle, ou le droit de vendre ou louer tout ou partie des terres. Alden Wily a résumé ce problème dans le contexte de l'Afrique de l'est et du sud:

Les stratégies de transformation des droits fonciers coutumiers … ont inclus … la subordination des droits coutumiers [aux] terres du gouvernement, comme dans les homelands d'Afrique du Sud, les terres collectives du Zimbabwe, de la Namibie et du Malawi, les terres sous tutelle du Kenya et, jusqu'à récemment, les «terres publiques» d'Ouganda. Il s'agit là de terres relevant de la tenure coutumière, et dont la propriété a été attribuée à des présidents et à des États, transformant leurs habitants en «occupants» sans terres sur leurs terres ancestrales70.

Bien que les risques associés à la mise en place d'un système formel de titres fonciers soient très réels, ne pas s'engager dans cette voie peut en créer d'autres. L'un d'entre eux a été signalé par Alden Wily dans le paragraphe ci-dessus. Ne pas émettre de titres fonciers (en faveur de groupes ou d'individus) risque de ne pas inciter les agriculteurs à améliorer leurs terres et d'encourager les luttes de pouvoir locales pour la possession des terres. Les problèmes découlant de l'absence de titres formels tendent à s'aggraver lorsque la valeur des terres augmente: on observe alors que les conflits fonciers et la capture de terres par des agriculteurs plus importants ou plus influents se multiplient71.

5.6 DROITS FONCIERS COMMUNAUX, COLLECTIFS ET INDIVIDUELS

5.6.1 Terres communales

La superficie des terres communales (ressources mises en commun) a tendu à se réduire au cours de ces dernières décennies, parallèlement à la progression de la formalisation des droits coutumiers, mais il en existe encore partout dans le monde et, dans certains pays, elles constituent la forme dominante de possession des terres en zones rurales. En principe, leur propriété et leur gestion sont l'affaire de la communauté, mais Nadia Forni a commenté que:

… les ressources peuvent être considérées en propriété commune, même si, légalement, la propriété en revient à leurs utilisateurs, à l'État ou à un autre organisme public, pourvu qu'elles soient effectivement gérées selon des normes de propriété commune. Les mares villageoises, les forêts, les rivières et les ruisseaux, par exemple, relèvent souvent de la propriété légale formelle de l'État, mais sont gérées de facto par la collectivité … Les ressources en propriété commune relèvent de systèmes de gestion où les ressources sont accessibles à un groupe de détenteurs de droits qui a le pouvoir d'aliéner le produit des ressources, mais pas les ressources elles-mêmes72.

Ciriacy-Wantrup et Bishop, Platteau73 et d'autres auteurs ont établi une distinction claire entre terres communales et terres en libre accès, arguant du fait que les premières ne sont pas nécessairement les secondes. La «tragédie des communaux» (tragedy of the commons) se joue sur la terre en libre accès dont les utilisateurs sont davantage motivés à l'exploiter au maximum, à son détriment, avant que d'autres ne fassent de même, plutôt qu'à en assurer la pérennité. À l'inverse, l'accès aux terres communales et à d'autres ressources naturelles en propriété collective, peut être régulé par la communauté, au moins en principe:

La propriété en commun, et la régulation institutionnelle qu'elle implique, peut donner de bons résultats dans une économie de marché pour la gestion des ressources naturelles, telles que les pâturages et les forêts74.

Forni souligne les avantages potentiels des régimes de propriété communale dans certains cas:

… Les ressources en propriété commune ne sont pas des reliques de l'évolution; elles existent parce qu'elles présentent certains avantages. Elles sont préférables à l'accès libre ou à la propriété privée lorsque les ressources sont théoriquement divisibles en unités contrôlées par des individus, mais que le coût du contrôle de la propriété par une seule personne est prohibitif … Jodha (199275) indique que, dans un échantillon de villages indiens, 14 à 23 pour cent du revenu provenaient de l'utilisation de ressources en propriété commune, et jusqu'à 84 à 100 pour cent pour les pauvres. [Il est difficile] d'appliquer les principes d'efficacité ou d'optimalité lorsqu'il existe d'importantes fluctuations annuelles de production, comme c'est souvent le cas pour les ressources en propriété commune, et que l'efficacité à court terme risque de compromettre la durabilité à long terme76.

Larson et Bromley attribuent la tragédie des communaux davantage à la pauvreté rurale qu'à la nature communale des biens, faute d'une incitation effective à un usage durable77. S'il peut s'avérer difficile de déterminer avec précision les causes de la dégradation des terres - et la gestion communale des terres est à même de la prévenir ou de la stopper dans certains cas – en pratique, dans les pays en développement, la gestion des terres communales par la communauté tend souvent à être défectueuse et, en général, les terres communales ont tendance à se dégrader plus rapidement que les terres privées. Au Zimbabwe, par exemple, une étude physico-chimique des mécanismes d'érosion des sols à montré que:

Pour certains observateurs, la dégradation des terres communales au Zimbabwe est imputable au premier chef à l'augmentation de la densité démographique plutôt qu'à des faiblesses de gestion des terres communales par la collectivité. Il est vraisemblable que cette gestion devient moins bien adaptée à mesure que la pression démographique, et donc la valeur de la terre, augmente.

Ramón López a identifié une nette tendance à la surexploitation des terres agricoles communales en Côte d'Ivoire. Voici quelques uns de ses principaux résultats:

La contribution estimée de la biomasse au revenu agricole brut en Côte d'Ivoire est très similaire aux valeurs estimées pour le Ghana (López, 199779). En outre, plusieurs études agronomiques menées dans les pays tropicaux ont montré que la période de jachère contribue pour une large part à la productivité agricole … les preuves agronomiques sont en cohérence avec les estimations faites ici de l'effet de la biomasse sur les revenus agricoles …
Selon les estimations économétriques, le revenu agricole d'un village moyen pourrait augmenter de 14 pour cent à long terme si le coût total de la biomasse était internalisé par les agriculteurs. Cela représente une perte importante, plusieurs fois supérieure aux pertes généralement estimées pour les distorsions liées au prix ou au commerce. La cause principale de cette perte de revenu est le fait que les terres sont sur-cultivées à environ 23 pour cent.
Les communautés rurales ne semblent pas avoir réussi à mettre en place un système d'incitation et de contrôle pour les agriculteurs qui se traduirait par une affectation socialement optimale des terres entre la forêt, les jachères et les cultures et éviterait du même coup la tragédie des communaux. Ces résultats appuient les auteurs qui ont mis en doute l'efficacité des formes indigènes de propriété pour parvenir à une affectation socialement efficace des ressources naturelles …
En général, il semble que la propriété communale soit efficace dans les communautés à faible densité démographique où les coûts de transaction et de surveillance sont faibles … le paradoxe est que c'est précisément lorsque la densité démographique est forte et s'accroît rapidement que l'action collective est la plus nécessaire pour utiliser efficacement les ressources communes80.

Pour la Zambie, Chinene et al. ont observé que les pâturages en propriété communale sont de ce fait mal gérés, avec pour conséquences surpâturage et érosion81. Bien que toutes les études empiriques ne soient pas parvenues aux mêmes conclusions que celles de Lopez, Chinene et leurs collègues, Platteau reconnaît lui aussi que l'incapacité des régimes de propriété communale à protéger les ressources foncières est une réalité très répandue: «on ne peut pas nier qu'aujourd'hui les tragédies des communaux se multiplient à un point tel qu'elles sont devenues une préoccupation importante dans nombre de pays africains … les régimes fonciers coutumiers tendent à se transformer progressivement en régimes de libre accès»82.

En dépit de ces problèmes, les terres communales jouent toujours un rôle important pour de nombreux groupes dans le monde83, y compris les populations indigènes ou tribales d'Asie ou d'Amérique latine, ainsi que pour certains groupes dans quasiment tous les pays africains. Dans le contexte d'une stratégie de terres communales, il est possible d'élaborer des politiques pour aider ces groupes, tout d'abord en les protégeant contre la perte de leurs terres et ensuite en les conseillant sur les diverses possibilités de gestion des terres communales et en y formant leurs membres. Pour citer Binswanger et al., «on pourrait attribuer un titre de propriété à la communauté pour sécuriser ses biens contre … les empiètements extérieurs et empêcher l'exclusion des pauvres de la propriété communale»84. C'est ce qui a été fait au Mozambique.

Atwood rejoint le consensus sur ce point et donne davantage de précisions sur la forme des titres collectifs:

Si l'insécurité du régime foncier n'affecte pas la cession des terres, mais plutôt le maintien des droits existants des populations locales sur les terres, on pourrait envisager d'autres alternatives. Lorsque l'insécurité est le fait avant tout de personnes extérieures à la communauté, le renforcement ou la mise en place de régimes fonciers collectifs ayant un degré de légitimation et d'application juridiques pourrait suffire à résoudre le problème. Les sociétés foncières, les titres de propriété collectifs et d'autres formes de propriété commune reconnus par la loi pourraient assurer la sécurité requise par rapport au monde extérieur. L'avantage des régimes fonciers collectifs est qu'ils sont beaucoup moins coûteux, et donc plus durables, que l'émission ou l'enregistrement de titres de propriété. Ils s'appuient sur les capacités locales informelles de gestion, d'information et de règlement des litiges, plutôt que sur les mécanismes du système juridique institutionnalisé de l'État. Ce type de régimes visant à protéger les droits des individus, ils requièrent des critères clairs de droits individuels et de règlement des litiges, mais aussi des mécanismes de responsabilisation des dirigeants locaux [souligné par nous]85.

Bien évidemment, les titres collectifs présentent des limites en tant qu'instruments fonciers. Ils semblent mieux s'adapter aux petites communautés, au sein desquelles il est relativement facile d'atteindre et d'appliquer un consensus sur les règles gouvernant l'utilisation [de la ressource]. Les communautés plus importantes peuvent avoir davantage de difficultés à contrôler les formes d'utilisation communale, et les tensions ont aussi plus de chances d'émerger lorsque de nouvelles occasions d'investissement apparaissent avec l'arrivée de nouvelles techniques de production agricole ou post-récolte86.

Ruth Meinzen-Dick rappelle de manière salutaire que les processus de décision dans les groupes bénéficiaires de titres fonciers peuvent eux-mêmes créer l'exclusion dans certains domaines:

Si, en règle générale, pour des raisons d'équité, l'enregistrement collectif est préférable à l'absence de définition des ressources en propriété commune, qui les laisse vulnérables à l'accaparement par des personnes de l'extérieur ou à l'expropriation par l'État, il est important de tenir compte du mode de définition des groupes. Chaque fois que l'on renforce les droits de contrôle (en particulier les droits de gestion et d'exclusion) d'une personne ou d'un groupe, on diminue les droits d'utilisation (accès ou retrait) d'autres individus. Cela peut s'avérer une bonne chose pour la protection de l'environnement et même renforcer les droits des pauvres. Cependant, la composition du groupe est importante. Par exemple, si une association de jeunes hommes se voit attribuer les droits de décision concernant les forêts de la communauté, elle pourra prendre des décisions qui protègent la forêt mais empêchent les femmes de ramasser des branches sèches pour le feu. De la même manière, en Inde, les programmes d'aménagement des bassins versants, dans lesquels la décision revient majoritairement aux membres masculins de l'élite, ont limité l'accès des femmes et des éleveurs et bénéficié principalement aux agriculteurs, qui reçoivent davantage d'eau87.

La Loi pour la modernisation et le développement du secteur agricole du Honduras, déjà citée, donne un exemple de protection légale conférée aux terres de groupes indigènes. Son article 65 stipule, en partie:

Les communautés indigènes qui peuvent prouver qu'elles occupent depuis au moins trois ans les terres où elles sont installées recevront des titres de propriété, à titre totalement gracieux, émis par l'Institut de la réforme agraire [traduction].

La section 5.8 aborde plus en détail les options de politique en matière de terres communales. Un défi majeur est d'éviter de saper les droits communaux, et les régimes fonciers coutumiers en général, pendant la période de mise en place de systèmes de droits plus institutionnalisés.

5.6.2 Exploitations collectives ou exploitations individuelles

Les exploitations collectives et étatiques, et leurs variantes baptisées coopératives de production, sont presque toujours issues de mouvements de réforme agraire. Elles sont basées, soit sur la propriété des terres par l'État, soit sur une forme très restrictive de propriété collective par ceux qui y travaillent. Elles ne sont pas le résultat de l'évolution de formes de production communales existantes, mais ont été imposées aux bénéficiaires des réformes par les gouvernements, à la seule exception peut-être des kibbutzim d'Israël. En général, leur création a été motivée par la conviction qu'il était possible de réaliser des économies d'échelles en agriculture, par un souci d'équité socio-économique au sein de la population rurale et, parfois, par un préjugé idéologique contre la propriété privée.

En tant qu'entreprises économiques, la plupart des exploitations collectives sont nées avec plusieurs handicaps. En général, leurs membres n'avaient pas le droit d'hypothéquer leurs avoirs, ni d'en vendre ou d'en louer une partie. La loi leur refusait également la possibilité d'obtenir un financement productif de la part des banques privées88, et tous les services de conseil agricoles devaient être fournis par le gouvernement. Pour compenser ces inconvénients, elles étaient en général fortement subventionnées, surtout par le biais de la fourniture de machines et de matériel, et bénéficiaient d'un crédit bon marché de la part des institutions de l'État.

Quels que soient leurs avantages et leurs contraintes, leurs performances ont presque toujours été médiocres comparées aux exploitations privées. Le bilan des exploitations collectives d'El Salvador a été dressé après plusieurs années de fonctionnement, et comparé à celui de petites exploitations individuelles adjugées aux fermiers antérieurs. Les résultats de cette évaluation illustrent l'expérience de nombreux pays en matière de fermes collectives:

Au sein des coopératives [c'est-à-dire des exploitations collectives], les superficies cultivées collectivement ont diminué régulièrement, tandis que les terres cultivées individuellement, toujours interdites par la Loi élémentaire (décret № 153), sont passées à près de 25 000 hectares, soit près de 40 pour cent de la totalité des terres cultivées collectivement. De la même manière, le nombre de campesinos non-membres qui cultivent les terres louées (illégalement) aux coopératives continue d'augmenter. En résumé, les superficies cultivées collectivement sont passées de 91 361 hectares en 1980/81 à 63 049 en 1986/87 …
Depuis le premier bilan des coopératives … mené … en 1983/84, la superficie des terres cultivables non utilisée est passée de 16 000 à 20 500 hectares et celle des terres classées pâturages naturels (qui correspondent à une sous-utilisation des ressources foncières), de 34 000 à 51 000 hectares …
Bien que [les agriculteurs qui ont reçu des droits sur des petites parcelles qu'ils exploitaient en tant que locataires] travaillent des terres nettement moins fertiles que celles des [coopératives], ils ont réussi à augmenter leurs rendements par rapport aux coopératives … pour trois des quatre céréales de base … La taille moyenne des parcelles [reçues par les anciens locataires] est demeurée très faible (1,05 hectare), contre 5,46 hectares [par membre de coopérative]. Néanmoins, le revenu net par bénéficiaire [des anciens locataires] n'est que de 7 pour cent inférieur à celui [des membres de la coopérative]89.

Michael Martin et Timothy Taylor ont mené une étude approfondie de 28 exploitations collectives issues de la réforme agraire dans les départements céréaliers de Olancho et de El Paraíso au Honduras. Voici quelques uns de leurs résultats:

… la plupart des coopératives ont été des échecs financiers … L'un des principaux problèmes institutionnels auxquels se sont trouvés confrontés les agriculteurs du secteur de la réforme agraire a été la nécessité de travailler collectivement. Les agriculteurs se plaignent que l'exploitation des parcelles collectives ne soit pas suffisamment intensive parce que certains agriculteurs ne se sentent pas motivés à fournir autant d'efforts que s'il s'agissait de parcelles individuelles. Aucun groupe étudié ne travaille complètement collectivement. La plupart se sont attribués au moins une partie des terres adjugées pour les cultiver individuellement. Certains ont totalement abandonné la production collective90.

Dans les montagnes du Pérou, les exploitations collectives issues de la réforme agraire créées à partir d'haciendas expropriées se sont effondrées d'elles-mêmes à la fin des années 80 après de nombreuses années de graves difficultés économiques. Inversant la tendance historique normale, la plupart de leurs terres ont été absorbées par les communautés indigènes, qui disposaient d'un régime coutumier où coexistaient des terres communales et des parcelles individuelles régies par des droits d'usufruit. Suite à cela, la réforme agraire à l'origine des coopératives fut abandonnée et remplacée par un nouveau code agraire aux orientations plus marchandes, mais respectueuses des droits coutumiers.

L'auteur a eu l'occasion de visiter une exploitation collective dans la province de Puno, au Pérou, à la fin des années 80. Ses membres et leur bétail étaient mal nourris, les étables étaient en mauvais état et leur unique taureau reproducteur était trop vieux pour accomplir son devoir. Ils se plaignaient que, bien que la superficie de l'exploitation soit plus que suffisante pour nourrir le cheptel existant, la loi les empêchait de vendre ou de louer une partie des terres, comme ils l'auraient souhaité afin de réunir le capital requis pour améliorer l'exploitation des terres restantes.

Dans le cas de la Chine continentale, la réforme agraire a commencé par créer des parcelles individuelles exploitées par leur propriétaire. C'est seulement à un stade ultérieur qu'ont été développées des formes associatives d'exploitations agricoles, progressivement forcées dans le moule des exploitations collectives. Cette expérience, résumée par Niu Ruofeng et Chen Jiyuan, vaut la peine que l'on s'y arrête pour l'éclairage qu'elle apporte à l'efficacité respective des exploitations collectives et individuelles:

En Chine continentale, la réforme agraire a été réalisée entre 1950 et 1952. Elle a aboli le système féodal et confisqué les terres inutilisées par les propriétaires, qu'elle a redistribuées [gratuitement] aux paysans sans terres ou à ceux dont les terres étaient insuffisantes … le contrôle de ces terres est donc passé aux cultivateurs … environ 300 millions de paysans de Chine continentale ont acquis 50 millions d'hectares et d'autres moyens de production. De plus, les nouveaux propriétaires furent libérés de toutes dettes en matière de loyers ou d'emprunts usuraires.
Les petites exploitations privées … devinrent quasiment l'unique forme de gestion après la réforme agraire. … L'agriculture … détruite pendant la longue période de lutte armée antérieure à 1949, reprit des forces et retrouva rapidement toute sa vitalité. La production totale augmentait de 14 pour cent par an au début des années 50.
Le gouvernement encouragea les petits agriculteurs à créer des groupes d'assistance mutuelle (GAM) et des Coopératives élémentaires de producteurs agricoles (CEPA) pour surmonter certaines des difficultés auxquelles ils étaient confrontés, telles que le manque d'outils aratoires et d'animaux de trait … Les GAM étaient basés sur la propriété privée. Les ménages agricoles se prêtaient de la main d'œuvre, des outils aratoires et des animaux de trait pour les travaux des champs, mais ils pouvaient décider du type de production sur leurs propres terres …
[Par la suite] commença la transformation socialiste de l'agriculture, quasiment terminée fin 1956 … au total 740 000 Coopératives avancées de producteurs agricoles (CAPA) furent créées dans tout le pays, regroupant plus de 90 pour cent des ménages agricoles … Les CAPA se caractérisaient par un système de gestion entièrement collectif et une responsabilité à deux niveaux (coopérative et équipe). Les terres, les animaux de trait et les gros outils aratoires étaient en propriété collective. La propriété privée des membres de la coopérative sur ces moyens de production fut abandonnée … Leur revenu ne provint plus que de la collectivité, calculé en fonction du nombre de jours de travail, et leurs droits à un revenu fondé sur leur part des avoirs affectés à coopérative furent abolis.
La réorganisation des CEPA en CAPA atteignit son summum pendant l'été 1955 et le taux de croissance de la production agricole commença à décliner …
La création des communes populaires se déroula dans tout le pays pendant l'été et l'automne 1958 … Aucune motivation économique ne venait stimuler l'enthousiasme des agriculteurs. En règle générale, la lente augmentation de la production agricole pendant les vingt années d'existence des communes entraîna la stagnation de l'économie rurale, de la production per capita et de la consommation … la production agricole avait chuté brutalement pendant les trois premières années de l'ère des communes … Ce fut durant ces années que les agriculteurs souffrirent le plus91.

L'estimation d'une fonction de production de l'agriculture chinoise par Justin Yifu Lin a livré des résultats similaires:

Les résultats indiquent que l'augmentation de la production pendant les années 1978 à 1984 est d'abord imputable au passage du système d'équipe de production à celui de responsabilité des ménages … de nombreux responsables et experts, non seulement en Chine, mais aussi dans de nombreux pays en développement, considèrent l'agriculture collective comme une méthode attractive de consolidation des terres et d'amélioration de la productivité. Mes résultats laissent pourtant entendre que l'exploitation familiale présente ses propres avantages. L'agriculture familiale utilisant les intrants de manière plus productive, il se peut qu'elle constitue une institution mieux adaptée au développement de l'agriculture dans les pays en développement, dont la Chine92.

Si des politiques de prix défavorables ont également influé sur les médiocres performances du secteur agricole pendant la période du collectivisme en Chine, les avis sont unanimes pour en attribuer la responsabilité majeure au régime foncier. Selon la Banque mondiale, la plupart des succès agricoles de la Chine depuis 1978 sont à mettre au crédit du passage à des droits fonciers individualisés par le biais de baux à long terme explicites ou implicites93.

En Hongrie également, la comparaison directe des performances des exploitations collectives et individuelles joue en faveur de ces dernières. Ferenc Fekete, Tamas Fènyes et Jan Groenewald ont présenté (Table 5.1) pour l'année 1989 des données frappantes sur la propriété des terres et des avoirs agricoles et la valeur ajoutée agricole par type de régime foncier94:

Table 5.1 - Propriété, avoirs agricoles et valeur ajoutée selon la tenure (%), en Hongrie

 Exploitations coopérativesExploitations étatiquesUnités individuelles
Terres76,214,39,5
Avoirs agricoles64,621,214,2
Valeur ajoutée40,18,944,4

Les exploitations collectives ont également été un échec en Éthiopie pendant les années 1978–1985. Selon l'étude de Klaus Deininger, ces exploitations collectives («coopératives»):

Ont bénéficié d'intrants modernes et de crédit à taux subventionnés, ont payé moins d'impôts de capitation que les agriculteurs indépendants, ont reçu en priorité les services de vulgarisation de l'État et pouvaient contraindre les communautés paysannes environnantes à travailler pour elles («corvée»). En dépit de ces privilèges, leurs performances productives sont demeurées lamentables: les rendements des cinq principales céréales étaient systématiquement inférieurs à ceux des petits exploitants … Lorsque le gouvernement, confronté à d'autres difficultés, relâcha son emprise sur le secteur coopératif en 1990, pratiquement toutes les coopératives de production furent rapidement démantelées …
Les exploitations étatiques étaient encore plus favorisées en termes d'allocation des ressources. Bien que ne couvrant que 4 pour cent de la superficie totale, elles recevaient 76,5 pour cent des engrais chimiques, 95 pour cent des semences améliorées et 80 pour cent du crédit disponible … De 0,7 hectare pour les exploitations familiales, la superficie moyenne par travailleur était de 15 hectares dans les exploitations étatiques … Dans la longue liste des problèmes rencontrés par ce type d'exploitations, figurent en bonne place la lenteur de la prise de décision centralisée et le poids des frais généraux, les inefficacités techniques, l'utilisation de technologies inadaptées … et de graves problèmes de motivation, liés principalement à des programmes de primes inadéquats et à l'incapacité des directeurs à licencier les ouvriers … Les pertes annuelles moyennes du secteur des exploitations étatiques entre 1978 et 1985 ont atteint 40 millions de dollars … et le nouveau gouvernement convient que l'abandon, le démantèlement et la liquidation des avoirs restants sont les seules options économiquement viables95.

Le document de Deininger passe en revue les performances tout aussi décevantes des exploitations collectives au Viet Nam, en Chine, à Cuba, au Nicaragua, au Pérou et en Israël (dans ce dernier cas, les principaux problèmes économiques des kibbutzim ont été les subventions très importantes nécessaires au maintien de leur existence et leur fort endettement). Les coopératives de production camerounaises se sont elles aussi caractérisées par de médiocres performances, la gestion d'État ayant failli à représenter les intérêts des agriculteurs96. Compte tenu de leurs résultats peu satisfaisants, le statut foncier des exploitations collectives et des terres exploitées par les cultivateurs locataires de l'État a subi une transformation radicale au Mexique, au Chili et en El Salvador, faisant place davantage à la propriété individuelle des terres.

En résumé, les preuves empiriques relatives aux exploitations collectivistes sont fortement négatives. Elles forment un contraste frappant avec les réformes agraires du Japon, de la République de Corée et de Taiwan, qui ont donné les terres aux agriculteurs et mis en place des petites exploitations gérées par leur propriétaire, et qui ont beaucoup mieux réussi à augmenter la productivité. Selon Platteau, l'expérience de la République de Corée:

… constitue un cas dont l'étude est particulièrement instructive, précisément parce qu'elle a réussi pour une grande part à atteindre les objectifs d'équité et d'efficacité, non seulement à court terme, mais aussi à long terme… elle a donné une base véritablement égalitaire au système agricole. L'élan principal a été donné par le remplacement du fermage par la culture par le propriétaire, et non par une redistribution radicale des terres … la réforme a eu pour principal impact de renforcer positivement les incitations à produire, ainsi que d'élargir la «capacité d'absorption» des investissements et du changement technique par le système agricole97.

Néanmoins, il y a eu des exceptions, telles que certaines coopératives d'huile de palme dans le nord du Honduras. Binswanger et al, soulignent que les conditions de la réussite des exploitations collectives, ou des coopératives de production, sont les économies d'échelle et la nécessité d'un déplacement rapide et bien coordonné du produit jusqu'au port ou au marché. Ils suggèrent donc que l'huile de palme et le thé conviennent particulièrement bien aux opérations de plantation et constituent à ce titre de bons candidats pour la culture en coopératives de production ou exploitations collectives. (Binswanger, Deininger et Feder, 1995, p. 2696).

Les échecs très répandus des exploitations collectives, sous leurs différentes variantes, tiennent principalement aux facteurs suivants:

  1. L'absence de propriété du bien et donc l'incapacité des membres de l'exploitation à exercer les options normales de vente, de location et d'hypothèque; parfois il faudrait vendre ou louer une partie des terres pour préserver la viabilité économique de l'unité.

  2. L'ingérence récurrente de l'État dans la gestion des unités, entraînant souvent des décisions que ne justifie pas la bonne gestion d'une entreprise agricole. Dans la réforme des ejidos mexicains, «la base légale de la participation du gouvernement aux ejidos fut démantelée, ce qui mit fin au paternalisme bureaucratique très critiqué de l'État»98. Dans le cas du Cameroun, «le contrôle de l'État sur les coopératives [de production] a atteint le point où elles sont dirigées par des fonctionnaires du gouvernement qui tentent de sauvegarder la centralisation du pouvoir politique et les utilisent pour distribuer des faveurs»99.

  3. L'absence de structure interne adéquate de motivation encourageant les agriculteurs à travailler aussi diligemment sur les parcelles collectives que sur les leurs. Il s'agit là d'une lacune fondamentale et, par voie de conséquence, le seul domaine dans lequel les unités collectives ont pu se montrer concurrentielles par rapport aux unités privées est l'agriculture de plantation, qui fonctionne toujours avec de la main d'œuvre salariée.

  4. Dans certains cas, la gestion incompétente des exploitations collectives, soit parce que les directeurs étaient nommés pour des raisons politiques et manquaient des qualifications requises, soit en raison de la corruption.

En outre, la gestion paternaliste par l'État de nombreuses coopératives de production issues de la réforme agraire a généré d'autres types de problèmes que la restructuration des entreprises ne suffit pas à résoudre. Par exemple, la gestion des coopératives a souvent généré des attitudes perverses quant au remboursement des crédits au paysan, comme on peut le voir dans le cas de la Zambie:

… la plupart des coopératives étaient des unités de production communales mais … elles ne tardèrent pas à disparaître … Si la commercialisation par coopératives est toujours pratiquée en Zambie, l'idée d'unités de production communales a été largement abandonnée. Cette expérience s'est avérée extrêmement coûteuse parce que très peu des prêts importants consentis pour l'achat de tracteurs, par exemple, ont été remboursés. L'idée qu'il n'est pas nécessaire de rembourser les prêts s'est largement ancrée chez les agriculteurs et a continué à saper les efforts pour développer des programmes de crédit viables100.

33 A. Schleifer, Establishing Property Rights, Proceedings of the World Bank Annual Conference on Development Economics, Banque mondiale, Washington, D.C., 1994, p. 93.

34 J.-P. Platteau, 1992, p. 163.

35 G. Feder et R. Noronha, 1987, p. 163.

36 J. Eckert, Lesotho's Land Tenure: An Analysis and Annotated Bibliography, Lesotho Agricultural Sector Analysis Project Special Bibliography 2, Ministère de l'agriculture du Lesotho et Département des sciences économiques de l'Université de l'État du Colorado, Maseru, Lesotho et Ft. Collins, Colorado, 1980.

37 Clinton L. Doggett, Jr., Land Tenure and Agricultural Development in Lesotho and Swaziland: A Comparative Analysis, Bureau for Africa, Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), Washington, D.C., 1980.

38 G. Ferder et R. Noronha, 1987, pages 158–159.

39 P. Munro-Faure, P. Groppo, A. Herrera et D. Palmer, 2002, pages 18–19.

40 «Gager» signifie céder les droits d'utilisation de la terre pendant une période temporaire, mais souvent longue, en échange d'un prêt.

41 D. A. Atwood, 1990, pages 661–662.

42 A. F. Robertson, The Dynamics of Productive Relationships - African Share Contracts in Comparative Perspective, Cambridge University Press, Royaume-Uni, 1987.

43 J.-P. Platteau, 1992, pages 123–124.

44 V. R. N. Chinene et al., 1998, p. 93.

45 Op. cit., pages 92 et 94.

46 Gershon Feder et Tongroj Onchan, Land Ownership Security and Capital Formation in Rural Thailand, Discussion Paper ARU 50 (version révisée), Research Unit, Agriculture and Rural Development Department, Banque mondiale, Washington, D.C., février 1986.

47 G. Feder et R. Noronha, 1987, p. 160.

48 Op. cit., p. 161.

49 G. Feder, T. Onchan et Tejaswi Raparla, Collateral, guarantees and rural credit in developing countries: evidence from Asia, Agricultural Economics, vol. 2, 1988, pages 234–236, avec l'autorisation de Elsevier.

50 M. A. Seligson, Agrarian reform in Costa Rica: the impact of the titles security program, Inter-American Economic Affairs, vol. 35, № 4, printemps 1982.

51 Banque interaméricaine de développement, Jamaica Land Titling Project Feasibility Report, Washington, D.C., 1986.

52 Feder et Noronha, 1987, pages 144–145.

53 Klaus Deininger et Juan Sebastian Chamorro, Investment and income effects of land regularization: the case of Nicaragua, University of Wisconsin at Madison, WI, États-Unis, miméo, Janvier 2002.

54 Rasmus Heltberg, Rural market imperfections and the farm size-productivity relationship: evidence from Pakistan, World Development, vol. 26, № 10, 1998, pages 1823–1824.

55 Fidele Byiringiro et Thomas Reardon, Farm productivity in Rwanda: effects of farm size, erosion and soil conservation investments, Agricultural Economics, vol. 15, № 2, novembre 1996, p. 135, avec l'autorisation de Elsevier [souligné dans l'original].

56 H. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, p. 2703; citant R. A. Berry et W. R. Cline, Agrarian Structure and Productivity in Developing Countries, OIT, Genève, 1979.

57 Magdalena García, Roger Norton, Mario Ponce et Roberta van Haeften, Agricultural Development Policies in Honduras: A Consumption Perspective, Office of International Cooperation and Development, Département de l'agriculture des États-Unis, Washington, D.C., 1988, p. 33.

58 R. Noronha, A review of the literature on land tenure systems in Sub-Saharan Africa, Discussion Paper № 43, Research Unit of the Agricultural and Rural Development Department, Banque mondiale, Washington, D.C., 1985 (cité dans H. P. Binswanger et al., 1995, p. 2669).

59 Ce résultat a été rapporté par Amoul Kinni, Étude sur la commercialisation du bétail et de la viande dans le département de Zinder, Niger, Université d'Arizona, Arid Lands Natural Resources Committee, Tucson, 1979.

60 G. K. Nkunya, Land Tenure and Agricultural Development in the Angola Area of the Volta Region, document № 120 du Land Tenure Center, Université du Wisconsin, Madison, 1974.

61 G. Feder et R. Noronha, 1987, p. 155.

62 Gershon Feder et David Feeny, Land tenure and property rights: theory and implications for development policy, The World Bank Economic Review, vol. 5, № 1, janvier 1991, pages 137–138.

63 Steven Dobrilovic, Land Policy and Administration, évaluation par les pairs lors du forum électronique consacré aux problèmes de politique foncière et de développement durable, coordonné par la Banque mondiale, Washington, D.C., 5 mars au 1er avril 2001, p. 5.

64 Andrei Schleifer, 1994, pages 93 et 114.

65 V. R. N. Chinene et al., 1998, p. 95.

66 J.-P. Platteau, 1992, p. 163.

67 S. Berry, The food crisis and agrarian change in Africa: a review essay, African Studies Review, vol. 27, № 2, 1984; cité dans Platteau, 1992, p. 177.

68 J.-P. Platteau, 1992, pages 177 et 180. À noter que ce type de problème peut survenir même en l'absence de projets d'émission de titres fonciers, par exemple lorsque des personnages influents commencent à clôturer des parcelles de terres communales pour leur propre usage.

69 H. P. Binswanger, K. Deininger et G. Feder, 1995, p. 2721.

70 L. Alden Wily, 2000, p. 3.

71 G. Feder et R. Noronha, 1987, p. 144. D'autre part, pendant les réformes des droits fonciers, commencées au Viet Nam en 1988, le gouvernement central semble avoir bloqué efficacement les tentatives de capture des terres par les élites locales et s'être assuré que les ménages pauvres obtinssent leur juste part d'allocation des terres (voir Martin Ravallion et Dominique van de Walle, Breaking up the Collective Farm: Welfare Outcomes of Vietnam's Massive Land Privatization, Banque mondiale, Washington, D.C., miméo, 12 novembre 2001).

72 Nadia Forni, Common property regimes: origins and implications of the theoretical debate, Land Reform, 2000/2, FAO, Rome (pages 2 et 3 en version électronique).

73 S. V. Ciriacy-Wantrup et Richard C. Bishop, Common property as a concept in natural resources policy, Natural Resources Journal, vol. 15, 1975 et J.-P. Platteau, 1992, pages 120–121.

74 S. V. Ciriacy-Wantrup et R. C. Bishop, 1975, p. 721.

75 N. S. Jodha, Common Property Resources: A Missing Dimension of Development Strategies, World Bank Discussion Paper № 169, Banque mondiale, Washington, D.C., 1992.

76 N. Forni, 2000, p. 3.

77 B. A. Larson et D. W. Bromley, 1990, p. 256.

78 David Norse et Reshma Saigal, National Economic Cost of Soil Erosion in Zimbabwe, chapitre 8 de: Mohan Munasinghe, éd., Environmental Economics and Natural Resource Management in Developing Countries, Comité des institutions internationales de développement pour l'environnement (CIDIE), distribué par la Banque mondiale, Washington, D.C., 1993, pages 233–235.

79 Ramón López, Environmental externalities in traditional agriculture and the impact of trade liberalization: the case of Ghana, Journal of Development Economics, vol. 78, № 1, 1997.

80 Ramón López, The tragedy of the commons in Côte d'Ivoire agriculture: empirical evidence and implications for evaluating trade policies, The World Bank Economic Review, vol. 12, № 1, janvier 1998, pages 106, 121, 123 et 125.

81 V. R. N. Chinene et al., 1998, pages 94–95.

82 J.-P. Platteau, 1992, p. 121 [souligné par nous].

83 Forni propose une autre explication de la dégradation environnementale des terres communales: «Le surpâturage est fréquemment considéré comme la conséquence des restrictions officielles en matière de mobilité. Cela a été constaté au Pérou et en Bolivie… où les pratiques indigènes traditionnelles ont été perturbées par des obstacles à la mobilité qui ont entraîné un surpâturage. Par ailleurs, le poids économique de l'élevage, qui incluait le commerce pendant la transhumance et le transport de la production agricole, a beaucoup diminué. Des faits observés au Maroc… semblent indiquer que les terres à fourrage ont de fortes chances d'être privatisées quand leur valeur potentielle devient suffisamment élevée pour inciter à investir dans des augmentations de productivité, tandis que la gestion communale est mieux adaptée aux cas où investir présente des risques et où les coûts de transaction de la surveillance de la zone sont plus efficacement partagés au sein de groupes d'utilisateurs importants» (Forni, 2000, p. 7).

84 H. P. Binswanger et al., Power, distortions, revolt and reform in agricultural land relations, p. 2722, dans: J. Behrman et T. N. Srinivasan, éds., Handbook of Development Economics, Vol. 3B, 1995, avec l'autorisation de Elsevier.

85 D. A. Atwood, 1990, p. 667 [souligné par nous].

86 G. Feder et D. Feeny, 1991, p. 140.

87 Ruth Meinzen-Dick, Peer Review of Land Policy and Administration: Lessons Learned and New Challenges for the Bank's Development Agenda, miméo, Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, Washington, D.C., 2001.

88 De ce point de vue, la loi de réforme agraire du Honduras de 1975 était typique. Son article 96 stipule: «Les terres adjugées dans le cadre de la présente loi ne peuvent pas être utilisées en garantie» [traduction]. Cette clause et plusieurs autres ont été supprimées ou amendées lors des réformes de 1992.

89 Roger D. Norton et Mercedes Llort, Una estrategia para la reactivación del sector agropecuario en El Salvador, FUSADES, El Salvador, octobre 1989, pages 13 et 14 [traduction].

90 Michael Martin et Timothy G. Taylor, Synopsis of Human Capital Research in Olancho and El Paraíso, Honduras, miméo, University of Florida, Gainesville, février 1990, pages 1 et 13.

91 Niu Ruofeng et Chen Jiyuan, Small farmers in China and their development, dans: G. H. Peters et B. F. Stanton, éd., Sustainable Agricultural Development: The Role of International Cooperation, Comptes rendus de la 21ème Conférence internationale des économistes agricoles, Dartmouth Publishing Company, 1992, pages 621–624.

92 Justin Yifu Lin, Rural reforms and agricultural growth in China, American Economic Review, mars 1992, vol. 82, № 1, pages 47–48.

93 Banque mondiale, From Plan to Market, World Development Report 1996, Washington, D.C., 1997, p. 58.

94 Ferenc Fekete, Tamas I. Fènyes et Jan A. Groenewald, Problems of Agricultural Restructuring in South Africa: Lessons from the Hungarian Experience, dans: Margot Bellamy et Bruce Greenshields, éd., Issues in Agricultural Development: Sustainability and Cooperation, IAAE Occasional Paper № 6, Association internationale des économistes agronomiques, 1992, p. 232.

95 Klaus Deininger, Cooperatives and the Breakup of Large Mechanized Farms: Theoretical Perspectives and Empirical Evidence, World Bank Discussion Paper № 218, Banque mondiale, 1993, pages 33–34.

96 Joseph Ntangsi, Agricultural Policy and Structural Adjustment in Cameroon, dans G. H. Peters et B. F. Stanton, 1992, p. 272.

97 J.-P. Platteau, 1992, pages 223–224.

98 La Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1993, FAO, Rome, 1993, p. 138.

99 Joseph Ntangsi, 1992, p. 269.

100 R. Watts, Zambia's Experience of Agricultural Restructuring, dans: Csaba Csaki, Theodor Dams, Diethelm Metzger et Johan van Zyl, éds., Agricultural Restructuring in Southern Africa, Association internationale des économistes agronomiques en association avec the Association of Agricultural Economists in Namibia, 1992, pages 373–374.


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