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4. ATELIER


4.1 Introduction et présentation

Tout d’abord, M. M. Halwart a présenté le sujet et a attiré l’attention sur la stratégie de l’intégration de l’irrigation et l’aquaculture, qui permet d’accroître la productivité agricole de chaque goutte d’eau tout en améliorant la viabilité financière des investissements dans le secteur de l’irrigation. En effet, adopter l’irrigation et l’aquaculture intégrées dans le cadre de Programmes de gestion intégrée des ressources des eaux intérieures peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire dans les pays d’Afrique de l’Ouest sujets à la sécheresse. Dans cette optique, les objectifs de l’atelier étaient: (i) de passer en revue les réussites et les contraintes actuelles des activités de l’intégration de l’irrigation et l’aquaculture dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest, (ii) de développer une approche commune et des méthodes partagées pour l’intégration de l’irrigation et l’aquaculture et (iii) d’élaborer des concepts de stratégies nationales pour la promotion de l’intégration de l’irrigation et l’aquaculture (voir l’Annexe 5). Tous les représentants des pays participants avaient préalablement répondu à un questionnaire et la plupart avaient présenté les activités en cours dans le domaine de l’intégration de l’irrigation et l’aquaculture: élevage en nasses dans des réservoirs ou dans des canaux d’irrigation, élevage de poissons dans des canaux, pisciculture en étang et rizipisciculture (voir les Annexes 6A-B).

M. P. Kiepe a fourni une définition des zones humides et a souligné la différence qui existait entre une zone humide comme écosystème et les bas-fonds comme systèmes de production. Il a montré les différents types de classification disponibles pour faire référence à leur utilisation spécifique. On y définit les zones humides comme des zones inondées en totalité ou en partie, continuellement ou épisodiquement. Les zones humides tropicales peuvent être divisées en quatre groupes principaux: les zones humides côtières, les bassins fluviaux, les plaines inondables et les vallées intérieures. En Afrique sub-Saharienne, les vallées intérieures représentent 36% de toutes les zones humides; ce sont les cours supérieurs des réseaux fluviaux où les dépôts de sédiments sont quasiment ou totalement inexistants. En outre, M. P. Kiepe a fait remarquer qu’il existe aussi une classification locale des zones humides, et que les noms locaux peuvent fournir une information intéressante et inattendue pour les études propres à chaque site. Cependant, il a simultanément mis en garde contre le danger que constitue une mauvaise traduction des noms locaux. En effet, un nom local peut englober plusieurs types de zones humides différentes, au sens où nous l’entendons. Mais, en gardant cela à l’esprit, la classification locale peut être un outil utile pour décrire les endroits où l’IIA peut être développée, en particulier en Afrique de l’Ouest où trois environnements clés regroupent la majorité des systèmes d’IIA: (i) les systèmes irrigués, (ii) les plaines d’inondation et (iii) les bas-fonds.

M. M. Halwart et Mme I. Beernaerts ont tous deux souligné les principaux aspects conceptuels de l’intégration entre irrigation et aquaculture. Mme Beernaerts a, à cet effet, proposé un profil de réseaux d’irrigation potentiels basé sur Aquastat, le système global d’information de la FAO sur l’eau et l’agriculture. Elle a souligné l’importance de prendre en compte l’intégration spatiale et temporelle, en cherchant dans chaque élément du réseau d’irrigation les occasions peu exploitées de développer l’aquaculture, puis en favorisant son intégration depuis les phases de conception et de planification du cycle du projet. En outre, l’intégration de l’aquaculture dans les réseaux d’irrigation, en augmentant la valeur de l’eau, peut donc constituer une incitation aux investissements nécessaires pour réduire les pertes d’eau. M. M. Halwart a également fait remarquer que l’élevage de poissons s’est révélé être une activité viable à part entière dans les éléments individuels du système d’irrigation; néanmoins les exemples d’élevage de poissons intégré dans plusieurs éléments sont rares, ce qui reflète sans doute l’orientation des activités de développement sur des éléments individuels plutôt que sur le système dans son ensemble. Cependant, le cloisonnement des systèmes d’irrigation est indispensable dans la pisciculture pour atteindre une productivité élevée, car certaines contraintes peuvent être allégées voire complètement supprimées.

Mme I. Beernaerts et M. J. Moehl ont souligné l’importance d’évaluer les activités d’irrigation et d’aquaculture intégrées déjà existantes, avant de chercher à en développer d’autres. En effet, les projets adoptent trop souvent une approche d’évaluation rurale participative pour planifier et légitimer de nouvelles activités, sans même au préalable identifier les pratiques locales, évaluer leurs impacts et tirer profit des expériences précédentes. L’identification et l’utilisation des indicateurs sociaux, économiques et environnementaux fondamentaux doivent jouer un rôle important pour évaluer les systèmes existants et observer les changements. Une discussion de groupe a passé en revue les études les plus récentes sur l’IIA en Afrique de l’Ouest et a mis en valeur les dénominateurs communs affectant le développement de l’IIA à travers la sous-région.

Melle C. Brugère a souligné l’importance de l’analyse économique dans le développement technologique. Elle a présenté les principes et les méthodes d’une analyse de base afin de permettre aux non-initiés de suivre la performance économique des systèmes d’irrigation et d’aquaculture intégrées. Melle Brugère a insisté sur la distinction à faire entre les perspectives des agriculteurs et celles des économistes lorsque l’on effectue ce type d’analyse. Elle a englobé les différents types de coûts et de rendements dans le contexte des opérations d’irrigation et d’aquaculture intégrées, puis a expliqué le mode de calcul des indicateurs économiques pour évaluer la performance d’une activité d’irrigation et d’aquaculture intégrées. Elle a également présenté une méthode pour planifier la collecte de données. Enfin, elle a souligné l’importance de l’inclusion ou de l’exclusion du travail familial dans le calcul des ratios économiques: cette donnée est en effet déterminante dans l’interprétation des résultats et dans la distinction entre les perspectives des agriculteurs et des économistes.

M. J. Gowing, de l’Université de Newcastle, a présenté l’expérience asiatique de pisciculture dans des grands réseaux d’irrigation permettant une maîtrise totale de l’eau. Néanmoins, bien que l’aquaculture représente potentiellement un des multiples usages de l’eau, l’étude des contraintes et des possibilités d’intégration de la pisciculture dans les systèmes d’irrigation ne s’est, jusqu’à maintenant, que peu développée. L’objectif est donc d’identifier les sites favorables à l’aquaculture, c’est-à-dire ceux où son développement n’aura pas d’effets négatifs sur l’intégrité du système d’irrigation ou sur les autres usagers de l’eau. Les systèmes sont certes équipés en vue d’une maîtrise totale de l’eau, cependant, pour les responsables de ces systèmes, l’aquaculture est un défi bien plus difficile à relever que l’irrigation, car il faut garantir la continuité de l’approvisionnement pendant toute la période de croissance des poissons. En conclusion, un site de stockage quelconque situé à l’intérieur d’un système d’irrigation représentera certainement un créneau plus favorable que s’il était situé dans un canal - bien que la température de l’eau, la qualité de l’eau et la pollution agrochimique puissent être des facteurs contraignants. De plus, on constate généralement dans les institutions de gestion locales une faible représentation des usagers n’utilisant pas l’eau à des fins d’irrigation. C’est pourquoi les problèmes de droits, d’accès et de coût de l’eau doivent être examinés attentivement pour promouvoir une gestion à usage multiple de l’infrastructure d’irrigation. Ces contraintes sociales et institutionnelles au développement de l’IIA ont été analysées par les participants lors de travaux de groupe et de sessions plénières afin de définir les problèmes communs à résoudre à un niveau supra-national et les problèmes spécifiques à résoudre au niveau local.

4.2 Rapports des parties prenantes

M. P. Kiepe a présenté l’ADRAO, qui est le centre chargé de la riziculture en Afrique, à la fois centre international de recherche agricole et association autonome de recherche intergouvernementale des États membres africains. L’ADRAO, qui cherche à améliorer la productivité, l’efficacité et la rentabilité du secteur rizicole, encourage les partenariats, par la constitution de réseaux (les trois plus importants sont l’Initiative africaine pour le riz, le Réseau régional de recherche-développement pour le riz en Afrique occidentale et Centrale et le Consortium pour la mise en valeur des vallées intérieures). M. Kiepe a rappelé la mission du Consortium: créé en 1993, son objectif est d’améliorer la connaissance, les technologies et les systèmes de soutien opérationnel pour un usage intensifié mais viable des vallées intérieures en Afrique sub-Saharienne, grâce à une approche agro écologique. Pendant la deuxième phase (2000-2004), les principales activités incluront la détermination de la dynamique d’utilisation des terres des vallées intérieures, ainsi que le développement, l’évaluation et la diffusion des technologies.

Dans son exposé sur l’UNESCO-IHE et l’aquaculture intégrée en étang dans les zones humides du lac Victoria, M. A. Van Dam a souligné l’importance des zones humides dans la vie de millions de personnes. En effet, elles sont une source d’aliments et de revenus, préservent la diversité biologique et forment une zone tampon hydrologique et écologique entre les zones montagneuses et les masses d’eaux. Cependant, la croissance de la population et la dégradation de l’environnement exercent une pression grandissante sur ces zones marécageuses. Le Lac Victoria en Afrique de l’Est en est un parfait exemple: la croissance démographique, l’introduction d’espèces exotiques de poissons, la surpêche et l’eutrophisation ont conduit à une détérioration de cette ressource. Cela constitue une menace pour les moyens d’existence des communautés riveraines, puisque ces terres humides constituent une source d’aliments et de revenus (tirés de la pêche, de l’agriculture saisonnière et des produits récoltés). Il convient d’intégrer la production alimentaire aux technologies de traitement des déchets, pour garantir aux communautés leurs moyens d’existence sans mettre en danger l’intégrité des ressources naturelles. Les étangs d’aquaculture intégrés dans les zones humides représentent une de ces technologies. Les étangs sont creusés sur la zone de terres en bordure des zones marécageuses et s’enfoncent dans le marais comme les doigts de la main. La terre évacuée forme des remblais entre les étangs et ces lits surélevés servent à faire pousser des cultures. Les étangs sont remplis de poissons grâce aux crues naturelles pendant la saison des pluies. Puis, quand l’eau disparaît, les poissons ainsi pris au piège sont nourris avec des fumures et des déchets ménagers et agricoles, qui servent par ailleurs à fertiliser les étangs. L’UNESCO-IHE et ses partenaires en Tanzanie, en Ouganda, au Kenya, en République Tchèque et au Royaume-Uni participent actuellement au projet INCO-DEV, financé par la Communauté Européenne pour étudier la faisabilité de cette technique. La recherche se concentre sur les aspects techniques et sur les effets socio-économiques et écologiques de cette technologie. De même, il convient d’évaluer les possibilités d’intégrer ces étangs aux autres technologies, comme l’utilisation des terres humides naturelles ou artificielles pour le traitement des eaux usées. Les premiers résultats des recherches au Kenya et en Ouganda montrent que les crues sont suffisantes pour empoissonner les étangs et que la fumure des étangs peut augmenter leur productivité.

M. M. Prein a présenté le Centre mondial de recherche sur les poissons (autrefois désigné sous le sigle ICLARM, Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques) et a étudié son rôle sur l’irrigation et l’aquaculture intégrées. Le Centre a été créé en 1977. Il mène depuis le milieu des années 1980 des recherches sur les systèmes de rizipisciculture dans les plaines d’inondation saisonnières et dans les périmètres irrigués. Ces deux zones représentent une part essentielle de l’agriculture et l’aquaculture intégrées, et plus précisément des systèmes agricoles d’irrigation et d’aquaculture intégrées. La plupart des systèmes de rizipisciculture étudiés étaient situés en Asie et seulement quelques uns en Afrique, et se trouvaient dans des zones irriguées sous une forme ou une autre, soit par des petits réseaux locaux (au Bangladesh, aux Philippines, au Malawi), soit par des grands réseaux utilisant différentes méthodes de gestion (aux Philippines, au Viet Nam, au Ghana par exemple). Dans tous les cas, l’inclusion de la rizipisciculture dans le système agricole existant exige au préalable des mécanismes de gestion de l’eau et, pour les agriculteurs, une certaine expérience de la riziculture. Il s’est avéré que l’option rizipiscicole est une des opérations agricoles requérant le moins d’investissements et de connaissances techniques entraînant le moins de changements. Les avantages économiques de la rizipisciculture dans les réseaux d’irrigation sont souvent comparables, voire plus intéressants, que la culture du riz seule. L’association de la pisciculture et de la culture irriguée, ou même le remplacement de la production agricole par la pisciculture, permet d’améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau et les profits. Compte tenu des investissements actuels dans l’infrastructure d’irrigation et de la réduction des disponibilités d’eau qui est prévue, il conviendrait d’exploiter davantage les possibilités de produire du poisson (et d’autres aliments d’origine aquatique) ayant une grande valeur nutritionnelle et économique, à partir de l’utilisation des systèmes de gestion de l’eau. L’approche locale récemment testée au Bangladesh et au Vietnam est un bon exemple de la gestion équitable et durable des masses d’eaux saisonnières pour la pisciculture. Ce modèle sera introduit et étendu dans un avenir proche à d’autres pays, dans d’autres bassins fluviaux (Niger).

M. R. Bosma a présenté l’Université et le centre de recherche Wageningen, qui comprend l’Université, les instituts, les laboratoires et les centres de recherche agricole hollandais et le Centre agricole international. Ce dernier comprend le Centre Nord-Sud, qui vient d’être créé pour développer la collaboration avec les instituts et les réseaux partenaires des pays du Sud. Ses activités incluent le Fonds interdisciplinaire pour la recherche et l’éducation (INREF) qui finance six programmes de recherche et environ 50 projets de doctorats. A l’heure actuelle, l’Université de Wageningen entretient des liens avec l’Afrique de l’Ouest grâce à trois projets bilatéraux de recherche et d’éducation et à trois réseaux de recherche collaborative, dont l’un est le Projet de l’ADRAO sur les vallées intérieures. Les projets les plus intéressants pour les partenaires de l’irrigation et l’aquaculture intégrées sont les projets INREF, dont celui qui s’intitule «Convergence de la science» et concerne le Ghana et le Bénin. L’autre projet, le Programme pour l’optimisation de la dynamique des éléments nutritifs (POND), commencera au Cameroun en 2004. Le projet INREF-POND cherche à développer des systèmes d’exploitation plus viables, intégrant le bétail, les poissons et les cultures afin d’améliorer les moyens d’existence et le bien-être des familles d’agriculteurs. Les partenaires actuels de ce projet sont l’Université de Can Tho au Viet Nam et le Centre mondial de recherche sur les poissons.

Le Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche, grâce aux moyens d’existence durables (MED) et au Code de conduite pour une pêche responsable, souligne l’importance de la participation des habitants pour assurer un développement global et durable permettant la conclusion de partenariats stratégiques, techniques et financiers. M. J.C. Njock a signalé les activités du Programme qui pourraient avoir un lien direct avec l’irrigation et l’aquaculture intégrées, comme celles conduites dans le cadre d’études sur le profil de la pauvreté et dans le cadre du développement d’une stratégie de mise en valeur des ressources halieutiques. Les études sur le profil de la pauvreté ont été faites à l’occasion d’un projet pilote sur la co-gestion des ressources halieutiques dans les eaux intérieures, au sein des communautés de pêcheurs riveraines des barrages de Bagré et de Kompienga au Burkina-Faso, du lac de Kossou en Côte d’Ivoire, du Lac Volta au Ghana et du réservoir Sélingué au Mali - des zones où la pêche et l’agriculture irriguée sont pratiquées. Ces vastes zones pourraient permettre aux communautés riveraines de diversifier leurs moyens d’existence grâce à l’intégration de l’irrigation et de l’aquaculture. En reliant ces profils à des stratégies de mise en valeur des ressources halieutiques, on constate la nécessité d’une approche qui intègrerait les politiques des gouvernements sur les petits réseaux d’irrigation et les ressources halieutiques, incluant l’aquaculture, la sécurité alimentaire, le régime foncier et les efforts de réduction de la pauvreté. Au vu de cette situation, il est nécessaire d’établir des priorités: (i) la création d’un organisme chargé de surveiller localement la gestion des différentes masses d’eau; (ii) le renforcement des capacités techniques et organisationnelles pour améliorer la participation à la planification, à la gestion des ressources et au développement local; et (iii) l’établissement d’un système d’information efficace pour faciliter la collecte et la diffusion d’informations utiles pour les professionnels et les décideurs.

Melle B. Bentz a présenté l’APDRA, l’Association pour la pisciculture et le développement rural en Afrique tropicale humide, qui est une organisation non gouvernementale. Son objectif est de promouvoir l’élevage de poissons dans les zones rurales, à partir d’un modèle extensif et viable. L’établissement à un niveau local d’une structure professionnelle responsable est un élément clé dans le processus de mise en place, car cela assure la viabilité des activités piscicoles et permet aux pisciculteurs d’être responsables des résultats. Par ailleurs, le développement de l’élevage de poissons dans les vallées intérieures entraîne des changements importants dans les systèmes agricoles existants. De nouvelles occasions de développement surgissent en effet de la construction de nouveaux réservoirs, illustrées par la venue de nouveaux types d’irrigation et d’aquaculture intégrées (la culture de légumes et la riziculture, associée à la pisciculture). Afin que le modèle proposé corresponde le mieux au contexte local, l’Association pour la pisciculture aide les pisciculteurs qui innovent en assurant une formation et un suivi périodiques.


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