Previous PageTable Of ContentsNext Page

Les liens entre le commerce et la gestion durable des forêts: un aperçu

C. Mersmann

Christian Mersmann a coordonné le projet du fonds d’affectation spéciale FAO/Japon «Le commerce des produits forestiers dans la promotion de la gestion durable des forêts».

À l’aide d’une collaboration intersectorielle, de politiques cohérentes et d’une meilleure gouvernance, le commerce des produits et des services forestiers et la bonne gestion des forêts peuvent s’étayer mutuellement.

Le commerce international des produits et services forestiers contribue-t-il de manière notable au déboisement et à la dégradation des forêts, notamment dans les pays en développement (comme le laissent entendre Dudley et Nectoux, 1995)? Ou joue-t-il un rôle moteur dans la promotion de la gestion durable des forêts (comme l’affirme la Banque mondiale, 2002)? L’Organisation mondiale du commerce (OMC, 1997) a conclu que le commerce international n’a pratiquement rien à voir avec la gestion impropre des forêts et le déboisement, et son Comité du commerce et de l’environnement (CCE) estime que le commerce et la gestion durable des forêts s’étayent mutuellement en présence d’une collaboration intersectorielle et de politiques cohérentes (Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC, 2003). Néanmoins, le commerce international de toutes les catégories de produits forestiers – mesuré en équivalents bois rond – s’étant accru de plus de 400 pour cent au cours des 10 dernières années, les préoccupations concernant la dégradation continue des forêts et la perte constante de couvert forestier augmentent la pression exercée sur les gouvernements, le secteur privé et les institutions internationales pour qu’ils évaluent l’impact du commerce sur la gestion durable des forêts (Rytkönen, 2003).

La question de la gestion durable des forêts étant au premier plan des politiques actuelles, la valeur économique du commerce mondial des produits ligneux est en jeu. Cette valeur, dans les principales catégories de bois rond, sciages, pâte et papier, a été estimée à environ 150 milliards de dollars EU en 2003 (FAO, 2004a), le papier absorbant près de la moitié de ce chiffre. Le commerce des produits ligneux secondaires transformés a ajouté 40 milliards de dollars environ au total. Le commerce de toutes les catégories de produits tirés des bois tropicaux n’ont été que de 16 milliards de dollars en 2002 – soit près de 10 pour cent du total (Rytkönen, 2003). Bien que le commerce international des produits forestiers ait lieu, pour une large part, entre les pays développés et les nouveaux marchés en expansion rapide comme la Chine et l’Inde, les exportations des pays en développement offrent des occasions très nécessaires de revenu. Cependant, la production forestière destinée aux marchés internationaux ne concerne qu’un nombre relativement réduit de pays en développement, à savoir ceux qui ont d’importantes ressources (comme l’Indonésie, le Cameroun et la Bolivie) et ceux dont les plantations font l’objet d’une extension accélérée.

Étant donné la variété des circonstances, le nombre de facteurs en jeu et les incertitudes qui planent sur leurs interrelations, il est extrêmement difficile d’entreprendre une analyse quelle qu’elle soit des impacts et des interactions existant entre le commerce des produits et services forestiers et la gestion durable des forêts. Le présent aperçu examine certains des faits nouveaux concernant l’environnement survenus dans le commerce des produits et services forestiers, l’importance relative du commerce international et intérieur de ces produits et services et le rôle de la gouvernance. Il décrit les considérations émises lors des débats internationaux sur le commerce international (y compris l’OMC et les accords multilatéraux sur l’environnement) et les préoccupations concernant le commerce exprimées dans le dialogue international sur les politiques forestières. Le présent article se termine par un appel pour une plus grande collaboration et davantage de cohérence entre les politiques commerciales et forestières.

Les plantations forestières de variétés à haut rendement assurent une part croissante des disponibilités de bois industriel; ici, les produits d’une petite plantation artisanale au Viet Nam
S. MIDGELY

FAITS NOUVEAUX SURVENUS DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL


Le changement d’origine de la production forestière

Les plantations forestières formées de variétés à haut rendement fournissent une part croissante des disponibilités de bois rond industriel. En 2000, il était estimé qu’elles produisaient environ 35 pour cent du bois rond industriel mondial, une augmentation ultérieure de 44 pour cent étant escomptée d’ici 2020 (Carle, Vuorinen et del Lungo, 2002). Une grande partie du bois qui ne vient pas des plantations est tiré de forêts semi-naturelles, la part du bois rond extraite des forêts naturelles dans le commerce international s’amenuisant progressivement. Bien que la part revenant au bois rond tropical dans la production mondiale se soit accrue, passant de 9 à 18 pour cent depuis 1961, l’augmentation annuelle de bois de feuillus tropicaux sur le marché mondial s’est révélée faible ces 10 dernières années (FAO, 2004a) et elle n’était due que partiellement à la maturation des plantations.


Les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce

Les tarifs douaniers frappant les importations sont généralement faibles pour les grumes et ne limitent pas leur commerce. Les hausses des tarifs– qui se produisent lorsque des droits plus élevés sont appliqués à l’importation de produits à valeur ajoutée – sont supérieures dans les pays en développement, notamment en Asie, et servent à promouvoir l’industrialisation nationale plutôt qu’à favoriser la gestion durable des forêts. Quand les exportations sont orientées vers des produits non transformés, les hausses des tarifs pourraient empêcher les pays en développement dont l’économie dépend des produits de diversifier leurs exportations (CNUCED, 2003). Cela n’est normalement pas le cas avec les importations vers les pays industrialisés.

Les tarifs à l’exportation des grumes, y compris les coûts directs comme les taxes ou les droits sur les exportations, ont été largement utilisés par les pays exportateurs de bois tropicaux pour accroître leurs revenus et soutenir les industries nationales de transformation, en particulier en Asie où ils vont de 10 à 20 pour cent et quelquefois davantage (FAO, 2004b). Cependant, les politiques tendent à abandonner les tarifs à l’exportation pour se tourner vers les encouragements à l’investissement étayés par des restrictions à l’exportation.

Les restrictions imposées par les gouvernements sur les exportations sont parmi les mesures non tarifaires appliquées le plus souvent dans la plupart des pays en développement et dans quelques pays producteurs développés. Elles comprennent l’interdiction totale d’exporter, des contingents d’exportation, des interdictions sélectives en fonction de l’espèce, des limites sur les niveaux d’exploitation qui réduisent le volume exportable et des contrôles administratifs comme les permis et les licences (Rytkönen, 2003).

Encore que souvent critiquées, ces restrictions peuvent contribuer au développement industriel et éviter la destruction des forêts, bien qu’à un coût considérable. Cependant, elles peuvent aussi aider à accélérer la destruction des forêts en maintenant les prix intérieurs artificiellement bas, encourageant par là même les gaspillages. Elles peuvent améliorer le bien-être des populations à condition d’être adaptées aux situations locales et utilisées en combinaison avec d’autres moyens d’action visant le développement rural ou industriel (Hoekman et Kostecki, 2001).


Le contrôle des activités illégales

La restriction des importations de bois récolté et commercialisé illégalement est actuellement envisagée pour favoriser la gestion durable des forêts par le commerce. Bien que les pays consommateurs n’aient, jusqu’à présent, formulé aucune loi particulière à cet égard, la Chine, le Japon, la Norvège, les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont commencé à négocier et conclure des accords bilatéraux avec des pays producteurs de bois tropicaux individuels. Ces activités, entreprises au titre d’initiatives qui promeuvent l’application des lois forestières et la gouvernance (FLEG) en Asie et en Afrique, sont souvent associées à une coopération bilatérale accrue appuyée par l’aide publique au développement (APD), le secteur privé et des organisations non gouvernementales (ONG). Le plan d’action FLEG-T de l’UE, qui comprend explicitement les dimensions du commerce, est un bon exemple. Cette approche, destinée à renforcer le respect des lois nationales et internationales pourrait avoir une influence sur l’interface du commerce et des normes sociales et environnementales dans la production forestière.


La certification forestière

Les efforts les plus importants déployés pour lier le commerce à la gestion durable des forêts sont les programmes de certification et d’autres mécanismes fondés sur le marché, y compris la vérification de la continuité de possession et l’étiquetage des produits. Mis à part leurs effets directs sur les opérations forestières, ces programmes influencent le débat national et international sur l’orientation des politiques et l’établissement des normes publiques à tous les niveaux (Frost, Mayers et Roberts, 2003). Les pays tropicaux exportateurs ont parfois considéré la certification forestière et l’étiquetage des produits comme des obstacles au commerce, en raison de leur impact potentiellement fort tant sur le volume du commerce que sur la composition du produit.

Environ 4 pour cent seulement de la superficie forestière mondiale est certifiée à l’heure actuelle, en particulier dans les pays développés (CEE/FAO, 2004). Cependant, certaines initiatives de certification forestière ont été lancées aussi dans les principaux pays producteurs de bois tropicaux, notamment la Malaisie et l’Indonésie, alors que d’autres pays commencent à les adopter, comme les pays du bassin du Congo.

L’acceptation de bois tropicaux non certifiés tend à diminuer dans les pays industrialisés sous l’effet de la prise de conscience croissante des consommateurs de la situation des forêts dans les tropiques. Pourtant, malgré les créneaux existants, les produits tirés des forêts certifiées provenant des pays en développement, en particulier les feuillus tropicaux, ne sont encore disponibles qu’en petites quantités, et la superficie de forêt certifiée dans ces régions ne croît que lentement. Il faudrait que les programmes internationaux coopèrent davantage à la formulation (et non seulement à la ratification) des plans nationaux.

L’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) a mis au point une approche visant à étendre graduellement la superficie des forêts certifiées dans les pays en développement, et à favoriser l’accès au marché et au commerce des produits certifiés; l’approche a été avalisée par le Forest Stewardship Council (FSC) comme une «approche par étapes». Elle prévoit des réalisations progressives dans les opérations forestières moyennant le respect des lois nationales et internationales, et l’application de normes techniques, environnementales et sociales suivant un calendrier déterminé.

Bien que la certification forestière soit essentiellement un mécanisme du marché, les gouvernements peuvent encourager son application par des politiques cohérentes et des mesures réglementaires qui promeuvent l’accès non discriminatoire au marché. Les achats publics, un autre moyen de favoriser la certification forestière, sont envisagés dans un certain nombre de pays industrialisés.


Les marchés pour les services environnementaux

Les marchés pour les services environnementaux fournis par les forêts, comme l’atténuation du changement climatique et la protection des bassins versants, existent dans certains pays développés mais sont rares dans ceux en développement. Ces services entrent essentiellement dans la catégorie des valeurs d’usage indirectes, c’est-à-dire les avantages tirés des forêts. À l’heure actuelle, les services forestiers environnementaux ne peuvent être commercialisés à grande échelle car ils sont encore considérés comme des biens publics et des valeurs non commerciales que procurent «gratuitement» les forêts. En théorie, les services environnementaux (et sociaux) pourraient jouer le rôle de valeur économique additionnelle et influencer l’analyse coûts-avantages des opérations forestières dans des circonstances individuelles, exerçant ainsi un impact sur le commerce des produits forestiers. Pourtant, à l’exception du Costa Rica, où un système public de paiements pour les services environnementaux a été établi, ces services forestiers ne sont guère demandés sur les marchés intérieurs ou internationaux définis, malgré diverses tentatives faites pour établir des mécanismes novateurs de financement à cet égard, notamment en Amérique latine.

Bien qu’il soit improbable que l’évaluation économique des services environnementaux et sociaux obtiendra un appui au niveau des politiques nationales, l’établissement éventuel de marchés pour la conservation de la biodiversité et le piégeage du carbone par le biais des forêts a suscité beaucoup d’attention au niveau des politiques internationales. Reste à voir si un marché pour les échanges d’émissions de carbone sera mis en place au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Protocole de Kyoto et le Mécanisme pour un développement propre (CDM), ou dans le cadre d’autres programmes nationaux et régionaux d’échange d’émissions. Toutefois, pour la conservation de la biodiversité forestière, la volonté politique et l’appui financier, par le biais entre autres de l’APD, la coopération multilatérale (y compris le Fonds pour l’environnement mondial [FEM]) et les ONG, ne devraient pas être assimilés à un «nouveau marché international», comme cela s’est révélé dans certaines analyses (Landell-Mills et Porras, 2002; Nasi, Wunder et Campos, 2002).


Le commerce intérieur dans les pays en développement

Malgré l’expansion rapide du commerce international, la majorité de la production forestière – y compris le bois – est destinée à la consommation et commercialisée sur les marchés intérieurs des pays producteurs. Cela explique la mesure dans laquelle on pourrait s’attendre à ce que le commerce international influence la gestion durable des forêts, notamment dans les pays en développement. À l’exception de l’Europe et de l’Amérique du Nord, la plupart des marchés nationaux et intrarégionaux tendent à se préoccuper fort peu des impacts environnementaux et sociaux des opérations forestières.

Dans de nombreux pays en développement, le commerce des produits forestiers intérieurs favorise le développement économique et les moyens d’existence des communautés rurales, quand bien même il paraîtrait contribuer relativement peu au produit national brut. Cependant, bien que la FAO et d’autres institutions détiennent des données sur la composition du produit, le volume et les directions du commerce au niveau international, celles sur le commerce intérieur des produits forestiers, dont les produits non ligneux, et sur le commerce entre pays voisins sont rarement disponibles, et la plupart des statistiques existantes ne tiennent compte que du bois. C’est ainsi que, malgré l’importance du commerce intérieur, son impact sur la gestion des forêts a rarement été analysé.

Le bois de feu joue un rôle d’une importance extrême dans les moyens d’existence des communautés rurales et urbaines. Les volumes d’échanges intérieurs de bois de feu augmentent rapidement, parallèlement à l’expansion des agglomérations urbaines. Bien que le combustible ligneux ne représente que 7 à 9 pour cent de la consommation mondiale d’énergie, 80 pour cent du bois récolté dans les pays en développement servent à sa production (FAO, 2004b) et 50 pour cent environ de la production mondiale totale de bois primaire vont au bois de feu.

Le commerce international des produits forestiers non ligneux (PFNL) est très limité mais tout porte à croire que ces produits continueront à jouer un rôle important dans le revenu rural grâce au commerce sur des marchés locaux bien établis. Bien qu’il soit estimé que plus de 80 pour cent des ruraux pauvres dépendent des PFNL pour survivre (FAO, 2004b), et que le commerce de ces produits est un important facteur au niveau national, on ne possède de données fiables sur les échanges internationaux et nationaux que pour quelques pays et quelques produits comme les noisettes, la vanille, le caoutchouc naturel et la noix de karité. La commercialisation accrue de la plupart des PFNL risque d’entraîner leur surexploitation.

Dans la plupart des pays en développement (à l’exception d’importants producteurs comme le Brésil, la Chine, le Ghana, l’Indonésie et la Malaisie), le secteur forestier et l’industrie en aval sont d’envergure limitée, et restent le fait des communautés, des petits propriétaires forestiers et des entreprises locales. Dans les pays où les produits forestiers sont exportés en volumes limités ou ne sont pas exportés du tout, les politiques commerciales et forestières négligent de promouvoir le développement des marchés intérieurs malgré leur importance. De ce fait, les perspectives commerciales et la situation des marchés ne sont pas prises en compte dans la gestion nationale des forêts. Ce cas s’applique non seulement aux forêts naturelles mais aussi aux plantations. Carle, Vuorinen et del Lungo (2002) ont observé que, malgré leur importante valeur aux fins du développement, «l’objectif final des plantations n’est pas clairement défini dès le début … et le manque de planification pourrait aboutir à l’établissement de plantations ayant une faible valeur commerciale et de maigres possibilités d’utilisation locale».

Les tarifs frappant les exportations de grumes ont été utilisés largement par les pays exportateurs de bois tropicaux pour créer des revenus et soutenir les industries de transformation du bois nationale, mais les politiques tendent plutôt à encourager les investissements moyennant des restrictions à l’exportation
FAO/CFU000559/R. FAIDUTTI

LA GOUVERNANCE ET LE COMMERCE DANS LE SECTEUR FORESTIER

La gouvernance et le commerce forestiers sont reliés de deux façons: les politiques et les institutions déterminent et influencent les tendances du commerce, et l’échelle et la dynamique du commerce peuvent agir sur la nature et la qualité de la gouvernance forestière et, par là même, de la gestion durable des forêts. Dans la plupart des cas, les deux liens ont des effets mesurables sur la qualité et la durabilité de la gestion des forêts.

Lorsque la gouvernance au niveau national est déjà efficace, les interactions entre la libéralisation des échanges, le développement des marchés et la gouvernance forestière paraissent positives (FAO, 2004b). Le commerce semble donc amplifier les points forts et les points faibles des politiques et des institutions plutôt qu’être le principal moteur de changement dans la gouvernance forestière.

Du point de vue des institutions, celles qui s’occupent de la forêt et celles qui traitent les aspects commerciaux inter­agissent de façon limitée. Il n’existe guère de départements forestiers dans le monde qui réussissent à négocier avec succès des transactions forestières commerciales. S’il est vrai que beaucoup d’entre eux connaissent bien les éléments de la chaîne commerciale (production forestière, revenus forestiers, restrictions à l’exportation et ainsi de suite), rares sont ceux habitués à aborder les questions d’investissements, d’opérations commerciales, de macroéconomie et de restrictions à l’importation (Mayers et Bass, 1999). De même, il est difficile de trouver un exemple de pays où les débats sur la libéralisation des échanges ont représenté le levier clé de la planification du secteur forestier et de la création de mécanismes stratégiques comme les programmes forestiers nationaux. Ces programmes offrent une plate-forme pour la négociation de solutions aux problèmes de gouvernance forestière liés au commerce.

Malgré l’expansion rapide du commerce international, la majeure partie de la production de bois est commercialisée dans le pays (comme sur ce marché au Soudan) – mais la rareté des données sur le commerce intérieur rend difficile l’évaluation de l’impact du commerce intérieur sur la gestion forestière
FAO/FO-0390/C. PALMBERG-LERCHE

LES FORÊTS ET LE COMMERCE DANS LES DÉBATS INTERNATIONAUX

D’après certaines indications, les obligations qu’assument les pays lorsqu’ils deviennent membres de l’OMC et adhèrent à des accords commerciaux régionaux influenceront de manière croissante les termes de l’échange pour les produits et services forestiers (Neufeld, Mersmann et Nordanstad, 2003). Les accords multilatéraux au titre de l’OMC, comme l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC) et l’Accord sur l’application de mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS), bien que ne s’appliquant pas spécifiquement au secteur forestier, pourraient exercer une forte incidence sur la manière dont les pays membres de l’OMC réglementent le commerce des produits et services forestiers.

Dans la Déclaration de Doha adoptée par la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC en 2001 (OMC, 2001) et le Programme de développement de Doha (OMC, 2004), les matières relatives aux forêts comprennent les subventions, l’environnement et les biens environnementaux, l’écoétiquetage et la certification, la protection des végétaux, les droits de propriété intellectuelle, le développement, l’accès aux marchés, les normes techniques et les règlements. Les délibérations du CCE portent sur la perte de couvert forestier, la dégradation des forêts et les impacts du commerce sur la gestion durable des forêts.

En outre, les discussions au sein du CCE visent à clarifier le rapport entre les règles de l’OMC et les «obligations commerciales spéciales» dans les accords multilatéraux sur l’environnement, y compris la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), la Convention sur la diversité biologique (CDB), la CCNUCC et l’Accord international sur les bois tropicaux (ITTA) (OMC, 2003). D’une manière générale, la communauté internationale reconnaît que la conformité aux normes de la CITES constitue une limitation commerciale pour les produits forestiers inscrits aux annexes de l’Accord (Mulliken, 2003). Les obligations commerciales spéciales au titre d’autres accords multilatéraux sur l’environnement sont encore en cours d’identification.

L’Accord international sur les bois tropicaux, actuellement en cours de renégociation, occupe une place spéciale parmi les arrangements multilatéraux sur l’environnement, combinant les aspects d’un accord sur les produits (relatif au commerce et à l’industrie) avec ceux d’un accord sur l’environnement (attention portée à la gestion durable des ressources naturelles et à la conservation des forêts). L’OIBT, qui est régie par cet accord, joue donc un double rôle, comme exprimé dans son énoncé de mission: «l’OIBT facilite la discussion, la consultation et la coopération internationale sur des questions relatives au commerce international, à l’utilisation des bois tropicaux et à la gestion durable de sa base de ressources».

Le Groupe intergouvernemental spécial sur les forêts (IPF) (ECOSOC, 1997) et le Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF) (CSD, 1998) ont observé que le commerce peut avoir des effets à la fois positifs et négatifs sur la gestion durable des forêts et ont recommandé aux pays de contrôler les effets des politiques commerciales plus étroitement. Le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) a pour mandat de surveiller les questions relatives au commerce, et l’OIBT joue un rôle de chef de file en la matière au sein du Partenariat de collaboration sur les forêts (CPF) – un partenariat novateur parmi les principales organisations forestières internationales. Cependant, les questions relatives au commerce et leurs répercussions sur la gestion durable des forêts n’ont pas encore été affrontées de manière systématique et détaillée dans les processus internationaux portant sur les forêts, comme le FNUF, la CDB, le Comité des forêts de la FAO (COFO) et les commissions régionales des forêts; en fait, on peut se demander si ce sont là des instances adaptées à ces discussions. Bien que les délibérations qui s’y déroulent peuvent produire et ont produit des analyses et recommandations intéressantes, la formulation de politiques pratiques et cohérentes pour les secteurs commercial et forestier doit se fonder sur des expériences et besoins nationaux.

Dans le cadre des accords multilatéraux sur l’environnement, le FNUF et d’autres importants processus d’élaboration des politiques, comme le COFO et les initiatives FLEG en Asie et en Afrique, le débat sur les politiques forestières a exercé son influence sur les processus commerciaux internationaux, y compris les accords régionaux sur le commerce. Cependant, il n’y a pas eu assez de coordination entre le dialogue international sur le commerce et celui sur les forêts, et les délégations présentes à l’OMC et aux accords commerciaux régionaux n’avaient normalement pas de compétences en matière forestière (Bass, 2003). Les sessions spéciales du CCE et les réunions du Comité sur les barrières techniques au commerce sont des exceptions. Toutefois, le travail important accompli au sein du Comité des subventions et des mesures compensatoires et du Groupe de négociation sur l’accès aux marchés progresse sans les avantages des compétences forestières des pays en développement.

La mesure dans laquelle le FNUF et l’OIBT contribueront à renforcer, dans le cadre du nouvel Accord international sur les bois tropicaux, les interactions positives entre le commerce et la gestion des forêts reste à définir. Une coopération plus étroite entre l’OMC et le CPF pourrait s’avérer utile à cet égard.

Dans la plupart des pays en développement, les industries en aval sont normalement de petite envergure, et les politiques commerciales et forestières ne s’intéressent pas en général à la promotion du développement des marchés intérieurs pour les produits ligneux
FAO/CFU000366/R. Faidutti

COHÉRENCE DES POLITIQUES COMMERCIALES ET FORESTIÈRES

Ces dernières années, le problème de la mise en route d’une industrie forestière économiquement viable fondée sur les ressources forestières existantes et futures, compte tenu de la concurrence internationale et de la surcapacité des usines de transformation du bois, a fait l’objet de nombreuses délibérations. En tentant de diversifier leurs produits forestiers par la valeur ajoutée et le commerce, les pays en développement et ceux aux économies en transition doivent relever un défi de taille: la formulation de politiques cohérentes, qui tiennent compte du développement et des priorités nationaux, des réformes macroéconomiques, de la capacité du secteur privé (y compris l’investissement éventuel de capitaux étrangers), de la production forestière au niveau communautaire et des exigences futures dont celles des pays vers lesquels ils souhaitent exporter. Malheureusement, même des mesures législatives et administratives relativement détaillées concernant le commerce du bois dans le cadre des initiatives FLEG souvent ne favorisent pas de manière cohérente le commerce et le développement durable des forêts (R. Tarasofsky et D. Brack, inédit).

Il faut une meilleure communication non seulement entre les secteurs, mais aussi entre les pays en développement pour qu’ils tirent parti des efforts réussis ailleurs de création d’une industrie forestière compétitive. Les accords commerciaux régionaux et les instances des institutions s’occupant de commerce pourraient jouer un rôle déterminant à cet égard.

Enfin, il est d’une importance vitale que les politiques commerciales et forestières soient cohérentes afin d’aider les communautés rurales et les petits propriétaires forestiers. Puisque le commerce mondial des produits forestiers ne constituera sans doute pas l’instrument économique le plus important pour réduire la pauvreté et assurer le développement socioéconomique (sauf dans les quelques pays riches en forêts), les gouvernements nationaux et la communauté internationale devraient diriger davantage leur attention et leur appui vers les importants marchés intérieurs des pays en développement que vers les marchés mondiaux.


CONCLUSIONS ET CONSIDÉRATIONS

Les programmes politiques relatifs au commerce des produits et services forestiers sont guidés en premier lieu par les préoccupations exprimées quant aux opérations entreprises sans discernement dans les forêts naturelles et semi-naturelles, notamment dans les tropiques. Cependant, le changement d’origine de la production forestière dû à l’expansion accélérée des plantations forestières réduit l’importance économique des produits tirés des forêts naturelles et semi-naturelles, en particulier des forêts secondaires et d’autres ressources forestières dégradées.

L’accès au marché pour les produits forestiers et leur commerce sont deux facteurs de premier plan en ce qui concerne les bois tropicaux en raison de la sensibilisation des consommateurs dans les pays industrialisés. Les initiatives de certification forestière mises en œuvre actuellement dans les tropiques sont encourageantes, bien que le potentiel de certification, de vérification de la continuité de possession et d’étiquetage du produit reste encore largement inexploité. Les progrès accomplis dans la certification peuvent être promus et facilités par les efforts accrus de la communauté internationale, des gouvernements nationaux et d’autres groupes concernés.

Les politiques commerciales, y compris les restrictions frappant l’exportation et l’importation, ont souvent aidé à réaliser des objectifs particuliers, comme le développement des industries intérieures, mais elles n’ont guère contribué à renforcer le rôle potentiel du commerce à l’appui de la gestion durable des forêts. La coopération internationale accrue dans des initiatives plutôt officieuses mais principalement gouvernementales, comme les processus FLEG, ont exercé davantage d’influence à cet égard.

Il paraît improbable que l’OMC avec ses règlements contribuera davantage à lier le commerce des produits forestiers à la durabilité du secteur forestier. L’intervention des gouvernements nationaux est donc nécessaire, entre autres, pour soutenir le commerce intérieur et réduire les impacts négatifs des échanges sur les forêts. L’intensification des débats et l’identification d’actions pratiques dans les processus nationaux où participent toutes les parties prenantes, y compris celles appartenant au secteur privé et à la société civile, pourraient conférer davantage de cohérence aux politiques commerciales et forestières.

Bibliographie

Banque mondiale. 2002. Globalization, growth and poverty: building an inclusive world economy. Rapport de recherche sur les politiques de la Banque mondiale. New York, États-Unis, Banque mondiale et Oxford University Press.

Bass, S. 2003. International commitments, implementation and cooperation. Dans Congress Proceedings, Vol. C, People and forests in harmony, p. 257264. XIIe Congrès forestier mondial, Québec, Canada, 21-28 septembre 2003.

Carle, J., Vuorinen, P. et del Lungo, A. 2002. Status and trends in global forest plantation development. Forest Products Journal, 52(7/8): 12-23.

CENUE/FAO. 2004. Produits forestiers, Revue annuelle ­– Bulletin du bois, 57(3). Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: www.unece.org/trade/timber/docs/fpama/2004/2004-fpamr.pdf

Commission du développement durable (CDD). 1998. Background document information on trade and environment. 2session du Forum intergouvernemental sur les forêts, Genève, Suisse, 24 août – 4 septembre 1998. Disponible à l’adresse suivante: www.un.org/esa/forests/documents-iff.html#2

Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC. 2003. Report to the fifth session of the WTO Ministerial Conference in Cancún. Paragraphs 32 and 33 of the Doha Ministerial Declaration. WT/CTE/8. Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: docsonline.wto.org/ddfdocuments/t/wt/cte/8.doc

Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). 2003. Back to basics: market access issues in the Doha Agenda. ONU, New York et Genève.

Conseil économique et social (ECOSOC). 1997. Report of the Ad Hoc Intergovernmental Panel on Forests on its fourth session. Rapport à la cinquième session de la Commission du développement durable, New York, États-Unis, 7-25 avril 1997. E/CN.17/1997/12. Disponible à l’adresse suivante: www.un.org/esa/forests/documents-ipf.html#4

Dudley, N. et Nectoux, F. 1995. The timber trade: a study for the expert panel on trade and sustainable development. Bristol, Royaume-Uni, Equilibrium.

FAO. 2004a. FAOSTAT forestry data. Disponible à l’adresse suivante: faostat.external.fao.org/faostat/collections?subset=forestry

FAO. 2004b. Trade and sustainable forest management – impacts and interaction. Étude analytique du projet mondial GCP/INT/775/JPN: Impact Assessment of Forest Products Trade in the Promotion of Sustainable Forest Management. Rome. Disponible à l’adresse suivante: www.fao.org/forestry/site/trade

Frost, B., Mayers, J. et Roberts, S. 2003. Growing credibility: impact of certification on forests and people in South Africa. Londres, Royaume-Uni, Institut international pour l’environnement et le développement (IIED).

Hoekman, B.M. et Kostecki M.M. 2001. The political economy of the world trading system: the WTO and beyond. Oxford, Royaume-Uni et New York, États-Unis, Oxford University Press.

Landell-Mills, N. et Porras, I. 2002. Silver bullet or fools’ gold? A global review of markets for forest environmental services and their impacts on the poor. Instruments for Sustainable Private Sector Forestry Series. Londres, Royaume-Uni, IIED.

Mayers, J. et Bass, S. 1999. Policy that works for forests and people. Series overview. Londres, Royaume-Uni, IIED.

Mulliken, T. 2003. The role of CITES in international trade in forest products – links to sustainable forest management. Cambridge, Royaume-Uni, TRAFFIC International.

Nasi, R., Wunder, S. et Campos, J.J.A. 2002. Forest ecosystem services: can they pay our way out of deforestation? Préparé pour la Table ronde sur les forêts du FEM, Costa Rica, 11 mars. Washington, États-Unis, Fonds pour l’environnement mondial.

Neufeld, R., Mersmann, C. et Nordanstad, M. 2003. The World Trade Organization and forest products: rules and negotiations related to traditional knowledge of genetic resources, multilateral environmental agreements, labelling and government procurement. Background paper for the global project: Impact Assessment of Forest Products Trade in Promotion of Sustainable Forest Management, GCP/INT/775/JPN. Rome, FAO. Disponible à l’adresse suivante: www.fao.org/forestry/site/9609/en

Organisation mondiale du commerce (OMC), Comité du commerce et de l’environnement. 1997. Avantages environementaux de l’élimination des restrictions et distorsions des échanges. Note du Secrétariat. WT/CTE/W/67. Genève, Suisse.

OMC. 2001. Doha WTO Ministerial 2001: Ministerial declaration. Quatrième Conférence ministérielle de l’OMC, Doha, Qatar, 9-14 novembre 2001. WT/MIN(01)/DEC/1. Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: www.wto.org/english/thewto_e/minist_e/min01_e/mindecl_e.htm

OMC. 2003. Comprendre l’OMC. Genève, Suisse.

OMC. 2004. Négociations en cours et mise en œuvre: le Programme de Doha. Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: www.wto.org/english/tratop_e/dda_e/dda_e.htm

Rytkönen, A. 2003. Market access of forest goods and services. Background paper for the global project: Impact Assessment of Forest Products Trade in Promotion of Sustainable Forest Management, GCP/INT/775/JPN. Rome, FAO. Disponible à l’adresse suivante: www.fao.org/forestry/foris/data/trade/pdf/rytkonen.pdf

Previous PageTop Of PageNext Page