Previous PageTable Of ContentsNext Page

Un aperçu général de l’économie mondiale des produits

M. Arda

Mehmet Arda est chef de la Division des produits, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Genève (Suisse). Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la CNUCED.

Les tendances des prix, le contenu du produit, la géographie du commerce et la structure du marché des produits agricoles correspondent-ils à ceux du marché des produits forestiers?

Dans quelle mesure les produits forestiers sont-ils analogues à d’autre produits écoulés sur le marché international? Le présent article examine brièvement la situation récente de l’économie mondiale des produits. Il étudie d’abord les prix des produits ainsi que des questions non relatives aux prix dont l’évolution du contenu des produits dans le commerce international, la nouvelle géographie du commerce et la structure des marchés des produits. Tout au long de la discussion sont évoqués des domaines où le bois suit et ne suit pas les tendances.


PRIX DES PRODUITS


Les tendances

Le tableau 1 donne les indices de prix pour les principaux groupes de produits et le bois au cours des quatre dernières décennies. Les indices de prix dans les droits de tirage spéciaux (DTS) (une unité de compte dont la valeur se fonde sur un choix de monnaies internationales clés) éliminent une partie de l’influence des variations du taux de change du dollar des États-Unis, monnaie dans laquelle la plupart des prix sont exprimés. Les prix réels fournissent une indication de la quantité de produits manufacturés pouvant être achetés moyennant une quantité donnée de produits exportés. (Étant donné que la gamme et la qualité des produits manufacturés achetés par les exportateurs de produits changent au fil du temps, ces calculs n’ont qu’une valeur indicative.)

Les prix réels des produits révèlent en général une tendance à la baisse et une forte instabilité à long terme. Il est évident que la situation varie entre les différents produits, et toute déduction relative aux niveaux des prix dépend de la période considérée. En outre, en raison des fluctuations des prix et de la production, tant les ménages ruraux que les gouvernements constatent de fortes variations dans leurs revenus.

Du point de vue des DTS et en termes réels, tous les groupes de produits agricoles connaissent à l’heure actuelle une baisse persistante et particulièrement forte des prix. Le groupe des boissons tropicales, qui comprend le café, le cacao et le thé, est celui qui souffre le plus. Le groupe des graines oléagineuses et des huiles végétales qui, il y a 10 ans, avait affronté une situation de prix défavorables comparables à ceux des boissons tropicales a récupéré certaines de ses pertes de prix. Les minerais et les métaux connaissent à l’heure actuelle des prix réels relativement élevés par rapport à il y a 10 ans.

Les prix du bois n’ont pas suivi de près cette tendance. Bien que les prix réels pour tous les groupes aient fléchi considérablement entre les années 60 et la moitié des années 90, la tendance pour le bois pendant cette période a emprunté une direction inverse. Toutefois, depuis la moitié des années 90, les prix tendent à se rapprocher. Bien que les prix courants aussi bien que réels aient diminué notablement pour le bois et le contreplaqué de feuillus, ceux pour certaines espèces forestières tropicales, comme l’okoumé, se sont redressés comme il ressort du tableau 1. Toutefois, les prix de certaines autres espèces tropicales ont accusé une baisse depuis les années 90. Les tendances des prix reflètent les principes fondamentaux de l’offre et de la demande, notamment l’offre excédentaire de bois pour les fibres et la faible capacité d’adapter les disponibilités aux variations de la demande.

En 2003 et 2004, pour de nombreux marchés des produits la demande a enregistré une certaine hausse. Comme le montre le tableau 2, pour la plupart des groupes de produits, les prix mensuels moyens pour la période de 12 mois allant de septembre 2003 à août 2004 étaient plus élevés que durant la même période un an plus tôt. Cette hausse s’explique par la reprise générale, encore qu’inégale, de l’économie mondiale et par la demande en expansion rapide de produits en Asie, notamment en Chine. Les matières premières industrielles, y compris le coton, le caoutchouc et, dans une mesure moindre, le bois, étaient les principaux gagnants, profitant de la reprise économique et de la forte demande chinoise.

TABLEAU 1. Prix des produits, 1964-2004 (indices annuels de moyennes mensuelles, 1985=100)

Groupe de produits

$EU actuels

DST actuels

Prix réela

1964

1994

2004b

1994

2004b

1964

1994

2004b

Boissons tropicales

33

91

54

63

37

89

58

36

Autres aliments

66

152

131

106

90

178

96

87

Graines oléagineuses et huiles végétales

46

107

111

75

77

124

67

74

Matières premières agricoles

46

140

126

98

87

124

89

83

Minerais et métaux

49

124

151

86

104

132

79

100

Bois de feuillus (prix à l’importation du Royaume-Uni)

32c

194

131

134

90

81c

124

87

Grumes tropicales (Okoumé f.o.b. Gabon)

39c

226

250

156

171

99c

144

166

Contreplaqué (Asie du Sud-Est, Lauan, prix au comptant de Tokyo)

29c

285

217

197

149

78

182

145

Sources: CNUCED, 2000, 2004b.

a Prix courants en dollars dévalués par l’indice des valeurs unitaires des exportations de produits manufacturés pour les pays développés.

b Août 2003 – moyenne de septembre 2004.

c 1970.


TABLEAU 2. Changements (en pourcentage) des prix mensuels moyens couvrant la période de septembre 2002 à août 2003 et la période de septembre 2003 à août 2004

Produit

$EU

DTS

Boissons tropicales

0

-6

Autres aliments

7

0

Graines oléagineuses, huiles végétales

22

14

Matières premières agricoles

20

12

Minerais et autres métaux

35

27

Bois de feuillus (prix à l’importation du Royaume-Uni)

14

7

Grumes tropicales (Okoumé f.o.b. Gabon)

16

9

Contreplaqué (Asie du Sud-Est, Lauan, prix au comptant de Tokyo)

7

0

Source: CNUCED, 2004b.


Les influences

Au fil des ans, les producteurs et consommateurs de plusieurs produits – mais non le bois – ont fait diverses tentatives pour stabiliser les prix par des accords internationaux sur les produits, ou bien les producteurs se sont efforcés individuellement de les redresser par le biais de programmes de retrait dans les associations de producteurs. Toutefois, pour des raisons à la fois économiques et politiques, ces efforts ne se sont pas soldés par un succès pendant de longues périodes, et aucun accord actuel ne prévoit de mesures économiques visant à influencer directement les prix. Les producteurs n’ont pas toujours adhéré à ce programme que leur imposaient leurs associations: un exemple récent a été l’impossibilité pour les producteurs de café en 2000 de mettre en œuvre la décision de retenir 20 pour cent de la production. Pour certains produits, comme le caoutchouc, qui est produit par un petit nombre de pays, la simple annonce d’un programme de gestion des disponibilités a fait hausser les prix. L’une des principales contraintes des programmes de rétention consiste dans la difficulté de s’attaquer aux motifs fondamentaux de l’offre excédentaire structurelle en raison de la peine à sortir d’un marché donné (comme ce serait le cas pour toute tentative d’appliquer des politiques visant à hausser les prix du bois) et l’incapacité de diversifier la production en produits à plus haute valeur ajoutée ou transformés. Un autre important facteur à cet égard, lorsque se présentent des difficultés économiques, notamment lors des crises de change, est que le secteur des produits paraît être le moyen le plus aisé d’accroître les recettes d’exportation même si cette opération peut déprimer les cours mondiaux. Un plan d’action similaire a parfois été mis en œuvre dans le cas du bois, mais avec des impacts nuisibles considérables sur la durabilité. En outre, une fois que les producteurs de bois ont encouru des coûts fixes élevés, notamment dans la construction de routes et d’usines de transformation, il devient difficile de réduire l’exploitation. Dans ces cas l’offre est inélastique vis-à-vis de la baisse des prix.

Une croissance plus rapide de l’offre que de la demande exerce une pression vers le bas sur les tendances à long terme des prix des produits. La production accrue et la diminution des prix internationaux sont déterminées non seulement par l’extension des superficies cultivées et des améliorations de la productivité, mais aussi par les subventions et d’autres mesures de soutien, notamment dans les pays développés. Le coton, le sucre, les céréales et les huiles végétales sont sujets à ces mesures de soutien. Les subventions relatives au bois sont considérables dans les pays développés, en particulier en Amérique du Nord, mais elles sont en général de nature indirecte, comme l’ouverture de routes pour faciliter l’accès à des forêts éloignées.

Bien que des rendements supérieurs pourraient compenser la baisse des prix réels et augmenter les revenus par hectare, ce cas ne s’est présenté que rarement lorsque les hausses de rendement ont été spectaculaires. Parmi les exemples montrés au tableau 3, le coton en Amérique latine et aux Caraïbes est le seul cas semblable. Des rendements et des revenus financiers plus élevés s’obtiennent normalement en mettant en production de nouvelles superficies. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la production croît même quand les prix sont faibles. Il est estimé, par exemple, que les superficies consacrées à la production de coton en Chine (province de Xinjiang), au Brésil (État de Mato Grosso) et en Turquie (sud-est de l’Anatolie) se sont étendues de plus d’un million d’hectares depuis 1993/94. Les rendements moyens dans ces nouvelles zones atteignent presque 1,5 tonne par hectare, contre un rendement moyen escompté de 630 kg par hectare dans le reste du monde (Estur, 2004). Les changements dans les coûts des intrants sont encore un élément déterminant dans le calcul des gains nets effectifs. Certes, la situation varie entre les pays et entre les produits, en fonction des changements survenant dans le pourcentage du prix international allant au producteur et des variations de la productivité de chaque agriculteur. Dans le secteur forestier, les investissements réalisés pour améliorer la productivité ont de longues périodes de gestation et l’offre est moins élastique vis-à-vis des hausses des prix. Une autre solution serait d’intensifier l’exploitation, ce qui aurait des effets graves sur la durabilité.

Sur les marchés qui se caractérisent par de faibles prix et des élasticités-revenus de la demande, notamment lorsque de petits fournisseurs qui n’ont qu’un faible pouvoir de négociation doivent affronter des acheteurs puissants, comme dans le cas de la plupart des marchés de produits agricoles, la majeure partie des avantages d’une plus haute productivité passe aux acheteurs. Le passage éventuel de ces gains aux consommateurs dépend aussi de la structure et de la compétitivité des marchés. Avec la concentration accrue sur les étapes de la transformation et les chaînes de distribution, les faibles prix des produits ne se traduisent pas normalement par de faibles coûts à la consommation. Le café est un exemple frappant à cet égard (Osorio, 2004). En termes d’exportations franco de bord (f.o.b), les pays producteurs de café ont gagné de 10 à 12 milliards de dollars EU environ par an à la fin des années 80 et au début des années 90, mais ils ne gagnent maintenant que 5,5 milliards de dollars environ. En revanche, la valeur des ventes au détail dans les pays consommateurs s’est accrue, passant de 30 milliards de dollars EU dans les années 80 à 80 milliards environ à présent.

En outre, la part des prix d’exportation reçus par les agriculteurs varie au fil du temps, sous l’influence de nombreux facteurs comme la structure organisationnelle et institutionnelle du secteur des produits dans les pays producteurs. Toutefois, il n’y a guère de preuves permettant de conclure que la libéralisation, en abolissant les organismes paraétatiques, et le retrait de l’État du commerce agricole dans les pays en développement aient permis aux agriculteurs d’obtenir une part plus élevée ou inférieure du cours du marché mondial. Cependant, il est clair que la disparition de certains importants services de soutien fournis auparavant par l’État, comme les avis techniques, les financements, le contrôle de la qualité et l’information, a exercé une pression vers le bas sur les revenus nets des agriculteurs. Le secteur privé, en particulier les sociétés transnationales, a pris la relève pour certaines de ces fonctions, mais des lacunes demeurent, et il faut se demander si le secteur privé est la voie la plus indiquée pour la transmission de ces services, qu’il s’agisse de services agricoles ou forestiers. En outre, dans de nombreux pays, les marchés et les réseaux de distribution du secteur privé ne sont pas suffisamment développés pour envoyer des signaux de prix du marché international aux acteurs sur les marchés intérieurs. Il pourrait en résulter une affectation erronée des ressources (voir encadré).

TABLEAU 3. Choix de produits: indice des prix réels 2002-2003 (1985=100) et des rendements (2001-2003 comme pourcentage de 1984-1986)

Région

Café

Cacao

Maïs

Coton

Prix

Rendement

Prix

Rendement

Prix

Rendement

Prix

Rendement

Afrique subsaharienne

21

122

51

141

49

103

69

107

Pays asiatiques en développement

25

151

109

139

121

Amérique latine et Caraïbes

22

147

63

163

216

Pays développés

     

122

97

Sources: UNCTAD, 2000, 2004b; FAO, 2004.


Effets de prix sur les marchés libéralisés de l’exportation: l’expérience des petits producteurs de cacao au Cameroun

De nombreux pays en développement ont vu leurs marchés de l’exportation se libéraliser au milieu des années 90. De ce fait, alors qu’il y avait dans le passé un mécanisme de protection contre l’instabilité des prix au niveau des producteurs, ces derniers sont maintenant en contact direct avec les prix internationaux et leur instabilité. Tel est le cas des producteurs de cacao au Cameroun, où le marché du cacao s’est totalement ouvert depuis la dissolution des offices de commercialisation. Aujourd’hui les producteurs se heurtent à une instabilité des prix qui est plus forte que celle du prix international.

Un petit producteur de cacao au Cameroun recevait 100 francs CFA (FCFA) (environ 0,15€) pour 1 kilogramme de cacao en 2002, 800 FCFA (environ 1,20€) en 2003 et 400 FCFA (environ 0,60€) en 2004. Les prix d’achat internationaux moyens du cacao au cours des années correspondantes étaient respectivement de 1 224, 1 182 et 1 254 FCFA. Non seulement la variation du prix local est-elle incomparablement plus élevée que celle du prix international, mais même la direction du changement est contradictoire. Face à une telle instabilité, les agriculteurs pourraient devoir sérieusement envisager d’abandonner leurs plantations.

Cette instabilité est difficile à expliquer du côté des exportations car la plupart des exportateurs recourent à des stratégies internationales de gestion des risques. Cependant, la chaîne de production a été entièrement démantelée et le nombre croissant d’intermédiaires (qui ignorent souvent le marché international du cacao) entre les producteurs et les exportateurs pourrait expliquer en partie ce phénomène.


Le coton en Amérique latine et aux Caraïbes est le seul cas où des rendements plus élevés ont permis d’accroître les revenus malgré la baisse des prix réels
FAO/18605/G. BIZZARRI

QUESTIONS NON LIÉES AUX PRIX

Bien que les prix soient la manifestation la plus visible et la plus immédiate de la situation des produits, plusieurs autres facteurs dans l’économie mondiale des produits influencent de manière cruciale les recettes des pays exportateurs aussi bien que des producteurs et commerçants individuels. La capacité de fournir des produits à valeur élevée qui satisfont les exigences des marchés est un préalable clé de succès, et la manière dont les producteurs et les commerçants participent à la chaîne internationale de valeur détermine la valeur ajoutée qu’ils retiennent.


Le contenu du produit

L’importance relative des groupes de produits dans le commerce agricole international fait l’objet de changements, et les fournisseurs qui ont pu pénétrer le marché d’articles dynamiques réussissent mieux que ceux qui opèrent dans le secteur des articles traditionnels dont le commerce est stagnant et la valeur ajoutée faible. C’est ainsi que les céréales détenaient environ 12 pour cent du commerce agricole mondial il y a 30 ans alors que maintenant elles absorbent à peine 7 pour cent.

Entre les années 70 et le début des années 90, la part du bois et des produits à base de bois comme le papier et le mobilier, tant dans le commerce mondial que dans les exportations des pays en développement, a aussi fléchi considérablement. Cependant, tous deux se sont stabilisés au milieu des années 90, malgré la croissance très rapide des exportations mondiales et des pays en développement d’articles à forte composante technologique, comme les transistors, le matériel de télécommunication et les ordinateurs. Autrement dit, le commerce dans ce groupe de produits était aussi assez dynamique.

Un autre changement important est le fait que les exportations de produits agricoles transformés s’accroissent de manière nettement plus rapide que celles des produits semi-transformés ou non transformés. La part des produits transformés s’est élevée, passant de 42 pour cent du marché agricole mondial en 1990/91 à 48 pour cent en 2001/02 (OMC, 2004). De même, la part du mobilier dans le commerce international est passé de 0,92 pour cent en 1900/91 à 1,04 pour cent en 2000/01 (alors que la part des exportations des pays en développement est allée de 0,53 pour cent à 0,91 pour cent, traduisant une augmentation encore plus rapide que la moyenne mondiale).

Les produits transformés ou préparés ont une valeur ajoutée de beaucoup supérieure à celle des produits non transformés. Les prix suivants, par exemple, ont été observés dans un supermarché au Royaume-Uni. Les carottes en vrac étaient vendues à 39 pence le kilogramme (environ 0,56€); un sac de 1 kilogramme de carottes coûtait 87 pence (environ 1,25€); 1 kilogramme de carottes pelées et coupées en rondelles coûtait 283 pence (4,07€ environ) et les «mini-carottes» prêtes à consommer vendues comme collation coûtaient 600 pence le kilogramme (8,64€ environ) (Dolan, Humphrey et Harris-Pascal, 1999). Il est difficile d’établir de manière significative des comparaisons analogues pour des produits comme le coton, où la part de matière première dans le produit final (vêtements, par exemple) est très faible. Le cas s’applique aussi au bois/mobilier.

Tous les pays n’ont pas été à même de participer de façon rentable au passage des articles traditionnels aux nouveaux articles. L’essentiel de l’accroissement dans les exportations dynamiques est le fait des pays plus avancés et déjà diversifiés d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine. Les exportations de fleurs du Kenya ont également représenté une histoire de succès. Ces pays non seulement sont pénétrés dans des marchés de produits non traditionnels, mais ils ont aussi ajouté de la valeur à leurs exportations en fournissant, par exemple, des bouquets de fleurs confectionnés et des légumes emballés et munis d’un code à barres, prêts à être placés sur les étagères des détaillants. Des histoires de succès semblables se rencontrent aussi dans le cas des produits du bois, notamment dans la fourniture de meubles aux grands magasins de vente au détail comme IKEA.


Changements dans la géographie du commerce

Lorsqu’on examine le commerce des produits agricoles, y compris ceux sous forme de produits transformés (comme le café instantané) sur trois décennies, on observe que la part des exportations mondiales des pays développés s’est accrue, en même temps qu’a augmenté la part des importations mondiales des pays en développement. Le cas s’applique tant aux produits alimentaires qu’aux matières premières agricoles (tableau 4).

Du côté des exportations, les principaux facteurs qui déterminent cette tendance sont le soutien à l’agriculture dans les pays développés et la croissance plus rapide des exportations de produits transformés à valeur élevée de ces pays par rapport aux pays en développement.

Du côté des importations, les principales raisons de la part croissante des pays en développement sont l’industrialisation accélérée et le relèvement du revenu qui créent la demande tant pour les importations que pour la production intérieure, réduisant ainsi les excédents exportables. Ce modèle se retrouve dans le cas des produits alimentaires aussi bien que des matières premières agricoles, et en particulier les minerais et les métaux. En ce qui concerne la demande, la tendance est destinée à se poursuivre, notamment en Chine et dans d’autres pays en développement, qui ouvrent des créneaux prometteurs pour les producteurs.

Pour ce qui a trait au bois et aux produits ligneux, depuis 1980 la part des exportations mondiales des pays développés s’est accrue pour les articles moins transformés, et celle des pays en développement a augmenté pour les articles plus transformés (tableau 5). L’accroissement de la part des exportations des pays en développement, toutefois, part d’une base très faible.

TABLEAU 4. Part des pays développés et en développement dans le commerce agricole mondial (pourcentage)

Produit

Pays développés

Pays en développement

1970

2001

1970

2001

Aliments

       

Exportations

58

64

33

33

Importations

72

66

18

28

Matières premières

       

Exportations

58

62

31

31

Importations

73

62

14

34

Source: Calculé à partir de ONU, 2004.


TABLEAU 5. Part des pays développés et en développement dans le commerce mondial du bois et des produits à base de bois (pourcentage)

Produits

Pays développés

Pays en développement

Exportations

Importations

Exportations

Importations

1980

2001

1980

2001

1980

2001

1980

2001

Bois

59,0

64,2

84,2

75,7

31,2

20,9

15,0

22,7

Pâte et vieux papiers

88,7

75,6

82,0

62,6

7,7

20,2

14,0

34,5

Placages, contreplaqué, bois amélioré et reconstitué et autres produits manufacturés à base de bois

62,7

57,4

73,3

79,7

30,8

31,7

22,2

16,0

Papier et carton

92,2

82,2

78,7

68,6

4,8

13,0

20,1

25,1

Mobilier et parties de mobilier

84,3

63,1

79,8

83,4

7,4

26,2

18,4

13,2

Source: Calculé à partir de ONU, 2004.


L’évolution de la structure des marchés

Les grandes sociétés commerciales et celles intégrées verticalement ont dominé traditionnellement les marchés des produits. Un fait nouveau qui a changé la nature du commerce de nombreux produits, en particulier les produits alimentaires, est l’apparition des chaînes mondiales de supermarchés. Dans de nombreux pays, y compris les pays en développement, ces supermarchés, qui appartiennent souvent à des chaînes internationales comme Carrefour et Métro, ont souvent joué un rôle prépondérant dans le secteur du commerce de détail (voir Development Policy Review, 2002; Weatherspoon et al., 2003; FAS, 2004). Pour avoir du succès, les exportateurs doivent mettre leurs produits sur les étagères des supermarchés. Cela veut dire satisfaire des conditions de qualité qui vont parfois au-delà de celles établies par les gouvernements au titre des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les obstacles techniques au commerce et sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, et répondre aux exigences de continuité et de quantité. Ces conditions, qui doivent être satisfaites par tous les fournisseurs des supermarchés, notamment ceux qui écoulent des produits dynamiques comme les fruits et les légumes, tendent à s’appliquer même aux marchés intérieurs. C’est ainsi que les différences entre les marchés nationaux et internationaux tendent à disparaître. Ces différences s’estompent encore davantage à mesure que les marchés s’ouvrent et que la concurrence vis-à-vis des importations devient inévitable. Il est nécessaire mais non plus suffisant que les produits soient compétitifs quant aux prix; la concurrence vis-à-vis de la qualité devient de plus en plus importante.

La consommation d’aliments transformés et préparés s’accroît parallèlement à l’augmentation des revenus. L’accès à la technologie et aux finances, ainsi que l’information sur les exigences des consommateurs, aide les producteurs des pays développés à répondre à cette demande. Toutefois, les producteurs des pays en développement qui ont pu se relier aux chaînes d’approvisionnement internationales en fournissant régulièrement des produits de haute qualité ont prospéré. Parmi les exemples figurent les pommes frites congelées en provenance d’Argentine fournies à McDonald (Ghezan, Mateos et Viteri, 2002) ou les légumes frais d’Afrique distribués aux supermarchés du Royaume-Uni (Dolan, Humphrey et Harris-Pascal, 1999). Le succès dans ces cas n’a souvent favorisé que les grands producteurs avisés ayant les moyens financiers nécessaires pour investir dans l’assurance et le contrôle de la qualité.

Les petits producteurs sont désavantagés par ces nouvelles pratiques commerciales. Il est difficile de comprendre les exigences du marché, et pour les satisfaire il faut des investissements que ces petits producteurs sont incapables de réaliser individuellement. Leur succès dépend de manière cruciale de leur capacité de s’organiser afin d’avoir accès aux infrastructures nécessaires pour l’assurance et le contrôle de la qualité. En outre, en groupant leurs produits, ils peuvent faciliter la traçabilité et réduire les coûts des opérations pour les grands acheteurs du secteur du commerce de détail qui sont, dans de nombreux cas, des chaînes mondiales de supermarchés. La même situation est observable dans le commerce de détail du mobilier et dans les pratiques d’achat des chaînes mondiales de meubles.

La création de ressources pour l’investissement et le financement du commerce dans les secteurs des produits est beaucoup plus difficile que dans l’industrie. Le manque de garanties est un grave problème, bien qu’il puisse être surmonté (CNUCED, 2004a). Il est important de considérer la chaîne d’approvisionnement dans son ensemble et d’utiliser la force financière de certaines parties de la chaîne de valeur (comme l’exportation) pour en financer d’autres moins intéressantes financièrement (comme l’agriculture ou la petite production de bois).

La différenciation est une voie à explorer, non seulement pour les produits non traditionnels comme les fruits et les légumes, mais aussi pour les produits traditionnels comme le café, où deux tendances contradictoires s’observent. Bien que les techniques de transformation permettent maintenant à des cafés de qualité très faible d’être transformés en café instantané de haute qualité, ceux dont l’origine est spécifiée peuvent obtenir des avantages considérables sur les marchés «hauts de gamme».

Les autres pratiques commerciales comme la certification des produits organiques et les étiquettes «commerce équitable», qui dénotent un traitement supérieur à la moyenne des travailleurs ou des soins particuliers visant à réduire les impacts sur l’environnement, ont fourni des possibilités additionnelles à certains petits producteurs. Bien que les marchés des produits ligneux certifiés soit encore limité, la certification devrait gagner en importance, notamment face aux préoccupations grandissantes concernant la façon dont le bois est produit. Les initiatives de pratiques commerciales équitables, qui favorisent déjà certains producteurs de café, bananes et fleurs, pourraient représenter un nouveau moyen de différencier ultérieurement les produits et d’améliorer les recettes. Certains efforts ont déjà été déployés dans ce sens pour des produits non ligneux sélectionnés. En tout état de cause, il s’agit d’initiatives privées émanant de consommateurs conscients des normes sociales et environnementales. Au titre des règlements commerciaux internationaux en vigueur, les politiques publiques officielles qui confèrent un traitement de faveur aux produits en fonction de leur mode de production ne sont pas admises.

L’élimination des obstacles au marché dans le cadre du Programme de travail de Doha de l’OMC est un préalable pour le succès des exportations des pays en développement. Il prévoit l’abolition du soutien à l’agriculture dans les pays développés qui permet aux producteurs inefficaces une concurrence déloyale. Bien que les tarifs soient faibles pour les produits non transformés, ils haussent considérablement en fonction des étapes de la transformation. En outre, même si on éliminait les obstacles au commerce, la pénétration des marchés peut demeurer une illusion tant que les autres exigences mentionnées plus haut n’ont pas été satisfaites.

Le café est un exemple frappant d’un produit à faible prix dont la transformation et la distribution entraînent des prix plus élevés à la consommation – bien que la haute valeur des ventes au détail ne favorise pas les producteurs
FAO/17729/A. CONTI

Les exportations de produits agricoles transformés augmentent bien plus rapidement que les exportations de produits semi-transformés ou non transformés
FAO/19407/R. FAIDUTTI

L’apparition des chaînes mondiales de supermarchés a changé la nature du commerce de nombreux produits; les exportateurs doivent satisfaire aux conditions de qualité s’ils veulent mettre leurs produits sur les étagères des supermarchés
FAO/20085/C. CALPE

CONCLUSION

Le commerce des produits est désormais bien plus complexe qu’auparavant. Bien que les problèmes traditionnels liés aux prix subsistent, d’importantes nouvelles occasions se présentent pour les exportateurs qui peuvent répondre aux normes de plus en plus rigoureuses des marchés. La concurrence est vive et requiert l’adoption de méthodes commerciales modernes. Les petits agriculteurs ont besoin d’une assistance technique et financière pour entreprendre les investissements nécessaires et satisfaire aux exigences. Les coentreprises et les arrangements d’agriculture sous contrat organisés correctement paraissent offrir des avantages à cet égard. Le rôle des agriculteurs fait l’objet d’un changement. Ils deviennent de simples «fermiers», fournissant la main-d’œuvre et souvent du capital, mais prennent de moins en moins de décisions quant à la production en réponse aux exigences des gros acheteurs. Il est de plus en plus difficile de survivre pour les producteurs qui ne sont pas intégrés dans les chaînes mondiales de valeur.

Les petits producteurs n’ont encore qu’un rôle secondaire dans le commerce mondial des produits forestiers. À la différence du café et du cacao, où ils jouent un rôle important, le bois exige un grand nombre de transformations avant de pouvoir être écoulé sur les marchés internationaux. Les petits producteurs qui cherchent à prendre part au commerce international se heurtent à de nombreux problèmes relatifs à l’échelle de la production, à la longueur des cadres temporels et au coût de l’addition de valeur. Les communautés forestières peuvent-elles s’organiser, avec le soutien de la communauté internationale et d’un secteur privé responsable socialement, pour pouvoir entrer dans les chaînes de valeur mondiale et participer avec profit aux marchés croissants du bois et des produits à base de bois, et en même temps démontrer que les gains économiques peuvent contribuer à la gestion durable de leurs ressources forestières?

Bibliographie

Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). 2000. Monthly Commodity Price Bulletin, Supplement 1960-1999. TD/B/CN.1/CPB/L.86/Add.1. Novembre. Genève, Suisse.

CNUCED. 2004a. Financing commodity-based trade and development: innovative agriculture financing mechanisms. TD/B/COM.1/EM.24/2. Genève, Suisse.

CNUCED. 2004b. Commodity Price Bulletin On-line. Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: www.unctad.org/Templates/Page.asp?intItemID=1889&lang=1

Development Policy Review. 2002. Theme issue: Supermarkets and agrifood systems: Latin American challenges. 20(4): 370-528.

Dolan, C., Humphrey, J. et Harris-Pascal, C. 1999. Horticulture commodity chains: the impact of the UK market on the African fresh vegetable industry. IDS Working Paper No. 96. Brighton, Royaume-Uni, Institute of Development Studies (IDS).

Estur, G. 2004. 2004/05 record production on track. Cotton: Review of the World Situation, 57(6): 10.

FAO. 2004. FAOSTAT. Disponible à l’adresse suivante: apps.fao.org

Foreign Agricultural Service (FAS), Département de l’agriculture des États-Unis. 2004. Washington, États-Unis. Attaché reports. FAS online: www.fas.usda.gov/scriptsw/attacherep/default.asp

Ghezan, G., Mateos, M. et Viteri, L. 2002. Impact of supermarkets and fast-food chains on horticulture supply chains in Argentina. Development Policy Review, 20(4): 389-408.

Nations Unies (ONU). 2004. UN Commodity Trade Statistics Database (UN Comtrade). New York, États-Unis. Disponible à l’adresse suivante: unstats.un.org/unsd/comtrade

Organisation mondiale du commerce (OMC). 2004. World Trade Report 2004. Genève, Suisse. Disponible à l’adresse suivante: www.wto.org/english/res_e/booksp_e/anrep_e/world_trade_report04_e.pdf

Osorio, N. 2004. Lessons from the world coffee crisis: a serious problem for sustainable development. Soumis à la CNUCED XI, São Paulo, Brésil, juin 2004.

Weatherspoon, D., Neven, D., Katjiuongua, H., Fotsin, R. et Reardon, T. 2003. Battle of supermarket chains in Sub-saharan Africa: challenges and opportunities for agrifood suppliers. UNCTAD/DITC/COM/Misc/2003/5. Genève, Suisse, CNUCED.

Previous PageTop Of PageNext Page