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QUATRIÈME PARTIE
Perspectives

INTRODUCTION

Dans le cadre d’une étude sur l’avenir de l’agriculture au cours des prochaines décennies1, réalisée au niveau de l’ensemble de l’Organisation, le Département des pêches de la FAO a fait effectuer des études prospectives de la consommation de poisson. Celles-ci s’appuient généralement sur des modèles économiques de la demande, du commerce et de l’offre de poisson2 sur les principaux marchés. L’une des principales limitations des études de ce type – y compris celles de la FAO – est qu’elles supposent généralement que les effets des politiques publiques et des changements technologiques sont constants. Cela veut dire que ces modèles prennent pour hypothèse que les prix (réels) ne changent pas, et donc que tout changement des politiques ou tout progrès technologique est censé avoir des répercussions uniformes et identiques sur tous les producteurs et consommateurs, ce qui n’arrive que rarement, voire jamais.

La première section du présent article donne un aperçu des travaux en cours. Elle présente les résultats préliminaires des études entreprises pour prévoir ce que sera la consommation de poisson en 2015-2030, sur la base d’une modélisation économique.

La deuxième section cherche à compenser les faiblesses de la modélisation économique. Elle examine l’hypothèse d’une constance des effets afin de déterminer s’il serait réaliste de s’attendre à ce qu’au moins dans un avenir immédiat, les changements des politiques et de la technologie n’influent pas sur l’évolution de ce secteur, et en particulier sur les niveaux de consommation du poisson à l’avenir. La deuxième partie cherche donc à prévoir, d’une part, les répercussions des changements des politiques publiques relatives aux pêches de capture et à l’aquaculture et, d’autre part, celles des avancées technologiques qui pourraient s’appliquer dans ces deux domaines d’activité.

TENDANCES DANS LES PROJECTIONS À LONG TERME DE LA PRODUCTION ET DE LA CONSOMMATION DE POISSON

Pour déterminer les perspectives concernant les pêches et la production de poisson, la FAO a fait réaliser trois études prospectives sur l’évolution à long terme du marché du poisson au Japon, dans 28 pays européens3 et aux Etats-Unis, et deux autres sur la situation mondiale4. (Les difficultés rencontrées en essayant d’examiner le cas de la Chine ont empêché d’étudier pour le moment la situation de ce pays). Ces études, basées sur des modèles économiques de la demande, du commerce et de l’offre de poisson sur les principaux marchés, sont utiles pour fournir une analyse des tendances probables concernant la production, la consommation et le commerce. Ces analyses ont fait ressortir les cinq tendances brutes suivantes concernant la production et la consommation de la période actuelle à 2030:

PRODUCTION DES PÊCHES DE CAPTURE ET DE L’AQUACULTURE

Le tableau 16 présente les prévisions concernant la consommation, les exportations nettes et la production de poisson jusqu’en 2030. L’Amérique latine, l’Europe et la Chine fourniront la plus grande partie du poisson utilisé à des fins non alimentaires. Les petites espèces pélagiques resteront prédominantes comme intrants pour la production aquacole (sous forme de farine de poisson entrant dans la composition des aliments pour poissons).

TABLEAU 16
Tendances concernant la consommation, les exportations nettes et la production de poisson entre 1997 et 2030

Groupes de pays

Consommation par habitant

Exportations nettes

Production des pêches de capture (milliers de tonnes)

Production aquacole (milliers de tonnes)

Monde

+

nd

13 700

54 000

     

Pourcentage de l’augmentation mondiale

Pourcentage de l’augmentation mondiale

Afrique

-/+

-

4%

1%

Chine continentale

+

+

5%

70%

Europe, 28 pays

/

-/+

0%

5%

Ex-URSS

-/+

Sans changement

0%

0%

Japon

+

-

0%

1%

Amérique latine et Caraïbes

+

+

57%

7%

Proche-Orient en Asie

-/+

+

2%

2%

Océanie, pays développés

+

-/+

5%

1%

Océanie, pays en développement

-/+

Sans changement

0%

0%

Asie du Sud

/

-

10%

8%

Etats-Unis

+

-

0%

1%

Reste de l’Asie, pays en développement

+

-

17%

5%

Reste de l’Europe, pays développés

+

Sans changement

0%

0%

Reste de l’Europe, pays en développement

+

Sans changement

0%

0%

Reste de l’Amérique du Nord

+

-

0%

0%

Notes: Les pourcentages correspondent aux données figurant dans l’étude Monde 1, et confirmées par d’autres études.
-/+ Indique que les résultats variaient selon le modèle utilisé.

L’Amérique latine devrait contribuer le plus fortement à l’augmentation de la production mondiale des pêches de capture durant la période étudiée, et conforterait ainsi son premier rang mondial pour la production des pêches de capture et les exportations nettes. Les petits poissons pélagiques et démersaux resteront les principaux groupes faisant l’objet des pêches de capture au niveau mondial.

Au cours de la dernière décennie, la production de l’Europe a été caractérisée par une stagnation de la production des pêches de capture et une forte croissance de la production aquacole. Avec un minimum de 8,6 millions de tonnes en 1990 et un maximum de 10,8 millions de tonnes en 1995, la production moyenne des pêches de capture réalisées par 28 pays était de 10,4 millions de tonnes entre 1994 et 1998. Les petits poissons pélagiques représentaient 15 pour cent de ce total, et les poissons démersaux 23 pour cent. Durant la même période, la part de la production aquacole a augmenté, passant de 10 pour cent de la production totale en 1989 à 15 pour cent en 1998. Les prévisions de production de l’étude Europe-28 révèlent une stagnation de la production des pêches de capture.

Figure 47

La production nationale du Japon a culminé à 12 millions de tonnes en 1974 pour ensuite chuter de près de moitié (6,72 millions de tonnes en 1997); la production des pêches de capture devrait se maintenir au niveau d’approximativement 6 millions de tonnes en 1997. La production aquacole devrait doubler et atteindre 1,5 million de tonnes dans trois décennies. On prévoit une augmentation de 11 pour cent de la production totale au cours de cette période, et les petits poissons pélagiques, les poissons démersaux et les mollusques resteraient les trois principales espèces produites par ce pays.

Les tendances relatives à la production, à la consommation et au commerce des fruits de mer aux Etats-Unis devraient varier fortement selon les espèces. D’autres variations résulteront des changements de l’offre des pêches de capture et de la mesure dans laquelle l’aquaculture pourra diversifier et accroître sa production, ainsi que des effets que l’évolution des préférences des consommateurs aura sur la demande de certaines espèces. La hausse du revenu par habitant entraînera sans doute une augmentation de la demande des espèces de prix élevés aux dépens des espèces moins coûteuses. Le modèle utilisé pour établir les projections relatives à la production et à la consommation aux Etats-Unis repose sur des hypothèses concernant les changements de l’offre et de la demande de poisson aux Etats-Unis et dans le reste du monde ainsi que sur l’élasticité-prix de l’offre et de la demande de poisson.

Dans ce modèle, les prix, la consommation et le commerce net entre les Etats-Unis et le reste du monde sont déterminés simultanément à des niveaux correspondant à un équilibre entre l’offre et la demande mondiales. Vu la simplicité de la structure et des hypothèses de ce modèle, il faut considérer les projections qui en résultent comme des illustrations de changements susceptibles de se produire à l’avenir plutôt que comme des prévisions fiables de ce qui se produira en réalité. Le tableau 17 résume les projections de consommation pour 2030 en fonction de quatre scénarios ou ensembles d’hypothèses: croissance moyenne, croissance plus lente de l’aquaculture, demande élevée et commerce limité/partiel. Dans tous les cas, les changements par rapport à la période de référence (la moyenne 1995-1997) résultent principalement de l’augmentation de la production aquacole et de celle de la demande, qui sont toutes deux plus élevées dans le reste du monde qu’aux Etats-Unis.

En dehors d’une forte augmentation de la production aquacole de poissons d’eau douce et de poissons diadromes, ces quatre scénarios font entrevoir des changements relativement faibles de la production de poisson des Etats-Unis d’ici 2030.

L’accroissement de la production aquacole mondiale sera principalement dû à l’augmentation de la production en Chine, tandis que cette augmentation sera plus limitée en Asie du Sud, en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’en Europe. Les espèces d’eau douce et les mollusques prédomineront dans la production aquacole5.

On estime que les augmentations du volume de production nécessaires pour répondre à l’accroissement prévu de la consommation en Europe résulteront principalement des augmentations de la production aquacole. En fait, selon ce modèle, celle-ci devrait doubler d’ici 2030, c’est-à-dire dépasser 2,5 millions de tonnes en 2015 et atteindre 4 millions de tonnes en 2030.

Aux Etats-Unis, la production aquacole augmentera moins rapidement que dans d’autres pays à cause du coût plus élevé de la main-d’œuvre et des terres, et des règlements plus stricts concernant l’environnement, la santé et la sécurité sanitaire des aliments. De ce fait, les importations devraient représenter une part croissante de la consommation de poisson aux Etats-Unis.

TABLEAU 17
Résumé des projections pour 2030 basées sur le modèle des Etats-Unis (en milliers de tonnes de poids vif)

   

Moyenne pour la période le référence 1995-1997

Projections pour 2030 selon divers scénarios

Croissance moyenne

Croissance ralentie de l’aquaculture

Demande élevée

Commerce partiel

Production

Eau douce

691

852

814

1 012

915

 

Pélagiques

1 322

1 322

1 322

1 322

1 322

 

Démersaux

2 251

2 251

2 251

2 251

2 251

 

Mariculture

29

29

29

29

29

 

Crustacés

387

363

363

363

363

 

Mollusques

684

627

654

646

659

 

Céphalopodes

105

105

105

105

105

 

Total

5 469

5 549

5 538

5 728

5 643

Importations

Eau douce

- 25

167

139

71

62

nettes

Pélagiques

169

256

255

107

216

 

Démersaux

273

488

453

250

378

 

Mariculture

14

20

18

15

18

 

Crustacés

538

872

794

843

796

 

Mollusques

202

724

607

792

512

 

Céphalopodes

- 29

- 25

- 25

- 32

- 28

 

Total

1 142

2 501

2 242

2 046

1 955

Consommation

Eau douce

666

1 019

954

1 084

977

 

Pélagiques

1 491

1 578

1 577

1 429

1 538

 

Démersaux

2 525

2 739

2 705

2 501

2 630

 

Mariculture

42

48

47

44

46

 

Crustacés

925

1 235

1 157

1 205

1 159

 

Mollusques

886

1 351

1 261

1 438

1 171

 

Céphalopodes

76

80

80

72

77

 

Total

6 611

8 050

7 780

7 774

7 598

CONSOMMATION

Même si on prévoit une augmentation progressive de la consommation annuelle mondiale de poisson par habitant, qui passerait d’environ 16 kg aujourd’hui à 19-21 kg6 (équivalent poids vif) en 2030, la situation variera beaucoup selon les régions. On prévoit une augmentation de la consommation par habitant dans certaines régions, surtout en Asie du Sud (près de 60 pour cent), en Amérique latine et dans les Caraïbes (près de 50 pour cent) et en Chine (plus de 84 pour cent). Elle pourrait toutefois rester stagnante ou diminuer dans d’autres régions, notamment en Afrique (baisse de 3 pour cent), et dans les pays asiatiques du Proche-Orient (-17 pour cent), dans les pays en développement de l’Océanie (-8 pour cent) et dans les pays de l’ex-URSS (-4 pour cent). L’utilisation non alimentaire du poisson devrait augmenter plus lentement que l’offre totale, dont elle constituerait une part relative progressivement décroissante7.

Les projections établies dans le cadre des cinq études (Japon, Europe, Etats-Unis, Monde 1 et Monde 2) actuellement en cours de préparation indiquent que les niveaux de consommation seront marginalement inférieurs (d’environ 10 pour cent), à ce que laissait prévoir une étude antérieure de la FAO. Des études actuelles indiquent une consommation moyenne par habitant comprise entre 19 et 21 kg pour l’ensemble du monde, contre 22,5 kg d’après une étude antérieure8.

Figure 48

Au niveau mondial, les changements des modes de consommation reflètent la demande accrue de produits prêts à cuisiner ou à consommer. L’entrée en scène des supermarchés et leur importance croissante dans la distribution des produits de la mer continuent de faciliter une plus grande pénétration de ces produits dans les zones éloignées des côtes. Les préoccupations accrues relatives à la santé ont également modifié les modes de consommation. Le secteur de la transformation des produits de la pêche a prouvé sa capacité à s’ajuster et à innover, et le rôle accru des supermarchés pour la distribution du poisson a une forte répercussion sur les sources des produits offerts à la consommation humaine et sur la façon dont ils sont présentés9. Tous ces changements sont dans l’ensemble bénéfiques pour les fournisseurs, qui offrent une gamme plus variée de plats précuisinés incluant du poisson.

La demande de produits de la pêche10 augmente en Asie, en partie du fait de l’accroissement de la population et des revenus; dans cette région, le Japon, avec des niveaux historiques d’environ 70 kg par habitant, a la consommation la plus élevée, celle-ci représentant approximativement 10 pour cent de la demande mondiale de produits à base de poisson.

L’étude portant sur le Japon révèle seulement de faibles effets de substitution et de complémentarité entre le poisson et les autres sources de protéine11. La figure 49 montre la demande de diverses catégories de poisson au Japon durant les 30 années étudiées. On ne prévoit aucun changement de l’utilisation non alimentaire pendant cette période, tandis que la consommation moyenne par habitant pourrait augmenter de 16 pour cent. On s’attend également à une augmentation progressive des prix dans tous les groupes, et ceux des poissons démersaux et des animaux aquatiques devraient plus que doubler.

En 1998, les principales espèces consommées en Europe étaient les moules (7 pour cent de la consommation apparente totale), puis la morue (7 pour cent), le thon (6 pour cent), le hareng (6 pour cent), les céphalopodes (le calmar, le poulpe et la seiche – 5 pour cent), les sardines (5 pour cent) et le saumon (4 pour cent). Les autres espèces importantes étaient notamment la crevette (4 pour cent) et la truite (3 pour cent). Les petits poissons pélagiques comme le hareng, la sardine, l’anchois et le pilchard constituent le groupe principal d’espèces et représentent 15 pour cent de la consommation totale, mais, en valeur, leur part du marché est relativement faible vu leurs bas prix unitaires.

Figure 49

En revanche, les espèces démersales (en particulier le groupe des espèces de corégone) constituent le groupe principal d’espèces au plan de la valeur, qu’il s’agisse de la consommation directe ou de l’utilisation pour la transformation primaire et secondaire en Europe12. En 1998, ce groupe représentait 15 pour cent du volume de consommation, mais sa part de marché était nettement plus élevée du point de vue de la valeur.

Les futures tendances concernant la production et la consommation de poisson dans 28 pays européens ont été établies sur la base d’une estimation des capacités de production et des fonctions de demande ainsi que du cadre politique de l’Union européenne; les résultats détaillés de ce modèle peuvent être indiqués sous forme de changements en pourcentage par rapport à la période de référence (la moyenne pour 1994-1998). Même si l’on prévoit une réduction de la consommation alimentaire totale de poisson dans trois pays seulement (Estonie, Lettonie et Espagne), la consommation par habitant devrait diminuer non seulement dans ces trois pays, mais également en Norvège, au Portugal et en Suède, suite aux changements démographiques. Les poissons marins (thon, petits poissons pélagiques, démersaux et autres) représenteront la majorité de la consommation totale. Toutefois, la plus forte hausse de la consommation concernera les céphalopodes, les crustacés, les poissons d’eau douce et les poissons anadromes. Le poisson congelé, préparé et/ou en conserve devrait être prédominant dans la catégorie du poisson destiné à la consommation alimentaire.

Avec les quatre scénarios, les importations nettes et la consommation devraient augmenter aux Etats-Unis, mais la croissance de la consommation totale de poisson, inférieure à 25 pour cent dans le scénario le plus élevé, est relativement modeste. Le ralentissement de la croissance de l’aquaculture entraîne une croissance inférieure de la consommation. La hausse plus forte de la demande dans le reste du monde se traduit également par une croissance inférieure de la consommation et des importations aux Etats-Unis, parce qu’une plus grande partie de la production mondiale est consommée dans d’autres pays. Le ralentissement du commerce du poisson entraîne une croissance inférieure des importations et, parallèlement, de la consommation.

Comme ailleurs dans le monde, la consommation future de poisson provenant des pêches de capture est extrêmement incertaine aux Etats-Unis et a peu de chances de s’accroître. En fait, le volume de poisson potentiellement disponible dans ce pays pour la consommation et les prix du poisson par rapport à ceux d’autres protéines animales seront fortement influencés, sinon déterminés, par le volume mondial des pêches de capture et de la production aquacole. La croissance rapide de la consommation par habitant de saumon et de crevette d’élevage importés aux Etats-Unis fournit donc un exemple du type de changement de la consommation et du commerce du poisson qui se produiront aux Etats-Unis et qui seront très importants pour l’avenir.

A elles seules, les tendances historiques des dernières décennies ne donnent pas une indication claire des changements que pourra connaître la consommation de poisson aux Etats-Unis à l’avenir. La consommation totale de produits de la mer est restée relativement stable pendant les six décennies précédant les années 70, elle a augmenté rapidement pendant les années 70 et 80, et n’a guère changé pendant les années 90. Les tendances, souvent déterminées par les changements relatifs à la situation des pêches de capture, varient beaucoup selon les espèces et les produits à base de poisson. La tendance à long terme la plus claire concerne la croissance de la consommation par habitant de produits de l’aquaculture comme la crevette, le saumon et le poisson-chat.

FLUX COMMERCIAUX MONDIAUX

De façon très générale, la distribution des exportations nettes au niveau des pays et des régions se caractérise par:

Etant donné que le Japon recourt de plus en plus aux importations pour assurer son approvisionnement, et que ces importations représentent 30 pour cent du commerce mondial des produits à base de poisson, on peut s’attendre à ce que les changements concernant les tendances de la consommation au Japon aient d’importantes répercussions sur les marchés mondiaux13.

L’Europe, y compris la CE, est l’un des trois principaux marchés pour les produits à base de poisson. Sur les plus de 480 millions de consommateurs européens, 370 millions vivent dans les pays membres de la CE, faisant de celle-ci un importateur de poisson aussi important que le Japon et les Etats-Unis. En outre, vu la diversité des préférences des consommateurs, il y a aussi un important commerce intrarégional des produits à base de poisson.

Les événements qui influenceront le plus la consommation et le commerce du poisson aux Etats-Unis à l’avenir se produiront en dehors du pays. On peut dire brièvement que la part de la production mondiale consommée par les Etats-Unis sera influencée par la demande mondiale de poisson. Au plan intérieur, on s’attend à ce que la production des pêches de capture continue dans l’avenir à varier au fil du temps sous l’effet de facteurs naturels comme les changements concernant les conditions de l’océan, même s’il est nécessaire de gérer les pêches des Etats-Unis pour éviter la surpêche (telle que définie dans la législation américaine) et si les stocks les plus importants d’espèces commerciales ne sont pas considérés comme faisant l’objet d’une surpêche aux Etats-Unis.

TABLEAU 18
Estimation en pourcentage des changements de la production et de la consommation de poisson en Europe, 1994-1998 à 2030

 

Consommation alimentaire

Consommation non alimentaire

Source de production

 

Production

Consommation

Production

Utilisation

Aquaculture

Captures

Production totale

Autriche

- 60

21

-

- 7

- 65

0

- 57

Belgique et Luxembourg

- 5

12

- 24

74

- 1

0

0

Bulgarie

- 18

142

-

- 2

78

0

28

Chypre

11

40

-

- 2

261

0

58

République tchèque

- 5

29

-

- 30

80

0

66

Danemark

8

35

- 10

- 8

95

0

2

Estonie

0

- 19

- 6

- 38

- 13

0

0

Finlande

6

13

- 69

- 23

- 41

0

- 4

France

- 6

16

- 1

- 6

109

0

33

Allemagne

18

33

14

6

217

0

43

Grèce

- 1

12

- 58

12

160

0

33

Hongrie

5

50

-

- 11

- 54

0

- 30

Irlande

8

9

12

- 3

1 073

0

91

Italie

3

21

13

- 18

136

0

52

Lettonie

- 3

- 19

- 23

- 17

- 7

0

0

Lituanie

- 28

47

- 5

- 11

- 7

0

0

Malte

27

49

-

- 28

159

0

98

Pays-Bas

11

10

-

- 75

45

0

8

Norvège

5

9

25

15

142

0

14

Pologne

- 28

29

- 13

9

463

0

32

Portugal

- 6

2

- 42

- 24

35

0

1

Roumanie

- 49

81

- 57

11

- 33

0

- 14

Slovaquie

- 29

16

-

- 11

- 5

0

- 2

Slovénie

0

26

- 100

- 35

100

0

27

Espagne

4

- 2

26

12

222

0

39

Suède

7

5

5

- 58

- 20

0

0

Royaume-Uni

21

24

- 24

- 24

189

0

21

Note: = la moyenne de référence 1994–1998 était de zéro.

En général, les espèces importées et consommées dans les pays développés sont considérées comme des espèces de haute valeur (en termes monétaires). En revanche, celles qui sont importées et consommées dans les pays en développement sont plutôt classées comme espèces de faible valeur et servent aussi bien comme importantes sources de protéine pour une forte proportion des populations pauvres du monde que comme intrants pour la production de poisson et de bétail.

Les exportations de produits de haute valeur depuis les pays en développement peuvent constituer des sources importantes de revenu et compenser la réduction de l’accès des marchés locaux aux espèces de haute valeur. Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires avant de pouvoir évaluer les répercussions possibles de ces flux commerciaux sur la sécurité alimentaire.

LES PERSPECTIVES À LONG TERME

Prévoir les changements à long terme concernant la production, la consommation et le commerce des poissons et fruits de mer est une tâche extrêmement complexe. Les facteurs ayant une incidence sur les résultats des différents modèles sont:

Ces facteurs posent de sérieux problèmes, et il en résulte que toute projection à long terme couvrant la période allant jusqu’à 2030 doit être interprétée avec prudence. Vu les hypothèses et les limitations pratiques de la modélisation, il est bon d’interpréter les résultats donnés par ces modèles dans le contexte des changements potentiels concernant la technologie et les politiques.

Malgré ces difficultés et ces sources potentielles d’erreur, les modèles offrent la possibilité de faire des déductions générales concernant les tendances probables à long terme en s’appuyant sur l’état actuel des connaissances. La similarité des résultats donnés par des modèles différents utilisant des approches, des sources de données et des hypothèses variées est un aspect rassurant qui montre que les tendances que font ressortir les modèles ne sont pas déraisonnables14.

PERSPECTIVES CONCERNANT L’ALIMENTATION ET L’EMPLOI

Cette deuxième section examine l’interaction entre les possibilités de production (compte tenu des limites imposées par l’écosystème et la technologie disponible) et les politiques du secteur public à court et à moyen termes. Cet examen est effectué dans l’optique des pêcheurs, des aquaculteurs et des décideurs. Etant donné qu’il existe des points de vue et des intérêts divergents au sein de ces groupes, cette analyse est générale et ne s’applique pas à tous les membres des groupes; il y aura des exceptions.

Les décideurs du secteur public se soucient principalement de la contribution que l’aquaculture et les pêches de capture apportent, et peuvent apporter, aux emplois et aux approvisionnements alimentaires. Ils formulent des politiques publiques pour les pêches et l’aquaculture en tenant compte de la mesure dans laquelle ces deux secteurs de l’économie créent des aliments et des emplois.

Les pêcheurs et les aquaculteurs s’intéressent eux aussi dans une large mesure à ces deux questions – alimentation et emplois – mais à une micro-échelle. Ils s’efforcent d’accroître leurs revenus en perfectionnant leur équipement et leurs méthodes. En règle générale, ils ont tous naturellement tendance à essayer de se soustraire aux limites imposées par la nature (l’écosystème) et par les politiques du secteur public.


ENCADRÉ 12

Limitations inhérentes aux projections à long terme concernant le poisson

  • Par souci de simplicité, les études de la FAO partent des hypothèses suivantes:
  • Les poissons appartenant à un même groupe d’espèces sont homogènes.
  • Les poissons appartenant à un même groupe d’espèces font l’objet d’un commerce sans restrictions à un prix mondial unique.
  • Il n’y a pas d’interaction entre les espèces (c’est-à-dire que l’élasticité-prix croisée entre les groupes d’espèces est nulle), et pas d’effet croisé des prix d’autres produits de substitution.
  • Les conditions environnementales (c’est-à-dire les tendances normales du temps et du climat) n’ont connu aucun changement important.
  • Aucune avancée marquante ne s’est produite en science ni en technologie en ce qui concerne les pratiques de gestion des ressources.
  • Aucun changement important n’a été apporté aux règlements nationaux, régionaux et internationaux régissant le secteur des pêches.

Le nombre et la diversité des espèces de poisson et des produits à base de poisson constituent une des principales difficultés pour modéliser la production et la consommation de poisson. Même au sein de groupes d’espèces apparemment semblables, les perspectives concernant les futures captures ou l’évolution de la production aquacole varient (par exemple pour les salmonidés ou les crustacés). De même, la demande future peut différer d’une espèce à l’autre, et la mesure dans laquelle différentes espèces peuvent se substituer l’une à l’autre peut également varier. Plus on tient compte de ces différences, plus la modélisation est difficile à réaliser pour ce qui est des analyses statistiques et du contrôle général; inversement, plus des espèces différentes ou des groupes d’espèces sont combinés, moins les résultats sont fiables ou «utiles».

La pénurie de données, ou le manque de cohérence de celles-ci, constitue une autre difficulté importante pour la modélisation de la production et de la consommation du poisson. Les données concernant la consommation et le commerce sont souvent présentées sous forme de poids du produit, alors que la production – ou les débarquements – l’est sous forme de poids vif; il faut donc disposer de taux de conversion exacts pour établir une correspondance entre ces deux séries de données. Il n’existe parfois aucune donnée sur les prix, et on doit alors utiliser des mesures de substitution inexactes comme les valeurs pondérées par les échanges. Par souci de simplicité, on prend parfois pour hypothèse un prix mondial unique, même si l’on perd beaucoup d’informations en négligeant ainsi les variations de prix (par exemple les barrières au commerce et les frais de transport). Comme pour la diversité des espèces, le type et la qualité des données peuvent imposer des limitations à la structure du modèle et à la méthodologie générale pouvant être utilisée.

Un important effort de recherche a été entrepris par la FAO pour améliorer la qualité des données et résoudre ces problèmes.

Source: C. de Young, Département des pêches de la FAO.

LES PÊCHEURS

Tel qu’indiqué dans la partie Etat des ressources halieutiques (Première partie, p. 18), la plupart des pêcheurs pratiquant les pêches de capture utilisent des stocks pleinement exploités ou surexploités, souvent dans des conditions correspondant à celles de la liberté d’accès. Cela veut dire qu’à long terme, ils ne peuvent pas collectivement s’attendre à augmenter le volume de poisson capturé – ou les profits réalisés – simplement en faisant davantage d’efforts ou en pêchant davantage et, du point de vue de la société, cela représente un gaspillage de ressources. C’est un problème pour les pêcheurs; et, dans les économies en croissance, ce problème s’aggrave progressivement, parce qu’au fil du temps, les pêcheurs prennent de plus en plus de retard par rapport à leurs compatriotes travaillant dans d’autres secteurs. Pour améliorer leur niveau de vie au même rythme que les autres membres de la société, les pêcheurs doivent augmenter leur revenu (réel) net chaque année. Pour cela, il leur faut gagner davantage d’argent, ce qui veut généralement dire qu’ils doivent augmenter leurs captures, étant donné qu’il est difficile de relever unilatéralement les prix du poisson. Une augmentation du volume de captures par personne et par an n’est possible que si certains pêcheurs quittent volontairement ce secteur d’activité. Dans ce cas, l’utilisation d’une technologie ou de méthodes de pêche plus avancées pourrait entraîner un accroissement des captures sans porter nécessairement préjudice à d’autres pêcheurs.

La diminution du nombre de pêcheurs observée durant les dernières décennies dans plusieurs pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) explique pourquoi, dans les économies riches qui connaissent une croissance économique régulière, la productivité de nombreuses pêches de capture s’accroît grâce à l’utilisation de matériel ou d’équipement nouveau et de méthodes de pêche nouvelles15. La main-d’œuvre devient habituellement moins nombreuse parce que les pêcheurs âgés abandonnent la pêche et que peu de jeunes gens prennent leur place.

Toutefois, dans certains cas, la nature de la pêche (la combinaison des caractéristiques biologiques des espèces et de l’environnement) est telle que les pêcheurs ne parviennent pas à améliorer nettement leur efficacité, même quand le nombre de personnes pratiquant la pêche commerciale diminue. En outre, il arrive parfois qu’après un certain temps, la pêche commerciale cesse complètement, bien que les stocks de poisson restent en bonne santé. C’est ce qui est arrivé pour la pêche continentale en climat tempéré, en particulier dans les cours d’eau et les lacs de petites dimensions. Il en ira probablement peu à peu de même dans les pêches marines artisanales, à commencer par les zones de climat tempéré.

Dans les pays pauvres et dans ceux dont l’économie est stagnante, la pêche est surtout pratiquée dans des stocks entièrement exploités ou surexploités. Du fait de la croissance de la population et des possibilités d’emploi limitées à l’extérieur du secteur des pêches, les jeunes gens n’ont guère d’autres possibilités que de travailler dans ce secteur, si bien que le nombre de pêcheurs augmente, ou tout au moins reste constant. Seule une croissance de l’ensemble de l’économie permettra d’introduire des technologies accroissant la productivité – en parallèle avec une réduction du nombre de personnes effectivement employées.

En résumé, il semble clair que la technologie n’aidera pas les pêches de capture à dépasser les limites actuelles des débarquements mondiaux. En fait, on peut douter que les avancées technologiques permettront à la pêche des stocks de petits poissons, en particulier dans les étendues d’eau de petites dimensions, de rester économiquement attrayante.

Durant les années 90, il est apparu clairement que la capacité combinée des flottilles de pêche ne va pas continuer à s’accroître et que, dans de nombreux cas, ces flottilles étaient déjà trop importantes. Plusieurs pays ont pris des mesures pour contrôler et réduire la capacité de pêche. Quand les milieux concernés ont analysé les raisons de cette situation, tous sont convenus que l’aménagement des pêches devait être fondé sur une meilleure garantie des droits dont jouissent ceux qui pratiquent la pêche commerciale. En même temps, dans plusieurs pays, en particulier dans les riches économies de marché, on considère les conséquences économiques de certaines activités du secteur public comme allant à l’encontre des intérêts des pêcheurs et de la société dans son ensemble. En conséquence, trois politiques publiques portant spécifiquement sur ce secteur sont encouragées: la réduction, ou même l’élimination complète, des subventions; l’adoption d’une approche basée sur les écosystèmes pour la gestion des pêches; et, dans les pays qui ont une économie de libre marché, une invitation à compenser l’Etat des coûts de l’aménagement du secteur des pêches.

Là où ces politiques seront adoptées et où leur application sera encouragée, elles entraîneront une augmentation du coût moyen par kilogramme de la production des pêches de capture. Dans les pays de l’OCDE, on a constaté que les transferts financiers annuels représentaient entre 3 et 90 pour cent de la valeur des débarquements16. On estime le coût de l’aménagement des pêches à un montant compris entre 3 et 20 pour cent de cette même valeur17. Manifestement, les augmentations de ces coûts pourraient être lourdes de conséquences si elles devaient toutes être assumées en même temps par les pêcheurs, et de tels coûts ne pourraient pas être transférés abruptement aux consommateurs. Toutefois, même s’ils sont pris en charge progressivement par l’industrie des pêches et transférés progressivement de celle-ci vers les consommateurs, il en résultera que le marché de la production des pêches de capture verra sa taille se réduire en même temps que les prix réels des produits à base de poisson augmenteront, et la production diminuera.

Ces politiques pourraient également contribuer à une augmentation du volume des débarquements. Cependant, au bout d’un certain temps, les pêches se heurteront à un nouveau plafond – imposé par les conditions naturelles de l’écosystème aquatique. On estime que les augmentations de la production mondiale dues à une amélioration de l’aménagement des pêches pourraient atteindre quelques millions de tonnes, mais il est important de noter qu’un meilleur aménagement entraînerait avant tout une réduction des pêches de capture, qui deviendraient néanmoins économiquement beaucoup plus viables.

Dans les économies pauvres, si on appliquait les mêmes politiques (absence de subventions, approche de l’aménagement basée sur les écosystèmes et recouvrement des coûts), les coûts augmenteraient, mais moins que dans les économies développées. Cela tient à plusieurs raisons, notamment: la faiblesse, ou la non-existence, de l’aménagement des pêches et, par conséquent, moins de coûts à recouvrer; le manque de ressources pour un aménagement basé sur les écosystèmes; et des fonds limités disponibles pour les transferts financiers.

La promotion de ces politiques se fera vraisemblablement d’abord dans les économies riches de libre marché. Même si elles étaient également adoptées dans les pays en développement, les augmentations de coût seraient plus prononcées dans les économies riches. De ce fait, la demande d’importations «bon marché» s’intensifiera en Amérique du Nord, en Europe et, peut-être, au Japon. Les exportations depuis les pays en développement devraient augmenter, reflétant l’écart croissant des prix entre les marchés locaux et les marchés d’exportation.

AQUACULTEURS

L’écosystème et les technologies utilisées favorisent les aquaculteurs par rapport à ceux qui pratiquent les pêches de capture. Les aquaculteurs bénéficient du fait que, pour chercher à réduire leurs coûts de production et à accroître leur revenu net, ils peuvent s’efforcer d’améliorer le poisson qu’ils produisent et les méthodes de production qu’ils utilisent, alors que les pêcheurs ne peuvent rien faire ou pas grand chose à propos du poisson18 et doivent se concentrer sur les engins et les méthodes de pêche. La mesure dans laquelle les aquaculteurs peuvent améliorer le poisson est toutefois limitée par la nécessité de prendre en considération les effets que les poissons nouveaux ou modifiés auront sur l’écosystème aquatique et la santé humaine.

Nombre d’aquaculteurs ont déjà tiré avantage non seulement de la sélection des poissons19, mais également des meilleurs résultats que donnent, par exemple, les aliments pour poisson, les vaccins, ainsi que la manutention automatique de ces aliments et celle du poisson produit. Cette situation devrait se maintenir à l’avenir, et elle a des effets importants quant à l’augmentation de la production des espèces concernées. Cet état de choses est bénéfique à tous égards, puisque la réduction des prix des espèces d’élevage consécutive à l’accroissement de la production20 profite aux producteurs aussi bien qu’aux consommateurs. Comme cela est normal dans les économies de marché, les économies sont transmises aux consommateurs, ce qui permet l’ouverture de marchés non traditionnels (saumon de l’Atlantique en Asie, crevette marine tropicale en Europe). Cette tendance se maintiendra certainement.

Une proportion prépondérante de la production aquacole correspond à un petit nombre d’espèces; en 2000, 29 espèces représentaient 78 pour cent de la production. Il n’y a aucune raison évidente pour laquelle d’autres espèces parmi les milliers qui sont exploitées par les pêches de capture ne pourraient pas un jour être élevées de façon rentable dans un environnement contrôlé.

On sait quel est le cadre juridique approprié pour la plupart des technologies aquacoles modernes. Il est généralement en place dans les économies riches où l’aquaculture est une activité économique solidement implantée, et sa mise en place est en cours dans les économies en développement. Dans les économies développées, la part de la valeur du poisson produit correspondant aux coûts de la gestion et de l’application de la réglementation est plus faible pour l’aquaculture que pour les pêches de capture.

A l’heure actuelle, plus de 90 pour cent de la production vient de l’Asie, même si aucune raison inhérente n’empêche l’aquaculture d’être une activité courante, viable et durable en dehors de ce continent. On se rend de plus en plus compte que l’on peut encourager efficacement l’aquaculture en recourant à des politiques appropriées et, en Asie, – en particulier en Chine (voir Développement de l’aquaculture en Chine: le rôle des politiques du secteur public, Troisième partie 3) –, sa croissance est due à l’élaboration systématique de politiques visant à la promouvoir. La gestion publique de l’aquaculture n’est pas vraiment différente de celle de l’agriculture et coûte généralement moins cher que l’aménagement des pêches de capture.

Donc, dans les économies développées, l’application de ces trois politiques se traduira par une certaine augmentation des coûts de la production aquacole, mais, de façon générale, cette augmentation sera bien inférieure à celle des produits des pêches de capture. Dans les économies en développement, ces coûts seront probablement légèrement plus élevés.

Le coût réel des transports et des communications continuera sans doute de baisser – mais lentement. De ce fait, les aquaculteurs des économies riches de zone tempérée seront exposés à la concurrence des producteurs de régions de plus en plus lointaines, mais ils pourraient être en mesure de maintenir leur position si le rythme de développement et d’application des technologies leur est favorable. Il n’est toutefois pas exclu qu’ils aient de plus en plus de mal à affronter la concurrence des produits aquacoles provenant de pays pauvres (tropicaux et tempérés). Le facteur déterminant sera sans doute la victoire ou la défaite des adversaires des subventions. Si ces derniers l’emportent et si l’interdiction des subventions s’applique aussi aux procédés et aux produits de l’aquaculture, les possibilités de stimulation et de promotion de la croissance de l’aquaculture dans les économies riches de libre marché seront entravées, et la croissance future sera stimulée dans les pays non membres de l’OCDE.

RESPONSABLES POLITIQUES

Les responsables politiques s’occupant des pêches et de l’aquaculture se soucient traditionnellement de la production alimentaire et de l’emploi. Les objectifs des politiques publiques restent valides dans ces domaines, mais les décideurs doivent de plus en plus tenir compte des demandes portant sur l’utilisation des ressources aquatiques pour des activités non liées à la consommation et pour des activités liées aux loisirs, et de la fermeté avec laquelle la société civile mondiale exige la conservation et la préservation de l’écosystème aquatique dans son ensemble.

Au cours des dernières décennies, l’aquaculture et les pêches de capture ont contribué de façon inégale à l’alimentation et à l’emploi, l’aquaculture donnant généralement de meilleurs résultats que les pêches de capture. En pourcentage, la croissance de la production et de l’emploi dans le monde a été, depuis 1990, plus rapide pour l’aquaculture que pour les pêches (voir figure 1, p. 5, et figure 12, p. 15).

Même si la plupart des systèmes d’aquaculture n’exigent pas une main-d’œuvre particulièrement importante, l’aquaculture est devenue une source importante d’emplois dans de nombreux pays. En Norvège, ce secteur, pratiquement inexistant auparavant, employait 3 500 personnes en 1999. En Chine, l’expansion de la production aquacole se traduit par une augmentation rapide du nombre d’employés.

Ces dernières années, la demande relative aux utilisations des ressources aquatiques non liées à la consommation et de celles liées aux loisirs va parfois à l’encontre des intérêts des pêcheurs commerciaux. Même si ces conflits sont importants lorsqu’ils se produisent, ils sont rares et, dans une optique mondiale, ils ne constituent pas un obstacle important pour les pêches commerciales. Cette situation ne devrait pas changer, tout au moins pour les pêches sportives, parce que celles-ci se concentreront majoritairement sur les étendues d’eau de petites dimensions et se contentent d’un faible volume de captures, ce qui veut dire qu’elles se développeront dans les zones de pêche existantes lorsque celles-ci ne présenteront plus d’intérêt économique pour les pêcheurs commerciaux. Les conflits entre les utilisations non liées à la consommation et la pêche commerciale pourraient par contre perdurer ou prendre de l’ampleur.

Les politiques visant à préserver le système aquatique auront des répercussions sur les pêches de capture et l’aquaculture, et les responsables politiques seront de plus en plus contraints de s’assurer qu’elles donnent les résultats souhaités. Les grands aquaculteurs commerciaux pourront probablement s’accommoder de ces politiques en choisissant des technologies et des emplacements appropriés. Le coût des produits d’élevage sera plus élevé qu’en l’absence de ces politiques, mais l’aquaculture pourra néanmoins se développer.

Ceux qui pratiquent la pêche de capture sont parfois dans une situation plus défavorable. Ce qui leur paraît une façon normale de pêcher peut être considéré par d’autres comme portant atteinte au milieu aquatique. Si les pêches sont de taille limitée, ou ne sont pas développées, il peut s’avérer économiquement préférable pour le gouvernement de les fermer ou d’empêcher leur développement. L’indemnisation des pêcheurs existants (et leur recyclage) peut se révéler moins coûteuse que l’aménagement et/ou le développement des pêches.

Cela ne veut pas dire que l’aquaculture ne se heurtera pas à des difficultés, comme cela s’est déjà produit par le passé (destruction de l’environnement, maladies), et il en ira de même à l’avenir. Jusqu’à présent, elle a toutefois surmonté les principaux obstacles et, même si plusieurs espèces ont connu des problèmes, la croissance a été régulière dans son ensemble.

En résumé, de nombreux décideurs constateront vraisemblablement qu’en fin de compte, l’aquaculture est plus conforme que les pêches de capture aux objectifs collectifs des pouvoirs publics en ce qui concerne la production d’aliments, l’emploi, l’environnement et l’utilisation non alimentaire des ressources aquatiques. En termes pratiques, les poissons produits par les pêches de capture deviendront sans doute de plus en plus coûteux et, dans certains cas, plus rares, alors que la production aquacole deviendra plus abondante, et les prix des espèces d’élevage auront tendance à être initialement élevés mais diminueront vraisemblablement par la suite.

Certains décideurs n’auront pas à décider s’ils doivent prendre parti pour les pêches de capture ou pour l’aquaculture, mais les représentants de chacun de ces groupes – pêcheurs ou aquaculteurs – attireront assurément l’attention des décideurs et du grand public sur les avantages que leur propre secteur offre par rapport à l’autre.

CONCLUSIONS

Il semble plausible que les politiques publiques favoriseront à moyen terme l’aquaculture dans les pays développés tout comme dans les pays en développement, mais pas nécessairement aux dépens des pêches de capture. Il est plausible qu’il sera plus facile pour les décideurs de dire que les pouvoirs publics doivent appuyer l’aquaculture plutôt que les pêches de capture, mais certains de ceux qui jugent l’environnement plus important que l’emploi et la création de revenu affirmeront que la crise à laquelle il faut remédier est celle qui est due à l’aménagement inexistant ou insuffisant des pêches de capture et non pas à l’aquaculture.

Une partie de l’analyse ci-dessus remet en question une hypothèse communément acceptée concernant l’avenir des pêches de capture: les captures de poisson de consommation se seraient stabilisées et les niveaux actuels se maintiendraient durant les prochaines décennies. Si cette analyse est juste, le volume actuel des débarquements des espèces exploitées par les pêcheurs diminuera peut-être, mais à cause d’une réduction de l’effort de pêche et non parce que celui-ci deviendrait excessif. L’évolution de la situation sera évidemment progressive, et ses effets pourraient même ne pas se faire sentir au cours de la présente décennie.

1 FAO. Sous presse. Agriculture mondiale: Horizon 2015/30. Rome.
2 Dans la présente section le terme «poisson» comprend également les crustacés et les mollusques, sauf indication contraire.
3 Allemagne, Autriche, Belgique-Luxembourg, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.
4 Les résultats de ces cinq rapports seront finalisés et publiés comme série des publications de la FAO d’ici 2003.
5 Toutefois, comme il est dit dans la sous-section précédente, les gouvernements appuieront vraisemblablement de plus en plus l’aquaculture dans le monde entier. Cela pourrait vouloir dire que la production s’accroîtra peut-être au taux indiqué ici, même si ces augmentations n’atteignent pas les niveaux prévus pour la Chine.
6 La consommation annuelle par habitant prévue dans Agriculture mondiale: Horizon 2015/30 est située entre 19 et 20 kg.
7 Les estimations relatives à l’utilisation non alimentaire de la production de poisson sont quelque peu incertaines parce qu’une proportion inconnue du poisson frais est utilisée directement comme intrant pour l’aquaculture, et non pas pour la consommation alimentaire comme on le croyait antérieurement. Par exemple, dans les bilans alimentaires de la FAO, lorsque les estimations du volume de poisson utilisé directement comme intrant pour l’aquaculture sont incluses, l’estimation de la consommation par habitant en Chine est réduite d’environ 3 kg.
8 FAO. 1999. Historical consumption and future demand for fish and fishery products: exploratory calculations for the years 2015/30, par Y. Ye. FAO: Circulaire sur les pêches n° 946. Rome. 31 p.
9 En 1986, la part de marché des poissonniers pour le poisson frais était de 51 pour cent au Royaume-Uni, contre 15 pour cent pour les supermarchés. En 1996, la situation avait considérablement changé: la part des poissonniers était tombée à 30 pour cent, tandis que celle des supermarchés atteignait approximativement 50 pour cent. En France, les supermarchés réalisent approximativement 60 pour cent des ventes de poisson au détail. En Espagne, on estime que les marchés au poisson traditionnels assuraient moins de 40 pour cent des ventes au détail en 1998, et que leur part de marché continuera à diminuer à l’avenir.
10 Les groupes de poissons et de produits à base de poisson sont les suivants: poissons d’eau douce, poissons anadromes, poissons marins-poissons pélagiques-thon, poissons marins-poissons pélagiques-petits poissons, poissons marins-poissons démersaux, poissons marins-autres, crustacés, mollusques, céphalopodes, animaux aquatiques, et plantes aquatiques.
11 Les élasticités-prix variaient entre -0,12 et -0,80 (algues-dorades), tandis que les élasticités-revenus variaient entre 0,07 et 0,80 (petits poissons pélagiques-animaux aquatiques). En conséquence, l’étude régionale sur le Japon inclut une analyse économétrique détaillée de la demande de produits à base de poisson afin d’évaluer avec précision les élasticités-prix et élasticités-revenus pour un grand nombre de catégories d’espèces de poissons. Les substitutions entre les sources de protéine (par exemple poisson, bœuf, porc, poulet, œufs) sont analysées en utilisant le système de la «demande presque idéale». Une analyse séparée des tendances structurelles est employée pour prévoir les revenus jusqu’à 2030, et est ensuite reportée sur la fonction de la demande estimée antérieurement pour évaluer la demande de poisson jusqu’à 2030.
12 Les principales espèces de ce groupe sont notamment la morue, le merlu, l’églefin et le merlan.
13 Voir note 11, p. 115.
14 Malgré certaines différences de détails (par exemple niveaux différents d’agrégation des groupes d’espèces et des régions géographiques), les modes d’élaboration des modèles présentent certaines similitudes. Les différents auteurs ont d’abord analysé les tendances historiques pour déterminer les élasticités-revenus et les élasticités-prix, la consommation, la production et les tendances commerciales concernant le poisson et les produits à base de poisson. Ensuite, en utilisant des techniques d’analyse de tendances et un grand nombre d’hypothèses probables concernant l’avenir, les auteurs ont projeté la demande et l’offre futures pour le poisson et les produits à base de poisson. Les déséquilibres ont ensuite été compensés en recourant, soit au mécanisme de tarification, soit aux fluctuations commerciales.
15 Voir: FAO. 2000. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2000, p. 13-16. Rome.
16 OCDE. 2000. Transition to responsible fisheries: economic and policy implications, p.131. Paris.
17 E. William, R. Arnason et R. Hanesson, éds. Sous presse. The cost of fisheries management. Ashgate Publishing, Aldershot, Royaume-Uni.
18 Voir: FAO. 2001. The economics of ocean ranching. Experiences, outlook and theory, par R. Arnason. FAO: Document technique sur les pêches n° 413. Rome.
19 La sélection a davantage contribué à améliorer les rendements et les résultats pour les poissons (carpe, saumon, tilapia) que pour les crevettes ou les bivalves.
20 Sur une période de 15 ans depuis le milieu des années 80, le coût moyen de production par kilogramme de saumon d’élevage en Norvège a diminué de deux tiers en termes réels. Voir: J.L. Anderson. 2002. Aquaculture and the future, why fisheries economists should care. Marine Resource Economics, 17(2): 133-151.

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