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II ENVIRONNEMENT FAVORABLE, AIDE ET RESPONSABILITÉ

DIRECTIVE 1
Démocratie, bonne gouvernance, droits de l'homme et primauté du droit

1.1 Il convient que les États favorisent et garantissent une société libre, démocratique et juste, afin d'assurer l'environnement économique, social, politique et culturel pacifique, stable et favorable nécessaire pour que les personnes puissent se nourrir et nourrir leur famille, dans la liberté et la dignité.

1.2 Il convient que les États fassent prévaloir la démocratie et l'État de droit, préconisent un développement durable et une bonne gouvernance et favorisent et protègent les droits de l'homme et les libertés fondamentales, afin de donner aux particuliers et à la société civile les moyens de faire pression sur leur gouvernement, pour que celui-ci mette en œuvre des politiques répondant à leurs besoins spécifiques et afin d'assurer la responsabilité des gouvernements et la transparence des processus étatiques de décision concernant l'application de ces politiques. Il convient en particulier que les États encouragent la liberté d'opinion et d'expression, la liberté d'information, la liberté de presse et la liberté de réunion et d'association, qui favorisent la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. L'alimentation ne devrait jamais être utilisée comme moyen de pression politique et économique.

1.3 Il convient également que les États favorisent une bonne gouvernance en tant que facteur indispensable à une croissance économique soutenue, au développement durable, à la lutte contre la pauvreté et la faim et à la concrétisation de tous les droits de l'homme, y compris la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

1.4 Il convient que les États garantissent, conformément aux obligations auxquelles ils ont souscrit au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, que chacun, y compris les défenseurs des droits de l'homme prônant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, bénéficie d'une protection égale au titre de la loi et qu'une procédure régulière lui soit garantie.

1.5 Le cas échéant, et conformément à la législation nationale, les États peuvent aider les particuliers et les groupes à bénéficier d'une aide juridique, en vue de mieux faire valoir la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

DIRECTIVE 2
Politiques de développement économique

2.1 Afin de garantir la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, il convient que les États assurent la promotion d'un développement économique à large base qui soutienne leurs politiques de sécurité alimentaire. Il convient que les États établissent, en ce qui concerne les politiques, des objectifs et des repères concernant les besoins de la population en matière de sécurité alimentaire.

2.2 Il convient que les États, en consultation avec les parties prenantes, évaluent la situation socioéconomique, y compris le degré d'insécurité alimentaire et ses causes, la situation en matière de nutrition et la sécurité sanitaire des aliments.

2.3 Il convient que les États contribuent à assurer des approvisionnements alimentaires adéquats, stables et sûrs, grâce à leur production intérieure, au commerce, à l'entreposage et à la distribution.

2.4 Il convient que les États envisagent d'adopter une approche globale et exhaustive de la lutte contre la faim et la pauvreté. Autrement dit, il faudrait, entre autres, prendre des mesures directes et immédiates pour assurer l'accès à une alimentation adéquate dans le cadre d'un filet de sécurité sociale; investir dans des activités et des projets de production, afin d'améliorer de manière durable les moyens de subsistance des populations pauvres et sous-alimentées; mettre en place des institutions appropriées, des marchés opérationnels, un cadre juridique et réglementaire approprié et l'accès à l'emploi, aux moyens de production et à des services adéquats.

2.5 Il convient que les États mettent en œuvre des politiques globales, non discriminatoires et rationnelles dans les domaines de l'économie, de l'agriculture, des pêches, des forêts, de l'utilisation des terres et, selon les besoins, de la réforme agraire, permettant aux agriculteurs, pêcheurs, forestiers et autres producteurs d'aliments, notamment aux femmes, de tirer un juste revenu de leur travail, de leur capital et de leur gestion, et encouragent la conservation et la gestion durable des ressources naturelles, y compris dans les zones marginales.

2.6 Lorsque la pauvreté et la faim sévissent tout particulièrement dans les zones rurales, il convient que les États axent leur action sur le développement agricole et rural durable, grâce à des mesures visant à améliorer l'accès à la terre, à l'eau, à des technologies adaptées et abordables, à des moyens de production et à des ressources financières, en vue d'améliorer la productivité des communautés pauvres rurales, de favoriser la participation des populations démunies aux décisions concernant les politiques économiques et au partage des bénéfices liés aux gains de productivité, ainsi que de conserver et protéger les ressources naturelles, et d'investir dans les infrastructures rurales, l'enseignement et la recherche. En particulier, il convient que les États adoptent des politiques créant des conditions qui favorisent la stabilité de l'emploi, particulièrement dans les zones rurales, y compris les emplois hors exploitation.

2.7 Face au problème croissant de la faim et de la pauvreté en milieu urbain, il convient que les États favorisent les investissements visant à améliorer les moyens de subsistance des citadins pauvres.

DIRECTIVE 3
Stratégies

3.1 Il convient, selon les besoins et en consultation avec les parties prenantes et conformément à leur législation nationale, que les États envisagent d'adopter une stratégie nationale fondée sur les droits de l'homme, aux fins de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale en les intégrant dans des stratégies nationales de développement transcendant toutes les autres, notamment des stratégies de lutte contre la pauvreté, le cas échéant.

3.2 Il convient que l'élaboration de ces stratégies commence par une évaluation soigneuse des lois, politiques et mesures administratives en vigueur à l'échelle nationale et des programmes en cours et par un inventaire systématique des obstacles et des ressources disponibles. Il convient que les États définissent les mesures nécessaires pour combler toute lacune et proposent un programme de transformation et ses modalités d'application et d'évaluation.

3.3 Ces stratégies peuvent comporter des buts, des objectifs chiffrés, des points de repère, un calendrier et des activités visant à formuler des politiques, à recenser et à mobiliser les ressources, à définir des mécanismes institutionnels, à assigner les responsabilités, à coordonner les activités des différents intervenants et à mettre en place des mécanismes de contrôle. Le cas échéant, ces stratégies peuvent traiter de tous les aspects du système alimentaire, y compris la production, la transformation, la distribution, la commercialisation et la consommation d'aliments sûrs. Elles peuvent aussi traiter de l'accès aux ressources et aux marchés, et prévoir des mesures parallèles dans d'autres domaines. Il convient en particulier qu'elles pourvoient aux besoins des groupes vulnérables et défavorisés, et de ceux qui sont victimes de situations particulières comme les catastrophes naturelles et les urgences.

3.4 Lorsque de besoin, il convient que les États envisagent d'adopter et, le cas échéant, de réviser une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, qui s'attaque spécifiquement au problème de l'accès à une alimentation adéquate.

3.5 Il convient que les États, individuellement ou en coopération avec les organisations internationales compétentes, envisagent d'intégrer dans leur stratégie de lutte contre la pauvreté une dimension des droits de l'homme fondée sur le principe de non-discrimination. En élevant le niveau de vie des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, il convient de tenir dûment compte de la nécessité d'assurer l'égalité concrète entre les personnes généralement défavorisées et entre les hommes et les femmes.

3.6 Dans le cadre des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, il convient que les États donnent également la priorité à la fourniture de services essentiels aux plus pauvres et à l'investissement dans les ressources humaines, en garantissant l'accès universel à l'éducation primaire, aux soins de santé de base, au renforcement des capacités en matière de bonnes pratiques, à une eau potable propre, à des équipements d'assainissement adéquats et à la justice et en appuyant les programmes d'alphabétisation, d'arithmétique élémentaires et de bonnes pratiques d'hygiène.

3.7 Les États sont invités, notamment, à accroître leur productivité de manière durable, à redynamiser leur secteur agricole, y compris l'élevage, les forêts et les pêches grâce à l'introduction de politiques et de stratégies spécifiques, au profit des pêcheurs pratiquant la pêche artisanale et des petites exploitations agricoles des zones rurales, et à créer les conditions propices à une participation accrue du secteur privé, tout en mettant l'accent sur le renforcement des capacités des ressources humaines et sur les facteurs qui entravent la production agricole, la commercialisation et la distribution des produits agricoles.

3.8 Lors de l'élaboration de ces stratégies, les États sont invités à consulter les organisations de la société civile et les autres principales parties prenantes à l'échelle nationale et régionale, notamment les petits exploitants traditionnels, le secteur privé et les associations de femmes et de jeunes, en vue de promouvoir leur participation active à tous les niveaux des stratégies de production agricole et alimentaire.

3.9 Il convient que ces stratégies reposent sur la transparence, soient globales et complètes, intègrent les politiques, programmes et projets nationaux, tiennent compte des besoins spécifiques des jeunes filles et des femmes, associent les objectifs à court et à long termes et soient élaborées et exécutées de manière participative, avec obligation de rendre des comptes.

3.10 Il convient que les États appuient, notamment grâce à la coopération régionale, l'application de stratégies nationales de développement, en particulier concernant la lutte contre la pauvreté et la faim, ainsi que la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

DIRECTIVE 4
Marchés

4.1 Il convient que les États, dans le respect de leur législation et de leurs priorités nationales, ainsi que de leurs engagements internationaux, améliorent le fonctionnement des marchés, en particulier des marchés de produits alimentaires et agricoles, en vue de favoriser la croissance économique et le développement durable notamment en mobilisant l'épargne intérieure publique et privée, en formulant des politiques adéquates en matière de crédit, en établissant des niveaux adéquats durables d'investissement productif grâce aux crédits à des conditions libérales et en renforçant les capacités humaines.

4.2 Il convient que les États mettent en place les lois, les politiques, les procédures et les institutions de réglementation et autres nécessaires pour garantir un accès non discriminatoire aux marchés et pour prévenir toute pratique anticoncurrentielle sur les marchés.

4.3 Il convient que les États encouragent les entreprises à assumer leurs responsabilités sur le plan social et tous les acteurs du marché et de la société civile à s'engager en faveur de la concrétisation progressive du droit de chacun à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

4.4 Il convient que les États assurent une protection adéquate des consommateurs contre les fraudes, les informations mensongères et les aliments nocifs. Les mesures prises à cet effet ne doivent pas constituer des obstacles injustifiés au commerce international et doivent être conformes aux accords de l'OMC.

4.5 Il convient que les États, le cas échéant, favorisent le développement de petits marchés locaux et régionaux et des échanges transfrontières, afin de lutter contre la pauvreté et de renforcer la sécurité alimentaire, notamment dans les zones pauvres en milieu rural et urbain.

4.6 Les États pourront souhaiter adopter des mesures pour que le plus grand nombre possible de particuliers et de communautés, notamment les groupes défavorisés, puissent tirer parti des débouchés qu'offre un commerce des produits agricoles concurrentiel.

4.7 Il convient que les États s'efforcent de faire en sorte que les politiques concernant les aliments, le commerce des produits agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous, grâce à un système de commerce local, régional, national et mondial à la fois non discriminatoire et axé sur le marché.

4.8 Il convient que les États veillent à établir des systèmes internes de commercialisation, d'entreposage, de transport, de communication et de distribution efficaces, notamment, en vue de faciliter la diversification des échanges et l'établissement de meilleures liaisons au sein des marchés intérieurs, régionaux et mondiaux, et entre ces marchés, ainsi que de tirer profit des nouveaux débouchés commerciaux.

4.9 Les États tiendront compte du fait que les marchés ne permettent pas systématiquement à chacun de bénéficier d'un revenu suffisant, en tous temps, pour satisfaire ses besoins fondamentaux. En conséquence, il convient que les États fassent en sorte de mettre en place des systèmes adéquats de sécurité sociale et, le cas échéant, de garantir l'aide de la communauté internationale à ces fins.

4.10 Il convient que les États tiennent compte des faiblesses des mécanismes de marché concernant la protection de l'environnement et des biens collectifs.

DIRECTIVE 5
Institutions

5.1 Le cas échéant, il convient que les États évaluent le mandat et les performances des institutions publiques concernées et selon les besoins, qu'ils établissent, réforment ou mettent en valeur leur organisation et leur structure, afin de contribuer à la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

5.2 Pour ce faire, les États pourront souhaiter assurer que les ministères, les organismes et les bureaux compétents travaillent en étroite collaboration. Ils peuvent établir des mécanismes de coordination intersectoriels à l'échelon national pour assurer une mise en œuvre, un contrôle et une évaluation concertés des politiques, des plans et des programmes. Les États sont invités à faire participer les communautés concernées à tous les volets de la planification et de l'exécution des activités dans ces domaines.

5.3 Les États pourront également souhaiter donner à une institution spécifique la responsabilité globale de la supervision et de la coordination de l'application des présentes directives, conformément à la Déclaration et au Programme d'action de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de 1993 (Vienne) et en tenant dûment compte des conventions et des protocoles en vigueur dans le domaine de l'agriculture. Afin de garantir la transparence et le respect des obligations redditionnelles, il conviendrait de définir clairement les fonctions et les tâches de cette institution, de les réviser de manière périodique, et de prendre les dispositions nécessaires pour mettre en place des mécanismes adaptés de contrôle.

5.4 Il convient que les États fassent en sorte que les institutions concernées permettent une participation totale et transparente du secteur privé et de la société civile et en particulier des représentants des groupes les plus exposés à l'insécurité alimentaire.

5.5 Il convient, le cas échéant, que les États prennent des dispositions en vue de définir, de renforcer, d'appliquer et de faire valoir des lois et des politiques efficaces contre la corruption, notamment dans le secteur de l'alimentation et de la gestion de l'aide alimentaire d'urgence.

DIRECTIVE 6
Parties prenantes

6.1 En reconnaissant la responsabilité première des États quant à la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, les États sont invités à mettre en œuvre une approche multipartite en matière de sécurité alimentaire nationale, afin d'identifier les rôles des différentes parties prenantes et de les faire participer, en englobant la société civile et le secteur privé, grâce à la mise en commun des expertises en vue de favoriser l'utilisation rationnelle des ressources.

DIRECTIVE 7
Cadre juridique

7.1 Les États sont invités à envisager, conformément à leur cadre juridique et à leurs politiques nationales, l'intégration dans leur droit national de dispositions, incluant éventuellement un examen des textes constitutionnels ou législatifs, afin de faciliter la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

7.2 Les États sont invités à envisager, conformément à leur cadre juridique et à leurs politiques nationales, l'intégration dans leur droit national (Constitution, Charte ou législation) de dispositions permettant d'appliquer directement la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Il peut être envisagé de mettre en place des mécanismes administratifs, judiciaires et d'ordre juridictionnel, qui offrent des voies de recours adéquates, efficaces et rapides, en particulier aux groupes vulnérables.

7.3 Il convient que les États ayant établi un droit à une alimentation adéquate dans le cadre de leur système juridique informent le grand public de tous les droits et recours disponibles auxquels il peut prétendre.

7.4 Il convient que les États envisagent la possibilité de renforcer leur législation nationale en vue de permettre aux femmes chefs de foyer d'avoir accès à tous les projets et programmes axés sur la lutte contre la pauvreté et sur l'insécurité alimentaire d'un point de vue nutritionnel.

DIRECTIVE 8
Accès aux ressources et aux moyens de production

8.1 Il convient que les États favorisent un accès durable, non discriminatoire et garanti aux ressources et la possibilité de les exploiter, conformément à la législation nationale et au droit international, et protègent les moyens de production grâce auxquels les populations assurent leur subsistance. Il convient que les États respectent et protègent les droits des particuliers concernant des ressources telles que la terre, l'eau, les forêts, les pêches et le bétail et ce, sans aucune discrimination. Le cas échéant, il convient que les États mettent en œuvre, dans le respect de leurs obligations en matière de droits de l'homme et des principes du droit, des réformes foncières et autres politiques de réforme, en vue de garantir un accès rationnel et équitable à la terre et de renforcer la croissance au bénéfice des populations démunies. Il convient de prêter une attention particulière à certains groupes de population, comme les éleveurs itinérants et les peuples autochtones, et aux rapports qu'ils entretiennent avec les ressources naturelles.

8.2 Il convient que les États prennent des mesures pour que les membres des groupes vulnérables puissent avoir la possibilité et les moyens économiques leur permettant de contribuer à l'économie sans restriction et en toute égalité.

8.3 Il convient que les États prêtent une attention particulière aux problèmes d'accès spécifiques des femmes et des groupes vulnérables, marginalisés et traditionnellement défavorisés, y compris de toutes les personnes souffrant du VIH/SIDA. Il convient que les États prennent des mesures pour protéger toutes les personnes souffrant du VIH/SIDA, afin qu'elles ne perdent pas leur accès aux ressources et aux moyens de production.

8.4 Il convient que les États favorisent la recherche-développement dans le secteur agronomique, en particulier en vue de stimuler la production de denrées alimentaires de base et ses retombées positives sur les revenus de base et sur les petits exploitants et les agricultrices, ainsi que sur les consommateurs les plus démunis.

8.5 Il convient que les États, dans le cadre des accords internationaux pertinents, y compris les accords relatifs à la propriété intellectuelle, favorisent l'accès des petits agriculteurs et des exploitants de taille moyenne aux résultats de la recherche effectuée au bénéfice de la sécurité alimentaire.

8.6 Il convient que les États encouragent la pleine participation des femmes dans l'économie, sur un pied d'égalité avec les hommes et, à cette fin, introduisent et mettent en œuvre, lorsqu'il n'en existe pas, une législation soucieuse du rôle des femmes et leur assurant le droit d'hériter et de posséder des terres et d'autres biens. Il convient également que les États assurent aux femmes un accès sûr et égal aux ressources productives telles que le crédit, la terre, l'eau et les technologies adaptées, ainsi qu'un contrôle sur ces ressources et la jouissance des bénéfices en découlant.

8.7 Il convient que les États mettent au point et appliquent des programmes intégrant différents mécanismes d'accès et d'utilisation rationnelle des terres agricoles, axés sur les populations les plus démunies.

DIRECTIVE 8A
Main-d’œuvre

8.8 Il convient que les États prennent des mesures pour encourager un développement durable qui créerait des débouchés en matière d'emplois suffisamment rémunérés pour que les salariés et leurs familles puissent mener une vie décente, tant dans les zones rurales qu'urbaines, et pour protéger et favoriser le travail indépendant. Il convient que les États ayant ratifié les instruments pertinents assurent que les conditions de travail soient conformes aux obligations auxquelles ils ont souscrit au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, des conventions de l'OIT y afférentes et d'autres traités, notamment les conventions relatives aux droits de l'homme.

8.9 Afin d'améliorer l'accès au marché de l'emploi, il convient que les États renforcent le capital humain grâce à des programmes éducatifs, à l'alphabétisation des adultes et à d'autres programmes de formation, selon qu'il convient, et ce, sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques, les origines nationales ou sociales, le patrimoine, la naissance ou tout autre état.

DIRECTIVE 8B
Terre

8.10 Il convient que les États prennent des mesures visant à promouvoir et à protéger la sécurité de jouissance des droits fonciers, en particulier en ce qui concerne les femmes et les catégories les plus démunies et les plus défavorisées de la société, grâce à une législation protégeant un droit de propriété foncière et autre, égal et sans restriction, incluant le droit d'héritage. Il convient que les États établissent, selon les besoins, des mécanismes juridiques et autres, dans le respect des obligations internationales auxquelles ils ont souscrit dans le domaine des droits de l'homme et conformément à l'état de droit, qui fassent progresser la réforme agraire, pour améliorer l'accès des pauvres et des femmes aux ressources. Ces mécanismes devraient aussi promouvoir la conservation et l'utilisation durable des terres. Il convient d'accorder une attention particulière au cas des communautés autochtones.

DIRECTIVE 8C
Eau

8.11 Sachant que l'accès à une eau de bonne qualité en quantités suffisantes est essentiel à la vie et à la santé, il convient que les États s'efforcent d'améliorer l'accès à l'eau et de renforcer l'utilisation durable des ressources hydriques et de promouvoir la répartition de celles-ci entre les différents utilisateurs, en veillant tout particulièrement à garantir une utilisation rationnelle et à satisfaire, de façon équitable, les besoins fondamentaux des êtres humains et à assurer l'équilibre entre, d'une part, les exigences liées à la conservation ou à la régénération des écosystèmes et à leur fonctionnement et, d'autre part, les besoins nationaux, industriels et agricoles, y compris en protégeant la qualité de l'eau potable.

DIRECTIVE 8D
Ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture

8.12 Il convient que les États envisagent d'adopter, en tenant compte de l'importance de la biodiversité et conformément aux accords internationaux auxquels ils souscrivent, des politiques, des instruments juridiques et des mécanismes d'appui nationaux spécifiques pour prévenir l'érosion et pour garantir la conservation et l'utilisation durable des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, en particulier, le cas échéant, en protégeant les connaissances traditionnelles pertinentes et en favorisant le partage équitable des avantages découlant de l'exploitation de ces ressources et, selon qu'il conviendra, la participation des communautés locales et autochtones et des agriculteurs aux processus décisionnels nationaux, concernant des questions liées à la conservation et à l'utilisation durable des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

DIRECTIVE 8E
Durabilité

8.13 Il convient que les États envisagent d'adopter des politiques, des instruments juridiques et des mécanismes d'appui nationaux spécifiques visant à protéger la durabilité écologique et le potentiel des écosystèmes, en vue de garantir aux générations actuelles et futures la possibilité d'assurer une production alimentaire durable accrue, de prévenir la pollution des ressources hydriques, de protéger la fertilité des sols et de promouvoir une gestion durable des pêches et des forêts.

DIRECTIVE 8F
Services

8.14 Il convient que les États créent un environnement porteur et définissent des stratégies en vue de favoriser et d'appuyer la mise en place d'initiatives privées et publiques visant à promouvoir, de manière appropriée, des outils, des techniques et la mécanisation relatifs à la fourniture de services adéquats, y compris dans les domaines de la recherche, de la vulgarisation, de la commercialisation, du financement en milieu rural et du microcrédit, afin de permettre à tous les agriculteurs, notamment les plus démunis, d'assurer une production vivrière plus rationnelle et afin de faire face aux problèmes locaux, tels que la pénurie de terres, d'eau et d'énergie.

DIRECTIVE 9
Sécurité sanitaire des aliments et protection des consommateurs

9.1 Il convient que les États prennent des mesures pour que tous les aliments, qu'ils soient produits localement ou importés, librement disponibles ou vendus sur les marchés, soient sans danger et conformes aux normes nationales de sécurité sanitaire des aliments.

9.2 Il convient que les États établissent des systèmes globaux et rationnels de contrôle des produits alimentaires qui réduisent les risques de maladies d'origine alimentaire en s'appuyant sur l'analyse des risques et sur des mécanismes de supervision, pour garantir la sécurité sanitaire tout au long de la chaîne alimentaire, y compris concernant l'alimentation animale.

9.3 Les États sont invités à prendre des mesures visant à rationaliser les procédures institutionnelles de contrôle des aliments et de leur sécurité sanitaire au niveau national et à éliminer les lacunes et les doubles emplois des systèmes d'inspection et du cadre juridique et réglementaire applicables aux produits alimentaires. Les États sont invités à adopter des normes de sécurité sanitaire des aliments fondées sur des bases scientifiques, y compris en ce qui concerne les additifs, les substances contaminantes, les résidus de médicaments vétérinaires et de pesticides et les risques microbiologiques, et à établir des normes pour l'emballage et l'étiquetage des aliments et la publicité à leur sujet. Ces normes devraient tenir compte des normes alimentaires reconnues à l'échelle internationale (Codex Alimentarius), conformément à l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de l'OMC. Il convient que les États prennent des mesures pour empêcher la contamination par des polluants industriels et autres lors de la production, de la transformation, du stockage, du transport, de la distribution, de la manipulation et de la vente des produits alimentaires.

9.4 Les États pourront souhaiter créer un comité national de coordination chargé des produits alimentaires, qui réunirait les intervenants publics et non gouvernementaux concernés par le système alimentaire et assurerait la liaison avec la Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius. Il convient que les États envisagent de collaborer avec les parties prenantes privées qui interviennent dans le système alimentaire, tant pour les aider à contrôler leurs propres méthodes de production et de manipulation, que pour vérifier ce contrôle.

9.5 Le cas échéant, il convient que les États aident les agriculteurs et les autres producteurs de produits de base à adopter de bonnes pratiques agricoles, les transformateurs de produits alimentaires à adopter de bonnes pratiques industrielles et les personnes qui manipulent les aliments à respecter les règles d'hygiène. Les États sont invités à envisager la mise en place de systèmes de sécurité sanitaire des aliments et de mécanismes de supervision visant à garantir aux consommateurs des aliments sains.

9.6 Il convient que les États mettent à la disposition de tous les opérateurs économiques du secteur alimentaire des moyens de s'informer au sujet des pratiques à respecter pour éviter de laisser des résidus nocifs dans les aliments ou d'endommager l'environnement. Il convient également que les États prennent des mesures pour éduquer les consommateurs en ce qui concerne le stockage, la manipulation et l'utilisation des produits alimentaires au sein des ménages. Il convient que les États recueillent et publient des renseignements concernant les maladies transmises par les aliments et la sécurité sanitaire des aliments, et coopèrent avec les organisations régionales et internationales s'occupant de la sécurité sanitaire des aliments.

9.7 Il convient que les États prennent des mesures pour protéger les consommateurs des allégations frauduleuses ou trompeuses sur les emballages, les étiquettes et dans la publicité et la vente des produits alimentaires et permettent aux consommateurs de disposer d'un plus grand choix en garantissant l'affichage d'informations adéquates sur les produits alimentaires commercialisés, et qu'ils prévoient des recours lorsque des aliments nocifs ou altérés, y compris ceux qui sont vendus par les marchands ambulants, causent des dommages. De telles mesures ne doivent pas constituer d'obstacles injustifiés au commerce et doivent être conformes aux accords de l'OMC (notamment relatifs aux mesures sanitaires et phytosanitaires et aux obstacles techniques au commerce).

9.8 Les pays développés sont invités à fournir aux pays en développement une assistance technique, sous forme d'avis, de crédits, de dons et de bourses, pour le renforcement des capacités et la formation en matière de sécurité sanitaire des aliments. Le cas échéant, les pays en développement les plus avancés en matière de sécurité sanitaire des aliments sont invités à aider les autres pays en développement.

9.9 Les États sont invités à collaborer avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les associations régionales et internationales de consommateurs, qui traitent des questions de sécurité sanitaire des aliments et à faciliter la participation des consommateurs au sein des instances nationales et internationales où sont abordées les politiques ayant des répercussions sur la production, la transformation, la distribution, le stockage et la commercialisation des produits alimentaires.

DIRECTIVE 10
Nutrition

10.1 Le cas échéant, il convient que les États prennent des mesures pour préserver, adapter ou renforcer la diversité de l'alimentation, ainsi que les habitudes alimentaires, les méthodes de préparation des aliments et les comportements alimentaires sains, notamment l'allaitement, tout en veillant à ce que les modifications de la disponibilité et de l'accessibilité des aliments n'aient pas d'impact négatif sur la composition et la quantité des aliments consommés.

10.2 Les États sont invités à prendre des mesures, en particulier par le biais de l'éducation, de l'information et de la réglementation visant l'étiquetage, pour prévenir la surconsommation et les régimes alimentaires déséquilibrés, qui peuvent entraîner la malnutrition, l'obésité et les maladies dégénératives.

10.3 Les États sont invités à associer l'ensemble des parties prenantes, notamment les communautés et les collectivités locales, à la conception, à l'exécution, à la gestion, au contrôle et à l'évaluation des programmes visant à accroître la production et la consommation d'aliments sains et nutritifs, en particulier ceux riches en micronutriments. Les États pourront souhaiter promouvoir la création de jardins potagers, à la maison et dans les écoles, qui peuvent être un excellent moyen de lutter contre les carences en micronutriments et de promouvoir une alimentation saine. Les États pourront aussi envisager d'adopter des réglementations en matière d'enrichissement des aliments, afin de prévenir les carences en micronutriments tels que l'iode, le fer et la vitamine A, ou d'y remédier.

10.4 Il convient que les États tiennent compte des besoins alimentaires et nutritionnels spécifiques des personnes infectées par le VIH/SIDA ou victimes d'autres épidémies.

10.5 Il convient que les États prennent des dispositions adaptées visant à promouvoir et à encourager l'allaitement maternel, conformément à leur culture, au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et aux résolutions ultérieures de l'Assemblée mondiale de la santé et aux recommandations de l'OMS et de l'UNICEF.

10.6 Les États pourront souhaiter diffuser des renseignements sur l'alimentation des nourrissons et des enfants en bas âge conformes aux connaissances scientifiques les plus récentes et aux pratiques reconnues à l'échelle internationale et prendre des mesures pour lutter contre la désinformation concernant l'alimentation des nourrissons. Il convient que les États examinent avec le plus grand soin les questions liées à l'allaitement et au virus de l'immunodéficience humaine (VIH), sur la base des avis scientifiques les plus récents, faisant autorité, et en s'appuyant sur les dernières directives de l'OMS et de l'UNICEF.

10.7 Les États sont invités à agir simultanément et à promouvoir une collaboration intersectorielle dans les domaines de la santé, de l'éducation et des infrastructures sanitaires, afin de mettre à la disposition des populations les biens et services nécessaires pour qu'elles puissent assimiler totalement l'apport diététique de leur alimentation et bénéficier ainsi d'un état nutritionnel adéquat.

10.8 Il convient que les États prennent des mesures visant à éliminer les pratiques discriminatoires, notamment celles fondées sur le sexe, en vue de la concrétisation d'une nutrition adéquate au niveau des ménages.

10.9 Il convient que les États admettent que l'alimentation fait partie intégrante de la culture de chacun. Les États sont invités à tenir compte des pratiques, des coutumes et des traditions alimentaires de chacun.

10.10 Il est rappelé aux États que les différentes cultures associent des valeurs culturelles aux régimes et aux habitudes alimentaires. Il convient qu'ils définissent des méthodes visant à promouvoir la sécurité sanitaire des aliments et un apport nutritionnel positif, y compris une répartition équitable de la nourriture au sein des communautés et des ménages, en insistant plus particulièrement, dans toutes les cultures, sur les besoins et les droits des enfants (filles et garçons), des femmes enceintes et des mères qui allaitent.

DIRECTIVE 11
Éducation et sensibilisation

11.1 Il convient que les États appuient les investissements réalisés pour mettre en valeur les ressources humaines, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'alphabétisation et de la formation, qui sont indispensables au développement durable, en particulier dans les secteurs de l'agriculture, des pêches, des forêts et du développement rural.

11.2 Il convient que les États renforcent les débouchés dans le domaine de l'enseignement de base et leur donnent une portée plus large, en particulier au bénéfice des jeunes filles, des femmes et d'autres groupes défavorisés.

11.3 Il convient que les États favorisent l'éducation en matière d'agriculture et d'environnement dans l'enseignement élémentaire et secondaire, de manière à mieux sensibiliser les jeunes générations à l'importance de la conservation et de l'utilisation durable des ressources naturelles.

11.4 Il convient que les États apportent leur soutien à l'enseignement supérieur en appuyant, dans les pays en développement, les universités et les facultés techniques axées sur l'agriculture et les disciplines apparentées, ainsi que l'économie, en les aidant à remplir leurs fonctions d'enseignement et de recherche, et en amenant les universités de tous les pays à former, au niveau du deuxième et du troisième cycle universitaire, des agronomes, des scientifiques et des entrepreneurs originaires de pays en développement.

11.5 Il convient que les États informent les particuliers, en vue de renforcer leur capacité de participer aux processus décisionnels qui pourraient les concerner dans le domaine de l'alimentation et de contester les décisions qui compromettent leurs droits.

11.6 Il convient que les États appliquent des mesures visant à permettre à chacun d'améliorer ses conditions de logement et ses moyens de préparer la nourriture, car ces éléments sont liés à la sécurité sanitaire des aliments. Il convient que de telles mesures soient prises dans le domaine de l'éducation et des infrastructures, en particulier en ce qui concerne les ménages en milieu rural.

11.7 Il convient que les États assurent la promotion ou l'intégration dans les programmes scolaires d'une éducation aux droits de l'homme, notamment concernant les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, et plus particulièrement la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

11.8 Les États sont invités à sensibiliser leurs administrés à l'importance des droits de l'homme, notamment de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

11.9 Il convient que les États dispensent une formation adéquate aux responsables chargés de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

11.10 Il convient que les États sensibilisent leurs administrés aux présentes directives et garantissent, voire renforcent en permanence l'accès à ces dernières et aux lois et règlements relatifs aux droits de l'homme, en particulier dans les zones rurales difficiles d'accès.

11.11 Les États pourront souhaiter donner à la société civile les moyens de contribuer à l'application des présentes Directives grâce au renforcement des capacités.

DIRECTIVE 12
Ressources financières nationales

12.1 Les collectivités régionales et locales sont encouragées à prévoir dans leur budget des ressources pour lutter contre la faim et promouvoir la sécurité alimentaire.

12.2 Il convient que les États assurent la transparence et veillent au respect de l'obligation de rendre compte de l'utilisation des ressources publiques, en particulier dans le domaine de la sécurité alimentaire.

12.3 Les États sont invités à encourager les dépenses et programmes sociaux de base, en particulier ceux en faveur des pauvres et des groupes vulnérables de la société, et à les protéger des réductions budgétaires tout en augmentant la qualité et l'efficacité des dépenses sociales. Il convient que les États fassent en sorte que les coupes budgétaires n'aient pas d'effet négatif sur l'accès à une alimentation adéquate pour les catégories les plus démunies de la société.

12.4 Les États sont invités à créer un environnement juridique et économique propice à l'épargne intérieure et susceptible d'attirer des ressources externes pour un investissement productif, et à chercher de nouvelles sources de financement, tant publiques que privées, à l'échelle nationale et internationale, pour les programmes sociaux.

12.5 Les États sont invités à prendre des mesures appropriées et à proposer des stratégies visant à contribuer à la sensibilisation des familles de migrants, de manière à encourager l'utilisation efficace des devises qui leur sont envoyées au travers d'investissements susceptibles d'améliorer leurs moyens de subsistance, y compris la sécurité alimentaire de leur famille.

DIRECTIVE 13
Appui aux groupes vulnérables

13.1 Conformément aux engagements pris lors du Sommet mondial de l'alimentation, il convient que les États établissent des systèmes d'information et de cartographie sur l'insécurité et la vulnérabilité alimentaires (SICIAV), afin d'identifier les groupes et les foyers particulièrement exposés à l'insécurité alimentaire et de cibler les causes de cette dernière. Il convient que les États définissent et mettent au point les mesures de redressement devant être prises, tant dans l'immédiat que de façon plus progressive, pour garantir l'accès à une alimentation adéquate.

13.2 Les États sont invités à effectuer systématiquement des analyses détaillées de l'insécurité alimentaire, de la vulnérabilité et de l'état nutritionnel des différentes catégories de population, en accordant une attention particulière à toute forme de discrimination qui pourrait se traduire par une plus grande insécurité alimentaire et une plus grande vulnérabilité à cette dernière ou une prévalence accrue de la malnutrition dans certaines catégories de population, voire les deux, en vue d'éliminer les causes de l'insécurité alimentaire ou de la malnutrition et de prévenir leur apparition.

13.3 Pour que l'aide soit efficacement ciblée, de façon que tous ceux qui y ont droit l'obtiennent et que ceux qui n'en ont pas besoin n'en bénéficient pas, il convient que les États définissent des critères d'octroi transparents et non discriminatoires. Il est indispensable d'établir des systèmes de responsabilisation et d'administration efficaces, afin de prévenir les détournements et la corruption. Il faut aussi tenir compte du patrimoine et des revenus des ménages et des particuliers, de leur état nutritionnel, de leur santé, ainsi que de leurs stratégies de survie.

13.4 Les États pourront souhaiter donner la priorité aux femmes dans la distribution des aliments, afin de renforcer leur rôle dans la prise de décisions et de faire en sorte que les aliments satisfassent les besoins alimentaires du ménage.

DIRECTIVE 14
Filets de sécurité

14.1 Dans la mesure où les ressources le permettent, il convient que les États créent et préservent des filets de sécurité, afin de protéger ceux qui ne peuvent pas assurer leur propre subsistance. Dans la mesure du possible, et en tenant dûment compte des considérations d'efficacité et de couverture, il convient que les États envisagent de s'appuyer sur les capacités dont disposent les communautés exposées, afin d'apporter les ressources nécessaires pour que les filets de sécurité contribuent à la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Les États pourront souhaiter tenir compte des avantages découlant de l'achat sur place.

14.2 Il convient que les États et les organisations internationales tiennent compte des bénéfices de l'achat local pour l'aide alimentaire et intègrent les besoins nutritionnels des personnes exposées à l'insécurité alimentaire et les intérêts commerciaux des producteurs locaux.

14.3 Même si l'architecture des filets de sécurité sociale et alimentaire dépend de la nature de l'insécurité alimentaire, des objectifs, des budgets, des capacités administratives et des circonstances locales, telles que le niveau des approvisionnements alimentaires et la situation du marché local des produits alimentaires, il convient néanmoins que les États fassent en sorte que ces filets protègent adéquatement ceux qui en ont besoin et qu'ils respectent le principe de non-discrimination lors de l'établissement des critères d'octroi.

14.4 Dans la mesure où les ressources le permettent, il convient que les États prennent les dispositions nécessaires pour que toute mesure de caractère économique ou financier susceptible d'avoir un impact négatif sur le niveau de la consommation alimentaire des groupes vulnérables soit complétée par des mesures visant à mettre en place des filets de sécurité alimentaire efficaces. Les filets de sécurité doivent être liés à d'autres interventions complémentaires visant à promouvoir la sécurité alimentaire à plus long terme.

14.5 Lorsqu'on a déterminé que l'alimentation avait sa place dans les filets de sécurité, il convient d'apporter une aide alimentaire pour combler l'écart entre les besoins nutritionnels des populations et leur capacité de les satisfaire par ellesmêmes. L'aide alimentaire ainsi fournie doit être distribuée en associant autant que possible les personnes concernées et les aliments distribués doivent être adaptés et sûrs du point de vue nutritionnel et se conformer à la situation, aux traditions alimentaires et à la culture locales.

14.6 Il convient que les États envisagent d'accompagner l'aide alimentaire apportée dans le cadre des filets de sécurité d'activités complémentaires visant à faire en sorte qu'elle contribue autant que possible à assurer un accès approprié de la population à une nourriture adéquate et une bonne utilisation de celle-ci. Les activités complémentaires essentielles sont notamment l'accès à l'eau propre et à l'assainissement, les soins de santé et l'éducation en matière de nutrition.

14.7 Lors de l'établissement de filets de sécurité, il convient que les États tiennent compte du rôle incontournable des organisations internationales comme la FAO, le FIDA et le PAM, et d'autres organisations régionales et internationales et de la société civile, qui peuvent les aider à lutter contre la pauvreté rurale et à promouvoir la sécurité alimentaire et le développement agricole.

DIRECTIVE 15
Aide alimentaire internationale

15.1 Il convient que les États donateurs s'assurent que leurs politiques d'aide alimentaire appuient les efforts déployés, à l'échelle nationale, par les États bénéficiaires pour garantir la sécurité alimentaire et fondent leurs décisions relatives à l'aide alimentaire sur une évaluation fiable des besoins, axée spécifiquement sur les populations victimes de l'insécurité alimentaire et sur les groupes vulnérables. Dans cette perspective, il convient que les États donateurs fournissent leur aide en tenant compte de la sécurité sanitaire des aliments, de l'importance de ne pas perturber la production alimentaire locale, des besoins nutritionnels et alimentaires et de la culture des populations bénéficiaires. Il convient que l'aide alimentaire comporte une stratégie de retrait bien définie et évite de provoquer une dépendance. Il convient que les donateurs favorisent un recours accru aux marchés commerciaux locaux et régionaux, afin de répondre aux besoins alimentaires des pays prédisposés à la famine et d'atténuer la dépendance à l'égard de l'aide alimentaire.

15.2 Il convient que les opérations liées à l'aide alimentaire internationale, y compris l'aide alimentaire bilatérale monétisée, soient conduites dans le respect des Principes de la FAO en matière d'écoulement des excédents et obligations consultatives des États Membres, de la Convention relative à l'aide alimentaire et de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, et soient conformes aux normes internationales relatives à la sécurité sanitaire des aliments, conformément aux spécificités, aux traditions alimentaires et aux cultures locales.

15.3 Il convient que les parties prenantes, étatiques ou non, assurent, conformément au droit international, un accès sûr et sans restriction aux populations nécessiteuses ainsi qu'aux éléments nécessaires pour effectuer une évaluation internationale des besoins et aux organisations humanitaires œuvrant dans le domaine de la distribution de l'aide alimentaire internationale.

15.4 Lors de la distribution d'une aide alimentaire internationale en cas d'urgence, il convient d'accorder une attention particulière aux objectifs de relèvement et de développement à plus long terme dans les pays bénéficiaires et de respecter les principes humanitaires universellement reconnus.

15.5 Autant que faire se peut, l'évaluation des besoins et la planification, le contrôle et l'évaluation de l'aide alimentaire fournie doivent s'effectuer de manière participative et, lorsque cela s'avère possible, en étroite collaboration avec les autorités bénéficiaires à l'échelon national et local.

DIRECTIVE 16
Catastrophes naturelles et anthropiques

16.1 L'alimentation ne devrait jamais être utilisée comme moyen de pression politique et économique.

16.2 Les États réaffirment les obligations auxquelles ils ont souscrit au titre du droit humanitaire international et, en particulier, en tant que parties aux Conventions de Genève et/ou aux Protocoles additionnels de 1977 y afférents, en ce qui concerne les besoins humanitaires de la population civile, y compris l'accès à l'alimentation, notamment en cas de conflit armé et d'occupation, en particulier:

- Le Protocole additionnel I prévoit notamment qu'il «est interdit d'utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre» et qu'il «est interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que des denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation, en vue d'en priver, à raison de leur valeur de subsistance, la population civile ou la Partie adverse, quel que soit le motif dont on s'inspire, que ce soit pour affamer des personnes civiles, provoquer leur déplacement ou pour toute autre raison» et que «ces biens ne devraient pas être l'objet de représailles».

16.3 En cas d'occupation, le droit humanitaire international prévoit notamment que: dans toute la mesure de ses moyens, la Puissance occupante a le devoir d'assurer l'approvisionnement de la population en vivres et en produits médicaux; elle devra notamment importer les vivres, les fournitures médicales et tout autre article nécessaire lorsque les ressources du territoire occupé seront insuffisantes; et que lorsque la population d'un territoire occupé ou une partie de celle-ci est insuffisamment approvisionnée, la Puissance occupante acceptera les actions de secours faites en faveur de cette population et les facilitera dans toute la mesure de ses moyens2.

2 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949), articles 55 et 59.

16.4 Les États réaffirment les obligations auxquelles ils ont souscrit concernant la protection et la sécurité du personnel humanitaire.

16.5 Il convient que les États fassent tout leur possible pour garantir que les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays aient accès, en toutes circonstances, à une alimentation adéquate. À cet égard, il convient que les États et les autres parties prenantes soient invités à s'appuyer sur les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, le cas échéant.

16.6 En cas de catastrophe naturelle ou causée par l'homme: il convient que les États fournissent une aide alimentaire aux personnes qui en ont besoin; les États peuvent demander une aide internationale si leurs propres ressources sont insuffisantes; il convient que les États favorisent un accès sûr et sans entraves à l'aide internationale, dans le respect du droit international et des principes humanitaires universellement reconnus, en tenant compte des spécificités, des traditions alimentaires et des cultures locales.

16.7 Il convient que les États mettent en place des mécanismes adéquats et opérationnels d'alerte rapide pour prévenir ou atténuer les effets des catastrophes naturelles ou causées par l'homme. Ces systèmes devraient être fondés sur les normes et la coopération internationales et sur des données ventilées fiables, et devraient faire l'objet d'un suivi constant. Il convient que les États prennent des mesures appropriées pour la préparation aux situations d'urgence, en constituant par exemple des stocks alimentaires pour pouvoir acheter des aliments et qu'ils prennent des dispositions en vue de mettre en place des systèmes adéquats de distribution.

16.8 Les États sont invités à envisager de mettre en place des mécanismes permettant d'évaluer les incidences, sur l'état nutritionnel, des catastrophes naturelles et causées par l'homme, et de mieux comprendre les stratégies adoptées par les foyers touchés pour y remédier. Ces mécanismes et ces connaissances seront mis à profit pour cibler, concevoir, mettre en œuvre et évaluer des programmes de secours, de réhabilitation et de renforcement de la résistance.

DIRECTIVE 17
Suivi, indicateurs et jalons

17.1 Les États pourront souhaiter établir des mécanismes de contrôle et d'évaluation de l'application des présentes Directives concernant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, selon leurs capacités et en s'appuyant sur les systèmes d'information existants, dont ils combleront les lacunes.

17.2 Les États pourront souhaiter envisager d'effectuer des «évaluations de l'impact sur le droit à l'alimentation», afin de déterminer l'impact des politiques, des programmes et des projets nationaux sur la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate de la population en général et des groupes vulnérables en particulier, à titre de fondement pour l'adoption des mesures correctives nécessaires.

17.3 Les États pourront également souhaiter mettre au point un ensemble d'indicateurs pour évaluer les processus, leurs effets et leurs résultats, en s'appuyant sur les indicateurs déjà utilisés et sur des systèmes de contrôle comme les SICIAV, pour évaluer l'application de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Ils pourront souhaiter établir des jalons appropriés à atteindre à court, moyen et long termes ayant un lien direct avec les objectifs de lutte contre la pauvreté et la faim comme objectifs minimums, ainsi que d'autres objectifs nationaux et internationaux, dont ceux adoptés lors du Sommet mondial de l'alimentation et du Sommet du Millénaire.

17.4 Lors de ces évaluations, les indicateurs visant à évaluer les processus pourraient être définis ou conçus de façon à avoir un lien explicite avec certains instruments et interventions de politiques générales dont les effets sont compatibles avec la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale et de façon à tenir compte de leur utilisation. Ces indicateurs pourraient permettre aux États d'appliquer des mesures juridiques, politiques et administratives, de déceler les pratiques discriminatoires et leurs effets et d'évaluer le degré de participation politique et sociale au processus de concrétisation de ce droit.

17.5 Il convient en particulier que les États suivent la sécurité alimentaire des groupes vulnérables, notamment des femmes, des enfants et des personnes âgées, ainsi que leur état nutritionnel, y compris la prévalence des carences en micronutriments.

17.6 Lors des évaluations, il convient que les États garantissent un processus participatif de collecte, de gestion, d'analyse, d'interprétation et de diffusion de l'information.

DIRECTIVE 18
Institutions nationales de protection des droits de l'homme

18.1 Les États qui ont, de par leur législation nationale ou leurs politiques, adopté une approche fondée sur les droits et qui possèdent une institution nationale de protection des droits de l'homme ou un médiateur dans ce domaine pourront souhaiter inclure dans leur mandat la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. Les États qui ne se sont pas encore dotés d'institution nationale de protection des droits de l'homme ou de médiateur sont invités à le faire. Il convient que les institutions de protection des droits de l'homme soient indépendantes du gouvernement et autonomes, conformément aux Principes de Paris. Il convient que les États encouragent les organisations de la société civile et les particuliers à participer aux activités de contrôle entreprises par les institutions nationales de protection des droits de l'homme concernant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

18.2 Les États sont invités à encourager les institutions nationales dans leurs efforts pour établir des partenariats et accroître la coopération avec la société civile.

DIRECTIVES 19
Perspectives internationales

19.1 Il convient que les États appliquent les mesures et respectent les actions et les engagements concernant les perspectives internationales, comme décrit à la Section III ci-après, à l'appui de l'application des présentes Directives volontaires. Ces dernières aident les États à mettre en œuvre les initiatives nationales visant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, tel que défini par le Sommet mondial de l'alimentation et par le Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, dans le contexte de la Déclaration du Millénaire


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