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Comment les jeunes perçoivent la forêt au Mexique: une comparaison entre deux communautés rurales

L. Barraza et J. Pineda

Laura Barraza est chercheuse auprès du Centro de Investigaciones en Ecosistemas, Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM), Morelia, Michoacán (Mexique).
Jeannete Pineda, étudiante du premier cycle, a récemment terminé ses études dans ce même centre.

Les résultats d’une étude évaluant les connaissances des élèves des écoles secondaires sur la forêt et ses problèmes, et le rôle de différents systèmes d’éducation dans la formation de leurs attitudes.

Les élèves des écoles secondaires représentent un groupe important de la population du Mexique. Nombre d’entre eux, à la fin de leurs études scolaires, feront leur entrée dans le monde du travail. Certains rempliront des fonctions décisionnelles importantes. Les connaissances de leurs perceptions et de leurs attitudes vis-à-vis des ressources forestières pourraient constituer des outils de base pour l’instauration d’une éthique de l’environnement qui, en dernière analyse, servira au développement communautaire.

Cet article présente les résultats d’une étude entreprise pour évaluer les connaissances des élèves des écoles secondaires relatives à la forêt et à ses problèmes. L’étude, réalisée auprès de deux communautés rurales mexicaines appliquant des pratiques de gestion forestière divergentes, examine le rôle de systèmes différents d’enseignement dans la formation des attitudes des jeunes.

Comme le décrivent les auteurs, les conclusions de l’étude montrent que les jeunes gens percevaient dans l’ensemble la forêt comme une entité qui leur était étrangère et dont ils ignoraient les valeurs biologique, écologique et économique. Ils se rendaient compte que la destruction des forêts pouvait leur nuire, mais ils ne savaient pas trop comment les problèmes liés à la gestion des forêts pourraient être résolus. Les méthodes d’enseignement différentes des écoles paraissaient avoir des effets divers sur les connaissances et les attitudes des jeunes. Des études comme celles-ci aideraient à formuler des propositions méthodologiques concrètes pour les programmes d’éducation et de gestion forestière.


LE DÉBOISEMENT AU MEXIQUE: LES ÊTRES HUMAINS EN SONT LA CAUSE

Les forêts du Mexique sont une source importante de ressources naturelles et hébergent 10 pour cent des espèces animales et végétales de la planète. Cependant, la demande de terres agricoles a déterminé le défrichement de vastes espaces boisés. La perte de couvert forestier au Mexique est estimée à 631 000 ha par an, soit un taux de déboisement annuel de 1,1 pour cent (FAO, 2001).

Les principaux facteurs responsables du déboisement au Mexique ont été:

La conservation des forêts fait l’objet d’une pression constante en raison de l’extension des limites des terres agricoles et des pâturages, de la chasse, de l’exploitation forestière anarchique et du manque de stratégies communautaires de conservation. La technologie ne peut, à elle seule, résoudre ces problèmes, car ils naissent en partie des attitudes humaines envers l’environnement. La conservation impose des changements radicaux dans la façon dont les gens pensent et se comportent. Mais les attitudes vis-à-vis de l’environnement ne se modifient que si les facteurs qui en sont responsables sont compris (Barraza, 2001). Ces attitudes sont normalement liées à d’autres, profondément enracinées dans le système de valeurs de l’individu (Barraza, 1998). La culture joue un rôle moteur en déterminant la façon dont les individus pensent, sentent et agissent vis-à-vis de l’environnement, d’où l’importance d’études visant à analyser les connaissances, croyances et attitudes des gens à l’égard des écosystèmes.

L’éducation écologique encourage les attitudes positives et représente donc un important instrument de conservation des ressources naturelles. Cependant les stratégies d’éducation exigent des modifications urgentes et des méthodes innovatrices pour répondre aux changements. Les écoles font partie du processus de changement. Elles doivent promouvoir une interaction active entre les enfants, les enseignants et les parents. La classe est aussi le lieu où prend forme l’éducation pour l’avenir. Il est nécessaire d’examiner les craintes et les attentes des gens à l’égard du futur pour comprendre comment elles influencent leur comportement et comment les attitudes d’aujourd’hui forgeront l’avenir (Hicks et Holden, 1995).

Nuevo San Juan Parangaricutiro – où la majorité de la population économiquement active participe directement et indirectement aux activités forestières

J. PINEDA


Enfants qui jouent à Atécuaro où les principales activités sont l’utilisation de la forêt (32 pour cent), l’agriculture de base (25 pour cent) et le pâturage (14 pour cent)

J. PINEDA


DEUX COMMUNAUTÉS

L’étude a été entreprise dans deux communautés rurales: la communauté autochtone de San Juan Nuevo Parangaricutiro (San Juan Nuevo) et la communauté d’Atécuaro, toutes deux situées dans le Michoacán, l’Etat ayant les taux de déboisement les plus élevés du Mexique (Masera, 1995). San Juan Nuevo a, depuis 1988, utilisé un modèle de gestion communautaire des forêts comprenant la protection, la mise en valeur et les industries forestières – un modèle qui a suscité l’intérêt des organisations nationales et internationales. Les pépinières locales collectent les semences des arbres indigènes pour les planter dans des zones dégradées de terres sablonneuses et improductives (Ordóñez, 1999). La communauté est pleinement autorisée à contrôler et administrer ses ressources forestières. En 1991, la propriété des avoirs communaux lui a été reconnue, et 1 229 propriétaires fonciers communaux (comuneros) ont été enregistrés dans un recensement. Depuis 1998, les forêts de la communauté ont été certifiées pour leur gestion durable par le Forest Stewardship Council (FSC) (Fregoso, 2000). La majorité de la population économiquement active participe directement et indirectement aux activités forestières. Les activités agricoles passent au deuxième rang. La principale utilisation des ressources forestières est la fabrication de produits comme les sciages, le mobilier et les résines (Empresa Forestal de San Juan Nuevo, 1998).

Dans la communauté d’Atécuaro, les principales activités consistent en utilisations de la forêt (qui ne sont pas comprises dans un plan de gestion) (32 pour cent), l’agriculture de base (25 pour cent) et le pâturage (14 pour cent) qui représente un changement dans l’utilisation des terres comportant l’élevage extensif et la migration temporaire (Cabrera González, 2000). D’autres activités, comme la pisciculture, sont entreprises sur une plus petite échelle. Environ 15 pour cent de la zone est érodée et 13 pour cent recouverte d’une végétation arbustive née de la disparition de la forêt (Mas Porras, 1997). On ne peut calculer la quantité de bois récolté en raison des activités illégales (Amador, 1997). La forêt est exploitée principalement pour la production de bois d’œuvre et de bois de feu pour les usages domestiques de la communauté. La pénurie de ressources économiques et des problèmes d’organisation ont entraîné l’utilisation anarchique et incontrôlée des ressources forestières.

L’école secondaire fédérale de San Juan Nuevo qui applique un programme d’études traditionnel

J. PINEDA


L’école «télésecondaire» d’Atécuaro qui applique un programme soutenu par la télévision

J. PINEDA


DEUX SYSTÈMES D’ENSEIGNEMENT, DEUX SÉRIES D’ATTITUDES

L’étude s’est focalisée sur une école secondaire rurale dans chacune des deux communautés. Les deux écoles avaient des programmes d’enseignement différents: l’école fédérale de San Juan Nuevo appliquait le programme traditionnel, alors que l’école d’Atécuaro recourait à un programme soutenu par la télévision appelé enseignement «télésecondaire» (telesecundario) (tableau 1).

Un système aléatoire stratifié a été employé pour obtenir un échantillon de 108 jeunes gens – 70 de San Juan Nuevo et 38 d’Atécuaro – sur un total d’environ 500 étudiants. Les jeunes gens faisant partie de l’échantillon fréquentaient trois classes secondaires et leurs âges étaient compris entre 12 et 16 ans (tableau 2).

L’étude faisait appel à de multiples méthodes et à des outils qualitatifs et quantitatifs qui ont permis l’examen des matières de différents points de vue analytiques (Robottom et Hart, 1993; Barraza, 1999, 2001). Trois variables analytiques ont été comparées:

Les méthodes et outils d’enseignement ont été évalués par des observations systématiques qui couvraient, par exemple, les activités pendant les cours, les matériels pédagogiques, le comportement des élèves en classe et les matières étudiées. Ces dernières comprenaient la physique, la chimie, la biologie et les sciences naturelles (une introduction à la physique et à la chimie).

Les attitudes des jeunes gens vis-à-vis de la forêt ont été évaluées à l’aide d’un questionnaire fondé sur l’échelle de Likert (un outil bien connu pour mesurer les modèles d’attitude) qui comprenait 12 thèmes et cinq niveaux de réponse. Le questionnaire contenait aussi des questions ouvertes pour évaluer les comportements et les connaissances des jeunes. Les réponses à chaque question ont été regroupées par catégories thématiques sur la base de l’analyse du contenu. Ces questionnaires ont également été présentés aux parents et aux enseignants de sciences naturelles et aux personnes exploitant directement les ressources forestières. On a aussi utilisé des photographies pour évaluer les perceptions. Les personnes interrogées ont été invitées à rassembler les photos montrant différents stades de dégradation comme indicateur de leurs points de vue sur la forêt de leur communauté.

Pour déterminer des différences significatives entre les variables, une analyse statistique non paramétrique a été entreprise. Le texte utilisé était c² et un niveau de signification de 0,05 a été obtenu.

TABLEAU 1. Caractéristiques des écoles ayant pris part à l’étude

Caractéristiques

San Juan Nuevo

Atécuaro

Type d’école

Secondaire fédérale

Télésecondaire

But

L’enseignement est lié aux qualités individuelles de chaque étudiant

L’enseignement vise la promotion sociale

Méthodologie

Unilatéral:
  • renforce les connaissances cognitives
  • machinal et promeut la participation passive
Bilatéral:
  • renforce le développement cognitif et émotionnel
  • encourage l’apprentissage pour la compréhension et promeut la participation

Enseignants

Un enseignant par matière

1 maestro para todas las asignaturas

Taille de la classe

Grande (35-40 étudiants)

Petite (15-20 étudiants)

Matériel pédagogique

Tableau, craie, livres,

Télévision, tableau, craie, livre livre de notions organisé comme une encyclopédie, cahiers, manuel d’enseignement, matériel de laboratoire, autres matériels imprimés


TABLEAU 2. Nombre total d’élèves échantillonnés par année dans chaque école

Année

San Juan Nuevo

Atécuaro

Première

28

21

Deuxième

23

9

Troisième

19

8

Total

70

38


Il a été demandé aux étudiants d’organiser les photos montrant différents niveaux de dégradation comme indicateur de leur perception de la forêt de leur communauté


COMMENT LES JEUNES PERÇOIVENT-ILS LA FORÊT?

En ce qui concerne l’évaluation de la perception, les résultats montrent que les étudiants dans les deux communautés étaient conscients d’un changement négatif survenu dans l’état de leur forêt communautaire. Ils pensaient qu’elle avait été gravement endommagée, avait moins d’arbres et d’animaux et était plus polluée, et ils estimaient qu’elle continuerait à se détériorer au fil du temps. Les résultats ont aussi montré que 80 pour cent du groupe de San Juan Nuevo se rendaient compte des changements négatifs contre 58 pour cent dans le groupe d’Atécuaro. Les autres individus appartenant à l’échantillon n’avaient pas observé de changements ou disaient que la forêt était actuellement mieux entretenue et que son état pouvait s’améliorer par le reboisement et l’appui des citoyens.

Les différences les plus prononcées se notaient entre les étudiants de la première année dans les deux écoles (voir la figure 1). Il n’y avait pas de différences notables entre les enfants des comuneros et les autres étudiants de l’école fédérale secondaire de San Juan Nuevo.

Un peu moins de la moitié des jeunes de San Juan Nuevo estimaient que leur forêt communautaire était bien soignée mais qu’elle avait été mieux entretenue dans le passé. Plus de 60 pour cent des étudiants d’Atécuaro pensaient que leur forêt communautaire était bien tenue. Moins de 10 pour cent ont répondu «je ne sais pas» et 30 pour cent étaient de l’avis que la forêt avait été endommagée. Dans les deux communautés on estimait que la forêt continuerait à se dégrader. La majorité des jeunes était consciente du fait que lorsque des terres boisées sont défrichées, la biodiversité et les aires de loisirs se perdent et le climat change aussi. Un peu plus du tiers des jeunes des deux communautés se rendaient compte de la disparition des espèces. Quarante-trois et 31 pour cent des élèves de San Juan Nuevo et d’Atécuaro, respectivement, associaient la perte de la forêt à la perte d’oxygène.

D’après Grob (1995), prendre conscience de l’environnement signifie le connaître et en reconnaître les problèmes. Les étudiants des deux écoles ne percevaient que de rares problèmes environnementaux et les interprétaient comme des événements isolés. Ils ne semblaient pas comprendre la complexité de l’écosystème. Le manque d’arbres était perçu comme un problème mais non comme le résultat de l’abattage. La perception des enfants de comuneros dans l’école fédérale était la même que celle des autres jeunes gens. L’exercice réalisé à l’aide de photos a mis en évidence le manque de connaissance des jeunes quant aux questions forestières.

Très peu d’élèves ayant fait l’objet de l’étude ont pu identifier des conséquences sur l’environnement. Quand on leur a demandé comment la destruction de la forêt les aurait touchés personnellement, leurs réponses étaient vagues. Les jeunes gens des deux communautés n’étaient guère au courant des avantages de la forêt et des conséquences de sa destruction.

On a demandé aux adolescents d’exprimer par écrit leurs impressions sur les concepts suivants liés à la forêt:

Les résultats montrent que les jeunes gens des deux communautés avaient fort peu de connaissances sur ces concepts (figure 2). Le groupe de San Juan Nuevo en était encore moins au courant que celui d’Atécuaro malgré les politiques de gestion intégrée de la première communauté; 20 pour cent comprenaient le concept de ressources forestières, érosion et perte de biodiversité et moins de 35 pour cent savaient ce qu’était le déboisement.

Les réponses à la question «La forêt est…?» ont été regroupées en quatre catégories sur la base de l’analyse du contenu:

Trente-quatre pour cent et 22 pour cent des jeunes gens d’Atécuaro et San Juan Nuevo, respectivement, ont décrit la forêt d’un point de vue biologique, à savoir un endroit avec beaucoup d’arbres et d’animaux (figure 3). Vingt-huit pour cent des étudiants d’Atécuaro estimaient que la forêt était un lieu ayant besoin de protection (cette opinion était plus répandue parmi les étudiants de la deuxième année). Seuls 8 pour cent des étudiants de San Juan Nuevo, tous des élèves de la première année, partageaient cette opinion. Soixante-deux pour cent des étudiants d’Atécuaro (troisième année principalement) ont décrit la forêt comme un endroit qui procure des avantages. Pour les autres, la forêt était un lieu panoramique.

La perception des enfants des comuneros de San Juan Nuevo travaillant dans la forêt se distinguait de celle des autres jeunes. Ces enfants tendaient à décrire la forêt comme un système biologique dont ont obtenait des avantages, alors que les autres enfants de la même communauté la décrivaient simplement comme un endroit panoramique. Cependant, 12 pour cent des étudiants de cette communauté pensaient que la forêt ne favorisait que les animaux et les plantes qui y vivaient. Quarante pour cent estimaient que les bénéficiaires étaient ceux qui travaillaient dans la forêt, 23 pour cent n’étaient pas conscients des avantages et 26 pour cent pensaient que l’oxygène était le principal bien tiré de la forêt. Les points de vue des étudiants d’Atécuaro concernant les avantages de la forêt étaient très similaires: 36 pour cent pensaient que les bénéficiaires étaient ceux travaillant dans la forêt, alors que 30 pour cent disaient que la forêt procurait des avantages mais étaient incapables de les identifier.

Les jeunes des deux communautés ne savaient pas qu’il y avait des lois pour la protection de la forêt. Ils confondaient les lois avec les avis, comme «Ne jetez pas de détritus» et «Prévenez les incendies de forêt». De nombreux enfants de San Juan Nuevo pensaient que les mêmes lois protégeaient la forêt et la communauté.

Quarante et 54 pour cent des étudiants de San Juan Nuevo et Atécuaro, respectivement, savaient que l’abattage des arbres et la vente de bois et de résine étaient les principales activités forestières. A Atécuaro, les étudiants étaient au courant du pillage des terres et du bois.

Les descriptions des causes et des solutions sont une expression du niveau de prise de conscience d’un individu (Esteva et Reyes, 1998). Aux étudiants a été posée une question ouverte sur les principales causes de la dégradation des forêts. Ceux de San Juan Nuevo l’ont attribuée à l’excès d’abattage, aux incendies de forêts, à la fabrication de briques et à une gestion forestière impropre. Dans la communauté d’Atécuaro, les élèves pensaient que la principale cause était l’excès d’abattage des arbres. Il était estimé que des solutions techniques et de gestion étaient nécessaires pour la remise en état de la forêt.

Quarante-six pour cent du groupe de San Juan Nuevo jugeaient que les activités de conservation comme la plantation d’arbres, l’émondage et les campagnes de prévention des incendies faisaient partie des activités normales des entreprises forestières. Cependant, 12 pour cent des étudiants de la première année ignoraient les activités auxquelles se consacraient ces entreprises. A Atécuaro, 62 pour cent pensaient que les activités de conservation comme le reboisement étaient réalisées par leur communauté.

Les résultats de l’échelle de Likert montraient que les jeunes avaient une attitude positive à l’égard des différents aspects de la forêt. Dans l’ensemble, celle de plus de 75 pour cent était classée comme très positive, et celle des autres positive. Aucun des jeunes objets de l’enquête n’avait une attitude négative.

Dans les deux communautés, les constatations suivantes étaient au bas de l’échelle de Likert:

1
Perception de changements négatifs et positifs dans la forêt


2
Compréhension des concepts forestiers des étudiants de la troisième année


3
Comparaison année par année de la perception de la forêt par les étudiants dans les deux communautés


PERCEPTIONS ET COMPORTEMENT

D’après la théorie de l’action raisonnée de Fishbein (1967), il existe un lien causal entre les croyances et les comportements; les croyances créent les attitudes qui, elles, aboutissent à des intentions, et les intentions déterminent le comportement (figure 4).

Les réponses des jeunes laissaient entendre qu’ils s’intéressaient à ce qui avait lieu dans la forêt; ils se rendaient compte que les forêts fournissaient des avantages et devaient être protégées, que la destruction de la forêt les touchait et qu’il fallait des programmes et projets pour sauver les terres boisées. Les réponses révélaient aussi que les jeunes étaient disposés à participer aux initiatives de protection et de remise en état de la forêt.

Toutefois, dans la plupart des cas, ce qu’ils faisaient en réalité s’écartait notablement de qu’ils entendaient faire. La participation des jeunes aux activités de conservation et de protection de la forêt était faible. Cinquante-six pour cent à Atécuaro et 50 pour cent à San Juan Nuevo reconnaissaient qu’ils n’avaient pas participé activement. Ceux qui avaient participé s’occupaient de reboisement. Un pourcentage encore plus faible avait évité de jeter des détritus et un très petit pourcentage avait contribué à l’extinction d’incendies de forêt. Il était surprenant de constater que, même si les étudiants de la troisième année dans l’école télésecondaire d’Atécuaro géraient une pépinière forestière dans le cadre de leurs activités scolaires, leurs réponses indiquaient qu’ils ne considéraient pas cette tâche comme une importante activité de remise en état de la forêt.

Dans une certaine mesure, l’écart entre les intentions et les actions des étudiants était dû au fait qu’ils étaient à un âge où le développement et l’évolution sont continus. Cependant, la principale raison de leur inactivité résidait dans le manque de liaison entre le développement communautaire et les projets d’enseignement officiel qui réduisait la volonté des jeunes gens de participer.

4
Théorie de l’action raisonnée

Source: Fishbein, 1967.


INFLUENCE DE L’ENSEIGNEMENT

Les résultats de l’étude montrent que le système d’enseignement influence les connaissances et perceptions des jeunes concernant la forêt. Tous les étudiants des deux communautés estimaient qu’il était important que leur école participe à la protection de la forêt. Ils ont dit que les écoles devraient fournir un soutien en dispensant une instruction et des informations sur la forêt. Pourtant, malgré cette recommandation, les deux groupes communautaires restaient passifs. Ils étaient incapables d’identifier des activités pratiques que leur école pouvait réaliser.

La méthode d’enseignement télésecondaire a joué un rôle de premier plan dans l’éducation des jeunes d’Atécuaro. L’approche intégrée relie toutes les matières à l’environnement et aux questions écologiques. Par ailleurs, l’approche utilisée à San Juan Nuevo donne aux enfants une vision fragmentée de la réalité, car les matières ne sont pas reliées à des programmes et activités forestières. Ce que les enfants apprennent effectivement sur l’environnement est étroitement corrélé à la méthode d’enseignement de l’école et au travail des parents dans les entreprises forestières et dans la communauté (Barraza, 2003). Bien que l’accès à l’information soit important, il faudrait accorder plus d’attention à la façon dont elle est transmise et au rôle des parents dans ce processus afin de garantir que l’information sera bien comprise et assimilée par les jeunes.


CONCLUSIONS

De nombreux problèmes environnementaux restent irrésolus, en partie parce que les gens ne savent pas identifier le problème clairement, ne se rendent pas compte de leur propre rapport avec lui ou ne reconnaissent pas dans quelle mesure il les touche et comment le résoudre (Wood et Walton, 1990).

L’étude décrite dans cet article a révélé que les jeunes gens des deux communautés mexicaines n’étaient pas pleinement conscients de l’état de leurs forêts communautaires. D’une manière générale, ils tendaient à être incertains quant au rôle qu’ils pouvaient jouer. Ils manquaient de connaissances sur les questions forestières et sur les conséquences de la perte de leurs forêts. Ils ne comprenaient pas dans quelle mesure leur vie quotidienne pouvait être influencée par les questions forestières et ne savaient pas comment les traiter. Cependant, ils reconnaissaient que des activités particulières, comme l’abattage excessif, les incendies de forêts et la fabrication de briques figuraient parmi les principales causes des problèmes. Ils se rendaient compte que les forêts procurent des avantages, mais 26 pour cent d’entre eux estimaient que l’oxygène était le seul bien que l’on pouvait tirer de la forêt. Ils savaient qu’il était essentiel de conserver les forêts et que leur perte les affectait, et ils reconnaissaient que des projets et programmes étaient nécessaires pour sauver les terres boisées.

Leur perception de la forêt était très limitée. Ils n’étaient pas à même d’identifier les valeurs biologiques, environnementales et économiques liées aux forêts. Ils ne se voyaient pas comme participant aux processus se déroulant dans la forêt, et ne se considéraient certainement pas comme des agents de changement. Toutefois, ils ont aussi affirmé qu’ils auraient voulu participer aux programmes de gestion des forêts. La proximité d’activités de gestion forestière n’influençait les perceptions, attitudes, sens de la responsabilité et connaissances des étudiants des écoles secondaires dans aucune des deux communautés. A Nuevo San Juan Parangaricutiro, les perceptions, attitudes et connaissances des enfants vis-à-vis des utilisateurs des ressources forestières étaient très similaires à celles des autres jeunes. Le fait de ne pas avoir encouragé le lien entre les utilisateurs de la forêt et les écoles a entravé le transfert d’informations aux différents groupes de la communauté. Il est essentiel d’adopter des méthodes pédagogiques fondées aussi bien sur les expériences quotidiennes des jeunes que sur les théories d’éducation actuelles (CESDER, 1998).

Les méthodes adoptées pour l’enseignement des sciences naturelles dans l’école télésecondaire paraissaient avoir une influence plus favorable sur les connaissances des jeunes concernant l’environnement que celles appliquées dans l’école secondaire fédérale. La participation aux programmes communautaires est essentielle pour promouvoir le comportement responsable.

Pour des communautés dont la principale activité est l’utilisation de la forêt, on peut formuler plusieurs recommandations pour accroître la prise de conscience des questions forestières. Il faudrait mettre au point des programmes de communication pour fournir des informations sur les projets forestiers. On devrait promouvoir la formulation de programmes d’éducation environnementale visant certains groupes de la société dans des milieux structurés et non structurés (les écoles, la forêt, les médias). Les enseignants et les bénéficiaires communautaires des ressources forestières devraient participer activement aux projets d’éducation. Il faudrait créer un lien entre les industries forestières, les communautés et les écoles en vue de promouvoir dans l’ensemble de la population un sens de responsabilité envers l’environnement. Les enfants et les jeunes gens devraient être encouragés à participer aux projets de protection de la forêt et de conservation. Pour promouvoir le respect de la forêt à l’école et au-delà, les activités scolaires et les programmes de foresterie communautaire doivent être coordonnés.

Enfin, les études sur les perceptions, attitudes et connaissances devraient constituer des composantes essentielles des programmes visant l’éducation communautaire et la gestion et la conser-vation des ressources forestières.

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