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Le parcours en foret et l'aléa climatique - un enjeu d'écologie social?

NAGGAR Mustapha


Résumé

En Afrique du Nord, plus qu’ailleurs probablement, des systèmes d’élevage incluent des ressources fourragères issues de la forêt. Le poids de cette composante dans le bilan fourrager reste tributaire de l’ampleur de l’aléa climatique et des possibilités de mobilité des troupeaux et des hommes par transhumance ou nomadisme.

Ainsi, lorsque la sécheresse se prolonge, c’est toujours la forêt qui subira le contrecoup des aléas climatiques par une surcharge pastorale. Les répercussions de ce pâturage sont très négatives sur la régénération naturelle, le devenir des écosystèmes forestiers et la conservation de leurs ressources.

L’aboutissement d’une stratégie sylvo-pastorale durable n’est possible, en cas de sécheresse, que par l’adaptation des aménagements aux modalités et pratiques d’exploitation de l’espace pastoral en forêt, et la prise en compte des enjeux environnementaux liés à l’impact du parcours sur l’évolution des peuplements forestiers.

Mots clés: Sylvo-pastoral, forêt, ressources fourragères, sécheresse.


I. Introduction

Le concept méditerranéen repose sur une référence climatique commune à l’ensemble des pays du bassin méditerranéen : un été sec et chaud, un hiver pluvieux et froid et une variabilité climatique importante. Si historiquement, le bassin méditerranéen est à l’origine de la domestication des céréales, de celle des petits ruminants et de la maîtrise de l’eau, les espaces pastoraux et sylvo-pastoraux y occupent une étendue de près de 200 millions d’hectares sans compter les zones désertiques.

Les parcours méditerranéens sont caractérisés par des périodes de végétation plus ou moins longues et par conséquent par des variations importantes de la quantité et de la qualité des ressources fourragères disponibles. La plus grande partie de l’espace méditerranéen produit moins d’une tonne de matière sèche par hectare et par an. Dans leur état actuel, les parcours ne sont exploitables que sous une forme extensive impliquant une grande mobilité des troupeaux pour que ceux-ci bénéficient de la complémentarité entre les différentes zones de pâturage (nomadisme, transhumance...).

Face à cette situation, l’éleveur doit satisfaire la demande alimentaire de son troupeau malgré une offre irrégulière et non prévisible. Ainsi, l’équilibre fourrager recherché est forcément un équilibre instable dont le maintien dépend de son degré de souplesse et de flexibilité par rapport aux aléas climatiques et aux perturbations de la conjoncture économique dans la quelle le système opère.

II. Indicateurs du parcours en foret

2.1. Importance des ressources pastorales par type de forets

Au Maroc les forêts couvrent une superficie de près de 9 millions d’hectares y compris les nappes alfatières, soit environ 30 % des parcours naturels. Les formations les plus importantes sur le plan pastoral sont les chênaies vertes, les arganeraies, les suberaies, les callitraies, les juniperaies (particulièrement le génévrier thurifère de haute montagne), les nappes alfatières et les formations à acacia saharien.

Les parcours forestiers fournissent en année normale près de 1,5 milliards d'unités fourragères (cf tableau n° 1) et constituent une réserve fourragère importante susceptible de mettre cheptel national, à l'abri des aléas climatiques. Les parcours forestiers contribuent pour 17 % des apports du bilan fourrager national et peuvent atteindre jusqu'à 80 % du bilan fourrager en zone forestière telle la région du haut Atlas.

Tableau n° 1: Importance des ressources pastorales par type de forêts.


Superficies

Ressources fourragères des forêts

Forêts

x 1000 ha

%

UF/ha

En millions d'UF

%

- Chênaies vertes

1.370

15,2

325

440

29,5

- Nappes alfatières

3.160

35,2

115

360

24,0

- Arganeraies

830

9,2

370

308

20,2

- Suberaies

350

3,9

325

120

7,4

- Tetraclinaies

610

6,8

155

90

6,2

- Cédraies

140

1,5

400

55

3,7

- Autres formations

2.540

28,2

50

127

9,0

TOTAL

9.000

100,0

170

1.500

100,0

Le tableau ci-dessous donne la production fourragère par type de formations forestières, et montre que les forêts de chêne vert, d'arganier et les nappes alfatières constituent les principaux parcours forestiers puisqu'ils représentent 59,6% de la superficie totale des forêts et fournissent 73,7 % des ressources pastorales des forêts.

Globalement les forêts fournissent environ 1,5 milliards d'unités fourragères, soit 17 % des apports du bilan fourrager national évalué à 8,86 milliards d'unités fourragères. Les ressources pastorales des forêts représentent, après les chaumes et les pailles, le poste le plus important des disponibilités fourragères nationales.

2.2. Importance du cheptel pâturant en foret

L'effectif du troupeau pâturant en forêt est estimé à 10 millions de têtes. L'importance relative et la répartition du troupeau pâturant en forêt sont données dans le tableau ci-après.

Tableau n° 2: Importance du troupeau pâturant en forêt:

Espèces

Cheptel national

Troupeau pâturant en forêt


(x 1000 têtes)

(x 1000 têtes)

%

- Caprins

5.700

4.000

70

- Ovins

16.800

5.200

31

- Bovins

2.400

800

32

TOTAL

24.900

10.000

40,3

Le tableau ci-dessus montre que la forêt contribue à l'affouragement régulier d'environ 40 % du cheptel national et que cette contribution pourrait même doubler en périodes ou années de sécheresse puisque la forêt reste le seul refuge sur lequel se rabattent les troupeaux. Egalement, on note l'importance des troupeaux caprins pâturant en forêt est le plus élevé soit 70% du cheptel caprin national. Compte tenu de ces éléments et des capacités des caprins de pratiquer le pâturage aérien des peuplements forestiers ce qui engendre une surexploitation des ressources sylvo-pastorales.

2.3. Modalités et pratiques pastorales en forêt

Le Maroc, par ses reliefs, ses climats fortement contrastés et l’étendue des parcours forestiers offre une remarquable diversité pour tout ce qui touche à la structure des formations végétales associées à ces parcours et aux modes de vie des populations pastorales qui s’y rattachent. La pratique du parcours en forêt se réfère à des concepts traditionnels de l’élevage extensif et sur une utilisation collective des ressources pastorales.

Par le passé, ces pratiques reposaient sur la complémentarité des différents espaces de parcours en forêt et hors forêt (transhumance, nomadisme...) et les collectivités imposaient des mises en défens temporaires (Agdal) pour régénérer les parcours et prolonger la période de pâturage.

Actuellement, et vu l’ampleur de l’essor démographique, la sédentarisation des pasteurs, la progression de l’économie marchande et la récurrence des sécheresses, les modes et pratiques d’utilisation des parcours forestiers ont subi de profondes mutations.

Pour illustration, on présente ci-après les modalités et pratiques pastorales dans la région du Moyen Atlas - Plateau central réputée par le système de transhumance entre le Dir et l’Azarhar.

Les montagnes pastorales du Moyen Atlas constituent une région privilégiée par l’existence de sources abondantes et par un étagement propice des conditions climatiques. Les formations forestières à intérêt pastoral sont essentiellement à base de chêne vert, suivi des formations de cèdre (plus de 1.600 m d’altitude). L’élevage dans la zone est du type extensif essentiellement à base d’ovins de race Timahdit. Les pasteurs de la région qui par un genre de vie et des habitats adaptés, utilisent de façon alternée les ressources de la montagne en été, les chênaies vertes du Dir en printemps, et l’espace pastoral qu’offre l’Azarhar en hiver : exploitation saisonnière de ces domaines entre lesquels se jouent la transhumance, et à l’intérieur de chacun de ces domaines utilisation des différents parcours collectifs ou privés complémentaires de la forêt.

La région Moyen Atlas - Plateau Central, intègre deux (2) domaines géographiques dont l’association est destinée à illustrer leur complémentarité, qui s’exprime par des déplacements réciproques entre les 2 régions par le biais d’une transhumance des troupeaux qui pâturent l’hiver dans les parcours du plateau central (Azarhar) et séjournent sur les forêts du Moyen Atlas depuis la fonte des neiges à leur réapparition en passant par le (Dir) zone de contact entre l‘azarhar et la montagne. Ces différents milieux se distinguent par des traditions collectives des groupes humains qui y vivent qui pour l’exploitation de l’espace pastoral imposaient des mises en défens pour la régénération des ressources (Agdal). Ainsi, la montagne demeure un vaste espace pastoral tandis que l’avant pays est devenu davantage un espace agricole et les éleveurs continuent à valoriser la complémentarité de ces deux domaines.

Sur le plan pastoral, on distingue trois (3) grands types de parcours en forêt, soient :

* La cédraie pure et à chêne vert commence aux altitudes supérieures à 1600 m, elle constitue un parcours typique de fin d’été - début automne quand les pelouses d’altitude épuisées par le surpâturage continu du printemps à la fin d’été, n’offrent plus de ressources fourragères. La production fourragère est très variable selon la densité du couvert arboré et peut atteindre jusqu’à 450 UF/ha sous les cédraies claires.

* Les Chênaies : Ces parcours se situent sous la cédraie soit à une altitude entre 1200-1650 m font l’objet de deux (2) types d’exploitation.

i) au cours des transhumances de printemps et d’automne qui ont lieu entre l’Azharar et la montagne, elle fait l’objet d’un surpâturage mais aussi d’ébranchage si les conditions climatiques difficiles se prolongent.

ii) un pâturage permanent est exercé tout au long de l’année dans les chênaies du Dir, en bordure des terres de cultures.

* Chênaies à oxycèdre : Cette formation située à une altitude entre 900 et 1250 m, constitue la seule formation arborée de l’Azarhar où elle s’étend généralement sur des reliefs schisto-gréseaux. La chênaie à oxycèdre se présente comme un taillis très ouvert, et constitue un parcours d’hiver par excellence.

III. Problématique du sylvo-pastoralisme et aléas climatiques

3.1. Le sylvo-pastoralisme et la problématique du développement durable

La forêt offre un espace pastoral privilégié par la nature, la diversité et la richesse des espèces floristiques qui la constituent. Ces espèces à base d’arbres, d’arbrisseaux et d’espèces buissonnantes à feuilles persistantes offrent en toute saisons par leurs ramures, leurs jeunes pousses et leur phytomasse foliaire accessible, des disponibilités fourragères tout au long de l’année. Cette particularité des parcours forestiers les différencie des autres parcours hors forêt dont la production fourragère reste fort dépendante des aléas climatiques. De ce fait, dès que la sécheresse se prolonge on observe une limitation de la production des pâturages à herbacées, c’est toujours la forêt qui subira, par un surcharge supplémentaire, le contrecoup des aléas climatiques.

Dans un contexte international où les préoccupation environnementales se sont de plus en plus imposées face aux objectifs purement économique, la notion de développement durable a progressivement émergé pour exprimer la nécessité d’une conciliation entre objectifs de développement et de préservation des ressources naturelles. Comme, il importe de mettre l’accent sur la dimension spatiale et territoriale de la durabilité, impliquant une approche globale des différentes composantes (aspects sociaux économiques, démographiques, écologiques...).

Pour la thématique du sylvo-pastoralisme en rapport avec le développement durable, la question principale peut être formulée de la façon suivante :

Quelle approche envisager, pour des systèmes d’élevage extensif en difficulté, dans une perspective de développement sylvopastoral durable?

Cette question peut être scindée en 3 sous questions:

Pour répondre à ce questionnement, le présent article se propose de présenter les répercussions et l’impact des aléas climatiques sur les ressources sylvopastorales et de dégager les éléments de base du programme d’action à entreprendre.

Avant d’aborder ces points, il semble opportun de présenter Le pourquoi du thème: le parcours en forêt constitue un domaine d’intersection entre la forêt entant que domaine privé de l’état et les droits d’usage dont il est grevé (notamment le parcours) et qui sont dédiés aux populations riveraines (usagers). Ce domaine d’intersection va s’élargir ou se rétrécir selon un système d’accordéon rythmé par les aléas climatiques. Ainsi, en bonne année climatique, le parcours en forêt reste limité à la végétation herbagère (parcours direct) alors qu’en année de sécheresse les bergers pratiquent des écimages et ébranchages des peuplements forestiers pour subvenir aux besoins fourragers du cheptel et par conséquent le parcours s’étend aux strates arborée et arborescente (parcours indirect).

3.2. Conséquences et répercussions des aléas climatiques sur les ressources sylvo-pastorales

Les analyses socio-pastorales engagées dans les différents écosystèmes forestiers, ont révélé les principales contraintes ci-après.

· Surpâturage:

Les aléas climatiques affectent directement la conduite alimentaire du cheptel à travers une prolongation de la période du séjour et une amplification de la charge pastorale en forêt d’où une forte dépendance du bilan fourrager des ressources fourragères offertes par la forêt.

Par ailleurs, la récurrence des sécheresses va engendrer un avortement du cycle végétatif des espèces pastorales qui n’arriveront pas à maturité ce qui conduira à une diminution du stock en semences au sol et une perte de la biodiversité pastorale. Ainsi, on assiste à une multiplication des espèces envahissantes au détriment des espèces appétables et des annuelles par rapport aux pérennes qui habituellement permettent la prolongation de la période de pâturage et à supporter partiellement le contrecoup des aléas climatiques.

· Généralisation des pratiques d’écimage des peuplements forestiers

Par sa phytomasse verte, persistance et mobilisable tout au long de l’année, les peuplements forestiers notamment les feuillus (chêne vert, chêne liège, arganier.....) voire même les résineux (cèdre et thuya) restent sujets à des ébranchages et écimages dont les produits vont servir de fourrage d’appoint pour le cheptel des zones forestières et péri-forestières. Ces pratiques anarchiques vont conduire à l’affaiblissement physiologique des arbres ce qui entraîne à la longue une dédensification et à la réduction du couvert forestier. Il s’agit là d’une menace pressante qui risque d’hypothéquer l’avenir et le devenir l’écosystème forestier et de sa structure d’équilibre.

Egalement, les bergers habitués aux pratiques d’écimages en année de sécheresse, vont épouser ces pratiques même lors de bonnes années climatiques sans s’efforcer à conduire le cheptel à rechercher les disponibilités fourragères sur les différents terroirs de parcours.

En définitive, le parcours en forêt passe d’un pâturage direct du bétail sur la strate herbagère en année climatique normale à un parcours indirect à travers des pratiques d’écimage et d’ébranchage sur les peuplements forestiers en période de sécheresse.

· Désorganisation du système d’exploitation de l’espace pastoral

Les aléas climatiques vont se traduire par une grande circulation des troupeaux vers les forêts et les axes de transhumance conventionnelles céderont la place à des transhumances conjoncturelles décrites ci-après:.

- Les troupeaux ovins des zones steppiques de l’oriental vont se réfugier vers les massifs forestiers de Debdou et de Bouiblane dans le Moyen Atlas du Nord-Est.

- Les troupeaux caprins et camelins de provinces du Sud vont se cantonner dans l’arganeraie du Sud-Ouest.

- Les forêts du Moyen Atlas serviront d’espace pastoral pour les zones des plaines agricoles et la Meseta Côtière et du plateau central.

- Les troupeaux des Oasis du Sud vont trouver refuge dans les versants sahariens du Haut Atlas tandis que les versants nord seront utilisés par les troupeaux des zones agricoles Abda-Ahmar, Al Haouz, Chichaoua, Chiadma et Sraghna.

- Par contre, les troupeaux du Gharb vont sur les suberaies atlantiques notamment celle de la Mâamora. Les troupeaux de la région du Loukkos et du Pré-Rif s’orientent sur les massifs forestiers du Rif occidental particulièrement dans la province de Chefchaouen.

Il est à signaler que le camion a joué un rôle déterminant dans la multiplication des transhumances conjoncturelles. L’ampleur des troupeaux pâturant en forêt va conduire à l’extension du parcours sur toute l’étendue de la forêt et même les mises en défens assises à des fins de réhabilitation et de régénération de l’écosystème forestier seront violées ce qui engendre un climat de tension entre les éleveurs et les services forestiers.

· Faiblesse de la productivité du système d’élevage.

Malgré les diverses agressions que subit les peuplements forestiers en période de crises énumérées dans les paragraphes ci-dessus, l’efficience du système d’élevage reste très aléatoire à cause de la cherté des aliments de complémentation et la baisse fatale des prix de vente du bétail dans les souks en période de sécheresse. Ainsi, on se trouvera dans un cercle vicieux à l’amont on observe une surexploitation des ressources sylvo-pastorales et à l’aval une faible productivité de l’élevage extensif.

A ce niveau, des analyses économiques en relation avec l’écologique doivent être entreprises pour l’évaluation des dommages subis aussi bien au niveau des peuplements forestiers qu’au niveau des systèmes d’élevage dans l’optique de restaurer l’équilibre sylvo-pastoral susceptible d’améliorer à court et moyen terme les revenus procurés par l’élevage extensif et d’assurer à long terme une gestion durable des ressources pastorales.

IV. Programme d’action en matière d'aménagement sylvo-pastoral

Dans un souci de répondre à la problématique posée du sylvo-pastoralisme et l’aléa climatique, les ingrédients du plan d’action ont été ciblés et hiérarchisés suivant quatre(4) orientations prioritaires.

4.1. Etude concertée d’aménagement sylvo-pastoral

Sur le plan conceptuel, l’étude d’aménagement sylvo-pastoral intègre l’évolution des connaissances, des techniques et des demandes de la société pour devenir un véritable instrument d’une gestion durable des ressources sylvo-pastorales. Il répond à un objectif fondamental de préservation et de transmission du patrimoine naturel:

Il s’agit de procéder à un ensemble d’analyses des ressources pastorales et du milieu socio-économique en rapport avec l’activité d’élevage pour connaître la richesse et les potentialités pastorales et les besoins socio-économiques présents et futurs des populations usagères des forets.

Ces investigations vont permettre l’établissement d’un plan de développement sylvopastoral définissant les règles de gestion et d’utilisation de l’espace pastoral en concertation des éleveurs et tenant compte du poids et de l’impact des aléas climatiques. Pour ce faire, trois (3) scénarios éventuels sont considérés (bonne année climatique, année moyenne et année de sécheresse) pour la mise en oeuvre du plan de gestion pastoral en adéquation des disponibilités fourragères. Et également, la mise en place des bases d’un système d ’entente sociale pour l’encadrement et l’organisation des éleveurs pour une utilisation commune de l’espace pastoral. Ainsi, le processus d’aménagement sylvopastoral est un travail d’apprentissage de longue haleine dont l’aboutissement reste conditionné par l’adhésion des éleveurs au principe organisationnel et la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés par le développement des forêts et de l’élevage.

4.2. Réhabilitation sylvo-pastorale en zones arides et semi-arides

Au Maroc, l’aridité touche plus de 80 % du territoire national, cette situation s’explique la diversité des systèmes de production mixtes adoptés par les paysans dans le but d’amortir le contrecoup des aléas climatiques. L’élevage extensif à base de petits ruminants et les cultures pluviales (notamment l’orge) restent les spéculations dominantes des zones arides et semi-arides qui disposent de vastes étendues de parcours naturels en forêts et hors forêt. Dans ces zones, qui vivent au rythme des aléas climatiques et ne bénéficiant généralement que de modestes investissements, on assiste à une surexploitation des ressources naturelles.

Ainsi, la mise en valeur sylvo-pastorale des zones arides et semi-arides se dégage comme une option socio-économique viable en donnant la priorité aux espèces à usages multiples fournissant du fourrage, du bois de feu, des fruits (cactus, caroubier......) et qui jouent également un rôle dans la protection des sols et de lutte contre l’érosion éolienne.

l’objectif de ces plantations est d’augmenter à court et à moyen terme la production fourragère en vue de décongestionner les parcours, en fournissant une alimentation du bétail moins dépendante des fluctuations pluviométriques, indispensable en période de soudure ou de sécheresse. Ces plantations doivent être intégrées au modèle de rotation pastorale et non gardée comme réserves sur pieds.

4.3. La gestion des mises en défens forestières

Aucune gestion durable d’une forêt ne peut être garantie, si pendant un temps déterminé, une partie de cet écosystème n’est pas mis en défens et régénéré. Pourtant, elle est souvent l’objet de contestation de la part des populations riveraines qui reprochent la mise en défens d’une partie de la forêt pour une période souvent trop longue (10 à 20 années) selon les espèces forestières. Comme, il s’agit par cette acte de sauver une forêt qui vieillit et qui a besoin d’être rajeunie, l’enjeu ici est de sauver la forêt sans pour autant négliger l’intérêt des usagers. Dans cette perspective et pour appuyer les efforts consentis pour la régénération et la reconstitution des forêts naturelles, le Ministre Chargé des Eaux et Forêts a promulgué (Loi de Finances 1999-2000) un décret pour l’octroi des compensations aux populations usagères affectées par les mises en défens à condition que celles-ci soient organisées en coopératives et associations forestières dans un souci d’associer les populations usagères aux efforts de développement et de garantir la durabilité des investissements forestiers. L’Arrêté d’application de ce decret est publié au bulletin officiel du 2 mai 2002. Celui-ci a précisé que la superficie minimale bénéficiant de la compensation est 300 ha, le montant de la compensation est fixé à 250 dh/ha et que les zones objet de compensation doivent faire l’objet d’un aménagement sylvo-pastoral concerté. Une telle approche a pour finalité de susciter l’adhésion des usagers aux efforts de développement durables des ressources forestières.

4.4. Mesures incitatives

Les parcours forestiers offrent un potentiel intéressant pour l’élevage extensif qui constitue une activité socio-économique vitale pour les populations des zones forestières et périforestières. De ce fait, les politiques futures devraient se concentrer sur la durabilité des ressources naturelles et une meilleure efficacité des systèmes d’élevage extensif en forêt (en abandonnant l’augmentation des effectifs).

Dans l’état actuel des connaissances, les principales recommandations se résument comme suit :

V. Conclusion

Dans les zones forestières et péri forestières, les efforts à entreprendre ont pour objectif d’essayer de concilier entre les bénéfices productif et économiques à court et moyen terme des systèmes de production agricole et la sauvegarde et la gestion à long terme des ressources naturelles.

Dans ce sens, les axes d’interventions à entreprendre vont dans le sens de favoriser l’accès des populations rurales à des alternatives économiquement viables et compétitives qui permettraient d’abandonner les pratiques culturales, pastorales et forestières nuisibles à l’environnement, aux quelles ils sont actuellement obligés de s’adonner pour assurer leur survie. Egalement, de mettre en place des espaces de concertation pour l’établissement de règles communes pour la gestion concertée des ressources collectives en mettant l’accent plus sur la mise en place des infrastructures rurales de base susceptibles de valoriser au mieux les productions agricoles.

Bibliographie

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Banque mondiale, 1995. Une stratégie de développement des parcours en zones arides et semi-arides. Rapport technique MAROC. 82 p..

Le Grand Livre de la Foret Marocaine, 1999. Edition Mardaga de Belgique. 280 p.

Ministère Chargé des Eaux et Forets, 1999. Le Programme forestier National, Rapport de synthèse. 95 p.

Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), 1989. Bilan de trente ans de développement pastoral dans le bassin méditerranéen. 126 p.

M’hirit O. ,1999. La foret méditerranéenne : espace écologique, richesse économique et bien social. Revue UNASYLVA- Spécial Foret Méditerranéenne- Vol 50 ; n° 197. PP : 3-15.

Naggar M. , 2000. Eléments de base d’une stratégie de sylvo-pastoralisme en Afrique du Nord. Options Méditerranéennes, série A ; n° 39. PP : 191-202.