0239-B1
Catherine Périé[1]
et Rock Ouimet[2]
La forêt québécoise représente 2 %[3]de lensemble des forêts mondiales. Plus de la moitié de la forêt québécoise se situe en forêt boréale et représente près de 10[4]% de la forêt boréale mondiale. Suivre létat de santé de cette forêt est donc dune très grande importance de par sa représentativité, mais également parce que la forêt boréale est la forêt la plustrès vulnérable aux changements environnementaux, notamment les changements climatiques ou la pollution atmosphérique. À la fin des années 80, le gouvernement québécois sinquiète du dépérissement des érablières et décide, en accord avec lindustrie forestière, de mettre en place un réseau détude et de surveillance de la forêt québécoise commerciale, le RESEF. Ce réseau est actuellement composé de 30 stations dispersées dans les principaux écosystèmes de la forêt québécoise. Installées de façon permanente sur lensemble du territoire forestier commercial et réparties dans diverses régions écologiques, ces stations sont situées dans des zones protégées: terres publiques, parcs, centres éducatifs forestiers, réserves écologiques et propriétés corporatives. Chaque station, dune superficie dun quart dhectare pour les stations à dominance résineuse ou dun demi-hectare pour celles qui sont à dominance feuillue, est entourée dune zone tampon de 100 m. Aucune intervention humaine, autre que la récolte d'échantillons à des fins de recherche n'y est autorisée. Un ensemble de variables caractéristiques des différents compartiments de lécosystème forestier sont périodiquement mesurées. On peut par exemple citer des inventaires phytoécologiques ou de régénération, des mesures dendrométriques, des analyses foliaires ou encore des mesures de fertilité des sols. Cette cueillette régulière de données permet de documenter les caractéristiques intrinsèques de chaque écosystème et détudier leur dynamique naturelle. Elle permet également dévaluer limpact des changements environnementaux, comme les changements climatiques ou la chimie des dépôts atmosphériques, sur lévolution de ces écosystèmes naturels.
Mots clés: monitoring, suivi dans le temps, écosystèmes forestiers
«Renforcer le bien-être des populations en pratiquant une gestion durable des arbres et des forêts du monde» telle est la mission que sest donnée lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture[5]. Pour remplir un tel objectif, la connaissance des caractéristiques intrinsèques des différents écosystèmes forestiers mondiaux est primordiale, de même que la connaissance des différents impacts de lactivité humaine sur ces écosystèmes.
La forêt québécoise représente 2 % de lensemble des forêts mondiales. Plus de la moitié de la forêt québécoise se situe en forêt boréale et représente près de 10 % de la forêt boréale mondiale. Suivre létat de santé de cette forêt est donc dune très grande importance de par sa représentativité mais également parce que la forêt boréale est vulnérable aux changements environnementaux, notamment aux changements climatiques et à la pollution atmosphérique. À la fin des années 80, en raison des préoccupations et des engagements du gouvernement du Québec et de lindustrie forestière face aux stress environnementaux et à laménagement forestier durable, un réseau a été mis en place pour réaliser le suivi de létat de santé des écosystèmes forestiers (RESEF). Sa principale vocation est de recueillir des informations objectives et à long terme sur le climat, le statut nutritif des peuplements forestiers ainsi que la qualité de lair. Par ce suivi, on veut être capable de détecter des changements à long terme dun certain nombre de paramètres clés, de déterminer lamplitude de ces changements, ainsi que les impacts quils pourraient avoir sur létat de santé de la forêt québécoise. Ce réseau est un réseau de placettes permanentes, dune durée de vie dau moins 30 ans. Les premières places détude ont été installées en 1987, suite à lobservation du dépérissement des érablières dans le sud du Québec. Depuis, de nouvelles places détude sont régulièrement ajoutées au réseau, qui en compte actuellement 30 en opération, établies partout à travers le Québec forestier commercial. Le Réseau de mesure des polluants atmosphériques en milieux agricole et forestier du Québec (REMPAFAQ) ainsi que le Réseau déchantillonnage des précipitations du Québec (REPQ), tous deux gérés par le ministère de lEnvironnement, sont les instruments essentiels à la collecte des données climatiques ainsi que de celles portant sur la qualité chimique des précipitations et de lair ambiant.
Le RESEF vient également satisfaire la volonté dorganismes internationaux qui, depuis plusieurs années, préconisent létablissement de réseaux permanents de surveillance des grandes forêts mondiales, afin de pouvoir recueillir un ensemble de données de références fondamentales qui pourraient permettre de découvrir les causes, mais surtout de proposer des solutions aux problèmes de santé ou de croissance de certains écosystèmes forestiers mondiaux. Ce réseau se joint à dautres réseaux internationaux de surveillance des écosystèmes forestiers comme par exemple les réseaux européens RENECOFOR (Ulrich 1993), ICP-FOREST (CEE/NU 2001), ou ici en Amérique du nord, le réseau NAMP (Millers and Lachance 1989).
Les principaux objectifs du RESEF sont:
· de fournir des informations approfondies sur les caractéristiques intrinsèques des principaux écosystèmes rencontrés en forêt québécoise commerciale;
· de suivre la dynamique à long terme des écosystèmes forestiers naturels;
· dévaluer limpact des changements climatiques sur lévolution de ces écosystèmes
· détablir des relations entre les facteurs de stress environnementaux comme les dépôts atmosphériques ou les changements climatiques et la réaction de ces écosystèmes;
· de prédire, au moyen de la modélisation, limpact potentiel des opérations sylvicoles comme la récolte sur ces écosystèmes;
· de standardiser et décrire les protocoles de mesure, de valider les bases de données, afin de fournir à lensemble de la communauté scientifique des données validées et documentées.
Trois rapports décrivent en détails lensemble de la méthodologie utilisée dans le RESEF (Gagnon et al. 1994a, Gagnon et al. 1994b, Saint-Laurent et al. 1995)
En 2002, le réseau est constitué de 30 stations permanentes, réparties partout à travers le Québec forestier commercial. Trois sous zones de végétation sont ainsi explorées; du sud au nord du Québec on trouve successivement la forêt décidue, la forêt tempérée nordique puis la forêt boréale continue (Figure 1). Les stations à dominance résineuse ont une superficie dun quart dhectare alors que celles à dominance feuillue ont une superficie dun demi hectare (Gagnon et al. 1994b). Ces stations, protégées à titre de «forêts dexpérimentation et de recherche», sont situées dans des zones ayant des tenures différentes telles les terres publiques, les parcs, les centres éducatifs forestiers, les réserves écologiques et les propriétés corporatives. Elles sont représentatives du peuplement qui domine le paysage de la région où elles se situent. Le peuplement forestier de la station est dâge moyen et en pleine croissance. Chacune est entourée dune zone de protection de 100 m et aucune intervention sylvicole ny est autorisée. Les stations sont situées à au moins 50 km de toutes sources de pollution locale. La plupart se situent à moins de 2 km dune station de mesure des polluants atmosphériques et dune station météo. Les mesures destructrices comme les prélèvements de sol ou de feuillage sont réalisées dans la zone tampon qui entoure chaque station, tandis que les mesures non destructrices comme les inventaires écologique ou de régénération ou encore les relevés dendrométriques sont réalisées à lintérieur même des stations.
Trois stations du RESEF ont un statut particulier car elles font partie dun monitoring intensif à léchelle du bassin versant.
Le RESEF a été conçu de manière à ce que tous les paramètres fondamentaux de lécosystème forestier soient mesurés et observés selon une même méthode standardisée afin de pouvoir en faire un suivi à long terme et ainsi, plus facilement pouvoir interpréter les phénomènes observés. Il sagit donc du niveau de base de suivi des paramètres observés. Cependant, 3 stations font lobjet dun suivi plus intensif car elles font partie dun projet de monitoring de bassin versant.
Le tableau I récapitule lensemble des mesures effectuées pour chaque niveau dintensité de suivi ainsi que la périodicité des mesurages.
Tableau I: Aperçu des mesures effectuées au sein du Réseau détude et de surveillance des écosystèmes forestiers et périodicité à laquelle ces mesures sont réalisées.
Mesures effectuées |
Fréquence de mesurage |
Pour lensemble du RESEF (niveau 1 dintensité déchantillonnage) |
|
Description géographique des places détude |
Tous les 10 ans |
Identification, numérotation et positionnement de toutes les tiges de plus de 1.1 cm de diamètre |
Tous les 5 ans |
Diamètre, hauteur, hauteur du fût, hauteur et diamètre de la cime |
Tous les 5 ans |
Relevé des défauts de tige |
Tous les 5 ans |
Inventaire phytoécologique |
1 fois, lors de létablissement |
Inventaire de la régénération |
Tous les 5 ans |
Dendrochronologie |
1 fois, lors de létablissement |
Analyses foliaires (macro et micro éléments) |
Tous les 5 ans |
Description pédologique |
1 fois, lors de létablissement |
pH, Macro et micro éléments totaux et échangeables |
Tous les 5 ans |
Structure des horizons de sol |
Tous les 5 ans |
Texture des horizons de sol |
1 fois, lors de létablissement |
Dans les 3 bassins versants (niveau 2 dintensité déchantillonnage) |
|
Données météorologiques standards |
Toutes les heures |
Analyses des précipitations (dépôts humides: pH, K, Ca, Mg, Mn, SO4, Na, Cl, NH4, NOx) |
Tous les jours |
Chimie de leau dans lensemble du bassin versant |
Toutes les semaines |
Récolte et analyses chimiques de la litière |
Tous les ans |
Systématiquement, lors de létablissement de la station, un inventaire phytoécologique est réalisé à lintérieur de la placette. Une description de la végétation arbustive, herbacée, muscinale et lichénique est effectuée.
Dans la placette, toutes les tiges de plus de 1.1 cm de diamètre sont identifiées, numérotées et géoréférencées. Les mesures dendrométriques classiques sont prises sur ces mêmes tiges. De plus, 5 arbres localisés dans la zone tampon sont carottés pour déterminer lâge approximatif du peuplement.
Lors de létablissement de la station, dans la zone tampon de chaque station, 10 arbres de lespèce dominante et 5 de chaque espèce compagne sont carottés pour réaliser des études de dendrochronologie. Ces données pourront également servir à réaliser des études de dendroclimatologie ou de dendrogéochimie.
La description des principales caractéristiques de lhabitat renseigne sur les formations géologiques, géomorphologiques et pédologiques de chaque station. Plusieurs pédons sont creusés dans chaque station (4 dans les stations à dominance résineuse et 6 dans les stations à dominance feuillue). Chaque horizon du profil de sol est soigneusement décrit et échantillonné. La chimie des horizons ainsi que leur texture sont déterminées au laboratoire. Toutes les autres caractéristiques sont documentées à partir dobservations de terrain (structure, couleur, limites, etc.).
Des échantillons foliaires sont également prélevés afin de connaître létat nutritif des différents peuplements et de déterminer ses variations en fonction de la fertilité des sols et de son évolution. Ces analyses pourront servir de base lors de la détermination de seuils de carence dans les écosystèmes perturbés. Vingt individus de lessence dominante et cinq de chaque essence compagne sont prélevés pour effectuer ce suivi. Le prélèvement du feuillage se fait lorsque les arbres sont à leur plein développement et surtout, avant les premiers signes automnaux, soit généralement entre le 15 juillet et le 15 août.
Lapport déléments, aussi bien nutritifs quacidifiants ou fertilisants, par les précipitations ou les poussières est reconnu comme étant lun des facteurs qui pourrait modifier le fonctionnement des écosystèmes.
Les stations sont jumelées, pour la plupart, à des stations de mesure de polluants atmosphériques (REMPAFAQ) et de données climatiques (REPQ). Ces deux réseaux sont gérés par le ministère de lEnvironnement du Québec.
Cependant, dans les trois bassins versants étudiés dans le RESEF, ces mêmes données sont recueillies par nos propres installations (Tableau 1).
À ce jour, seules les dépositions humides sont prises en compte.
Il est primordial dans la gestion dun tel réseau, réunissant autant de disciplines et de mesures, deffectuer une gestion efficace des données. Toutes les données sont informatisées et stockées dans des bases de données. Ces données doivent être validées et documentées. Il est également important de bien documenter la méthodologie de prise de mesure ainsi que celle de validation.
Il y a 10 ans, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est tenue à Rio de Janeiro, Brésil, a pris l'engagement d'uvrer en vue d'assurer la gestion durable, la conservation et le développement de tous les types de forêts. Le RESEF, initiative québécoise de suivi de lécosystème forestier naturel sinscrit en droite ligne dans cette nouvelle approche de gestion de la forêt. En permettant une meilleure connaissance des caractéristiques intrinsèques des écosystèmes forestiers, mais également en permettant dessayer de mieux comprendre les impacts des activités humaines sur ces écosystèmes, les réseaux de monitoring tels le RESEF trouvent toute leur justification.
CEE/NU. 2001. État des forêts en Europe. Institut fédéral de recherche sur la forêt et les produits forestiers, Genève et Bruxelles.
Gagnon, G., C. Gravel, R. Ouimet, N. Dignard, R. Paquin, et G. Roy. 1994a. Le réseau de surveillance des écosystèmes forestiers (RESEF). I - Définitions et méthodes. Mémoire de recherche forestière N° 115, Gouvernement du Québec. Ministère des Ressources naturelles du Québec. Direction de la recherche forestière, Québec.
Gagnon, G., C. Gravel, R. Ouimet, N. Dignard, R. Paquin, et J. Jacques. 1994b. Le réseau de surveillance des écosystèmes forestiers (RESEF). II - Description des places d'étude et de données de base. Mémoire de recherche forestière n°116, Gouvernement du Québec. Ministère des Ressources naturelles du Québec, Québec.
Millers, I., et D. Lachance. 1989. North American sugar maple decline project - Cooperative field manuel. U.S. Department of Agriculture, Forest Service and Forestry Canada.
Saint-Laurent, S., C. Camire, et R. Ouimet. 1995. Méthodologie d'échantillonnage des sols du Réseau de surveillance des écosystèmes forestiers (RESEF) et préparation des échantillons pour fins d'analyses. Rapport interne n°398, Gouvernement du Québec. Ministère des Ressources naturelles du Québec, Québec.
Ulrich, E. 1993. Réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers - Brève description. Office National des forêts, Nancy.
[1]
Biologiste [2] Ing.f., Ph.D [3] chiffre annonce dans la page daccueil du site du MRN [4] exactement 8 % daprès mes calculs, mais ce chiffre a été calcule à partir de différentes sources donc en mettant près de 10% je ne me trompe pas [5] http://www.fao.org/forestry/index.jsp |