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Influence de la provenance des semences sur le développement des plants forestières en pépinière : cas d'Acacia auriculiformis A. Cunn. ex Benth.

André Mahoutin TANDJIEKPON ¹ et Jean DAH-DOVONON ²

Résumé

Acacia auriculiformis est l'essence forestière la plus utilisée pour la production de bois de feu et de service et pour l'agroforesterie au Bénin. Son amélioration génétique devrait permettre d'accroître sa productivité. L'étude de provenance est l'une des voies pouvant conduire à l'amélioration du matériel de propagation de l'essence à travers l'identification des sources de semences les mieux adaptées aux conditions écologiques du Bénin. Dans ce cadre, sept provenances diverses de semences de cette espèce ont été testées pour en connaître leurs performances et en sélectionner les meilleures pour le développement. Au terme de l'expérimentation qui a duré 110 jours en pépinière, il a été prouvé que la le facteur provenance des semences influence considérablement le développement des plants. Les paramètres évalués portent sur la hauteur des plants (12,1 à 26,5 cm), le nombre moyen de feuilles par individu (9,4 à 18,3), la largeur des feuilles (1,0 à 2,1 cm), la longueur des feuilles (11,1 à 15,3 cm), le rapport largeur à la longueur des feuilles (8,6 à 13,9 %) et le taux de germination (53,92 à 81,08%). Les trois provenances les plus performantes sont celles de références Pahou du site de Pahou au Sud-Bénin, SSO Fiji PNG de l'île de Fidji et Oriomo Prov WP de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ces données recueillies à l'étape de pépinière restent à être confirmées à travers le comportement des différentes provenances en plantation.

Abstract

Acacia auriculiformis is the most used forest species for firewood and timber production as well as agroforestry in Benin. The plant material's improvement should allow to increase its productivity. The source study is one way leading to this improvement through the identification of the seeds sources most suitable to the ecological conditions of Benin. Thus, seven seeds sources were tested in order to know their performance and to select the best. At the end of the observations that lasted 110 days, it was proved that seed source influences a lot plants growth. The performance's variability is on the plant's height (12.1 to 26.5 cm), the average number of leaves per plant (9.4 to 18,3), the leaves' width (1.0 to 2.1 cm), the leaves' length (11.1 to 15.3 cm), the ratio leaves width/leaves' length (8.6 to 13.9 %) the germination's rate (53.92 to 81.08 %).The three best sources were Pahou from south-Benin, SSO Fiji PNG of Fidji Islands, Oriomo Prov WP of Papouasia-New-Guinea. The data collected in nursery need to be confirmed through the sources behaviour in field.

1. Introduction

Introduit au Bénin au cours des années 1979-1980, Acacia auriculiformis est aujourd'hui l'espèce agroforestière la plus plantée dans le pays et contribue pour une part importante à la satisfaction des besoins en bois-énergie et de service de la région méridionale (photo1). Les résultats spectaculaires obtenus avec l'espèce, en terme de croissance et de la production de biomasse, ont très tôt convaincu divers projets et programmes de développement forestiers ainsi que des planteurs privés à s'intéresser à cette essence, pour la production de bois de feu et de service, la reconstitution des terres dégradées, la lutte contre les mauvaises herbes et la protection des sites sensibles à l'érosion, tant hydrique qu'éolienne. Cette espèce est surtout appréciée au Bénin et dans bon nombre de pays tropicaux en raison de sa croissance très rapide et son utilité multi-fonctionnelle.

C'est une essence de plantation très ancrée dans les habitudes du paysan béninois parce que pouvant générer entre 4 et 5 ans des ressources financières importantes pour le planteur à travers le bois qu'il produit et l'amélioration de la fertilité de l'espace agricole qu'elle induit. A titre d'exemple, sur le site de Pahou, Tandjiékpon et Dah-Dovonon (1994) ont estimé la productivité de cette essence entre 18 et 22 m ³ /hectare/an pour les plantations âgées de 7 et 8 ans. Ainsi, dans l'hypothèse optimiste, il peut être attendu d'une telle plantation une moyenne de 110 m ³ /hectare de bois au terme d'une première rotation de 5 ans. Des données similaires de productivité étaient déjà annoncées par Pinyopusarerk (1990) qui a observé dans les plantations de 10 à 12 ans une productivité de l'ordre de 15 à 20 m ³ /ha/an et un accroissement en hauteur compris entre 2 et 3 mètres par an.

C'est une essence très plastique qui s'adapte à tous les sols, même les plus pauvres en éléments nutritifs essentiels et a fait ses preuves dans les programmes de reboisement et de reconstitution des terres dégradées au Bénin. En dehors de son utilité énergétique, le bois de l'espèce est fortement exploité aujourd'hui comme produit de sciage pour la construction et la menuiserie (photo 2). L'amélioration de sa productivité s'impose donc afin d'accroître les revenus attendus par les producteurs. L'étude de provenances est l'une des voies pouvant assurer cette amélioration. En effet; les provenances différentes d'une espèce peuvent se comporter de façon différente sur les lieux de leur introduction, car une étude de provenances d'Eucalyptus camaldulensis dans les parcelles âgées de 5 ans au Nigeria a montré que la production peut varier de 25 à 83 m3/ha (Jackson et Odjo, 1973). Outre cette grande différence de productivité ligneuse, les mêmes auteurs ont également noté une amélioration de la forme de la tige et de la densité de la couronne ; ces dernières caractéristiques étant essentielles lorsqu'il s'agit des plantations de production de bois de service et de sciage.

Le lieu de prélèvement des semences forestières est une donnée fondamentale à prendre en compte pour l'introduction d'une espèce dans un milieu à des fins de production ligneuse. Plusieurs auteurs ont donné des définitions diverses du terme provenance (OECD,1974 ; Jones et Burley, 1973 ; Wood et Burley, 1993). Plus précisément, la provenance est l'emplacement des arbres sur lesquels a été prélevé le germplasme ; l'origine étant le lieu où la population a évolué. Un mauvais choix de provenance d'une essence exotique peut en effet compromettre la productivité attendue sur un site donné.

La présente étude a été entreprise pour identifier la ou les meilleures sources de semences pour la plantation et le développement d'Acacia auriculiformis au Bénin. Le but est de mesurer l'influence de la provenance des semences de l'espèce sur le développement et la productivité des plants. Ainsi, les planteurs et gestionnaires forestiers disposeront d'une banque d'informations sur les sources de provenances les plus productives en vue de mieux orienter le choix des sources de semences pour les programmes de boisement à but multiple.

2. Matériel et méthodes

2.1 Caractéristiques du site de l'expérimentation

L'expérimentation a été réalisée à la pépinière située dans l'enceinte de la Direction des Forêts et des Ressources Naturelles à Cotonou, à 10 m d'altitude par rapport au niveau de la mer, à environ 1,5 km de la côte de l'Océan Atlantique qui constitue la limite naturelle sud du Bénin. Ce site est soumis à un climat de type guinéen côtier équatorial caractérisé par deux saisons des pluies de mi-mars à mi-juillet et de septembre à fin octobre. La pluviométrie moyenne calculée sur une période de 18 ans est 1470 mm. Les maxima sont observés en juin et les minima en décembre, janvier et août. Le degré hygrométrique moyen est élevé, de l'ordre de 80 à 90%, et le déficit de saturation reste faible sauf en période d'harmattan en décembre et janvier. La température moyenne est de 27°C. Le sol de cette pépinière est constitué de sédiments marins récents connus sous le nom de sables du cordon littoral dahoméen, et comprennent une importante proportion de sables grossiers. Il est pauvre en bases, azote et phosphore. La nappe phréatique au niveau de ce site est à moins de 1,5 m de la surface du sol.

2.2 Matériel végétal

Sept (07) provenances de semences de Acacia auriculiformis dont une du Bénin ont été testées dans le cadre de cette expérimentation. Leurs références et sources sont indiquées dans le tableau 1.

En dehors de la provenance Pahou récoltée en février 1998 sur le site de recherche de Pahou, au sud-ouest du Bénin, les semences des six autres provenances ont été fournies par le Centre Australien des Semences Forestières du CSIRO ³ en lots de 10 grammes par provenance. Les semences de Pahou sont issues d'une plantation expérimentale installée en juillet 1980 à partir du matériel végétal obtenu de la Station de Lilikopé au Togo, pays voisin du Bénin. Les six provenances reçues de l'Australie sont considérées par les fournisseurs comme les meilleures pour les conditions écologiques du Bénin.

Avant le semis, les semences ont été trempées dans l'eau bouillante où elles ont séjourné pendant 24 heures. Cette opération a permis de lever rapidement la dormance des semences pour une germination homogène et rapide.

Le semis a été réalisé à raison de 3 graines par pot en polyéthylène noir dans un substrat composé de 1/3 de terreau pour 2/3 de terre jaune. L'arrosage est effectué 2 fois par jour, matin et soir. Le démariage a été fait par simple arrachage pour ne laisser qu'un seul plant vigoureux par pot afin d'éviter la concurrence éventuelle qui pourrait être à l'origine de biais dans les résultats.

2.3 Dispositif expérimental

Le dispositif adopté est celui de blocs complets randomisés à trois répétitions. Les sept provenances de semences ont constitué les traitements dans le dispositif et chaque sous-parcelle comporte 20 emplacements (pots) pour 20 plants. Au total, 140 plants ont été installés par répétition (bloc). Les paramètres observés concernent le taux de germination des semences après 21 jours, la hauteur des plants du collet au bourgeon terminal, le nombre de feuilles émises et la taille des feuilles (longueur et largeur) au terme de l'expérience qui a durée 110 jours. Les résultats ont été interprétés au seuil de 5%. Le t test a été utilisé pour comparer les provenances.

3. Résultats et discussions

Les résultats quantitatifs obtenus après 110 jours d'observation se présentent pour chacune des provenances testées comme indiqués dans le tableau 2.

La comparaison des provenances (traitements) indique des différences significatives au seuil de 5%. En effet dans le tableau 2, la provenance Pahou a la meilleure croissance en hauteur avec 26,5 cm, suivie SSO Fiji PNG avec 25,7 cm. Par contre les provenances les moins bonnes sont Roberts Creek (12,1 cm) et Pascoe River (12,5 cm). La comparaison deux à deux des provenances montre que Pahou et SSO FIJI PNG sont meilleures aux cinq autres. Les provenances Oriomo Prov WP et Coen River sont respectivement supérieures aux quatre et trois dernières provenances ayant la faible croissance en hauteur. Enfin, aucune différence significative n'existe entre les trois dernières provenances à savoir Binaturi Prov WP, Roberts Creek  et Pascoe River pour ce qui est de la croissance en hauteur. Ces résultats confirment les données enregistrées dans un essai comparatif de 17 provenances de Eucalyptus cloeziana au Congo par Bouvet et Delwaulle (1983). Ces auteurs avaient observé que la meilleure provenance avait une hauteur de 20,7 m alors que la moins intéressante n'avait que 10,9 m après 65 mois de végétation. Cette variabilité de croissance en hauteur des provenances d'acacia est certainement liée aux aptitudes génétiques des semences utilisées. Ainsi, les meilleures provenances pourraient conserver toute ou une partie de leurs caractéristiques après transfert en plantation dans les conditions écologiques similaires à celles de leur origine. Par conséquence, on devra s'attendre logiquement à des peuplements plus homogènes et plus productifs à partir des provenances efficientes sélectionnées. La seconde conséquence de cette variation de performance est que, d'une part, le séjour en pépinière des plants sera plus long ou plus court selon que la provenance semée croît plus vite ou non, et, d'autre part, la productivité en plantation sera plus élevée et la durée de rotation pourrait être plus courte. Ainsi, les deux premières provenances (Pahou et SSO Fiji PNG) nécessiteront un temps de séjour moins long en pépinière et une durée de rotation plus courte pour la production de bois de feu et de service, ce qui réduirait de façon sensible le coût de production tant en pépinière qu'en plantation comparativement aux deux dernières provenances.

En ce qui concerne l'aptitude de l'espèce à émettre des feuilles, les provenances Pahou et SSO Fiji PNG arrivent en tête avec respectivement 18,3 et 15,8 feuilles en moyenne par plant. L'analyse de ces résultats révèle que seule la provenance Pahou est supérieure aux six autres provenances, excepté la provenance SSO Fiji PNG avec laquelle il n'y a aucune différence significative. Cette dernière provenance est statistiquement égale aux cinq autres. Ces données traduisent une forte capacité des deux premières provenances à produire de biomasse foliaire. Les provenances Binturi Prov WP avec 9,4 feuilles en moyenne par plant et Pascoe River avec 10,7 apparaissent peu productives en biomasse et feuilles. Si la bonne aptitude à émettre des feuilles des provenances Pahou et SSO Fiji PNG se répétait en plantation, elle sera probablement un facteur déterminant pour le choix et l'utilisation des provenances en question dans la protection des terres et la reconstitution de la matière organique des sols dégradés.

Lorsqu'on considère la taille des feuilles, exprimée ici par le ratio largeur à la longueur, trois provenances se détachent nettement des autres. Il s'agit des provenances SSO Fiji PNG, Pahou et Oriomo Prov WP dont les ratios sont respectivement de 13,9 %, 13,8 % et 12,9 %. Statistiquement, il n'y a aucune différence significative entre ces trois meilleures provenances, mais elles sont toutes supérieures aux quatre autres. Les faibles performances ont été observées au niveau des provenances de Roberts Creek et Pascoe River avec respectivement 9,1% et 8,6%. En effet, la taille des feuilles reste un important indicateur qui traduit la capacité de l'espèce végétale à capter les énergies solaires pour réaliser sa photosynthèse. Effectivement, plus grande est l'indice foliaire, mieux la photosynthèse se réalise. De fait, les indices les plus élevés ont été observés au niveau des provenances ayant de meilleures croissances en hauteur ; ce qui confirme le rôle important de la photosynthèse dans la croissance, le développement et la production des plantes supérieures.

S'agissant du taux de germination des semences après 21 jours d'observation, la provenance Pahou arrive en tête avec un taux de 81,08 %, suivie de Binaturi Prov WP avec 72,12 %. Le taux le plus faible enregistré concerne la provenance Coen River avec 53,92 %. Pour l'ensemble des provenances, plus de 50 % de germination sont obtenus après 21 jours de semis. Ces résultats sont similaires à celui mentionné par Derek B. Webb & all. (1984). Ces taux de germination faible, à l'exception des provenances Pahou et Binaturi Prov WP sont probablement dus, soit à la fonte de semis parce qu'aucun fongicide n'a été appliqué, ou à la perte de viabilité des semences suite à une longue conservation car, hormis la provenance locale, les dates de récolte des six autres provenances sont inconnues.

Tenant compte des performances de chacune des provenances pour les paramètres observés, les scores consignés dans le tableau 3 permettent de classifier ces provenances. Pour chaque paramètre, la provenance prend un score variant entre 1 et 7 suivant le rang occupé à l'évaluation. Le score 1 indique le premier rang tandis que le 7 correspond au septième rang du classement. La moyenne arithmétique des performances des paramètres donne le rang de la provenance pour sa classification.

Ce score révèle que la provenance Pahou se classe première devant celle de référence SSO Fiji PNG suivi de Oriomo Prov WP. L'étape de plantation permettra de sélectionner de façon définitive les provenances les plus efficientes.

4. Conclusion

Les observations de croissance des sept provenances en pépinière prouvent que le facteur provenance des semences forestières a une grande importance sur le comportement et le développement des plants forestiers. Les performances qui varient du simple au double pour certains paramètres mesurés au cours de l'expérimentation, montrent à quel point ce facteur est très déterminant dans un processus devant conduire à la mise en place des plantations. Un bon choix fait dans l'acquisition des semences peut favoriser un gain très important de productivité des plantations établies.

Pour les sept provenances d'Acacia auriculiformis testées, l'étape de pépinière permet de sélectionner trois provenances considérées comme meilleures au regard de leur performance. Il s'agit des provenances de la Station Pahou, de SSO Fiji PNG et de Oriomo Prov WP référencées respectivement par PAHOU, SSO Fiji PNG et Oriomo Prov WP. La seconde étape de l'expérimentation, qui est celle du développement en champ, permettra de confirmer ou d'infirmer les résultats observés en pépinière avec les sept provenances en test comparatif.

Références bibliographiques

Bouvet J. M. et Delwaulle, J. C. 1983. Introduction d'Eucalyptus cloeziana au Congo Pointe-Noire. Parcelle 77-13. Bois et Forêts des Tropiques. N° 200, 2 ^e Trimestre 1983.

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Jones, N. et Burley, J. 1973. Seed certification, provenance nomenclature and genetic history in forestry. Silvae Genetica, 22, 3. J.D. Saurlander, Frankfurt/Main.

Odjo A. et Shado, M. 1973. Preliminary results of Pine provenance trials in the savana areas of Nigeria. Research paper (Savanna Series) N° 19. 29 pages.

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Pniyopusareerk K. 1990. Acacia auriculiformis : An annotated bibliography. Compiled by CSIRO et published by WIIAD/ACIAR.154 pages.

Tandjiékpon, A. et Dah-Dovonon, J. 1994. Estimation de la production ligneuse d'espèces d'aforestation sur le site de Pahou : cas de Acacia auriculiformis, Acacia mangium et Eucalyptus camaldulensis. Rapport technique PBF/URF-INRAB ; 48 pages.

Webb D.B., Wood P. J., Smith J. P. et Henman G. S. 1984. A guid for species selection for tropical and sub-tropical plantations. Tropical Forestry Papers N° 15, 2nd edition , revised ; Page 85.

¹ Ingénieur de Recherche au Programme de Recherches Forestières_Institut National des Recherches Agricoles ; BP 112 Savè, République du Bénin ; Tel : (229) 550089 Fax: ((229) 330421 E-Mail : [email protected]

² Directeur du Programme de Recherches Forestières_Institut National des Recherches Agricoles, 06 BP 707 Cotonou, République du Bénin, tél :(229) 330662, Fax (229)330421 E-mail : [email protected]

³ Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation