0525-A1

Importance de la forêt dans la vie de l’homme en zone rurale

DEKALIKAN Kouma[1]


Résume

La forêt est une zone de diversité biologique exceptionnelle. Les produits forestiers autres que le bois représentent un élément important, quoique sous-estimé, de l’économie de nombreux pays. Pour des centaines de millions de personnes, les arbres sont une source indispensable d’aliments, de médicaments, de matières premières et de revenus monétaires.

Dans la forêt, la chasse reste une activité fondamentale, même si les grandes chasses collectives ne sont plus guère pratiquées: chasse au filet pour attraper les petites antilopes, chasse individuelle à l’arbalète avec flèches empoisonnées pour se procurer les gros oiseaux, enfumage des terriers.

L’essentiel de l’alimentation d’origine animale provient encore de la forêt pour capturer les gros rongeurs. Toutefois, la chasse fait disparaître un grand nombre d’animaux.

La crise économique a favorisé la vente et la consommation de gibier, risquant de rompre l’équilibre naturel des espèces. La forêt est partout menacée, et avec elle, la vie de millions d’humains, notamment les plus pauvres. Les gouvernements des pays et les organisations internationales de conservation ont jugé nécessaire d’élaborer un programme de gestion des ressources forestières qui, simultanément, viserait à éduquer et sensibiliser la population locale et surtout lui offrir d’autres sources de revenus.

Pour cela, plusieurs projets ont été élaborés: reboisement villageois, régénération des peuplements naturels, réduction de la demande urbaine de charbon de bois et la destruction des arbres ainsi que la lutte anti-braconnage à l’intérieur des forêts.


Texte

Introduction

Les produits forestiers autres que le bois représentent un élément important de l’économie de nombreux pays à travers le monde: pour des centaines de millions de personnes, les arbres sont une source indispensables d’aliments, de médicaments, de matières premières, et de revenus monétaires. Les diverses sociétés, surtout africaines, ont une connaissance ancestrale de la valorisation de ces produits. La sauvegarde des forêts pourrait passer par une bonne gestion de ces revenus par les populations elles-mêmes.

Ces dernières années, les forêts ont été principalement évoquées dans le contexte de la désertification, de la diminution de la couche d’ozone, ou de la réduction de la production de bois. Pourtant, la disparition de la forêt signifie aussi celle de nombreux autres produits. Ce milieu très diversifié abrite des milliers d’espèces végétales et animales dont les populations ont appris à tirer le meilleur parti. Comme le fait remarquer John Ryan, chercheur au World - Watch Institut, basé au Etats - Unis, «la plupart de ces richesses de la forêt sont utilisées sur place ou commercialisés localement, elles sont donc dans une large mesure ignorées par les forestiers et par les économistes, qui ne s’intéressent qu’aux productions pouvant fournir des revenus à l’exportation».

Dans la forêt, la chasse reste une activité fondamentale même si les chasses collectives (particulièrement en Afrique ne sont plus guère pratiquées: chasse au filet pour attraper les petites antilopes, chasse individuelle à l’arbalète avec flèches empoissonnées, pour se procurer les gros oiseaux, enfumage des terriers pour capturer les gros rongeurs comme le rat de Gambie.

Selon Igor de Graisse, chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), «en Afrique, l’essentiel de l’alimentation d’origine animale provient encore actuellement de la forêt. C’est le piégeage qui procure la plus grande partie du gibier». Les pièges à collet au pièges - assommoirs autour qui attirent notamment le petit céphalopode bleu, et la pêche dans les rivières fournissent en abondance protéines et graisses animales.

Pendant que les hommes chassent, les femmes et les jeunes filles quittent chaque jour le campement établi en pleine forêt, pour quête alimentaire de quelques heures, à la recherche des fines tiges des ignames, des fruits mûrs tombés au pied des arbres producteurs, des champignons ou des feuilles de lianes. La pulpe de certains fruits est très recherchée pour sa teneur en protéine, comme la grande anone cauliflore (Anonidium mamü) qui contient 12 % de sont poids sec en protéines. Les fruits de cette espèce pesant plus de 5 kg sont souvent consommés sur place au cours des déplacements ou des chasses. Les feuilles de lianes et d’arbustes comme la feuille de koko (Gnetum africanum) ont des teneurs en protéines encore plus élevées (jusqu'à 30 % de son poids sect.); elles peuvent remplacer la viande lorsque le gibier fait défaut et représentent le principal élément des plats en sauce.

La mangue sauvage (Irvingin gabonensis), les graines des Baillonella toxisperma et les fruits Autrocoryon et Panda sont aussi cueillis ou ramassés pour leurs amandes, savoureuses dans la sauce et riches à la fois en graisses et en protéines.

En plus du gibier, des molusques, des insectes, des plantes et des fruits, la forêt abrite aussi tous les matériaux nécessaires à la confection de paniers, d’armes, d’ustensiles de cuisine, d’instruments de musique, de chasse et de pêche, de mobilier, de parures, de jeux... la liste est longue. Ajoutons encore les abeilles et leur miel.

Enfin, 80 % des populations africaines dépendent des plantes pour se soigner. La plupart d’entre elles ne connaissent pas d’autres formes de médicaments que ceux qui viennent des forêts.

Les récoltes de la forêt sont une nourriture de survie en période de soudure ou une nourriture d’appoint en période de pluie généreuse. Beaucoup de fruits et graines sont mûrs au moment de la soudure, d’autres sont des nourritures complémentaires, tous sééchélonnent dans le temps et offrent aux femmes la possibilité du cuisiner de bonnes sauces tout au long de l’année..

Qui dit richesse, dit revenus. L’exportation de miel produit par les abeilles de forêt en Tanzanie représente plusieurs fois la valeur du bois des forêts en bois de forêts de ce pays. Au Ghana, la plupart des femmes gagnent de l’argent en vendant aux boutiques des feuilles de Marantaceal récoltées en forêt pour envelopper les aliments. En République Centrafricaine, des commerçants, en majorité des femmes, vendent plus de 700 tonnes de viande de gibier des forêts par an. En République Démocratique du Congo, au Ghana, au Nigeria, au Botswana, l’apport en protéines animales de la forêt peut fournir jusqu'à 70 %. En Jamaïque, les exportations de chicle et de poivre rapportent chaque année des millions de dollars.

Le Mali produit entre 60.000 et 80.000 tonnes d’amande de Karité les bonnes années. Le beurre de Karité, fabriqué par les femmes, est le produit de beauté par excellence des africaines et l’indispensable ingrédient de cuisine. Les pays du Nord en réclament aussi pour leur laboratoires pharmaceutiques, les usines de cosmétiques, l’industrie de la pâtisserie. Ajoutons à cela les bénéfices des commerçants et ceux que l’Etat pourrait tirer des taxes à l’exportation. «Au Burkina-Faso, le karité apporte à l’économie nationale 12 à 15 % des recettes d’exportation du pays...» estime un journal officiel.

La gomme arabique a tout particulièrement marqué l’histoire économique du Sénégal. Au XVIe siècle, déjà, les premiers commerçants installés sur les côtes Occidentales africaines exportaient vers l’Europe la gomme sénégalaise et mauritanienne. A la fin du XIXe siècle, la gomme représentait 20 % des exportations du Sénégal et de la Mauritanie.

Il est important de noter que, de la forêt, qui est source de vie est née l’ogroforesterie. L’agroforesterie est une nouvelle science interdisciplinaire qu’étudie la très ancienne pratique consistant à combiner dans l’espace et le temps, des végétaux ligneux avec des cultures herbacées et avec de l’élevage sur une même parcelle de terre.

C’est donc un terme collectif pour désigner des systèmes d’aménagement des terres où les ligneux pérennes (arbres, arbustes, arbrissaux), sont cultivés délibérément. L’arrangement est spatial ou temporel et des interactions écologiques et économiques voulues existent entre les ligneux et les autres composantes du système.

L’agroforesterie est une science potentielle de solutions à de nombreux problèmes, étroitement liés, de production et de conservation dans les systèmes d’utilisation du sol. Les intérêts de l’agroforesterie sont multiples:

- Recherche de systèmes écologiquement stables, économiquement viables et compatibles avec les pratiques sociales et culturelles des populations;

- Meilleure utilisation des surfaces disponibles: mise en valeur des terres marginales délaissées et création de zones mixtes de production entre les zones agricoles et forestières;

- Meilleure utilisation des ressources disponibles (eau, énergie lumineuse, éléments minéraux, matières organiques, niches écologiques, etc). Le potentiel ligneux procure nourriture, fourrage, bois, protège les sols contre l’érosion et maintient, voire améliore leur fertilité.

La finalité du système est que la plante prioritaire produise au moins autant qu’en monoculture, et même mieux lorsque cela est rendu possible grâce aux effets des plantes associées (ombrage, fixation d’azote, etc.). Une autre finalité est de rentabiliser les niches écologiques vides et de les faire produire (bois, fruits, viandes, etc).

Les fonctions et potentialités de l’agroforesterie sont multiples. Elles sont d’ordre économique, écologique et sociale. (Le tableau à la fin présente quelques unes).

Etude 1

Au Togo, l’Association pour la Promotion de l’Agro-Foresterie (APAF) a vu le jour depuis quelques années. Son objectif est d’exécuter un programme d’appui aux initiatives d’agroforesterie et de foresterie villageoise dans le sud-ouest du Togo (PAFVI). Financé par le VIIe Fonds Européen de Développement, le programme a entrepris le reboisement dans plus de 400 villages.

Objectifs

- lutter contre la désertification;
- maintenir la forêt, source de vie;
- surtout et surtout accroître le rendement des légumineuses associées à ces plants par la fixation de l’azote de l’air par ces légumineuses (haricot, soja, arachide).

La fixation de l’azote de l’air par les légumineuses est réalisée par des bactéries (rhizobia) qui vivent en symbiose sur les racines de ces plantes. Cette fixation exigera peu d’utilisation (ou presque pas) d’engrais azote de synthèse, écologiquement dangereux en raison des émissions de gaz carbonique et de la pollution des nappes phréatiques qui en résulteraient.

Résultats

Lors des travaux d’évaluation du devis programme N°1 qui venaient de s’achever, il y a quelques semaines Mr POUTOULI M. Ferdinand, ingénieur agronome au Ministère du Plan et l’Aménagement du Territoire, chargé d’études à la Direction du Financement et du contrôle de l’Exécution du Plan, faisait remarquer que tous les critères, à savoir: la production, la sécurité (risques phytosanitaires et écologique), la reproductivité, l’adaptabilité, et la satisfaction d’autres objectifs, étaient largement au dessus de la note attribuable. Ce qui laisse envisager l’atteinte aux objectifs du projet dans une durée de cinq ans.

Au vue des analyses et constats effectués dans nos recherches, la forêt incarne d’énormes richesses et joue en rôle central dans notre vie (voir fig 1)

Cette forêt mérite d’être mise en place et entretenue.

Etude 2

Recherches sur le remblai des sols miniers de l’Office Togolais de Phosphate (OTP) par l’agrofesterie.

Objectifs

- Réhabilitation des sols de remblai et l’amélioration de leur fertilité.;
- Relance de la production vivrière et amélioration des conditions socio-économiques des populations;
- Production du bois de chauffage et d’œuvre;
- Contribution à la protection de l’environnement et à l’équilibre.

Résultats

Ont permis d’Identification de 3 espèces d’arbres à croissance rapide adaptées aux conditions agropédoécologique des sols de remblai de Hahotoé (Site minier étudie). Il s’agit de: Acacia auriculiformis Acacia manguim et Senna Siamea. Ces espèces avaient être plantées sur des grandes superficies pendant 11 ans avant d’être coupées pour y semer du maïs en 1999.

L’étude a montré que le rendement du maïs peut être amélioré. Il est passé de 800 kg/ha à 1300kg/ha à 2700 kg/ha sur une parcelle ayant reçu Acacia auriculiformis. Il y avait dans les deux cas relèvement de taux de la matière organique et d’autres caractéristiques physico-chimiques des échantillons de terre.

Beaucoup de techniques agroforestières ont été expérimentées avec succès et connaissent un début de vulgarisation. Il s’agit de la jachère améliorée, la culture en couloir, le bocage, les haies vives et me Tungia.

Les indicateurs suivants généralement observés, démontrent que la foresterie et la sécurité alimentaire sont étroitement liés. Voir fig 2).

Figure 1. Le rôle centrale des forêts dans notre vie.

Source: Kenya Forestry Research Institute (KEFRI) Bulletin n° 2 mai-juin 1987

Figure 2. La foresterie et la sécurité alimentaire: Leurs liens (Tiré de Falconer 1989)

Conclusion

La forêt, source de vie, nous procure des ressources multiples, et est garante de la sécurité alimentaire. Cependant, les arbres sont menacés de disparition, mis en péril, décimés, leur renouvellement n’est pas assuré, le cycle de l’arbre est perturbé. Ce qui entraîne vers le danger la vie de millions d’humains parmi les plus pauvres. Les autorités nationales des pays tentent d’endiguer avec peu de succès ce fléau. Pour cela, plusieurs projets ont été menés: boisements villageois, régénération des peuplements naturels, programme de plantation, réduction de la demande urbaine de charbon de bois et la destruction d’arbres.

FONCTIONS ET POTENTIALITES DE L’AGROFORESTERIE

Problèmes écologiques

Fonctions et potentialités

Erosion du sol par l’eau

Effets combinés de couverture et de barrière par les essences arborées. Fixation du sol par le sol.

Erosion du sol par le vent

Brise vent, haïes: protection

Faible fertilité du sol au déclin de la fertilité (dégradation physique, chimique, biologique)

Plantation d’espèces arborées permettant:

- le maintien de la capacité de rétention en eau, et de la fertilité du sol
- la fixation d’azote
- fixation du CO2 et son transfert
- la création d’un ombrage
- le recyclage des éléments minéraux et leur utilisation par les différentes strates de végétation

Dégradation de la forêt

Plantation d’essences appropriées dans les exploitations agricoles.

Dégradation des pâturages

arbres fourragers: pâturage sous couvert arboré.

Risques d’inondation

Arbres à racines profondes. Pratiques agroforestières visant à modifier le micro-climat et à conserver les micro-organismes.

Modification du débit des fleuves

Agroforesterie comme élément de protection des bassins versants

Invasion d’agents pathogènes

Combinaison d’arbres destinés à inhiber l’action des agents pathogènes.

Bibliographie

-

Se nourrir en forêt équatorial - Autropologie alimentaire des populations des régions forestières humides d’Afrique.


UNESCO/MAB, BRIS - CNRS - 7, Place de Fontenoy-75700 Paris - France.

-

Arbres, Forêts et Communautés rurales, Février 93 - FAO - Viale d’elle Termedi Carcailla - 00100 Rome - Italie.

-

L’ethmobotanique africaine;


Défis sud mars 1995 - 25, rue Grattes


B 1170 Bruxelles - Belgique

-

L’arbre nocerricier en pays sahélien


Anne Bergeret et Jesse Ribot - Edition de la maison des sciences de l’homme 54, Bd Raspail - 75005 Paris - France

-

Mémento de l’agronome - Ministère de la Coopération et du Développement Français

-

Centre Culturel Français - Lomé - TOGO


[1] Coordinateur National de Action-Enfance et Développement du Togo(AED – TOGO)