0714-A5

L'action des nouveaux mouvements sociaux économiques et le potentiel régulatoire de la certification dans le domaine forestier[1]

Gendron, C., Turcotte, M.-F., Lafrance, M.-A. et J. Maurais


Résumé

Les forêts sont au cœur des grands débats qui traversent actuellement nos sociétés: d'intérêt commun au chapitre écologique, elles font aussi l'objet de visées, et d'usages particuliers et exclusifs par les acteurs sociaux. Au cours des dernières années, on a pu observer que l'action des nouveaux mouvements sociaux économiques est venue transformer la dynamique régulatoire de plusieurs industries, notamment la foresterie. Selon Guéneau: «Sous l'impulsion des organisations non gouvernementales, la certification est progressivement devenue l'instrument principal des politiques forestières internationales» (Guéneau, 2001, p. 12). Dans ce mémoire, nous souhaitons éclaircir les prétentions, les enjeux et les défis des mécanismes de régulation dits privés, afin de mieux cerner leur potentiel dans le cadre d'une réarticulation des pôles de régulation et d'une stratégie de gouvernance visant le développement durable. Il existe aujourd'hui plus de cinquante labels et certification applicables aux produits forestiers. Même s'ils seront incontournables à terme, l'inventaire et l'examen de la totalité des normes applicables à la forêt est un exercice qui dépasse largement le cadre de ce mémoire; c'est pourquoi nous avons choisi de nous attarder à quatre d'entre elles, ce qui nous permet d'illustrer le potentiel des normes les unes par rapport aux autres, et plus généralement les enjeux et les limites du mécanisme de la certification. Selon la Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable, c'est désormais plus de 124 millions d'hectares qui seraient certifiés, tout spécialement de par l'utilisation de plus en plus généralisée d'ISO 14 001 qui touche pas moins de 107 millions d'hectares en 2002. Mais les certifications dans le domaine de la foresterie ne sont pas interchangeables et on ne saurait les considérer sur un même pied d'égalité lorsqu'il s'agit d'établir la contribution des entreprises certifiées à un aménagement forestier durable. À notre point de vue, il est urgent de clarifier le potentiel et les limites de chacune des normes, et de les classer en fonction de leur contribution à des politiques de développement durable.

Les forêts sont au cœur des grands débats qui traversent actuellement nos sociétés. L'ouverture des marchés et l'émergence d'un espace économique mondial ont bouleversé le système de régulation en place depuis la seconde guerre mondiale. Alors que s'érige, non sans difficultés, un important dispositif de gouvernance économique fortement marqué par la géopolitique internationale, les États semblent assujettir leurs décisions à une rationalité économique en marge des revendications populaires. Simultanément, des défis écologiques globaux nécessitant des coordinations inédites se font jour. Ainsi s'imbriquent, à l'échelle internationale, les impératifs écologiques et les rationalités économiques à travers lesquelles s'affirment les rapports de force.

Les forêts sont au cœur des dilemmes suscités par cette imbrication: d'intérêt commun au chapitre écologique, elles font aussi l'objet de visées, et d'usages particuliers et exclusifs par les acteurs sociaux. Sans aucun doute, l'état des forêts inquiète: le couvert forestier ne cesse de s'amenuiser, et à un rythme alarmant dans plusieurs endroits. Mais les mesures de protection tardent à être implantées. Les explications de ce retard sont nombreuses et complexes, et font intervenir tout à la fois l'incapacité régulatoire des États, les conditions de vie des populations, et les rapports de force qui conditionnent la priorisation des usages.

Mais s'attarder uniquement à la question du déficit régulatoire des États nations dans un contexte où l'enjeu nécessite une coordination internationale inédite est réducteur, car le contexte actuel traduit une véritable réarticulation des pôles de régulation reposant notamment sur l'utilisation de moyens économiques par les acteurs sociaux porteurs de revendications à l'égard des acteurs économiques traditionnels. Ceux que nous appelons les Nouveaux mouvements sociaux économiques sont porteurs de valeurs et de normes à l'instar de tout mouvement social, mais ils utilisent des moyens de pression typiquement économiques. Bref, ils politisent l'économie, ils la modèlent en véhicule de transformation sociale. Ainsi, les processus de certification et l'apposition d'étiquettes ou de labels utilisés par les mouvements sociaux sont des dispositifs qui s'appuient sur la dynamique de marché pour changer le comportement des entreprises.

Au cours des dernières années, on a pu observer que l'action des nouveaux mouvements sociaux économiques est venue transformer la dynamique régulatoire de plusieurs industries, notamment la foresterie. Selon Guéneau: «Sous l'impulsion des organisations non gouvernementales, la certification est progressivement devenue l'instrument principal des politiques forestières internationales» (Guéneau, 2001, p. 12). Dans ce mémoire, nous souhaitons éclaircir les prétentions, les enjeux et les défis des mécanismes de régulation dits privés, afin de mieux cerner leur potentiel dans le cadre d'une réarticulation des pôles de régulation et d'une stratégie de gouvernance visant le développement durable.


Certifications et labels dans le domaine forestier

Depuis les années 1990, la certification et les labels ont connu un essor sans précédent; il existe aujourd'hui plus de cinquante labels et certifications applicables aux produits forestiers. L'intérêt pour les produits forestiers certifiés est récent, mais va croissant sur le marché. À l'échelle planétaire, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime aujourd'hui que près de 100 millions d'hectares de terrains forestiers sont certifiés[2], le plus souvent dans les pays développés, et qu'une cinquantaine de dispositifs de certification sont actuellement disponibles ou en voie d'être implantés à travers le monde.

Normes

Nombre d'entreprises certifiées

Surfaces forestières certifiées ( hectares)

ISO 14001

35

107 785 000

CSA

5

8 820 000

SFI

8

8 350 000

FSC

10

973 856

Source: Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable, Canadian Forest Management Certification Status Report, http://www.sfms.com/pdfs/statusreport.pdf, 1er juin 2002

Même s'il sera incontournable à terme, l'inventaire et l'examen de la totalité des normes applicables à la forêt est un exercice qui dépasse largement le cadre de ce mémoire; c'est pourquoi nous avons choisi de nous attarder à quatre d'entre elles, ce qui nous permet d'illustrer le potentiel des normes les unes par rapport aux autres, et plus généralement les enjeux et les limites du mécanisme de la certification. Au Canada, en avril 2001, l'Association canadienne de normalisation (CSA), du Forest Stewardship Council (FSC), de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et de la Sustainable Forest Initiative (SFI) avaient certifié quelques 44 millions d'hectares de terrains forestiers aménagés[3]. Selon la Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable, c'est désormais plus de 124 millions d'hectares qui serait certifiés, tout spécialement de par l'utilisation de plus en plus généralisée d'ISO 14 001 qui touche pas moins de 107 millions d'hectares en 2002.

ISO 14 001-14 004 - 14 061

L'International Standard Organisation (ISO) fut créée en 1946 dans le but de faciliter la coordination des normes industrielles en vue de favoriser le commerce international. Au cours des années, différentes normes à caractère technique furent développées pour aboutir à plus d'une dizaine de milliers de normes. Mais l'ISO s'est surtout fait connaître du grand public par l'élaboration d'une deuxième génération de normes: les normes de gestion. Lancées au courant des années 1980, les normes de gestion de la qualité ISO 9000 sont devenues une référence en matière de production et la certification 9 001 est désormais un élément clef de la relation client-fournisseur. C'est suite à cet immense succès et en réponse à la prolifération des mesures de protection environnementale nationales et régionales que la norme 14 001 a été publiée en 1996.

À l'instar de la série 9000 pour ce qui est de la qualité, ISO 14 001 ne détermine aucun niveau de performance environnementale. Il est indispensable toutefois que les entreprises s'engagent à se conformer aux lois et règlements relatifs à l'environnement, ainsi qu'à l'amélioration continue. Tous les organismes certifiés selon les normes ISO 14001 doivent être régulièrement audités afin de s'assurer que leur système continue de répondre aux exigences de la norme. Dans la mesure où 14 001 prescrit des normes de gestion, applicables à l'organisation, c'est cette dernière qui reçoit la certification et non le produit comme tel. Dès la publication de 14 001, l'Organisation internationale de normalisation (ISO) était consciente du grand intérêt de la norme pour le secteur forestier. Sans qu'il soit question d'élaborer une norme spécifique au secteur, le comité technique TC 207 en charge du système 14 000 a mis sur pied un groupe de travail chargé d'élaborer un guide destiné aux entreprises forestières désireuses d'implanter la norme 14 001: il s'agit de la norme ISO 14061.

Le caractère générique de la norme 14 001 peut expliquer l'ampleur de son application tant au Canada qu'à travers le monde. Mais il faut aussi reconnaître qu'ISO 14 001 est la norme la moins exigeante dans le domaine de la foresterie. C'est l'entreprise qui établit ses indicateurs et ses critères en matière de gestion durable des forêts, pour procéder ensuite à la mise en place d'un système de gestion qui lui permettra d'atteindre les buts qu'elle s'est fixés. C'est aussi la seule norme générique utilisée par le secteur forestier qui dispose de plusieurs autres normes qui lui sont spécifiques. Il faut noter par ailleurs que la certification 14 001 est souvent un premier pas vers une certification plus exigeante. Si bien qu'à l'heure actuelle, ISO 14 001 devance tous les autres systèmes de certification: en 2002, selon le rapport sur l'état de la certification au Canada, 107 785 000 hectares de forêt étaient certifiés ISO; pas moins de 35 entreprises canadiennes y ont déjà adhéré.

CAN/CSA-Z809

Constituée en 1919, l'association canadienne de normalisation (CSA) a élaboré plus de 2000 normes avant de s'intéresser, au milieu des années 1990, aux méthodes d'aménagement forestier durable. Elle a décidé d'élaborer une Norme nationale du Canada sur l'aménagement forestier durable, à partir d'un processus de consultation publique auquel ont participé différents acteurs. Concrètement, la norme CAN/CSA-Z809 fixe les méthodes qui permettent d'exploiter la forêt de manière à entretenir et à améliorer à long terme la santé des écosystèmes forestiers. Préconisant une démarche d'amélioration continue, la norme établit une série d'exigences rattachées à la participation du public, la performance ainsi que les systèmes visant à atteindre les objectifs fixés.

La forêt canadienne étant publique, les exigences de participation contenues dans la norme revêtent une signification toute particulière. La norme CSA exige que les organisations sollicitent, à l'échelle de la collectivité, une participation active et soutenue du public, avec des efforts particuliers vis-à-vis des autochtones. Il participe au processus de planification forestière et contribue avec l'organisation à déterminer et à fixer les buts, les indicateurs et les objectifs de performance en matière d'aménagement forestier durable. L'exigence de la participation du public qu'impose la norme CAN/CSA-Z809 est l'une des plus strictes de toutes les normes de certification actuellement en vigueur dans le monde.

Les exigences de la norme permettent un suivi strict des objectifs de performance préalablement définis pour un territoire forestier délimité, et favorisent l'amélioration continue des méthodes de gestion forestière. Les systèmes de gestion doivent être revus annuellement afin d'être ajustés et que soit améliorée dans la mesure du possible les techniques d'exploitation.

La vérification initiale en vue de la certification est faite par un registraire accrédité par le Conseil canadien des normes qui doit être aggréé par l'Association canadienne de vérification environnementale. Cette vérification est suivie de vérifications périodiques qui comprennent une vérification des livres accompagnées de vérifications ponctuelles sur le terrain.

L'utilisation de la norme CSA reflète le désir de quelques compagnies forestières d'adopter des règles plus strictes en aménagement forestier durable puisque ces entreprises, maintenant certifiées CSA, étaient préalablement certifiées 14 001, une norme moins exigeante. Jusqu'à présent, selon le rapport sur l'état de la certification au Canada, 5 compagnies forestières canadiennes sont certifiées CSA, ce qui représente une exploitation de 8 820 000 hectares de forêts.

SFI

En octobre 1994, la American Forest & Paper Association (AF&PA) a lancé le programme Sustainable Foresty Initiative® (SFI). Il s'agit d'un ensemble rigoureux de principes, d'objectifs et de mesures de performance environnementale qui intègre la croissance et la récolte des arbres à la protection de la faune, de la flore, du sol et de la qualité de l'eau ainsi qu'à d'autres principes de conservation. La participation au programme SFI est devenue une condition pour être membre de l'American Forest & Paper Association si bien que depuis 1994, 17 membres ont du quitter l'organisation pour ne pas avoir mis en œuvre le programme SFI.

Le contenu de la norme SFI a été développé par des acteurs sociaux dintéressées par le concept de développement durable et son application au secteur forestier. Les objectifs développés dans le cadre du programme SFI sont associées à des mesures spécifiques de performance dont les organisations doivent faire état dans un rapport annuel.

La norme du SFI distingue quatre types de certification classées dans deux catégories distinctes: la première concerne les usines dont les matériaux primaires proviennent directement des forêts. Il s'agit des «Producteurs primaires», qui reçoivent le label «participant certifié» (certified participant). La seconde catégorie de labels concerne principalement les usines qui utilisent du bois déjà travaillé, les «producteurs secondaires». Il existe trois labels dans cette catégorie: le «participating manufacturer», le «participating retailer», le «participating publisher».

En 2001, au Canada, quatre entreprises avait adopté la norme SFI, correspondant à une superficie exploitée de 4 940 000 hectares de forêts selon le rapport sur l'état de la certification au Canada. Un sondage de la coalition canadienne pour la certification prévoit que 15,6 millions d'hectares de forêts canadiennes seront certifiés SFI d'ici la fin de l'année 2005.

FSC

Le Forest Stewardship Council (FSC) a été fondé en 1993 par des représentants de groupes environnementaux, de détaillants, d'industriels et de groupes communautaires pour faire suite au Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992. Le FSC a identifié dix Principes de foresterie durable et 56 critères sous-jacents, qui forment le noyau de sa politique. Les différences et les difficultés d'interprétations des Principes et Critères sont traitées par des normes régionales de bonne gestion forestière. Ces normes régionales sont élaborées en fonction des principes et critères du FSC. Elles tiennent compte des lois nationales, des particularités et des préoccupations régionales. Au Canada, la norme des Maritimes a déjà été acceptée, alors que celles de l'Ontario et de la Colombie-Britannique sont en attente d'approbation. Celle du Québec est encore à l'étape de l'élaboration.

En résumé, la certification FSC est un programme indépendant de certification où sont prises en compte l'échelle et l'intensité de l'exploitation, la rareté des ressources affectées de même que la fragilité relative de l'écosystème. Une fois qu'il est établi que les opérations forestières d'un exploitant et que la «chaîne de traçabilité» des produits qui en proviennent concordent avec les normes approuvées par le FSC, l'unité d'aménagement forestier peut s'annoncer comme étant une opération indépendamment certifiée et les produits peuvent être étiquetés avec le logo FSC. Il existe deux types de certification FSC: le certificat de chaîne de traçabilité permet le suivi du bois de source certifié depuis son origine jusqu'au consommateur. Le certificat pour l'aménagement forestier pour sa part, permet d'assurer qu'une forêt est aménagée selon les principes et critères du FSC. Les certificats sont émis par des vérificateurs indépendants.

À ce jour, au niveau mondial, dix organisations ont été accréditées par le Forest Stewardship Council pour mener des audits et accorder le certificat FSC aux entreprises qui respectent les standards FSC pour le territoire visé et qui répondent aux exigences de la «chaîne de traçabilité». En date du mois d'octobre 2001, 123 253 hectares de forêts étaient certifiés FSC au Canada selon le rapport sur l'état de la certification au Canada. En tout, 10 compagnies forestières avaient été certifiées par trois organismes de certification différents[4]. Par ailleurs, un sondage de la Coalition canadienne pour la certification conclut que, d'ici la fin de 2005, 14,4 millions d'hectares de forêts canadiennes seront certifiés selon la norme FSC.

Vers un aménagement forestier durable

À la lecture de ce qui précède, on peut constater que les labels et les certifications ne sont pas toutes équivalentes. Certaines normes permettent de certifier l'organisation, alors que d'autres certifient le produit. Plusieurs normes s'attachent au processus, alors que d'autres s'attachent à la performance. Les certifications reposant sur les normes de performance attestent d'un résultat et garantissent une performance environnementale et sociale donnée, alors que les normes de gestion ne concernent que le respect de principes ou de procédures, et s'apparentent davantage à des normes de moyen. Enfin les processus de certification peuvent reposer sur des démarches de vérifications plus ou moins exigeantes, qui peuvent faire intervenir plus ou moins de parties prenantes, selon qu'il s'agit de vérifications interne, professionnelle, partenariale ou sociale.

Ces distinctions ne sont pas anodines dans la mesure où la certification prétend apporter une réponse aux exigences de durabilité de plus en plus pressantes des différents acteurs sociaux externes à l'industrie. Or, chaque certification selon qu'elle cautionne la performance plutôt que les principes de gestion, le produit plutôt que l'organisation, et repose sur une démarche de vérification multipartite, sera plus ou moins garante du respect des principes du développement durable: intégrité écologique, développement social, efficience économique.

La norme la plus amplement utilisée dans l'industrie est la certification ISO 14001. Sa popularité au sein de l'industrie forestière est due, entre autres, à la liberté de choisir les critères en matière de d'aménagement forestier durable. Ceci permet d'obtenir la certification ISO sans changer les méthodes de récolte du bois et la gestion à long terme de la forêt. En conséquence, l'impact concret aux niveaux des pratiques forestières risque d'être limité puisque la majorité des entreprises risquent d'adopter des critères peu contraignants. De plus, le suivi prévu par la norme 14 001 en vue de s'assurer l'atteinte des objectifs visés est sous la responsabilité de l'entreprise. Cette vérification interne de la performance écologique réduit la crédibilité de la certification forestière quant à la mise en place d'une gestion forestière véritablement durable.

L'expérience démontre toutefois que la certification 14 001 n'est souvent qu'un premier pas vers des certifications plus strictes, ce qui tend à démontrer une volonté de la part de plusieurs industries de viser à terme un aménagement forestier durable.

Les exigences de la norme CSA sont le résultat de compromis entre les différents acteurs sociaux: le public, l'entreprise, des représentants des groupes environnementaux et le gouvernement. Ceci lui donne une plus grande crédibilité et incite à y reconnaître une certification plus axée vers une gestion durable des forêts que la norme 14 001. La vérification se fait par une partie indépendante, ce qui assure l'application des règles préalablement établies. Dans la mesure où elle exige des changements dans les pratiques forestières, on peut considérer que la certification CAN/CSA-Z809 est un pas de plus comparé à ISO 14 001 vers le développement d'un aménagement forestier durable.

Ce sont les industries forestières et papetières américaines qui sont à l'origine de la certification SFI. Par la suite, des groupes environnementaux ainsi que des groupes extérieurs à l'industrie ont été inclus dans le processus de l'élaboration de la norme, ce qui a considérablement augmenté la crédibilité du programme de certification du SFI. Pourtant, cette norme ne fait pas l'unanimité et plusieurs mettent en cause l'impartialité du Sustainable Forest Board chargée de définir les normes et les processus de certification du programme.

La norme FSC est la seule norme utilisée au Canada qui n'a pas à son origine l'industrie. C'est la norme la plus exhaustive et celle dont les critères sociaux et environnementaux sont les plus exigeants, et c'est donc vers elle que se tournent les consommateurs à la recherche de produits écologiques. De son côté, l'industrie demeure sur ses gardes, même si des entreprises semblent vouloir montrer la voie: à titre d'exemple, Tembec a annoncé son intention d'obtenir une certification FSC pour la gestion de ses forêts. L'impact de cette norme sur les pratiques forestières d'une entreprise est énorme car elle suppose des procédés axés sur le développement durable tant au plan économique, et écologique que social. Et selon une étude comparative de quatre grands programmes de certification réalisée par des organisations écologistes, seul le programme du FSC est crédible et indépendant (Ozinga, cité par Guéneau, 2001, p. 13). «Ces ONG pointent les faibles performances environnementales, voire les performances négatives, des trois autres programmes (PEFC, CSA, SFI) qui sont exclusivement fondés sur des normes de procédures» (Guéneau, 2001, p. 13).

Bref, comme on vient de la voir, les certifications dans le domaine de la foresterie ne sont pas interchangeables et on ne saurait les considérer sur un même pied d'égalité lorsqu'il s'agit d'établir la contribution des entreprises certifiées à un aménagement forestier durable. À notre point de vue, il est urgent de clarifier le potentiel et les limites de chacune des normes, et de les classer en fonction de leur contribution à des politiques de développement durable. En effet, si la certification doit devenir un instrument privilégié des politiques de protection de la forêt, il importe de s'assurer de l'efficience du processus en regard des enjeux actuels. Or, on peut déjà s'inquiéter du fait que la certification concerne surtout les forêts du Nord, alors que les forêts du Sud sont si précaires. Il est nécessaire de prévoir des mécanismes, alliant à la fois les pouvoirs publics et les organismes de certification privés afin de s'assurer que la certification dans le domaine forestier puisse remplir les objectifs du développement durable, plutôt que d'être utilisée comme arme économique par les acteurs du Nord.

Bibliographie

-, Setting the Record Straight-American Lands Alliance Leads Coalition of Organizations Attempting to Misrepresent the Findings of the Meridian Institute's Comparative Analysis of the Forest Stewardship Council© (FSCUS) and the Sustainable Forestry Initiative® (SFI) Certification Programs, http://www.certificationcanada.org/pdfs/amlands2.pdf

Coalition canadienne des produits forestiers, http://www.sfms.com/pdfs/statusreport.pdf

Coalition canadienne pour la certification, www.CertificationCanada.org

CSA (Association canadienne de la normalisation), http://www.csa.ca

CSA (spécifique à la foresterie), http://www.sfms.com/csaf.htm

Food and agriculture organization de l'ONU, http://www.fao.org/forestry/foris/webview/forestry2/index.jsp?siteId=1700&langId=1

FSC Canada, www.fsccanada.org

FSC Québec, http://www3.sympatico.ca/fsc_qc/

Gestion canadienne des forêts, Rapport sur l'état des certifications, http://www.canada2002earthsummit.gc.ca/pdf/canadian_forests_annex_f.pdf

Gouvernement du Nouveau Brunswick, http://www.gnb.ca/0078/certification-f.asps

Guéneau, Stéphane. 2001. La forêt tropicale. Entre fourniture de bien public global et régulation privée. Quelle place pour l'instrument certification?, Solagral, 18 p.

Hepple, Bob, «A race to the top ? International investment Guidelines and Corporate Codes of Conduct», (1999) 20, Comparative Labor Law & Policiy Journal, p.347-363 http://www.certificationcanada.org/pdfs/sfi2page.pdf

Observatoire de la certification et de la communication sociale et environnementale, http://www.occes.asso.fr/fr/certif/iso/iso.html

SFI (sustainable forest institute), http://www.aboutsfi.org/


[1] Nous tenons à remercier le programme Initiative de la nouvelle économie du CRSH grâce auquel nous avons pu financer les recherches faisant l'objet du présent mémoire.
[2] Rapport sur l'état des forêts mondiales, 2001.
[3] Rapport sur l'état de la certification au Canada.
[4] SFF, SGS et Rainforest SFF, SGS et Rainforest