Ilots forestiers de Kisangani (R. D. Congo): Observations floristiques et sauvegarde

0935-B3

Nyakabwa Mutabana


Résumé

Les cinq îlots forestiers de Kisangani étudiés sont des complexes d’écosystèmes sylvatiques constitués d’une flore suffisamment riche et diversifiée.

La réserve forestière des chutes de la Tshopo (± 84 hectares) est une forêt artificielle dominée par la plantation à Terminalia superba. Elle présente l’aspect d’une forêt secondaire jeune, ou parfois âgée par endroits. L’Arboretum de Kisangani (60 ha) est une forêt artificielle à l’état de forêt secondaire. La réserve forestière de Masako (± 2105 ha) est constituée de forêts secondaires (± 1440 ha) et primaires à Gilbertiodendron dewevrei (± 665 ha). La forêt de l’île Kungulu (± 100 ha) comprend des forêts secondaires et primaires à Piptadeniastrum africanum et Celtis mildbraedii. La forêt de Yalisombo (± 170 km²) est une forêt primaire à Gilbertiodendron dewevrei.

Lesdits îlots forestiers sont menacés d’une dégradation progressive par diverses actions anthropiques: défrichement pour l’agriculture itinérante et extraction de la matière ligneuse pour diverses utilisations. Ces actions ont les effets suivants: réduction de leurs étendues respectives, apparition des clairières, mutilation d’arbres, raréfaction ou disparition d’espèces surexploitées ou rares, atteinte à l’intégrité de la structure forestière.

Des mesures visant à leur sauvegarde sont proposées. Elles portent sur leur surveillance, l’acquisition pour certains d’un statut de réserve intégrale, l’aménagement d’autres écosystèmes forestiers, l’éducation de la population, la promotion d’une agriculture intensive ou agrosylvicole, la culture et la promotion d’arbres sauvages à vocation alimentaire, ainsi que la fabrication massive des foyers améliorés domestiques plus performants.

Mots clés: îlots, forêts, Kisangani, floristique, sauvegarde.


I. Introduction.

La ville de Kisangani, située sur les deux rives du fleuve Congo (ex-Zaïre) dans la partie Nord-Orientale de la cuvette congolaise à 0°31’ de latitude Nord et 25°11’ de longitude Est, est le chef-lieu de la province orientale (Fig. 1). Elle couvre une superficie de 1910 km² comprise entre 376 et 460 m d’altitude (Nyakabwa 1982) (Fig. 2).

Fig. 1: Localisation de la Province Orientale et de la ville de Kisangani sur la carte de la République Démocratique du Congo

Fig. 2: Limites administratives de la ville de Kisangani

Située près de l’Equateur, la région de Kisangani bénéficie d’un climat équatorial du type continental. C’est un climat chaud humide caractérisé par des températures élevées et constantes au cours de l’année sans être uniformément réparties.

Kisangani fait partie du secteur floristique forestier central du domaine équatorial congolais dans la région guinéenne. D’où sa végétation naturelle primitive est celle de la cuvette centrale congolaise caractérisée par des forêts ombrophiles sempervirentes. Elles constituent le climax de cette région. Ce sont des peuplements arborescents pluristrates renfermant beaucoup de lianes et d’épiphytes.

L’implantation de la ville a des activités humaines qui ont occasionné une dévastation presque complète de cette formation forestière climacique qui a cédé la place aux constructions, aux champs, à la végétation rudérale et adventice des cultures, aux jachères, aux recrus forestiers, aux noyaux de forêts secondaires ainsi qu’à la végétation urbaine cultivée dans l’enceinte de la ville où la verdure est plus anthropisée.

Cependant, quelques îlots relictuels de forêts climaciques préexistantes subsistent encore par endroits sur des sites non éloignés de l’agglomération urbaine.

D’autres petits noyaux de forêts artificielles ont, entretemps, pu être aménagés. Ce sont ces îlots forestiers tant climaciques, secondaires qu’artificiels qui seront l’objet de la présente communication.

II. Présentation des principaux îlots forestiers (Fig. 3)

1. La réserve forestière des chutes de la Tshopo (I1).

- ± 84 ha, rive droite de la rivière Tshopo;

- Forêt artificielle dominée par la plantation à Terminalia superba, à aspect de forêt secondaire jeune ou parfois âgée par endroits.

2. L’Arboretum de Kisangani (I2).

- 60 ha, nord de la ville, entre 11 et 12 km de part et d’autre de l’ancienne route Kisangani-Buta;

- Forêts artificielle à l’état de forêt secondaire.

3. La réserve forestière de Masako (I3).

- ± 2105 ha, au nord, entre 14 et 16 km de Kisangani sur l’ancienne route Kisangani-Buta;

- Forêts secondaires (± 1440 ha) et primaire à Gilbertiodendron dewevrei (± 665 ha).

4. La forêt de l’le Kungulu (I4).

- ± 100 ha, nord-ouest de la ville;

- Forêts secondaires (1/4 de la superficie de l’île) et primaire à Piptadeniastrum africanum et Celtis mildbraedii.

5. La forêt de Yalisombo (I5).

- ± 170 km², rive gauche du fleuve Congo, à l’Ouest de Kisangani;

- Forêt primaire à Gilbertiodendron dewevrei.

6. Autres îlots floristiques (I6).

En plus des cinq îlots forestiers étudiés, la région de Kisangani est avoisinée d’autres îlots de forêt non moins importants qui sont plus ou moins périphériques et relativement éloignés de l’agglomération urbaine.

Ce sont:

- l’île Mbie couverte des lambeaux de forêts primaires dégradées à Gilbertiodendron dewevrei, à Scorodophloeus zenkeri et des forêts secondaires à Musanga cecropioides, selon Mandango (1982);

- la Réserve forestière du Kilomètre 25 rail (3.370 ha) route Kisangani-Ubundu reboisée d’essences Terminalia superba, Pericopsis elata, Entandrophragma cylindricum et Khaya

- anthotheca sur une superficie de 1.275 ha à l’Est et 790 ha à l’Ouest.

- la Réserve forestière du Km 32 rail (3.6O5 ha), route Kisangani-Ubundu reboisée de Khaya spp.), Entandrophragma cylindricum, Terminalia superba sur une superficie de 95 ha;

- la Réserve forestière de Babagulu (2.360 ha) comprenant une forêt à Gilbertiodendron dewevrei de part et d’autre de la route Kisangnai-Ituri (50 - 54 km).

Fig. 3: Localisation des îlots forestiers de Kisangani par rapport à l’agglomération urbaine de Kisangani

Légende de la figure 3.

: KIS: Agglomération urbaine de Kisangani

: Ilots forestiers de Kisangani

I1: Réserve forestière des chutes de la Tshopo
I2: Arboretum de Kisangani
I3: Réserve forestière de Masako
I4: Forêt de l’île Kungulu
I5:Forêt de Yalisombo
I6: Lambeaux forestiers de l’île Mbie

III. Observations floristiques

Les données floristiques suivantes proviennent des travaux inédits que nous avons initiés et dirigés (Mate 1984, Makana 1986, Likunde 1987 et Kahindo 1988), des travaux de Lejoly avec ses collaborateurs (Amuri 1979, Mosango 1990) ainsi que ceux de Liégeois (Liégeois et Petit 1950, Liégeois 1959).

1. Réserve forestière des chutes de la Tshopo

- 508 espèces de plantes vasculaires (1ers inventaires), selon Mate (1984).

- Familles plus reprrésentées: Rubiaceae, Euphorbiaceae, Fabaceae, Poaceae, Apocynaceae, Caesalpiniaceae, Moraceae, Commelinaceae, Marantaceae et Sterculiaceae.

- Espèce dominante: Terminalia superba (introduit);

Autres espèces d’arbres importantes: Millettia laurentii (introduit), Musanga cercropioides, Myrianthus arboreus, Fagara spp., Klainodoxa gabonensis, Pycnanthus angolensis.

2. Arboretum de Kisangani.

- 43 espèces arborescentes cultivées appartenant à 21 familles (Caesalpiniaceae, Meliaceae, Sapotaceae, ...) selon Kitoko (1984).

- ± 10 espèces d‘arbres spontanés issus de la forêt préexistante.

- Exemples: Autranella congolensis, Donella pruniformis, Omphalocarpa procera, Gilbertiodendrum dewevrei, Strombosiopsis tetrandra, Cynometra alexandrii, Entandrophragma angolense, Guarea cedrata, Pericopsis elata.

3. Réserve forestière de Masako.

3.1. Forêts secondaires

- 504 espèces de Trachéophytes (1ers inventaires) selon Kahindo (1988).

- Familles mieux représentées: Rubiaceae, Apocynaceae, Annonaceae, Euphorbiaceae, Fabaceae, Menispermaceae, Connaraceae, Hippocrateaceae, Icacinaceae et Sterculiaceae.

- Espèces dominantes: Musanga cecropioides, Pycnanthus angolensis, Fagara macrophylla, Trichilia welwitschii, Ricinodendron heudelotii, Uapaca guineensis.

3.2. Forêt primaire

- 268 espèces de Trachéophytes recensées par Makana (1986).

- Familles plus importantes: Rubiaceae, Euphorbiaceae,

Caesalpiniaceae, Annonaceae et Apocynaceae.

- Espèces arborescentes essentielles: Gilbertiodendron dewevrei (dominant) associé à Polyalthia suaveolens et Strombosia glaucescens.

- Autres espèces d’arbres: Cynometra hankei, Strombosia grandifolia, Strombosiopsis tetrandra, Dialium pachyphyllum, Annonidicum mannii, Diospyros melocarpa, Staudtia gabonensis, Isolona hexaloba, Garcinia punctata, Cola griseiflora, Pachystela bequaertii, Trichilia gilgiana, Monodora suaveolens, etc.

3.3. Grands arbres

La réserve forestière de Masako conserve encore trois gros arbres relictuels:

- Entandrophragma sp. qui mesure 764 cm de circonférence (dbh à 1,30 m) et 716 cm de circonférence à 3 m du sol; il est plus ou moins isolé en forêt secondaire;

- E. cylindricum mesurant 750 cm de circonférence à 3 m de hauteur en forêt primaire;

- Autranella congolensis observé en lisière Est de la forêt primaire; l’individu mesure ± 850 cm de circonférence (dbh à 130 cm). Liégeois et Petit (1950) ont mesuré la circonférence au- dessus de l’empattement de trois grands Entandrophragma dans la région de Kisangani: un Entandrophragma angolense (5,80 m), un E. candolei (8,40 m) et un E. utile (10,75 m).

4. Forêts de l’île Kungulu

4.1. Forêts secondaires

- 254 espèces de plantes vasculaires en forêt secondaire jeune et 267 espèces en forêt secondaire âgée d’après Amuri (1979).

- Espèces dominantes: Musanga cecropioides en forêt secondaire jeune; Zanthoxylum gilletii, Pycnanthus angolensis, Petersianthus macrocarpus et Trilepisium madagascariensis en forêt secondaire âgée.

- Autres espèces d’arbres: Antiaris toxicaria, Tetrapleura tetraptera, Milicia excelsa, Heisteria parvifolia, Pentaclethra macrophylla, Tabernaemontana crassa, Anthonotha macrophylla, etc.

4.2. Forêt primaire à Piptadeniastrum africanum et Celtis mildbraedii

- 320 espèces de Trachéophytes dénombrées par Mosango (1990).

- Familles mieux représentées: Rubiaceae, Euphorbiaceae, Moraceae, Meliaceae, Sterculiaceae, Fabaceae et Menispermaceae.

- Espèces dominantes: Piptadeniastrum africanum et Celtis mildbraedii.

- Autres espèces d’arbres: Petersianthus macrocarpus, Isolona thonneri, Antiaris toxicaria, Hannoa klaineana, Trichilia welwitschii, T. prieuriana, Anonidium mannii, Tabernaemontana crassa, Pycnanthus angolensis, Guarea cedrata, Anthonotha macrophylla, etc.

5. La forêt de Yalisombo

- 424 espèces de Rhizophytes (1ers inventaires sporadiques), d’après Likunde (1987).

- Familles plus représentées: Rubiaceae, Euphorbiaceae, Sterculiaceae, Apocynaceae, Annonaceae, Menispermaceae, Moraceae, Meliaceae, Acanthaceae, Fabaceae et Sapotaceae.

- Espèces dominantes: Gilbertiodendron dewevrei accompagné essentiellement de Brachystegia laurentii et Polyalthia suaveolens.

- Autres espèces d’arbres: Diospyros canaliculata, Staudtia gabonensis, Strombosia grandifolia, S. glaucescens, Garcinia polyantha, G. punctata, Isolona bruneelii, Cola griseiflora, Pachystela bequaertii, Julbernardia seretii, Manodora myristica, etc.

IV. Propos de sauvegarde des îlots forestiers de Kisangani.

1. Action de l’homme sur les îlots forestiers de Kisangani.

L’action négative bien manifeste de l’homme dans chacun de ces îlots forestiers, quoique officiellement protégés (sauf la forêt de Yalisombo), devient de plus en plus inquiétante. Leurs aires respectives sont grignotées petit à petit par des défrichements plus ou moins isolés qui se font en lisières pour l’agriculture itinérante dont l’expansion reste incontrôlée dans la région de Kisangani. En outre, la population intervient sporadiquement dans ces forêts en clandestinité à la recherche de la matière ligneuse pour diverses utilisations: charbon de bois, bois de feu, bois d’œuvre; fabrication des pirogues et pagaies, des tambours, des mortiers et pilons, des cercueils; confection des chaises, des paniers; constructions; menuiserie et autres différents outils.

Ces actions anthropiques dégradantes ont des effets néfastes sur chaque îlot forestier: la réduction de son étendue, l’apparition des clairières favorisant le développement d’espèces héliophiles, la mutilation des arbres, la modification du microclimat forestier, la raréfaction ou la disparition des taxons surexploités ou rares, l’atteinte à la faune sauvage par perturbation de sa vie ordinaire, etc. D’où lesdites forêts sont menacées d’une dégradation progressive apparemment lente pour certaines (Réserve forestière des chutes de la Tshopo, Arboretun de Kisangani) et plus inquiétante pour d’autres (Réserve forestière de Masako, Forêt de l’île Kungulu, Forêt de Yalisombo).

Ainsi, la forêt primaire à Gilbertiodendron dewevrei de Masako est menacée par l’abattage de ses arbres réalisé plus ou moins couramment notamment pour la préparation du charbon de bois (Gilbertiodendron dewevrei, Cynometra spp., Baikiaea insignis, Brachystegia laurentii, Klainodoxa gabonensis, Uapaca guineensis, etc.). Cette réserve est quelquefois convoitée par des sociétés d’exploitation du bois.

Depuis des années, des arbres de l’île Kungulu sont coupés pour être vendus. Une bonne partie de la forêt primaire à Gilbertiodendron dewevrei de Yalisombo, d’une superficie de 170 km², est une concession de la Société SORGERI (depuis 1983) qui projeterait y faire des plantations (palmeraies entre autres) et l’exploiter pour le bois.

2. Protection des îlots forestiers de Kisangani.

Il découle de ce qui précède que les îlots forestiers étudiés sont menacés de dégradation progressive et même de disparition. Leur rotection pose actuellement des problèmes sérieux vu la rareté ou le manque du personnel (gardes forestiers entre autres) chargé de cette mission. Et même quand il existe, il n’est pas motivé.

Or, c’est à partir de ces îlots forestiers que des étendues plus importantes de forêts adultes devront se reconstituer en ceinture verte moins discontinue autour de la ville de Kisangani.

D’où les suggestions suivantes que nous croyons mieux indiquées pour assurer la sauvegarde des îlots forestiers de Kisangani.

a) Augmenter le nombre de gardes forestiers affectés à chaque réserve forestière et dont la tâche primordiale est de surveiller et d’empêcher toute intervention de l’homme dans chaque entité forestière; il importe que ce personnel soit rémunéré convenablement.

b) Doter la forêt primaire de Yalisombo du statut de réserve forestière intégrale avant qu’elle ne soit détruite au profit des plantations industrielles ou de l’exploitation du bois.

c) Aménager dans les environs immédiats de chaque îlot forestier d’autres écosystèmes forestiers qui seraient exploités rationnellement par la population locale en vue de subvenir à ses besoins en produits forestiers. Ainsi ces îlots forestiers seraient épargnés, en grande partie, d’influences néfastes des populations locales.

d) Convaincre les populations locales en leur montrant l’importance qu’il y a à sauvegarder ces forêts. Dans ce cas, il faudra agir au niveau des chefs des villages, des localités et des collectivités. C’est à ce niveau, croyons-nous, que les responsables compétents devraient s’adresser pour tenter d’introduire des modifications de comportement dans la population.

Cependant, ce problème est très complexe parce qu’il touche à des traditions ancestrales. En effet, depuis les temps plus reculés, la population exploite la forêt, elle ne voit pas pourquoi doit-elle subir de contraintes à cet égard. Il s’agit alors d’un comportement, d’une habitude ancestrale qui consiste à abattre les arbres et à chasser le gibier. Cette stratégie mettrait à profit les ressources des sciences humaines et ici interviendraient les sociologues par exemple. Ces derniers amèneraient les responsables locaux à comprendre ces problèmes et à influencer à leur tour la population, contribuant en somme à son éducation.

e) Mise au point d’une politique visant le remplacement de l’agriculture itinérante, l’un des facteurs de destruction des forêts tropicales, par d’autres systèmes d’exploitation rationnelle du sol sans dégradation de la végétation forestière. Pour ce faire, les recommandations suivantes ont été formulées par Tshibaka (1983) pour la R.D. Congo:

- l’utilisation rationnelle et généralisée des technologies modernes susceptibles d’aider les paysans à exploiter leurs champs pendant une période relativement longue sans que le rendement ne baisse;

- la recherche d’un ou plusieurs systèmes culturaux et agrosylvicoles permettant une utilisation permanente ou plus ou moins longue des terrains;

- la spécialisation relative de différentes zones éco-climatiques de la R.D. Congo du point de vue agricole.

f) Introduire et même intensifier la culture d’arbres sauvage à vocation alimentaire qui exploiteraient au maximum toutes les conditions écologiques et climatiques, selon Bijttebier (1992):

- en assurant en permanence la couverture végétale du sol;

- par le maintien et l’amélioration progressive de la structure du sol;

- en diminuant les retombées d’ordre climatique par l’amélioration du climat régional au fur et à mesure que le reboisement sera réalisé à une plus grande échelle;

- par la réduction des tâches trop pénibles et longues des agriculteurs si les arbres à vocations alimentaire sont bien choisis.

A ce propos, Bijttebier (op. cit.) propose déjà l’introduction et la sélection de l’espèce Treculia africana dont les graines, couramment consommées par nos populations rurales des zones forestiètres, sont reconnues comme pouvant assurer une production massive de protéines comparables à celles de la viande.

g) Fabrication massive des foyers améliorés domestiques plus performants utilisant très peu de charbon de bois ou de bois de feu.

h) Reboiser aux alentours de l’agglomération urbaine de Kisangani des forêts artificielles, nous paraît indispensable pour assurer l’intégrité de ces îlots forestiers exploités clandestinement, entre autres, pour approvisionner en produits ligneux la population urbaine de Kisangani dont l’impact négatif, direct ou indirect, sur ces écosystèmes est bien considérable.

Pour ce faire, on reboiserait autour de la ville de Kisangani deux groupes de forêts artificielles. L’un servirait de ceinture verte au pourtour de l’agglomération urbaine où il favoriserait l’apparition, la diversification et le maintien d’autres biocénoses sauvages ayant disparu suite à l’implantation de la ville. Il comprendrait surtout des essences locales spontanées des forêts primaires denses.

L’autre groupe aurait une fonction économique (exploitation du bois de chauffage, de construction, des produits d’extraction, etc.) et serait constitué principalement de plantes ligneuses (arbres, arbustes ou lianes) utiles (aptes à produire du bois à un pouvoir calorifique élevé par exemple) sauvages ou introduites, de préférence à croissance rapide, et adaptées aux conditions écologiques du milieu.

Le premier type de forêt artificielle serait à protéger intégralement et le second serait à exploiter rationnellement.

IV. Conclusions

Les îlots forestiers de Kisangani étudiés constituent des complexes d’écosystèmes forestiers dont:

- trois forêts primaires: la forêt à Gilbertiodendron dewevrei de Masako qui est la forêt primaire qui soit plus proche de l’agglomération urbaine de Kisangani, la forêt semi-caducifoliée à Piptadeniastrum africanum et Celtis mildbraedii de l’île Kungulu et la forêt à Gilbertiodendron dewevrei de Yalisombo qui s’avère être la forêt primaire plus étendue par rapport aux précédentes;

- trois plantations arborescentes présentant des caractéristiques des forêts secondaires et où apparaissent des espèces propres aux forêts primaires: la Réserve forestière des chutes de la Tshopo où domine la plantation à Terminalia superba, l’Arboretum de Kisangani formé d’une quarantaine d’espèces arborescentes réparties en 21 familles de plantes supérieures angiospermes; les forêts secondaires de Masako développées à partir des reboisements effectués pour l’enrichissement de la réserve;

- les forêts secondaires de l’île Kungulu comprenant une forêt secondaire jeune à Musanga cecropioides et une forêt secondaire âgée à Zanthoxylum gilletii.

Les études botaniques commencées devront se poursuivre afin de disposer d’un inventaire floristique complet et systématisé de

13 chaque îlot forestier à l’instar de l’île Kungulu. Ce qui devrait permettre de réaliser des études plus approfondies sur la composition, l’organisation, le dynamisme et l’écologie (dont l’écologie quantitative) sur ces différents écosystèmes forestiers.

La sauvegarde des îlots forestiers de Kisangani devra être consolidée en augmentant le nombre du personnel chargé directement de le faire ou en lui dotant d’un équipement indispensable pour bien mener cette tâche, en éduquant la population environnante, par le remplacement de l’agriculture itinérante par une agriculture plus intensive ou agrosylvicole à stabiliser sur des sites définis, la culture d’arbres à vocation alimentaire et par l’aménagement d’autres écosystèmes forestiers artificiels qui serviraient des zones tampons ou d’aires de transition à soumettre à une exploitation rationnelle et sélective pour subvenir aux besoins de la population en produits forestiers de première nécessité.

Nous pensons, d’une manière générale, que pour bien sauvegarder les îlots de forêts primaires qui subsistent encore sur des sites plus proches des agglomérations humaines de la République Démocratique du Congo en particulier et de l’Afrique tropicale en général, il importe d’y aménager des forêts artificielles à composition floristiques diversifiée. Celles-ci comprendraient les espèces plus recherchées et seraient protégées tout en étant exploitées rationnellement en vue de répondre aux besoins économiques de la population locale. On diminuerait de ce fait l’intensité de l’influence de cette dernière sur les forêts primaires qui subsistent encore dans les environs de chaque centre urbain ou autres localisations importantes d’occupation humaine.

V. Références

Amuri, L., 1979. La forêt primaire de terre ferme de l’île Kongolo (Haut Zaïre).

Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences, Kisangani, 92 p.

Bijttebier, J., 1992. Le Treculia africana, assurant une production massive de protéines comparables à celles de la viande, vient au secours de la médecine et du développement économique du tiers-monde. Mémoire présenté au Colloque international «Nouvelle Coopération Agro-Forestière au Zaïre», Tervuren (Belgique), Octobre 1992. Document polycopié 53 p.

Kahindo, M., 1988. Contribution à l’étude floristique et phytosociologique des forêts secondaires de Masako (Kisangani). Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences; Kisangani, 65 p.

Kitoko, K., 1984. Mensurations et calculs de volume et d’accroissement de quelques essences des familles Meliaceae et des Sapotaceae de l’Arboretum de Kisangani. Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences; Kisangani, 49 p.

Liégeois, P., 1959. Arboretum de Stanleyville. Bulletin Agricole du Congo-Belge, vol. L., n°1: 36 - 65.

Liégeois, P., et Petit, P., 1950. L’Arboretum de Stanleyville. Bulletin Agricole du Congo-Belge, vol. XII, 1: 3 - 36.

Likunde, B., 1987. Contribution à l’étude floristique de la forêt à Gilbertiodendron dewevrei de Yalisombo (Kisangani). Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences, Kisangani, 68 p.

Makana, M., 1986. Contribution à l’étude floristique et écologique de la forêt à Gilbertiodendron dewevrei de Masako (Kisangani). Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences, Kisangani, 64 p.

Mandango, M., 1982. Flore et végétation des îles du fleuve Zaïre dans la sous-région de la Tshopo. Thèse de doctorat inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences; Kisangani, pp. 303 - 342.

Mate, M., 1984. Etude floristique et reforestation de la plantation à Terminalia superba dans la boucle de la Tshopo à Kisangani. Mémoire de licence inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences, Kisangani, 77 p.

Mosango, M., 1990. Contribution à l’étude botanique et biogéochimique de l’écosystème forêt en région équatoriale (Ile Kongolo, Zaïre). Thèse de doctorat inédit. Université Libre de Bruxelles, Faculté des Sciences; Bruxelles, 446 p.

Nyakabwa, M., 1982. Phytocénoses de l’écosystème urbain de Kisangani. Thèse de doctorat inédit. Université de Kisangani, Faculté des Sciences; Kisangani, 1: 1-418.

Tshibaka, T. B., 1983. Impact de l’agriculture itinérante sur les ressources forestières "le cas de la collectivité Turumbu». Actes de Journées Scientifiques et du Colloque National de Biologie, 25-28 avril 1983. Université de Kisangani, Faculté des Sciences; Kisangani, pp. 58-60.