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DE LA FAIBLESSE DE LA FORET CULTIVEE

Jean-Louis MARTRES 1


Résumé:

Le texte est une réflexion sur la faiblesse de la forêt cultivée, faiblesse précédente au mouvement écologiste et à d'autres pressions externes, qui font oublier que la nature n'existe pas sans l'homme, et que sans l'homme elle ne présente aucun intérêt. Ce message catastrophique des écologistes, même s'il est faux, a fortement imprégné une société de l'asphalte qui croit encore que la majorité des forêts sont vierges et ne croit pas au résultat d'une coexistence avec l'homme.

D'autre part, on fait une analyse critique du concept de Gestion durable des forêts, qui est devenu quelque chose de sacré, et de celui de la Certification, en analysant ses origines pour montrer comment les multinationales, aussi bien industrielles qu'écologistes, se sont alliées contre les sylviculteurs.

La mondialisation a des effets périphériques sur des théâtres obscurs qui, brusquement, se trouvent mis en lumière. Ils sont délicats à appréhender car la source de leur intérêt médiatique n'apparaît pas immédiatement. Ainsi la forêt qui ne concernait que des ingénieurs spécialisés, des sylviculteurs ou des touristes, est, lors du Congrès de Rio, devenue un sujet de préoccupation mondiale. Eclat d'ailleurs vite éteint puisque le Congrès de Johannesburg s'en est détourné.

Mais la lumière brusque et violente convient mal à des problèmes complexes, car elle ne souligne que certains aspects, en laissant d'autres dans l'ombre. Cela concerne le problème de la forêt cultivée qui demeure ignoré, écrasé par le poids médiatique d'une forêt sauvage en voie de perdition. De ce fait, ceux qui ont fait de la forêt une source de revenus, et l'ont cultivée à cette fin, se voient conspués avant d'être connus. Concept illégitime sur le plan idéologique, il désire pourtant exprimer le souci de ceux qui, par tradition et modernité aussi, se sont dévoués à percer les secrets de la culture de l'arbre. Or cet art risque de se perdre, sacrifié sur l'autel du sauvetage de la forêt primaire, pour laquelle d'ailleurs rien n'est fait. La quasi morte risque d'entraîner sa part vivante dans une chute fatale. Or, les pays d'Europe Occidentale, suivis de nombreux pays émergeants d'Amérique ou d'Asie continuent d'avoir besoin de cette ressource afin d'améliorer leur sort.

Cette mission pessimiste n'oblige pas à la renonciation. Mais la bataille ne peut être gagnée que par des mots, en ramenant à leur juste échelle les divagations de certains écologistes, ne connaissant que les arbres enfermés dans des jardins publics ou imaginaires.

Il importe donc de dresser un bref tableau des caractères de la forêt cultivée, afin de repartir, en commençant bien sûr ces quelques remarques par la définition du concept lui-même.


I - LE CONCEPT DE FORET CULTIVEE

Le plus délicat reste de poser la question à son vrai niveau. Or contrairement à la logique technique, uniquement attachée à trouver un contenu "scientifique" aux critères et indicateurs de la gestion durable, le problème réel n'a que peu de rapports avec ces questions. Il se situe résolument au niveau idéologique. Mais le cloisonnement des disciplines interdit aux sciences sociales de pénétrer dans le monde clos des sciences exactes. Et les spécialistes ne se sentent pas concernés par cet aspect des choses, pas plus d'ailleurs que les administrations responsables des secteurs forestiers. Conditionnés par la mode, donc l'opinion, donc la politique, ils se soucient de cultiver des normes avec l'arrière-pensée corporatiste d'y glisser un nouveau champ d'intervention. Ainsi les ministres de l'Environnement ont offert des emplois avant de réguler la nature.

Depuis l'épuisement de la matrice marxiste et sa condamnation par l'effondrement de l'URSS, de nombreux groupuscules se sont sentis sans patrie. Il en allait de même pour ceux qui regardaient d'un _il puritain le luxe et le gaspillage des sociétés de consommation. Nul doute d'ailleurs que ces mouvements ne pouvaient s'exprimer que dans le cadre des démocraties pluralistes, dont la sérénité n'a jamais été perturbée par l'arrivée de nouvelles idées. Car la démocratie, frivole dans ses goûts, est aussi parfaitement consciente de sa capacité à digérer les sectes minoritaires. Le meilleur moyen consiste à les confronter aux réalités du pouvoir; alors très vite s'épuisent leurs recettes miracles. Cependant il n'est pas certain que les législateurs s'aperçoivent toute de suite de la mort d'une divinité qu'ils prétendent honorer par des textes de droit. Ainsi traînent dans les archives démocratiques des théories épuisées à qui la loi semble encore donner une apparence de vie.

Il en va ainsi par exemple de la loi, comme celle du 9 juillet 2001 en France, qui a l'ambition de se porter au devant du progrès, recouvrant d'une épaisse couche verte de vieilles lunes bureaucratiques. Sa fierté principale concerne "l'invention" de la multi-fonctionnalité des forêts que, par chauvinisme naturel, elle imagine supérieure au cantonnement. Il y a quelque chose d'Astérix dans ce nationalisme cocardier, soi-disant capable de donner des leçons à toutes les puissances du monde. Heureusement les Français n'ont pas ce monopole, et bien d'autres se sont empressés de tremper leurs vieilles lois dans un bain de teinture naturaliste voire macrobiotique.

La forêt cultivée a simplement pour but de rappeler que des hommes se consacrent depuis des centaines d'années à lui fixer des buts utiles à l'homme. Bien sûr, dans ce cadre, nous pensons au bois, mais l'hominisation de la nature lui permet d'en tirer d'autres ressources: la cueillette des champignons, le miel, le liège, la nourriture pour les animaux, la chasse etc... La liste est immense des bienfaits qui naissent de la relation prospère entre l'homme et la forêt.

Or, ce concept ne doit sa naissance qu'à la primature affichée en faveur de la forêt sauvage. En quelque sorte il en est le produit induit, afin de rappeler les règles de l'humanisme au niveau forestier. Car la nature n'existe pas sans l'homme, et si elle existait sans lui, elle ne présenterait aucun "intérêt".

Il faut bien comprendre que la séduction de la forêt sauvage doit tout aux mirages idéologiques. Elle est l'antithèse exacte de la jungle de béton, d'autant plus désirable qu'elle est censée apporter tout ce qui manque à l'univers urbain: la solidarité, la communion avec la nature, la pureté, le silence, la spontanéité contre la culture de masse, la solitude contre le collectif. En fait, elle est l'inverse de l'aspiration communautaire démocratique. Profondément élitiste, cette nature rêvée est accessible qu'à un tourisme de luxe ou à des milliardaires capables d'acheter d'immenses étendues afin d'y construire leurs demeures paradisiaques. Ce besoin de fuir l'univers moderne ne doit jamais être séparé de ce qui est condamné dans la société moderne: le niveau de vie, qui assure nourriture abondante et confort au plus grand nombre. Il n'est guère étonnant de trouver chez les écologistes les plus durs, des philippiques sur la guerre, sur l'atome, sur la mal-bouffe, sur le "bruit et les odeurs" de la civilisation occidentale. L'Occident est coutumier du fait. Il a manifesté la plus grande hâte à se construire un Eden de la consommation, au nom de l'idéal matérialiste du monde post-théologique. Commence-t-il à réussir, que déjà lassée, une nouvelle élite lui propose des aspirations métaphysiques où la nature tiendra le rôle de la divinité. Logique donc que les premiers fondateurs de ce mouvement écologiste se soient recrutés dans la frange puritaine des pays anglo-saxons.

Ainsi définie, l'idéologie écologiste prête le flan à la critique: aristocratique et antidémocratique, animiste magique et anti-rationaliste, métaphysicienne et hostile à la société matérielle, tous ces thèmes doivent être combattus avec force. La forêt n'est pas le plus mauvais lieu pour lancer l'attaque, car celle-ci abrite les nouveaux dieux. Nous devons les combattre pour survivre, en prenant conscience des innombrables soutiens dont nous disposons. Le score électoral des partis écologistes montre parfaitement que la majorité ne se laisse pas tromper par ces artifices anti-humanistes. Aussi longtemps que l'homme désirera assurer sa prospérité matérielle, aussi longtemps nous disposerons d'appuis pour combattre les veaux d'or de "l'éco-idéologie".

La difficulté vient de ce que nous ne voulons pas le faire ou ne savons pas le faire, confiants dans la pérennité de l'arbre et uniquement soucieux de respecter des normes imaginaires inspirées par une mode futile de pays riches. Que les écoles d'ingénieurs se détournent de la forêt cultivée pour se soucier des forêts "naturelles", que les administrations cessent de s'imaginer avoir découvert un continent vierge prêt à accueillir leur légions, que les industriels ne cèdent plus devant les centrales d'achat, que le politique suspende sa férule réglementaire, voilà le but à atteindre. Il est temps de remettre les pendules à l'heure et de tirer sur l'ambulance !

Mais ces remarques sur la nature idéologique du problème, ne peuvent être saisies qu'à l'aide de déclinaisons concrètes, illustrant la faiblesse de la forêt cultivée. Cela concerne particulièrement la gestion durable et la certification.

II - LA GESTION DURABLE

1°) La gestion durable est le fruit d'un compromis passé à Rio, lors du Sommet de la Terre, entre les préservationnistes, partisans d'un respect intégral de la nature et les interventionnistes, désireux de la mettre au service de l'homme. Sans doute la gestion reste possible, mais le qualitatif, la rend conditionnelle. Et ceci, avec deux conséquences: qui, en effet, peut en juger ? Quelles menaces rendent cette clause nécessaire ? Ou, pour formuler la même question d'une autre façon, y aurait-il une gestion non durable en train de causer des dommages irréparables

a) Le seul juge imaginable doit, pour être crédible, prendre un recul temporel. Ainsi nous pouvons dire que les Wisigoths ont détruit la forêt landaise, que les Arabes de la Conquête ont effacé des mémoires la fertilité du croissant mésopotamien. Dans le cadre du temps présent le paradoxe temporel joue et nous ne pouvons acquérir le regard éloigné qui donnerait des certitudes. Il faut choisir un autre étalon, celui de la Science s'impose immédiatement. Mais est-ce sûr, ce critère est-il certain ? D'abord les sciences exactes sont critiquées par les écologistes, à l'exception de la seule Science Ecologiste, bien entendu, car elles ne donneraient qu'un regard partiel et partial.

b) De façon subliminale se trouve instillée la crainte d'actions néfastes de l'homme, présentées comme des certitudes. Qui, d'ailleurs, en doute actuellement ? La destruction de l'environnement fait partie des lieux communs aussi inattaquables que les vaches sacrées. Cela reste pourtant à démontrer, car ce jugement traduit principalement la crainte irraisonnée de citadins plus habitués au ciment qu'aux plantes, sinon en pots. De la lointaine nature, dont ils sont les visiteurs occasionnels, parviennent des messages alarmants, signalant ici, la régression du vespertillon à oreille échancrée, ou là, celle de la leucorine à gros thorax. Ils apprennent du même coup leur existence et leur mise en péril. Périodiquement, la télévision montre des pandas épuisés indifférents à leurs compagnes, ou s'inquiète du sort des baleines, mais oublie de préciser que les Chinois adorent les pousses de bambous dont se nourrissent les ours, et que les Japonais raffolent de la chair des baleines. De toutes façons, Ulrich Beck n'a pas tout à fait tort d'affirmer "Ce dont les gens craignent la réalité est un fait réel". Le fantasme existe, donc la menace, même d'un risque imaginaire, doit être prise en compte. Mais cela ne va pas sans poser un problème majeur: l'homme est de plus en plus considéré comme un parasite de la nature, dont il serait temps d'entreprendre l'éradication. L'humanisme n'est plus à la mode !

2°) Il faut également noter l'origine nord-américaine du concept, non par chauvinisme local, mais en raison des différences juridiques entre les systèmes anglo-saxons et ceux romanisés. En droit français, par exemple, nous savons, et le juge en a bien précisé le sens, ce qui signifie la gestion du bon père de famille: il se reconnaît à sa capacité de transmettre à ses enfants un patrimoine équivalent ou supérieur à celui qu'il avait reçu. Le droit anglo-saxon désigne un but et laisse à chacun les moyens de l'atteindre. La durabilité, transposée à la hâte dans le droit positif français produit des résultats incertains. Car elle est issue de l'inquiétude des Américains envers la protection de la "wilderness", (la nature prétendue sauvage, bien que déjà humanisée par les Indiens au moment de la colonisation). Il n'existe rien de tel en Europe Occidentale. Le résultat paradoxal aura été de rendre ce concept universel, alors que son sens précis dépend de conditions locales spécifiques. Faut de saisir cette nuance, nous pourrions croire que la cuisine de Mac Donald est un pur produit de la cuisine aquitaine.

Nous voilà rassurés: le pouvoir appartient aux savants et aux ingénieurs chargés de dresser l'état des lieux. Que font-ils actuellement ? Doctement, ils codifient les modes traditionnels de gestion et les publient ? Ce qui est bien, redondant certes, mais utile à la communication afin de rassurer l'opinion. Ils peuvent aussi se substituer aux praticiens ordinaires. G. Rossi, s'intéressant à l'intervention de la science occidentale dans les pays sous-développés, se trouve forcé de constater qu'elle fut très généralement synonyme de désastre. Faute d'avoir compris qu'une intelligence millénaire des paysans locaux avait su gérer la savane et la forêt, ils tentèrent d'imposer l'ordre géométrique et les monocultures des pays occidentaux. A ce moment commencèrent les catastrophes. Il décrit le cas cocasse du Fouta Djalon que les administrateurs coloniaux, les savants patentés, puis les responsables politiques locaux tentèrent de protéger contre les paysans primitifs. Des études viennent de démontrer que la fameuse érosion de la montagne datait d'une époque antérieure à l'apparition de l'espèce humaine ! Mais sommes-nous capables de renoncer à l'arrogance scientifique et de concevoir avec humilité que, dans certains cas, la tradition vaut aussi cher que la science, dans la hiérarchie des connaissances ?

3°) Ce procès n'est-il pas de l'ordre de la provocation ? Si ce concept est né, s'il s'est répandu à la vitesse du vent, il devait y avoir des raisons objectives. Ne savons-nous pas, depuis Hans Jonas, Ulrich Beck et bien d'autres, que la société industrielle technologique est en soi un "attentat contre la nature" ? Partout la pression démographique l'écrase, partout la déforestation bat son plein et prive l'homme à tout jamais de la biodiversité ainsi que du poumon vert qui assurent sa survie ?

Où est l'erreur ? Dans le singulier, car tous ces maux sont à mettre au pluriel. Oui, il y a des cas bien identifiés où l'homme détruit la nature. Mais les causes en sont parfaitement connues. Ici les pouvoirs politiques, ou des guérillas au Viêt-Nam, en Indochine, au Cambodge, extraient les espèces rares et financent ainsi leurs buts obscurs. Là, des multinationales ravagent les ressources concédées sans souci du lendemain, au Canada ou aux USA. Là encore, en Amérique Latine, l'Etat s'inspire des pratiques européennes pour donner des terres, conquises sur les forêts. Mais la raison du plus fort n'est-elle pas la meilleure, sans compter que cela n'empêche en rien de signer les grandes conventions internationales et d'élaborer des lois complexes, destinées, bien entendu, à rester lettre morte ? Mieux encore, l'opération permettra de réaliser des bénéfices politiques substantiels chaque fois que l'Etat se posera en parangon des vertus écologistes afin de pouvoir critiquer les autres et ainsi acquérir un pouvoir sur eux. Les Etats Scandinaves y excellent !

La biodiversité n'est-elle pas menacée ? L'homme ne court-il pas à sa perte ? Les vieux slogans malthusiens ressortent de leurs placards, même si les études les plus fines démontrent que la biodiversité croît en même temps que l'augmentation de la population, même s'il est prouvé que l'homme crée tous les jours de la biodiversité. Le nombre considérable de variétés de tomates provient d'une seule souche américaine donnant des fruits minuscules et acides.

La gestion durable résulte d'une frilosité fébrile, liée au garantisme des sociétés occidentales, avides, comme Dieu, de se reposer dans le Jardin d'Eden, après avoir créé le monde industriel, ses fumées, son ciment et ses usines. Est-ce que ceux qui ont encore faim souhaitent vraiment la fin de la société de consommation ? Il est vrai que quelques écologistes demandent de les laisser mourir afin de respecter les lois naturelles de la sélection des espèces!

III - LA CERTIFICATION

Incontestablement les sylviculteurs ont fait preuve d'une grande capacité de réaction en créant le P.E.F.C., afin de contrer l'offensive, toujours extrêmement présente, du F.S.C. Et nous avons su ainsi répondre à la demande pressante de certains industriels.

Maintenant, à la place de l'autosatisfaction, regardons d'un _il critique le sens de cette opération. Car notre capacité de proposition doit toujours être accompagnée d'une parfaite liberté d'appréciation. C'est là le véritable rôle d'une organisation professionnelle. Or d'où vient la certification aussi appelée par certains éco-certification ?

L'aventure commence au Sommet de Rio en 1992, où sous la pression des organisations non-gouvernementales écologistes, inquiets, à juste titre, du déboisement anarchique des forêts tropicales, fut exigée la preuve que le bois était issu d'une forêt gérée durablement. Le seul résultat clair fut que cette exigence retombât sur des forêts parfaitement gérées, en pleine progression en Europe occidentale.

Là est bien la preuve que les Etats européens ont capitulé en rase campagne devant les O.N.G., abandonnant un nouveau pan de leur souveraineté aux diktats des multinationales écologistes ! Car en clair, l'immense monument législatif et réglementaire construit pendant des siècles, perd toute valeur devant le tribunal de ces principautés virtuelles, sans assise territoriale et sans légitimité démocratique. Si les Etats ont cédé si facilement, que faut-il en déduire ? Faiblesse de leur part ou plutôt faiblesse de la forêt cultivée incapable de mobiliser l'Etat, indifférent à la pression extérieure dans ce domaine.

Mais comment s'en étonner, sinon par archaïsme, puisque depuis longtemps déjà l'agriculture s'est engagée dans une démarche qualité. Sans doute, mais elle l'a fait volontairement afin d'obtenir du marché un sur-prix conforme à l'effort consenti par le producteur. Qu'en est-il pour nous ? Le problème vient de ce que l'appréciation de la qualité du bois ne dépend pas du goût, contrairement aux produits agricoles. Le pin ne se consomme pas. Bien malin celui qui dira, en l'absence de certificat, si le bois a été bien traité depuis son enfance, ou s'il a été maltraité par une marâtre indigne. En revanche, même si les sylviculteurs ont réussi à abaisser les coûts par rapport au F.S.C., demeurera toujours une contrainte financière supplémentaire ! Mais si le consommateur ne peut faire son jugement de façon éclairée, le marché tiendra-t-il compte de nos efforts?

A qui devons-nous ces honneurs ou ces horreurs ? A la faiblesse des liens interprofessionnels, qui n'ont pas su résister à la pression des centrales d'achat sur les industriels, elle-même inspirée par les marchands de certificats. Tant que les industriels et les sylviculteurs ne feront pas front commun contre l'ingérence de groupes ignorants ou malintentionnés, nous serons obligés de céder.

Nous sommes donc coincés entre des Etats qui n'ont jamais renoncé à la propriété féodale des forêts (la propriété éminente) nous laissant la part rétrécie d'un domaine "utile" fortement réglementé et des industriels qui risquent de préférer les bonnes occasions au jour le jour plutôt qu'un accord à long terme avec les producteurs. En d'autres termes la mondialisation pour nous a un sens terrible: les multinationales écologistes et industrielles ont fait alliance contre les sylviculteurs. Le propos est cependant excessif car en Finlande la bataille fait rage au quotidien afin de détruire le système P.E.F.C. Mais sylviculteurs, industriels et Etat résistent.

Mais pour autant, ne soyons pas dupes, l'Etat prend souvent parti en faveur des consommateurs et des écologistes afin d'étendre sa propre emprise et multiplier les occasions de contraindre notre gestion. Car il est plus soucieux d'étendre son domaine bureaucratique que de créer une ressource pérenne.

Il n'est pas inutile de rappeler à ce propos que, lors du Congrès Mondial d'Antalya, les sylviculteurs avaient, de façon unanime, repoussé la certification !

Sans doute peut-on espérer, que nous finirions par expliquer à l'opinion qu'il n'y a des arbres que parce qu'il y a des hommes pour les cultiver !

Conclusion

La forêt cultivée ou appartenant à des petits propriétaires est un concept qui, pour les milieux écologistes, signifie que la forêt est dégradée puisqu'ils ne parlent que de forêts naturelles qui, vues avec une perspective historique, seraient des forêts sauvages - pratiquement disparues aujourd'hui - étant donné que la grande majorité des forêts a été aménagée, d'un manière ou d'une autre, par l'homme.

Le concept «de gestion durable» génère ---- de la part de ceux qui soutiennent ce concept que sans participer à la gestion des forêts on se croit en droit d'être les juges du travail des forestiers qui eux le pratiquent de génération en génération.

La certification de la gestion durable des forêts est une conséquence de la pression écologiste effectuée principalement par les distributeurs des produits forestiers, les Etats étant tombés dans ce piège qui, en fait, est exclusivement un instrument de marché.


1 Professeur de Sciences Politiques - Bordeaux IV
Président du Directoire de l'USSE
Maison de la Forêt
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