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Le financement de la foret cultivée la SODEF: Un exemple original

Gilles de Chassy


INTRODUCTION

: L’Union européenne compte plus de 100 millions d’hectares de forêt dont 65% relèvent de la propriété privée, plus de 70% en France. Le morcellement des propriétés consécutif aux successions pose, à terme, un problème de gestion à l’échelle des Etats car l’économie forestière contribue aussi activement au bien être des populations et à la protection de l’environnement. Or, le morcellement conduit, à long terme, à l’appauvrissement de l’écosystème forestier, c’est pourquoi une solution doit être recherchée: nous pensons qu’elle est essentiellement financière.

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Le bois est le seul éco-matériau qui soit aussi une matière première renouvelable non polluante. C’est pourquoi, redevenu aujourd’hui un matériau stratégique, il subit des pressions de ses principaux concurrents (béton, acier, pétrole, etc...) dont certains sont actifs dans les milieux de l’environnement.

Dans ce contexte, des forêts de plantation, très productives se sont développées, notamment dans les pays de l’hémisphère sud qui deviennent ou sont devenus producteurs de bois. Ce sont de nouveaux concurrents (par exemple: CHILI, BRESIL, NOUVELLE ZELANDE, AUSTRALIE...) qui s’ajoutent à ceux traditionnels (U.S.A., CANADA, SCANDINAVIE, FINLANDE, ex-URSS).

La sylviculture française doit donc être compétitive. La Forêt de Gascogne, très concernée par cette nouvelle concurrence potentielle, s’est déjà engagée dans cette lutte pour la compétitivité.

Il reste que des investissements importants pour améliorer la qualité de la production sont nécessaires. Or aucun produit bancaire, aucun outil financier n’existe pour encourager l’investissement en forêt, pour développer la sylviculture.

MOTS CLES: forêt privée, forêt cultivée - financement - rentabilité


1 - Les arguments en faveur de la création d’un outil de financement de la sylviculture.

Aucune banque ne s’est intéressée au financement de la sylviculture jusqu’à présent. Seules des aides publiques existent aujourd’hui, elles sont distribuées sous forme de subventions. Ces aides sont coûteuses pour la collectivité et doivent donc être limitées à des opérations particulières, les procédures sont lourdes et dissuasives.

Les sylviculteurs ont principalement et de façon récurrente des problèmes de trésorerie liés à l’important décalages entre recettes et dépenses: parfois plusieurs décennies!

En cas de phase critique l’activité n’est pas abandonnée comme dans le cas d’activités économiques à cycles financiers courts, elle est suspendue momentanément. Les travaux sont reportés en attendant les coupes. Ceci peut néanmoins entraîner des préjudices sur la productivité, l’entretien de l’espace et sur la structure foncière de l’exploitation et donc sur la rentabilité finale.

Les successions ont aussi un impact fort sur la gestion, en raison des frais et des divisions de l’outil de production (foncier) qu’elles entraînent. Dans les cas ou il n’existe pas de financement approprié, la gestion du foncier, la planification des investissements productifs et l’optimisation de la gestion des coupes peuvent se trouver fortement altérés et conduire à une baisse durable de rentabilité.

Les recettes provenant du bois sont aujourd’hui quasiment les seules qui financent l’entretien, la gestion et la protection des forêts.

1.2 - Le concept d’entreprise sylvicole

La politique forestière de la France a intégré la plupart de ces problèmes notamment sur le plan fiscal. Par exemple, si les droits (impôts) sur les successions appliqués aux forêts sont exonérés des ¾, cela ne supprime pas le partage entre héritiers, l’estimation de la valeur des biens et donc de leur cession: à l’évidence, le problème du financement reste entier.

La question de fond était de rendre visible l’économie forestière, la rendre accessible aux ratios classiques de l’analyse économique et financière. Aussi, à partir d’enquêtes et des besoins exprimés par les sylviculteurs, nous avons testé la gestion de plusieurs types de propriétés forestières grâce au système GEFAO (Gestion Forestière Assistée par Ordinateur) qui permet de déterminer sur 20 ans les recettes et dépenses et fixer leurs échéances.

S’agissant de financement, les contreparties nécessaires auxquelles il faut penser, s’appellent solvabilité, épargne, garanties. En réalité, le calcul de la rentabilité à l’hectare n’a pas de sens en matière financière. Chacun sait qu’une forêt est constituée, dans la majeure partie des cas, de plusieurs parcelles forestières constituant un ensemble: la propriété. C’est donc à partir de cet ensemble, que nous avons raisonné et développé le concept d’Entreprise Sylvicole; ainsi sont déterminés des besoins qui varient selon la structure de la propriété et le type de gestion, la taille est aussi un facteur très déterminant.

Nous obtenons alors des échéances plus «appréhendables» pour un banquier, de l’ordre de 7 ans en moyenne. Souvent même, il s’agit plus de besoins en trésorerie que de financement à moyen ou à long terme. Car la forêt réserve aussi des capacités d’épargne: l’Entreprise Sylvicole que nous évoquons n’est pas nouvelle, elle a un passé forestier capitalisé.

Pour ces raisons et afin de mettre en avant le principe d’entreprise sylvicole, il a été créé en 1992, la SODEF, Société de Développement de l’Economie Forestière, Sa au capital de 738 416 Euros. Cette société regroupe actuellement environ 780 actionnaires sylviculteurs, qui ainsi peuvent obtenir des facilités et moyens propres à financer l’activité sylvicole, en ce qui concerne les travaux en forêt ainsi que l’acquisition de forêts ou de terrains à boiser, et à concourir à l’amélioration de la gestion forestière.

MONTANT DU PRET

MINIMUM

MAXIMUM

(jusqu’à 76 225E)

VERSEMENTS

1 - TRAVAUX

Sylviculture, équipements forestiers et infrastructures

3 800 Euros

80% du montant du devis

sur présentation de la ou des factures originales

2 - GESTION FORESTIERE

Prêts relais sur subventions., outils et matériels pour améliorer la gestion forestière

3 800 Euros

Suivant les crédits disponibles jusqu’à 80% du montant du devis

sur présentation de la ou des factures originales

3 - RESTRUCTURATION DE LA PROPRIETE

Achats de parcelles, de parts de Sociétés civiles, partage successoral, indivision tendant à favoriser la restructuration de la propriété, à éviter le démembrement

3 800 Euros

80% du montant de l’opération plus frais

sur présentation des actes notariés

La SODEF propose aussi à ses actionnaires, la couverture d’un fonds de garantie, permettant aux sylviculteurs d’accéder à des prêts à taux bonifié et donc particulièrement attractifs.

1.3 - Un fonds de garantie

La couverture du risque et corrélativement la prise de garantie est le souci majeur d’un banquier puisque son coût est parfois cher. Or l ‘économie sylvicole ne peut supporter des coûts financiers «classiques».

Le système de garantie de la SODEF est calqué sur le principe de la mutualité. Il s’agit de constituer un Fonds de garantie sylvicole qui cautionne une partie du montant de l’emprunt et qui réduit le risque de non-paiement et donc la charge des garanties traditionnelles.

Ce Fonds est la propriété de la SODEF. Il est géré dans le cadre d’un compte nanti par la banque et son fonctionnement est ainsi totalement indépendant de la gestion courante de la société.

Ce Fonds de garantie est dit mutuel car il est alimenté par des cotisations sur chaque prêt accordé (un pourcentage du montant du prêt). Les emprunteurs sont solidaires dans la mesure où cette cotisation ou une partie de cette cotisation n’est remboursée que si l’état du Fonds le permet (c’est à dire s’il n’a pas eu à couvrir trop de défaillances).

Ce Fonds de garantie ne cautionne pas la totalité du prêt mais il s’ajoute à d’autres garanties, notamment par l’Etat qui contribue par cette forme au financement de ce système.

40% du montant du prêt

Ü garantis par le Fonds de Garantie professionnel de la SODEF

40% du montant du prêt

Ü garantis par le Fonds de Garantie Etat

20% du montant du prêt

Ü risque restant à la charge du partenaire bancaire

Grâce à cette couverture des risques, il y a pour le sylviculteur une réduction sensible des coûts financiers. Cependant ce seul argument ne suffit pas et doit s’accompagner d’un taux compétitif.

1.4 - Taux attractifs:

Compte tenu du taux de rentabilité faible de l’investissement en forêt, la SODEF a négocié dès sa création avec l’Etat et le Conseil Régional d’Aquitaine une prise en charge par ces partenaires publics d’une partie des intérêts des prêts consentis sous la forme d’une bonification. De ce fait, le taux des prêts devient compétitif et en adéquation avec la réalité de l’investissement forestier et de sa rentabilité.

Les arguments apportés aux pouvoirs publics pour permettre cette bonification ont été les suivants:

- Cette prise en charge des intérêts est un système moins coûteux et moins aléatoire que la subvention.

- La bonification, en laissant un part des intérêts à la charge du sylviculteur, ainsi que le capital à rembourser permet une meilleure responsabilisation des acteurs dans le suivi des investissements.

- Enfin, elle participe grandement à la planification du travail des entreprises en permettant aux sylviculteurs de mieux gérer son calendrier des travaux sans être limité à l’unique trésorerie disponible après les coupes.

- De plus, la bonification coûte moins chère pour les fonds publics de l’Etat et des collectivités.

Actuellement dans le système SODEF Aquitaine, l’Etat apporte une bonification de 2%, le Conseil Régional d’Aquitaine apporte aussi une bonification de 2% et prends en charge les frais annuels d’assurance décès-invalidité.

Taux final pour le sylviculteur = taux offert par la Banque - Bonifications

De ce fait, la SODEF a proposé en 2002 des prêts dont le taux se situait aux alentours des 2%. Mais depuis sa création, ils ont varié entre 2 et 5%

2.1 - La SODEF, un outil qui répond aux besoins des forestiers pour développer la sylviculture

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Près de 10 000 hectares de forêt ont déjà bénéficié en Aquitaine des financements proposés par la SODEF.

Contribution de la SODEF en hectares

La SODEF a notamment participé à l’investissement de:

2 Millions d’Euros de travaux.
près de 4,5 Millions d’Euros au titre de la restructuration de la propriété.
près de 0,5 Millions d’Euros d’achat de matériel.

En ce qui concerne les travaux et suivant les différents types d’opérations effectuées, cela représente plus de 4 800 journées de travail d’ouvrier.

De même, on peut estimer le montant de la TVA générée par les travaux financés par la SODEF à environ 0,5 Millions d’Euros.

Ce dernier chiffre est à rapprocher directement du coût de la bonification des prêts pour l’Etat pour les six premières années, soit 97 000 Euros.

2.2 - Le Bilan de la SODEF

L’activité de la SODEF est d’ailleurs en pleine accélération actuellement, grâce aux conventions signées durant l’été 2001 et apportant une bonification supplémentaire. De plus, les besoins des sylviculteurs et des Associations de Défense de la Forêt Contre l’Incendie sont de plus en plus présents après la tempête et seule la SODEF peut leur permettre de financer, hors subventions, les travaux à un taux raisonnable, en corrélation avec la modeste rentabilité de l’activité forestière.

Depuis le début de son activité en 1995, la SODEF a actuellement permis la mise en place de prêt de 300 dossiers de prêts à la sylviculture (prêts relais sur subvention, travaux, achat de matériel, restructuration...) pour un montant global de 7 millions d’Euros.


Exercice 1997-1998

Exercice 1998-1999

Exercice 1999-2000

Exercice 2000-2001

Exercice 2001-2002

Travaux

35%

36%

26%

21%

9,84%

Restructuration

32%

45%

50%

71%

46,87%

Matériels, gestion

6%

2%

6%

2%

6,93%

Crédit-Relais (dont DFCI)

27%

17%

18%

6%

36,36%

3 - Les objectifs: l’autonomie financière

CONCLUSION:

En 1997, à Antalya, le lancement de la SODEF vous avez déjà été présenté. Depuis, cet outil de financement unique de la forêt a progressé, à la fois dans son fonctionnement interne mais aussi dans les services proposés aux sylviculteurs emprunteurs. Mais même si cette expérience est réussie, elle ne doit pas rester figée. En effet, le système reste encore très largement perfectible surtout compte tenu de notre principal objectif qui reste l’autonomie financière au travers d’un Plan Epargne Forêt et dont j’espère avoir le plaisir de vous annoncer la réussite lors d’une prochaine communication.