Contribution à la remise en valeur des terres forestières dégradées de la zone périurbaine de Kinshasa (République Démocratique du Congo)

1055-B5

Contribution à la remise en valeur des terres forestières dégradées de la zone périurbaine de Kinshasa (République Démocratique du Congo)

Sébastien Malele Mbala (1)


Résumé

Les essais expérimentaux réalisés dans la zone périurbaine de Kinshasa démontrent que Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit et Calliandra calothyrsus Meissn, deux légumineuses fixatrices d'azote, produisent, au bout d'une année, des quantités substantielles d'engrais vert qui améliorent la fertilité des terres dégradées, d'une part et fournissent, d'autre part, des quantités non négligeables de bois de feu. L'engrais vert de Leucaena incorporé à un sol pauvre accroît considérablement le rendement en grain d'une culture de maïs. Par ailleurs, un sondage indique que les paysans de la zone périurbaine de Kinshasa sont prêts à adopter la méthode de culture en couloirs et de jachère améliorée comme substituts de la méthode de culture itinérante sur brûlis en vue de sédentariser leur agriculture, de stabiliser leurs rendements agricoles et de sauvegarder les lambeaux forestiers résiduels.


Introduction

Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, et ses environs, soit un rayon de 200 km, connaissent depuis plusieurs décennies une tendance à la régression rapide du couvert forestier. La forêt fait place à une savane herbeuse ou arbustive improductive avec pour conséquences majeures l'insatisfaction des besoins forestiers locaux, la baisse des rendements agricoles ainsi qu'une forte pression sur les lambeaux forestiers résiduaires.

Les principales causes de déforestation et de dégradation des terres forestières dans ces milieux sont incontestablement l'établissement répétitif des cultures agricoles d'autosubsistance selon la méthode des cultures itinérantes sur brûlis et le ramassage du bois comme source d'énergie par une population marginalisée, de plus en plus nombreuse, formée de citadins et paysans pauvres. Cette population dont le mode de vie est essentiellement tributaire des terres forestières n'a généralement pas d'autres choix pour répondre à ses besoins de subsistance. La disparition rapide des forêts de la zone ainsi que la dégradation des terres qui s'ensuit seront dramatiques dans un proche avenir, si les tendances actuelles se poursuivent, alors qu'elles sont indispensables pour élever le niveau de vie des populations qui en dépendent. La solution privilégiée jusqu'ici, à savoir le reboisement par l'Etat ou en régie n'a jamais permis de freiner, encore moins de mettre un terme à ce processus.

L'analyse des données biophysiques et socio-économiques de la zone et l'examen des faiblesses des actions mises en _uvre pour lutter contre cette dégradation nous ont conduit à préconiser l'agroforesterie comme la solution la plus indiquée et la plus durable, notamment dans son volet agrosylvicole basé sur la culture en couloir et la jachère améliorée. En effet, l'agroforesterie permet, entre autres, d'assurer le maintien de l'état boisé et d'améliorer la jachère forestière, en la rendant plus efficace dans sa capacité de régénérer la fertilité des sols. Son efficacité réside dans le fait qu'il peut répondre à la fois aux problèmes de régression du couvert forestier, de dégradation des sols, de satisfaction des besoins forestiers locaux et de maintien d'un état boisé permanent qui, dans une certaine mesure, n'entre pas en concurrence avec la production agricole. De plus, il est possible, par ce système, d'intéresser la population au processus de reconstitution du milieu forestier, contrairement à la méthode de reboisement en régie ou par l'Etat.

La haute priorité d'intervention qu'il convient d'accorder à la recherche de solutions au problème de régression du couvert forestier dont la disparition serait préjudiciable à la survie d'une population marginalisée nous a incité à expérimenter le système agrosylvicole, tout à n'ayant pas la prétention de résoudre tous les problèmes complexes du milieu visé.

I. Etudes des potentialités productives de Leucaena leucocephala et de Calliandra calothyrsus en engrais vert

1.1.- Matériel et méthodes

1.1.1.- Site expérimental

Cette expérience a été menée sur le site de Mputu, un village situé à 84 km par route, au sud de Kinshasa dans la province du Bas-Congo, territoire de Kasangulu, secteur de Lukunga-Mputu. Les coordonnées géographiques de ce site sont les suivantes : 480 m d'altitude, 15º32' de longitude est, 4º46' de latitude sud. Selon la classification de Köppen, ce site jouit d'un climat tropical chaud et humide du type AW4 (Bultot 1977).

1.1.2.- Sols et végétation

Les sols du site expérimental sont classés dans l'ordre des kaolisols et appartiennent à la série des sables ocres du système de Kalahari selon la classification de Sys (1958) cité par Compere 1970. Avant la mise en place du dispositif expérimental nous avons réalisé quelques analyses pédologiques que nous présentons aux tableaux 1 et 2, respectivement pour les propriétés chimiques et physiques.

Tableau 1 : Propriétés chimiques du sol du site expérimental(2)

pH H2O

M.O (%)

C (%)

N (%)

Pass (ppm)

K (méq/100g)

Ca (méq/100g)

Mg (méq/100g)

Na (méq/100g)

5,3

1,57

0,92

0,17

24,95

0,125

0,143

0,070

0,141

Tableau 2 : Propriétés physiques du sol (site expérimental)(3)

Limon (%)

Argile (%)

Sable (%)

3,17

4,94

91,89

Le terrain expérimental de Mputu, d'une superficie de 0,5 ha, est situé dans une savane arbustive. Cette savane est caractérisée par une strate graminéenne dominée par Pennisetum purpureum et une strate arbustive essentiellement formée d'Hymenocardia acida.

1.1.3.- Leucaena et Calliandra

Dans l'expérience, nous avons utilisé les semences de deux légumineuses, le Leucaena (Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit et le Calliandra (Calliandra calothyrsus Meissn) dont nous avons étudié l'adaptation au milieu en vue d'en faire usage dans le système de culture en couloirs ou d'amélioration des jachères. Ces semences nous ont été fournies par l'arboretum de Kibuye (Rwanda). Notre choix a été basé sur le grand nombre d'avantages qu'offrent ces deux légumineuses comme arbres à usages multiples (Brewbaker 1987, Brewbaker et al. 1989, National Academy of Sciences 1983).

1.1.4.- L'inoculum

Si d'après l'ICRAF 1987 et le National Academy of Sciences 1980 le Calliandra est moins dépendant des mycorhizes et du Rhizobium, par contre, le Leucaena en est fortement dépendant. Malgré leur croissance rapide, celle-ci peut être stimulée davantage par l'utilisation des souches appropriées d'endomycorhizes et de Rhizobium. Pour y parvenir nous avons utilisé une souche sélectionnée d'endomycorhize, le Glomus clarum, qui nous a été fournie par les chercheurs du laboratoire de physiologie végétale du département de biologie de l'université de Kinshasa. Car, selon Khasa et al. 1990 et Bulakali et al. 1990, cette souche permet d'accroître la phytomasse aérienne du Leucaena d'environ 270,4% en poids sec sur un sol naturel.

1.2.- Dispositif expérimental

Un dispositif expérimental en factoriel a été installé au site de Mputu. L'expérience a porté sur le comportement de deux légumineuses, Calliandra et Leucaena, nouvellement introduites dans le milieu après inoculation et selon différents écartements. Les traitements ont donc été déterminés par trois facteurs, à savoir, l'essence, l'inoculum et l'écartement. La combinaison de ces facteurs nous a donné un nombre de 12 unités traitées et de 12 témoins (non inoculés), soit un total de 24 unités expérimentales que nous avons répétées trois fois pour constituer, dans l'ensemble, 72 unités d'observations dont 36 témoins et 36 traitées.

Toutes les parcelles ont été espacées de deux mètres des unes les autres à l'intérieur d'une répétition, tandis qu'une distance d'un mètre a été laissée entre les répétitions. La longueur de chaque répétition était de 90,60 m et la largeur de 5,00 m, soit une superficie totale de 453 m2. La superficie totale du dispositif expérimental était de 4.530 m2 et celle occupée par l'ensemble des parcelles de 2.584 m2.

Les écartements ont été standardisés à 0,50 m dans les lignes d'arbres alors qu'ils étaient variables (1,50 m, 2,10 m, 2,25 m, 3,00 m, 3,60 m et 3,75 m) entre les lignes. Ces écartements peuvent permettre d'introduire entre les haies toute sorte de cultures vivrières dont le maïs (Zea mays), le niébé (Vigna unguiculata), le soja (Glycine soja) aux écartements respectifs de 0,30 m x 0,75 m, 0,15 m x 0,30 m et 0,5 m x 0,20 m. Le nombre de tiges dans chaque parcelle a été de 20 pour les deux essences, soit deux lignes de 10 tiges chacune formant un couloir où l'on peut intercaler les cultures.

1.3.- Résultats et discussions

1.3.1.- Résultats

Les résultats du premier essai s'articulent autour de la production et du rendement en engrais vert et en bois de feu frais en fonction des essences, des écartements et de l'inoculum. La pesée des émondes et du bois de feu produits par Leucaena et Calliandra après treize mois de croissance donne les résultats repris aux tableaux 3, 4 et 5.

Tableau 3 : Production d'engrais vert par tige, par essence et par traitement treize mois après la transplantation (en gramme)(4)

Ecartement (m)

Leucaena

Calliandra

Inoculé

Non inoculé

Inoculé

Non inoculé

0,50 x 1,50

1 044a

1 335a

2 402a

1 897a

0,50 x 2,10

964a

1 225a

1 942ab

1 797a

0,50 x 2,25

828a

1 075a

1 512ab

1 662a

0,50 x 3,00

784a

838a

1 465ab

1 154a

0,50 x 3,60

620a

792a

1 294ab

820a

0,50 x 3,75

339a

667a

976b

665a

Moyenne(*)

763a

989a

1 599b

1 333bc

876a

1 465b

Tableau 4 : Rendement en engrais vert de Leucaena et Calliandra treize mois après la transplantation (tonne/ha)(4)

Ecartement (en m)

Leucaena

Calliandra

Inoculé

Non inoculé

Inoculé

Non inoculé

0,50x1,50

9,947a

11,667b

25,890a

22,154a

0,50x2,10

7,358a

8,894a

16,010ab

15,972ab

0,50x2,25

6,425a

7,444a

13,437b

10,119bc

0,50x3,00

4,521a

7,167a

12,329b

7,807bc

0,50x3,60

4,358a

7,415a

7,813b

7,696bc

0,50x3,75

3,305a

4,222a

5,423b

3,695c

Moyenne(*)

5,986a

7,802ac

13,484b

11,240bc

6,894a

12,362b

Tableau 5 : Rendement en bois de feu frais de Leucaena et Calliandra treize mois après la transplantation (tonne/ha)(4)

Ecartement (m)

Leucaena

Calliandra

Inoculé

Non inoculé

Inoculé

Non inoculé

0,50x1,50

3,867a

8,529a

23,651a

23,161a

0,50x2,10

11,111a

13,175a

11,061ab

6,337bc

0,50x2,25

5,975a

6,000a

10,586ab

14,504ab

0,50x3,00

7,936a

6,731a

19,813a

4,758bc

0,50x3,60

4,037a

7,477a

3,047b

2,494c

0,50x3,75

3,285a

4,933a

6,258ab

7,704bc

Moyenne

6,037a

7,808a

12,403b

9,826ab

 

6,923a

11,115b

1.3.2.- Discussions

La production moyenne des émondes fraîches par tige nous donne une meilleure indication de l'influence des écartements d'une part, et de l'impact de l'inoculation sur l'accroissement en matière végétale aérienne fraîche des tiges d'autre part. L'analyse du rendement, quant à elle, nous permet de quantifier, en fonction des écartements, le volume des émondes utilisables à l'hectare en vue de l'amendement des terres agricoles et de bois de feu frais.

1.3.2.1.- Production des émondes par tige et par essence

Il ressort du tableau 3 que la production moyenne de feuillage frais par tige est de 1.465 g pour Calliandra; elle est de 876 g pour Leucaena. Calliandra est donc plus productif en feuillage que Leucaena. Cette différence est statistiquement significative à P = 0,05. D'une manière générale, les écartements utilisés n'ont pas montré de différence statistiquement significative, excepté pour Calliandra inoculé.

Les parcelles non inoculées de Leucaena ont produit 989 g de feuillage frais par tige en moyenne tandis que les parcelles inoculées en ont produit moins, soit 763 g. Cependant, il n'y a pas de différence statistiquement significative entre ces deux valeurs.

Contrairement aux études menées ailleurs (ICRAF 1987 et National Academy of Sciences 1980) qui soutiennent que Calliandra est moins dépendant des mycorhizes et du Rhizobium, ce sont au contraire les parcelles inoculées de cette essence qui ont produit plus d'émondes fraîches par tige que les parcelles non inoculées, sans toutefois qu'il y ait une différence significative entre les valeurs observées. Ces valeurs sont respectivement de 1.599 g et 1.333 g.

La différence significative notée entre les deux essences se rencontre dans le cas des parcelles inoculées; la comparaison entre les valeurs des parcelles non inoculées des deux essences ne montre en effet aucune différence significative au seuil de probabilité de 95%.

1.3.2.2.- Rendement en engrais vert

Du tableau 4, nous pouvons constater que la production moyenne d'engrais vert à l'hectare pour Calliandra est supérieure à celle de Leucaena, avec respectivement 12,362 tonnes et 6.894 tonnes. L'on ne décèle pas de différence statistiquement significative entre les parcelles inoculées et non inoculées de chaque essence, et les tendances relevées au niveau des moyennes par tige se maintiennent dans toutes les observations faites sur Leucaena.

Pour Calliandra par contre, nous notons des valeurs qui se démarquent, accusant des différences significatives au seuil de probabilité de 95%. Il s'agit notamment des valeurs obtenues pour l'écartement 0,50 m x 1,50 m des parcelles inoculées et non inoculées qui sont nettement différentes des autres, hormis de celles des écartements 0,50 m x 3,00 m des parcelles inoculées et de 0,50 m x 2,25 m des parcelles non inoculées. Comme on peut le remarquer, Calliandra arrive toujours en tête avec des rendements variant entre 3,695 t/ha et 25,890 t/ha selon les écartements alors que Leucaena vient en seconde position avec des rendements à l'hectare se situant entre 3,305 t/ha et 11,667 t/ha.

Il y a lieu toutefois de retenir que d'une manière générale, le nombre de tiges à l'hectare étant plus élevé pour les petits écartements, leur rendement à l'hectare s'en trouve augmenté.

1.3.2.3.- Rendement en bois de feu frais

Il ressort du tableau 5 que toutes les tendances discutées précédemment se trouvent confirmées ici. En effet, Calliandra continue à dépasser de façon significative Leucaena même en ce qui concerne la production à l'hectare de bois de feu. Une quantité de 11,115 tonnes de bois vert de Calliandra peut être récoltée à l'hectare au bout de treize mois de croissance contre 6.923 tonnes pour Leucaena.

II. Essai de restauration de la fertilité des sols avec l'engrais vert de Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit

2.1.- Matériel et méthodes

2.1.1.- Site expérimental

Cette expérience a été menée sur le site de l'Université de Kinshasa, dans le jardin expérimental du département de biologie. Les coordonnées géographiques de ce site sont les suivantes : 440 m d'altitude, 15º17'17'' de longitude est, 4º21'57''de latitude sud. Selon la classification de Köppen, ce site jouit d'un climat tropical chaud et humide du type AW4 (Bultot 1977).

2.1.2.- Sol

Le sol du site expérimental est classé dans l'ordre des kaolisols et appartient à la série de sables ocres du système de Kalahari selon la classification de SYS (1958) (Compere 1970). Les résultats des analyses pédologiques réalisées avant la mise en place du dispositif expérimental sont présentés aux tableaux 5 et 6, respectivement pour les propriétés chimiques et physiques. Dix échantillons, à raison d'un par 25 m2, ont été extraits pour vérifier l'homogénéité du sol du site dont le terrain expérimental s'étendait sur un quarantième d'hectare (250 m2).

Tableau 5 : Propriétés chimiques du sol du site expérimental(2)

pH H2O

M.O. (%)

C (%)

N (%)

Pass (ppm)

K (Méq/100g)

Ca (Méq/100g)

Mg (Méq/100g)

Na (Méq/100g)

5,5

0,60

0,08

0,02

5,51

0,010

0,449

0,138

0,109

Tableau 6 : Propriétés physiques du sol du site expérimental (3)

Limon (%)

Argile (%)

Sable (%)

1,06

5,45

93,49

Dans le but de nous assurer de l'effet éventuel de micro sites, un échantillon a été prélevé dans chacune des parcelles expérimentales après avoir mis en place le dispositif. Nous avons espéré de cette manière pouvoir mettre en relief les modifications qui auront été apportées au sol à la suite de nos traitements.

2.1.3.- Végétation

Le jardin expérimental du département de biologie, d'une superficie de 0,2 ha, est essentiellement couvert d'une végétation herbacée maintenue par la pauvreté intrinsèque du site. Les espèces herbacées dominantes sont par ordre d'importance : Brachiaria ruziziensis, Panicum maximum, Paspalum notatum, Paspalum conjugatum, et Cesamum radiatum.

2.1.4.- Emondes fraîches de Leucaena

Pour notre expérience, nous avons utilisé les émondes fraîches de Leucaena récoltées çà et là dans les alentours du jardin expérimental. Le Leucaena a été retenu pour son action positive sur l'amélioration de la fertilité des sols, car capable de produire, après cinq élagages annuels, plus de 230 kg d'azote par hectare et par an dans le système de culture en couloirs (Redhead et al., 1981).

Après récolte, les émondes fraîches de Leucaena leucocephala ont été préalablement pesées avant d'être émiettées et étalées uniformément sur les plates bandes ouvertes jusqu'à une profondeur de dix centimètres. Immédiatement après ces opérations, les émondes ont été recouvertes d'une petite couche de terre d'environ dix centimètres. Seules les éléments de petite dimension, c'est-à-dire les feuilles et les ramilles, et de tout âge (vieux et jeunes), étaient cueillis et enfouis. Une quantité totale de 282,240 kg d'émondes fraîches a été récoltée dans l'ensemble.

2.1.5.- Zea mays L. (Maïs)

La variété de maïs retenue pour notre essai est la GPS5 pour diverses raisons. En effet, le Service national de semences (SENASEM), recommande cette variété dans la zone périurbaine de Kinshasa, car elle est adaptée aux conditions du milieu en raison de sa bonne résistance à la verse, aux attaques et aux maladies. De plus, la variété GPS5 est préférée par la population locale pour le goût de ses grains et la qualité de sa farine.

2.2.- Dispositif expérimental

Un dispositif en blocs complets aléatoires a été mis en place sur le site expérimental. L'étude a porté sur l'effet de différentes quantités d'engrais vert de Leucaena incorporées au sol sur le rendement en grains de maïs. Les traitements ont donc été basés sur un seul facteur qui est la quantité d'engrais vert de Leucaena. Dix traitements ont été retenus, à savoir:

(1) 6 kg/m2, (2) 4,5 kg/m2, (3) 4 kg/m2, (4) 3,5 kg/m2, (5) 3 kg/m2, (6) 2,5 kg/m2, (7) 2 kg/m2, (8) 1,5 kg/m2, (9) 1 kg/m2, (10) 0 kg/m2 ce qui, ramené à l'hectare, correspond respectivement à 60, 45, 40, 35, 30, 25, 20, 15, 10 et 0 tonnes d'émondes fraîches.

Dix traitements, correspondant à dix parcelles de 2,52 m2 (1,20 m x 2,10 m) chacune, ont été distribués de façon aléatoire dans le bloc et ce dernier a été répété quatre fois en prenant soin de redistribuer aléatoirement les unités dans chaque répétition. Les quantités d'émondes fraîches correspondant aux traitements précités ont été respectivement les suivantes en kilogrammes par parcelle : (1) 15,120, (2) 11,340, (3) 10,080, (4) 8,820, (5) 7,560, (6) 6,300, (7) 5,040, (8) 3,780, (9) 2,520, (10) 0,0. Le maïs ayant été semé aux écartements de 0,30 m x 0,70 m, soit une densité de 47.619 pieds à l'hectare, chaque parcelle a reçu 12 plants. Dans l'ensemble, quarante unités d'observations ou parcelles ont été installées. Les unités ont été espacées de 0,50 m les unes les autres dans et entre les blocs. Chaque bloc a reçu 70,56 kg de biomasse fraîche de Leucaena, soit un total de 282,24 kg pour les quatre répétitions.

2.3. Résultats et discussions

Les résultats de notre expérience sont donnés au tableau 7. Ce dernier montre les rendements de maïs en fonction de différentes quantités d'engrais vert de Leucaena incorporées au sol.

Tableau 7 : Rendement en grains de maïs en fonction de différentes quantités d'engrais vert de Leucaena incorporées au sol(4)

Engrais vert
de Leucaena
(tonne/ha)

Rendement en grains de maïs
(tonne/ha)

Rendement
marginal
(tonne/ha)

Coefficient
de variation
(en %)

Accroissement
du rendement par rapport au témoin

60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
0

4,134a
3,878a
3,623a
3,365ab
2,840bc
2,585bcd
2,556bcd
2,360bcd
2,163cde
1,692de
1,239ef
0,457f

0,256
0,255
0,258
0,525
0,255
0,029
0,192
0,197
0,471
0,453
0,391
-

5,15
3,68
4,03
2,94
16,18
9,70
18,30
31,01
45,08
15,22
51,48
56,15

9,1
8,5
7,9
7,4
6,2
5,7
5,6
5,2
4,7
3,7
2,7
1,0

A la lumière des résultats obtenus, il apparaît que les quantités de maïs produites en fonction de différents traitements ont été proportionnelles aux doses d'engrais vert de Leucaena enfouies. Pour des quantités d'engrais vert comprises entre 10 et 60 tonnes à l'hectare, nous avons obtenu des rendements en grains variant entre 1,239 tonnes à 4,134 tonnes à l'hectare. Par comparaison avec les traitements témoins où nous avons obtenu en moyenne 0,457 tonne de maïs à l'hectare, nous pouvons affirmer que l'apport d'engrais vert de Leucaena a permis d'accroître le rendement en grains de maïs dans des rapports qui vont de 2,7 à 9,1 selon les quantités d'émondes utilisées. L'étude de corrélation a donné un coefficient de 0,87 hautement significatif au seuil de probabilité de 99% entre le rendement en grains de maïs et la quantité d'émondes fraîches de Leucaena.

Les coefficients de variation ont accusé des écarts importants pour les traitements de 0, 10 et 20 tonnes d'engrais vert à hectare. Il semble évident que des facteurs extérieurs non identifiés ont du influencer la production dans ces traitements. L'examen des résultats de l'analyse des échantillons de sol prélevés avant la mise en place du dispositif expérimental n'a pas permis de déceler de variation notable entre les échantillons de sol, car les valeurs des coefficients de variation des principaux éléments que sont le pH, le carbone, l'azote, le phosphore, la somme des bases échangeables et la capacité d'échange cationique ont été de 3%, 17%, 20%, 18%, 5% et 8% respectivement.

Dans le contexte de notre expérience, la plage de 0 à 60 tonnes à l'hectare d'engrais vert ne nous a pas permis d'indiquer la quantité optimale à utiliser dans le système de culture en couloirs ou d'amélioration de jachère dans la zone périurbaine, les quantités accrues d'engrais vert ayant donné des rendements croissants. Néanmoins, il se dégage de l'analyse du rendement marginal (tableau 7 et figure 1) que le niveau d'apport en engrais vert recommandable se situerait aux environs de 15 à 20 tonnes à l'hectare. Car, de l'étude précédente, il s'est avéré possible de produire près de 15 tonnes d'engrais vert de Leucaena par hectare au bout d'une année aux écartements de 0,50 m x 1,50 m sur un sol très dégradé (Malele 1991).

Conclusions et recommandations

Il découle des résultats des essais que le Leucaena et le Calliandra peuvent être introduites avec succès dans la zone périurbaine de Kinshasa pour lutter contre la dégradation des terres. La recherche a mis en évidence la supériorité des petits écartements dans le rendement en émondes fraîches de même que celle de Calliandra sur Leucaena. Cependant, ce rendement ne dépasse pas 12 t/ha pour Leucaena et 26 t/ha pour Calliandra en fonction des écartements. L'inoculation avec la souche Glomus clarum en sol naturel n'a pas été bénéfique à la productivité en émondes fraîches de Leucaena dans les conditions du site expérimental de Mputu.

Dans le système de cultures en couloirs, il serait indiqué, pour les premières années, d'exploiter les petits écartements qui favorisent une production importante d'engrais vert entre les haies. Une haie sur deux pourra par la suite être éventuellement supprimée aussitôt que le sol aura été suffisamment enrichi en matière organique et en éléments minéraux. Ce qui permettrait d'éviter la concurrence entre les ligneux et les cultures, comme le suggèrent les recherches antérieures (Kang et al. 1981, 1985, 1987; Rachie, 1981, Redhead et al. 1981, Wilson et al. 1981).

Les essais ont montré que l'amendement du sol avec des émondes fraîches de Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit accroît la productivité d'un sol pauvre dans des proportions très avantageuses. Le rendement en grains de maïs s'est accru dans des rapports qui vont de près de 3 à 9 par rapport aux témoins et en fonction des quantités d'engrais vert utilisées. Par contre, la plage de 0 à 60 tonnes par hectare d'émondes fraîches ne permet pas d'indiquer la quantité optimale à utiliser, les quantités accrues donnant des rendements croissants. Néanmoins, sur base de la disponibilité de l'engrais vert, nous optons pour des quantités de 15 à 20 tonnes à l'hectare.

Des résultats obtenus, nous pouvons dire en toute objectivité qu'il y aurait intérêt à exploiter, dans les terres dégradées des environs de la ville de Kinshasa, des jachères artificielles permanentes de Leucaena et de Calliandra comme substitut de la méthode de culture itinérante sur brûlis. Cela constituerait une solution durable aux problèmes d'appauvrissement des sols, d'instabilité des rendements agricoles et de régression des lambeaux forestiers.

Ouvrages consultés

1. Brewbaker, J.L., 1987. Leucaena: a genus of multipurpose trees for tropical Agroforestry. In : Agroforestry: a decade of development. (Steppler, H.A. and Nair, P.K.R. eds.). Naïrobi. ICRAF. pp289-323.

2. Brewbaker, J.L. et C.T. Sorensson, 1989. Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit. In: PROSEA: Plant resources of Southest Asia. Wageningen. CTA. pp.172-175

3. Bulakali, B. et P. Khasa, 1990. Technologie d'inoculation endomycorhizienne en relation avec les méthodes culturales usuelles au Zaïre. Rapport de l'an 1 du projet Endomycorhizes 3-p-86-1031-02, février 1989-décembre 1989. Département de Biologie. Université de Kinshasa. Kinshasa, Zaïre. 40pp.

4. Bultot, F., 1977. Atlas climatique du bassin zaïrois, quatrième partie. Hors série. Institut pour l'étude agronomique du Congo (INEAC). Bruxelles.

5. Compere, P., 1970. Carte des sols et de la végétation du Congo, du Rwanda et du Burundi. Livraison 25: Bas-Congo. A: Notice explicative de la carte des sols. Publ. INEAC, Bruxelles.

6. ICRAF, 1987. Short notes on some of the multipurpose trees grown at the ICRAF station, Machakos, Kenya. Calliandra calothyrsus Meiss and Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit notes. In: ICRAF field station, Machakos, Kenya. Status report, march 1987.

7. Kang, B.T., G.F. Wilson and L. Sipkens, 1981. Alley cropping maize (Zea mays L.) and leucaena (Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit) in Southern Nigerie. Plant and soil, pp.165-197.

8. Kang, B.T., H. Grimme and T.L. Lawson, 1985. Alley cropping sequentially cropped maize and cowpea with leucaena (Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit) on sandy soil in Southern Nigeria. Plant and soil. pp.267-277.

9. Kang, B.T. et G.F. Wilson, 1987. La culture en couloirs: une technique agroforestière pleine de promesse. IITA, Ibadan, Nigeria. 24pp.

10. Khasa, P. et B. Bulakali, 1990. Adaptation des techniques d'inoculation mycorhizienne aux plantes agroforestières du Zaïre en vue d'en accroître la productivité. Rapport final du projet symbioses racinaires 3-p-84-0132 du Département de Biologie. Université de Kinshasa, Zaïre. 38p.

11. National Academy of Sciences, 1980. Firewood crops :shrubs and tree species for energy production. Volumes 1 and 2 National Academy Press, Washington, DC. 52pp.

12. National Academy of Sciences, 1983. Calliandra : a versatile small tree for the humid tropics. Innovations in tropical reforestation series. National Academy Press, Washington, DC. 52pp.

13. Rachie, K.O., 1981. Intercropping tree legumes with annual crops. In : Plant research and agroforestry. Proceedings of consultative meeting held in Nairobi, 8 to 15 april 1981. Edited by P.A. Huxley, ICRAF, Nairobi, Kenya. pp.103-116.

14. Redhead, J.F., J.A. Maghembe and B.J. Ndunguru, 1981. The intercroping of grain legumes in agroforestry systems. In: Plant research and agroforestry. Proceedings of consultative meeting held in Nairobi, 8 to 15 april 1981. Ed. P.A. Huxley, ICRAF, Nairobi. pp.117-124.

15. Wilson, G. and B.T. Kang, 1981. Developping stable and productive biological cropping systems for the humid tropics. In: Biological husbandry: a scientific approch to organis farming. B. Stonehouse, ed. London, Butterworth. pp.193-203.


(1) Ingénieur forestier, Maître en sciences forestières, Chef de Division aménagement forestier, Service Permanent d'Inventaire et d'aménagement forestiers (S.P.I.A.F.), Ministère des affaires foncières, environnement et tourisme, République Démocratique du Congo

1 35, Avenue Pumbu, Kinshasa/Gombe
B.P. 10.120 Kinshasa I/Gombe
République Démocratique du Congo
Tél. : +243 81 50 80 720
E-Mail : [email protected]

(2) Le carbone organique a été déterminé par la méthode Walkley-Black, le phosphore disponible par la méthode Bray II, l'azote total par macroKjeldahl, les bases échangeables (K, Ca, Mg, Na), extraites au nitrate d'ammonium, ont été dosées par spectrophotométrie d'absorption atomique.

(3) Les fractions de limon, d'argile et de sable ont été dosées par sédimentation selon le loi de Stokes après décarbonatation

(4) Les valeurs d'une même colonne suivies par une même lettre ne sont pas significativement différentes à P=0,05 (Test de Duncan). L'astérisque (*) indique que la comparaison se fait selon la rangée et non selon la colonne.