FAO au Cameroun

Réduire les conflits agropastoraux liés à la transhumance sur le couloir Nord/Adamaoua/Est du Cameroun

26/11/2020

La République Centrafricaine traverse depuis de nombreuses années des conflits internes et une instabilité sociopolitique qui a provoqué au fil des ans, un exode de populations vers les pays voisins et en particulier le Cameroun. Cette dynamique migratoire a été marquée par une part significative d’éleveurs se déplaçant avec leur bétail, avec comme résultante l’émergence de conflits et tensions autour des ressources naturelles au sein des communautés hôtes au Cameroun. Les affrontements entre communautés se sont parfois soldés par des pertes en vies humaines et en bétail, ainsi que la destruction des cultures. L’impact direct de ces conflits en termes de perte de moyens de subsistance et d’accroissement de l’insécurité alimentaire des populations, conduit ces dernières, particulièrement les femmes et les jeunes, à recourir à des stratégies de survie négatives pour pallier à la vulnérabilité économique. Depuis mars 2013, c’est en effet plus de 50.000 éleveurs centrafricains qui ont trouvé refuge dans les régions de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord. La pression sur les ressources en eau et en pâturages y est aisément observable et objectivable.

Améliorer la cohésion sociale entre éleveurs et agriculteurs par des activités communautaires et génératrices de revenus

Face à cette situation qui évolue et perdure, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) se sont alliées à la mi-2020 pour mettre en œuvre dans les régions de l’Est, l’Adamaoua et le Nord Cameroun, un projet visant à réduire les tensions/conflits liés à l’utilisation des ressources naturelles pour les activités agropastorales. Sur financement du Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies, l’objectif visé par cette intervention est l’amélioration de la cohésion sociale entre les différentes communautés à travers une meilleure gestion des conflits agropastoraux dans les trois régions cible. Ce projet s’inscrit dans le cadre de programmation pays du système des Nations Unies qui soutient les réformes politiques et institutionnelles visant à renforcer la consolidation de la paix, la prévention des conflits et le maintien de la cohésion sociale. Il constitue un effort concerté pour adresser les situations de crise en renforçant la capacité des communautés à faire face aux chocs sociaux, économiques et environnementaux.

Pour parvenir à ses fins, le projet se décline sur trois axes opérationnels. Un premier consistant en la réalisation de la cartographie des couloirs de transhumance et la mise en place du dispositif Transhumance Tracking Tool (TTT)[1]. L’analyse des données collectées facilitera une meilleure compréhension de la question migratoire des pasteurs permettant ainsi d’adresser des réponses adaptées, concertées et cohérentes à la problématique de transhumance.

Le second axe quant à lui contribuera à travers des activités communautaires et génératrices de revenus, à mettre en exergue la complémentarité entre l’élevage et l’agriculture. Ces activités permettront d’améliorer l’intégration et la cohésion sociale entre éleveurs et agriculteurs, ainsi que de stimuler le tissu économique au sein des communautés bénéficiaires. Dans le but d’améliorer les revenus des ménages, le projet a identifié mille bénéficiaires d’activités génératrices de revenus (AGR) par l’agriculture et l’élevage. Ces derniers recevront un accompagnement technique et financier pour des activités telles que les petits élevages laitiers, la production avicole, la transformation du manioc et la culture maraichère.

Le troisième axe de mise en œuvre du projet concerne la mise en place et/ou la réhabilitation d’infrastructures socioéconomiques de base. Ces ouvrages incluent entre autres le balisage des couloirs de transhumance, l’assainissement des pâturages et la mise en œuvre collective des activités de reboisement. 400 bénéficiaires ont été ciblés pour être impliqués dans ces activités. A ce jour, 35.000 des 50.000 plants d’arbres prévus par le projet ont déjà été mis en terre. Vingt-huit localités de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord sont concernées par cette activité pour en recouvrir le couvert végétal et en reconstituer les champs fourragers. Autour des ouvrages ciblés, la FAO prévoit d’accompagner l’établissement de comités de gestion garants de la durabilité et de l’exploitation optimale de ces biens collectifs au service du plus grand nombre.

Un projet inclusif et participatif

Tenant en compte toutes les tranches et couches de la société bénéficiaire, ce projet se veut participatif et inclusif. Il est mené avec la contribution de la communauté notamment les jeunes et les femmes, au travers de la modalité Argent contre travail (ACT)[2]. A Gado-Badzéré, localité de la région de l’Est et refuge de plus de 25.000 ressortissants centrafricains, ce projet suscite beaucoup d’espoir. « Nous voulons le changement ; notre village doit progresser et se développer pour le bien des populations hôtes et des réfugiés » confie Sa Majesté Martin Azia, Chef de la localité. Pour Julienne, bénéficiaire des AGR, il est davantage question de contribuer à améliorer le quotidien de tous : « Mon objectif au terme de cette formation est d’en avoir appris suffisamment pour partager mes connaissances avec les autres. Je veux aller de village en village afin que d’autres comme moi puissent en bénéficier ; je n’ai rien payé, la connaissance est venue jusqu’à moi ».

A la lecture de ce témoignage, l’on note que cohésion et appropriation sont les deux principes clé que le projet ambitionne de soutenir à des fins pérennes.



[1] Outil de collecte et d’analyse des données sur la dynamique pastorale développé par l’OIM.

[2] Argent contre travail : opportunité d’emploi temporaire conçue pour fournir un accès à un salaire en cash tout en encourageant la participation dans les efforts de réhabilitation de la communauté.