FAO en Côte d'Ivoire

Construire une culture résiliente du cacao en Côte d'Ivoire

09/08/2022

Quatre-vingt-dix pour cent des fèves de cacao du monde sont cultivées et récoltées dans de petites exploitations familiales d'Afrique de l'Ouest et plus de la moitié du cacao mondial provient de deux pays seulement, le principal exportateur étant la Côte d'Ivoire64 pour cent de la superficie totale du pays est consacrée à la production agricole.

 L'agriculture, la sylviculture et la pêche sont des secteurs importants de l'économie ivoirienne. Néanmoins, l'agriculture est confrontée à des défis, tels que la déforestation, l'érosion des sols et les impacts du changement climatique. La hausse des températures, les saisons sèches prolongées et la fréquence accrue des inondations modifient les écosystèmes fragiles du pays et affectent les chaînes agroalimentaires et les communautés agricoles rurales.

 Le cacao est un produit de base essentiel au développement économique et social qui stimule la croissance de la Côte d'Ivoire. En 2017, la production nationale de cacao a atteint 2 millions de tonnes, représentant environ 40 pour cent des exportations mondiales et contribuant à 10 pour cent du PIB du pays. Alors que les agriculteurs de la Côte d'Ivoire dépendent du cacao à hauteur de 74 pour cent de leurs revenus, sa production a été une cause majeure de déforestation au cours des dernières décennies, entraînant des changements de paysage, une perte de la biodiversité et une réduction de la capacité d'absorption des émissions de carbone par les forêts.

 Pour préserver la qualité de ses paysages, de ses produits de base et de son économie grâce à une action climatique renforcée, la Côte d'Ivoire s'est associée au programme d’Appui à l’intensification de l’ambition climatique pour l’utilisation des terres et l’agriculture à travers les contributions déterminées au niveau national et les Plans nationaux d’adaptation (SCALA) de la FAO et du PNUD. Ce dernier est financé par l'Initiative internationale pour le climat (IKI) de l'Allemagne et permet de soutenir davantage la mise en œuvre des plans climatiques agricoles. Le programme a été lancé en avril 2022 à Abidjan, en marge de la 15e Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et en parallèle du lancement du Programme Héritage d'Abidjan.

 Le programme SCALA s'est entretenu avec le point focal SCALA du bureau du PNUD à Abidjan, M. Jean Douglas Anaman, afin d'en savoir plus sur la manière dont le programme aidera la Côte d'Ivoire à renforcer son action dans le domaine de l'agriculture et de l'utilisation des terres, en mettant l'accent sur les paysages agroforestiers durables situés autour des cultures de cacao.

 SCALA : Pourriez-vous décrire certaines des priorités en matière d'adaptation et d'atténuation dans le domaine de l'agriculture et de l'utilisation des terres qui sont décrites dans les plans climatiques de votre pays ?

 M. Anaman: La Côte d'Ivoire a communiqué ses contributions déterminées au niveau national (CDN) révisées qui se concentrent sur les secteurs de l'agriculture, de la pêche et de la foresterie. Nos principales priorités en matière d'adaptation consistent à accroître la résilience au changement climatique dans les secteurs de l'agropastoralisme et de la pêche, à promouvoir des pratiques agricoles qui protègent la santé des sols, à mettre en place des mesures de protection contre les risques climatiques, à renforcer le système national d'information agro-climatique, à améliorer la gouvernance des ressources forestières, à renforcer les zones protégées et à restaurer les terres dégradées. Ces mesures sont conformes au plan national d'adaptation (PNA) en cours d'élaboration. En ce qui concerne les priorités en matière d'atténuation, le pays prévoit de réduire les émissions de GES causées par la combustion des résidus agricoles, l'inondation des systèmes de production de riz et du bétail, ainsi que de réduire considérablement la déforestation et d'augmenter les stocks de carbone forestier.

 SCALA : Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la réalisation de ces objectifs ?

 M. Anaman: La Côte d'Ivoire a fait des efforts considérables pour intégrer les priorités d'adaptation et d'atténuation dans ses plans de développement nationaux. Cependant, il existe des obstacles au niveau institutionnel qui empêchent la réalisation de ces objectifs. Il est nécessaire de renforcer la coopération entre les niveaux national et infranational. Il y a également une absence de mécanismes de coordination intersectorielle pour les CDN et de système de mesure, notification et vérification (MRV). En ce qui concerne les ressources techniques et les connaissances, la disponibilité limitée d'informations factuelles, les incohérences des données existantes et l'insuffisance des recherches sur les facteurs d'émission sont des contraintes importantes. En outre, les barrières financières restent un obstacle considérable à la réalisation des objectifs climatiques. Par exemple, il n'existe pas de stratégie spécifique de mobilisation des ressources pour les efforts d'adaptation au changement climatique et d'atténuation de ses effets. Il est aussi difficile d'accéder au financement climatique par des mécanismes externes.

SCALA : En gardant à l'esprit les priorités clés fixées pour le secteur de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, où pensez-vous que le secteur privé peut contribuer le plus ?

 M. Anaman : Bien qu'il soit nécessaire de renforcer l'engagement du secteur privé en Côte d'Ivoire, certaines entreprises se sont déjà engagées avec succès dans l'action climatique agricole. Par exemple, les entreprises du secteur du cacao (CEMOI, CARGIL, SIFCA, Mondelèz) soutiennent la mise en œuvre de bonnes pratiques de culture du cacao pour améliorer les rendements, vulgariser l'agroforesterie dans la culture du cacao et améliorer la traçabilité de la production et la professionnalisation des producteurs de cacao. Par ailleurs, le potentiel de financement du secteur privé a été exploré dans le cadre du processus PNA et une plateforme de dialogue avec le secteur privé a été mise en place pour soutenir l'implication du secteur privé dans l'adaptation au changement climatique. Pour renforcer ces contributions, le secteur privé pourrait s'engager dans des efforts visant à renforcer les systèmes d'information agro-climatiques, à promouvoir des pratiques agricoles adaptatives, à soutenir le secteur agropastoral par le développement de programmes d'agriculture intelligente face au climat pour les cultures importantes et à aider à restaurer les terres et les forêts dégradées, tout en impliquant les communautés locales et les femmes.

 SCALA : La Côte d'Ivoire bénéficie de SCALA pendant 5 ans. Comment le programme peut-il soutenir le pays dans ces efforts ?

 M. Anaman : L'approche systémique adoptée par le programme SCALA peut aider à renforcer l'intégration de l'adaptation au changement climatique dans les politiques sectorielles et à améliorer la gestion de l'utilisation des terres au niveau institutionnel. Au niveau technique, le programme peut contribuer à promouvoir les pratiques agroforestières à fort potentiel de séquestration du carbone, à renforcer l'égalité des sexes dans les secteurs de l'agriculture et de l'utilisation des terres, et à soutenir des approches innovantes de comptabilisation du carbone adaptées au cacao. En outre, il permettra un inventaire des informations existantes sur les risques climatiques et la vulnérabilité du système cacaoyer, ainsi qu'une étude de faisabilité pour l'établissement d'une plateforme nationale de financement climatique pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l’utilisation des terres.

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 Le programme SCALA joue un rôle important dans l'accélération de la mise en œuvre des engagements décrits dans la CDN et le PNA de la Côte d'Ivoire. Grâce au programme SCALA, la FAO et le PNUD s'efforceront de surmonter les obstacles aux niveaux institutionnel, technique et financier pour créer un processus multipartite inclusif qui aide à combler les lacunes et à améliorer les capacités pour atteindre les objectifs climatiques du pays tout en se concentrant sur les paysages agroforestiers durables autour de la culture du cacao. Le programme collaborera avec des initiatives existantes, telles que le projet financé par le FVC sur la promotion de la production de cacao sans déforestation pour réduire les émissions ; le projet Green Commodity sur les plans de restauration de l'agriculture et des forêts ; le projet Renforcement de l'intégration de l'adaptation au changement climatique dans la planification du développement en Côte d'Ivoire.